Les sols urbains
Définition
L’une des premières définitions d’un sol urbain a été proposée par Bockheim (1974). Il le décrit comme le matériau d’une couche de surface non agricole, de plus de 50 cm d’épaisseur, qui a été produite par le mélange, le remplissage, ou par la contamination de la surface de la terre dans les zones urbaines et les zones suburbaines. Craul (1985) ajoute à cette définition que le sol urbain est le produit du processus d’urbanisation et ne peut être dissocié des limites géographiques du processus. Il rajoute que l’urbanisation contribue à des modifications et des contaminations uniques de ces sols. Ces modifications sont constituées notamment par la création de terres artificielles qui se caractérisent par un pourcentage élevé de matériaux anthropiques comme les déchets de construction et de démolition, le bois, le papier, le verre, plastique, métal, asphalte et les déchets organiques. Ces matériaux se mélangent dans le profil du sol et affectent ses propriétés biologiques physiques et chimiques. Leur décomposition dans le sol et les apports atmosphériques potentiels engendrent des contaminations dans ces matrices.
Les sols urbains sont donc des sols issus de zones urbaines ou suburbaines. Ils sont constitués de matériaux naturels (minéral et organique) et technogéniques. Ils sont formés et modifiés par découpage, remplissage, mélange, intrusion de gaz et de liquide et par des contaminations (Burghardt, 1994; Stroganov, et al., 1998 ; Meuser, 2010).
Classification pédologique internationale des sols urbains
Dans la suite, on définit comme « artefact » tout matériau liquide ou solide qui a subi une transformation technico-industrielle, comme les briques, les déchets de démolition, les cendres, les boues de stations d’épuration (Lehmann, 2006). Suivant la quantité d’artefacts qu’ils contiennent, les sols urbains peuvent être classés en deux groupes dans la base de références mondiales pour les ressources en sol :
● les sols urbains qui contiennent moins de 20% d’artéfacts,
● les sols urbains qui contiennent plus de 20% d’artéfacts, que l’on retrouve dans le groupe des sols « techniques ». Ce groupe comprend notamment les « technosols ». Un technosol est défini dans la WRB (World Reference Base For Soils ressources 2014) comme étant un sol technique avec un pourcentage en artéfacts de plus de 50%.
Panorama des sols urbains en France
Les sols urbains étant par essence dépendants du processus d’urbanisation (Craul, 1985), la répartition géographique des zones urbaines en France métropolitaine permettent d’avoir une idée globale de leur répartition .
Caractéristiques et composition d’un sol urbain
Les études menées sur les sols urbains montrent certaines caractéristiques communes à ces matériaux. Il s’agit :
● d’une grande variabilité verticale et spatiale ;
● d’une structure du sol modifiée liée à son niveau de compactage ;
● d’une aération restreinte et une faible capacité drainante ;
● De la présence de matériaux anthropiques et d’autres contaminants.
Néanmoins, chaque sol urbain possède une signature qui lui est propre. En plus de la partie naturelle qui dépend de conditions géologiques locales, ces matériaux possèdent un squelette granulaire qui est constitué généralement de briques, de mortier, de plâtre et de scories (Wessolek et al., 2011 ; Abel et al.,2014). Ces apports anthropiques diffèrent d’une région à une autre, d’un mode d’urbanisation à un autre ou/et d’une industrie à une autre.
