Les syndromes aortiques aigus (SAA) regroupent plusieurs maladies aigües de l’aorte, liées entre elles et ayant une symptomatologie commune [100, 152] :
– la dissection aortique classique (DA),
– l’hématome intramural aortique (HIMA) ou hématome de paroi,
– et l’ulcère athéromateux pénétrant de l’aorte (UAPA).
C’est une urgence médico-chirurgicale redoutable, mettant rapidement en jeu le pronostic vital. C’est une pathologie complexe et dynamique avec des mécanismes physiopathologiques variés, susceptibles d’être à l’origine d’une rupture ou d’une ischémie viscérale. Elle s’inscrit dans un contexte physiopathologique et épidémiologique associant hypertension artérielle, athérome, bicuspidie, syndrome de Marfan, syndrome d’Ehlers-Danlos, maladie annulo-ectasiante. L’ensemble de ces facteurs contribuent à fragiliser l’intima et la média [100].
Ces maladies ont en commun une survenue brutale et, toutes causes confondues, un risque de rupture aortique de 20 %, les UAPA aortiques ayant le risque le plus élevé : 40 %, contre 7 % pour les DA type A et 3,6 % pour les DA type B [114]. Le tableau est souvent trompeur à cause du polymorphisme clinique ; cependant le diagnostic de syndrome aortique aigu doit être suspecté et évoqué devant toute douleur thoracique. Une fois le diagnostic suspecté, le patient doit être orienté le plus rapidement possible vers un centre hospitalier ou un service spécialisé en l’occurrence une unité de soins intensifs cardiologique de préférence située à proximité d’une unité de chirurgie cardio-vasculaire.
Depuis quelques années, les syndromes aortiques aigus ont fait l’objet de nombreux progrès tant sur le plan diagnostique grâce à l’apport de l’imagerie, que sur le plan thérapeutique grâce à la chirurgie conventionnelle endovasculaire et aux techniques de réanimation.
DEFINITIONS
Le terme de « syndrome aortique aigu » est né de la classification proposée par les cardiologues [79] pour les malades de l’aorte thoracique. Cette appellation permet de préciser au-delà de la localisation anatomique, le type d’atteinte de la paroi aortique. Le syndrome aortique de type B étant défini par l’absence d’atteinte de l’aorte ascendante. La définition de la dissection de l’aorte est anatomopathologique : elle associe une déchirure de l’intima et des couches médiales intimes, à un clivage longitudinal des médias de l’aorte (thoracique, abdominale et éventuellement de leurs branches) [131]. L’hématome de la paroi aortique est une hémorragie spontanée intramurale aortique située entre les deux tiers internes et le tiers externe de la média, sans brèche ou rupture de l’intima de l’aorte et sans communication avec la lumière artérielle proprement dite [36 ,121]. L’ulcère athéromateux pénétrant de l’aorte est une ulcération de la plaque d’athérome, traversant la limitante élastique avec formation d’un hématome localisé de la média [30, 135], limité par la fibrose et les calcifications de la paroi adjacente athéroscléreuse [61].
HISTORIQUE
Le syndrome aortique aigu (SAA), terme inventé par Vilacosta et al. [152, 153] en 1998, fait référence à un groupe hétérogène de conditions qui provoquent un ensemble commun de signes et de symptômes, au premier rang desquels est la douleur aortique.
➤ La dissection aortique
●La dissection aiguë semble avoir été décrite pour la première fois au IIème siècle de notre ère dans l’entourage de Galien [131].
●En 1557, Vésale en fait mention [131].
●Au XVIIème siècle, Senertus décrit l’affection comme une rupture de la tunique interne de l’aorte [81].
●Au XVIIIème siècle, Nichols publiant le rapport d’autopsie du roi d’Angleterre Georges II, observe une déchirure intimale de l’aorte, responsable de sa rupture dans le ventricule droit [99].
●En 1826, Laennec parle pour la première fois d’anévrysme disséquant [81].
●Elliotson en 1830, décrit l’aorte ascendante comme étant le site le plus fréquent de dissection et montre que la rupture est longitudinale [81].
●Swaine en 1855, fait le premier diagnostic de dissection aortique chez un patient vivant [141].
●Au XXème siècle, les chercheurs se penchent sur l’origine et le traitement des dissections.
●En 1934, Gurin tente le premier traitement chirurgical [56].
●DeBakey en 1955, publie son premier succès chirurgical et propose la classification morphologique à laquelle il donne son nom [33, 34].
●En 1962, Spencer et Blake réalisent avec succès le premier remplacement de l’aorte ascendante pour une dissection chronique [96].
●Morris en 1963, réalise le premier succès chirurgical d’une dissection aortique aigüe de l’aorte ascendante avec insuffisance aortique [96].
●Wheat en 1965, propose un traitement médical des dissections aortiques par la réduction de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque afin de diminuer les contraintes mécaniques au niveau de la paroi aortique et limitant ainsi l’extension de la dissection [160].
●En 1968, Bentall propose un remplacement complet de l’aorte ascendante, et Cachera utilise une double bande de téflon [12].
●En 1970, Shumway conseille à chaque fois que l’aorte ascendante est disséquée de la remplacer par une prothèse en Dacron [32].
●En 1975, Guilmet est le premier utilisateur de colle biologique [55].
●En 1979, Cabrol procède à une réimplantation des ostia coronaires par des prothèses anastomosées au tube [18].
➤ L’hématome intramural aortique
●En 1920, l’hématome intramural aortique est décrit pour la première fois par Krukenberg, anatomopathologiste, lors d’une vaste étude à propos de la dissection aortique [24, 36, 76].
●En 1958, Hirst publie une étude sur 505 autopsies de patients de dissection aortique et dénombre plus de 10% de ce qui sera appelé dissection sans rupture ou sans brèche intimale [65].
●Jusqu’en 1985, toute douleur thoracique rapportée au clivage de la paroi de l’aorte par un hématome était considérée comme une dissection aortique (DA).
L’absence de visualisation d’une communication entre la lumière aortique native et l’hématome contenu dans l’espace néoformé par la dissection était l’unique critère de sélection rétrospective des malades. Grâce aux moyens modernes d’imagerie et s’appuyant sur les constatations macroscopiques des autopsies, on a pu avoir une description précise des hématomes intramuraux aortiques (HIMA) depuis 1985, précédemment baptisés « dissection aortique sans rupture intimale » [24, 36].
●En 1991, et surtout en 1994, Mohr-Kahaly et al., avec l’avènement de l’échographie transoesophagienne décrivent 13% de cas d’hématome de paroi aortique parmi 115 cas de dissection aortique, et décrivent les caractéristiques échographiques de cette pathologie [24, 25, 36, 76, 114, 121].
➤ L’ulcère athéromateux pénétrant de l’aorte
●L’ulcère athéromateux pénétrant a été décrit pour la première fois en 1934 [28].
●Il a été considéré comme une entité clinique et pathologique distincte en 1986 [135].
Au cours du temps, les connaissances concernant les ulcères athéromateux pénétrants de l’aorte (UAPA), l’hématome intramural aortique (HIMA) et la dissection aortique (DA) se sont affinées.
|
Table des matières
INTRODUCTION
1. DEFINITIONS
2. HISTORIQUE
3. EPIDEMIOLOGIE
4. CLASSIFICATIONS DES DISSECTIONS AORTIQUES
4.1. Classification selon l’ancienneté
4.2. Les classifications topographiques
4.2.1. Classification de Houston
4.2.2. Classification de Stanford
4.2.3. Classification de Roux et Guilmet
4.2.4. Classification de la Société Européenne de Cardiologie
5. RAPPEL HISTOLOGIQUE DE LA PAROI ARTERIELLE
6. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
6.1. Macroscopie
6.1.1. Orifice d’entrée
6.1.2. Clivage de la média
6.1.3. Extension
6.2. Microscopie
6.2.1. Médianécrose kystique
6.2.2. Rupture des vasa-vasorum
6.2.3. L’athérome
7. PHYSIOPATHOLOGIE
7.1. Mécanisme initiateur
7.1.1. Rupture des vasa-vasorum
7.1.2. Déchirure intimale
7.2. Combinaison de deux principaux facteurs
7.2.1. Dégénérescence de la média
7.2.2. Facteurs hémodynamiques
7.3. Physiopathologie des complications
7.3.1. Rupture aortique
7.3.2. Insuffisance aortique
7.3.3. Compression de l’artère pulmonaire
7.3.4. Extension aux collatérales
7.3.5. Mécanisme des ischémies viscérales (mal perfusion)
8. FACTEURS ETIOLOGIQUES
8.1. L’hypertension artérielle
8.2. Les désordres endocriniens
8.3. La grossesse
8.4. Les toxiques
8.5. La maladie de Marfan
8.6. La maladie d’Ehlers Danlos
8.7. Les anomalies congénitales aortiques
8.7.1. La coarctation isthmique de l’aorte
8.7.2. Les anomalies valvulaires aortiques
8.8. Les autres syndromes incriminés dans la littérature
8.8.1. Le syndrome de Turner
8.8.2. Le syndrome de Noonan
8.9. Les traumatismes
8.10. Les causes iatrogènes
8.11. Le cas de l’athérome
9. CLINIQUE
9.1. Dissection aortique
9.1.1. Signes fonctionnels
9.1.2. Examen clinique
9.2. Hématome intramural aortique
9.2.1. Signes fonctionnels
9.2.2. Examen clinique
9.3. Ulcère athéromateux pénétrant de l’aorte
10. PARACLINIQUE
10.1. La biologie
10.2. L’électrocardiogramme
10.3. L’imagerie diagnostique
10.3.1. La radiographie du thorax de face
10.3.2. L’aortographie
10.3.3. L’échocardiographie
10.3.4. L’échographie endovasculaire
10.3.5. L’échographie abdominale
10.3.6. La tomodensitométrie
10.3.7. L’imagerie par résonance magnétique
11. EVOLUTION ET PRONOSTIC
12. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
12.1. Le diagnostic d’une douleur thoracique
12.2. Devant une complication qui occupe le premier plan
13. TRAITEMENT
13.1. Traitement curatif
13.1.1. Les buts
13.1.2. Les moyens
13.1.3. Les indications
13.2. Traitement préventif
14. SURVEILLANCE
14.1. Dissection aortique
14.2. Hématome intramural
14.3. Ulcère pénétrant
CONCLUSION