Propriétés physique et biologiques
Les sols urbains ont tendance à être des matériaux grenus de classe sable, limons ou graves. Les fractions fines sont liées aux cendres ou à des particules fines issues de l’altération de produits comme les briques (Meuser, 2010). Les sols urbains sont largement touchés par les activités humaines comme l’étanchéification, le compactage, la dégradation, la mise en décharge et le mélange (Craul, 1992). Les matériaux de type débris de construction et de démolition, scories, cendres, boues de stations d’épuration et particules atmosphériques, contiennent souvent du carbone élémentaire hautement résistant (Currie, et al,. 2002). Les sources de ce carbone sont les produits de combustion et/ou de pyrolyse incomplète de la matière organique terrestre ou des combustibles fossiles. Biologiquement, les dépôts de matériaux technogéniques induisent une activité microbiologique relativement faible (Meuser et Blume, 2004). Cependant, Lorenz et al. (2005) ont montré que, jusqu’à une profondeur de 1,9m, les sols urbains peuvent contenir une biomasse microbienne avec un métabolisme actif. L’analyse du carbone dans les sols urbains s’avère problématique. En plus de la présence d’humus et de carbone inorganique dans ces matériaux résultant de la présence de carbonate de calcium, le carbone technogène (COTtech) est également une source de carbone. Ce dernier apparaît généralement dans les sols à forte proportion en charbon, en suie et en cendre. Beyer et al (2001) ont montré que la matière organique du sol dans les sols urbains a une nature chimique différente de celle des sols naturels. La décomposition des produits en matières plastiques peut contribuer à la matière organique dans les sols urbains, bien que des études détaillées manquent (Nishide et al., 1999).
Les propriétés chimiques des sols urbains
Les sols urbains se caractérisent par des pH qui varient d’acides à très alcalins. Les pH alcalins à neutres sont généralement associés à la présence de carbonates de calcium. Ces derniers sont libérés suite à l’altération des produits tels le béton, le plâtre…contenus dans les déchets de construction et de démolition (Craul, 1992). Des contaminations calcaires dans les incinérateurs d’ordures, combinées à des températures de traitement élevées, entraînent une augmentation de la valeur de pH des cendres volantes. Les artefacts comme les déchets des mines de charbon contenant de la pyrite ont tendance à acidifier les sols en diminuant les pH avec des valeurs qui peuvent descendre au-dessous de 4,0 (Hiller et Meuser, 1998). Meuser (2010) a synthétisé les valeurs de pH mesurées dans plusieurs artefacts. Ils évoquent une certaine homogénéité des résultats dans les différentes régions du monde, due au fait que la composition des matériaux anthropiques dépend du processus de fabrication et non de la région de fabrication.
Les auteurs relèvent des pH alcalins dans les produits précédemment cités à savoir les composés de type laitiers (présence de calcium dans le procédés de stabilisation), les cendres volantes, les produits à base de béton et les déchets de construction. Les pH neutres se remarquent dans les briques et les pH acides dans le charbon.
Les sources de contaminations dans les sols urbains
Les sources de contamination des sols urbains sont multiples. Les sols en zone urbaine sont exposés à deux types de contaminations, qui peuvent être d’origine naturelle ou anthropique.
Les contaminations d’origine naturelle
La roche mère ou matériau parent dont est issu le sol naturel (en place ou apporté) qui compose le sol urbain est une source de contaminants importante. L’abondance naturelle de ces contaminants varie considérablement en fonction des différentes origines géologiques. Par exemple, les sols issus des roches basaltiques en climats à faibles précipitations et qui n’ont pas subi une forte lixiviation peuvent contenir des quantités élevées de métaux tels que Co, Cr, Cu, Ni et V par rapport à d’autres types de sols issus d’autres roches comme les granites ou les schistes (Reimann et al., 1998). Par ailleurs, des concentrations localement élevées pour un élément spécifique dans un type de roche auront une influence sur tous les éléments qui interagissent avec cette roche, comme les minéraux, les eaux, la végétation et la poussière. Cette distribution et mobilité des éléments est contrôlée par les précipitations, le lessivage, le pH et les phénomènes d’oxydo-réduction.
Les contaminations d’origine anthropique
Les contaminations d’origine anthropique peuvent provenir d’une contamination diffuse suite à une activité industrielle sur le site producteur, à un trafic ou à des émissions de carburants ou particules atmosphériques. Elles peuvent également provenir d’une contamination ponctuelle par des sources locales de dépôt de déchets ou de stations d’épurations. L’une des sources majeures de contamination des sols est associée à la présence de matériaux technogéniques.
Les déchets de construction et de démolition
Les matériaux de construction et de démolition sont des excédents de déchets associés à la construction et démolition des bâtiments et structures. Ils comportent les bétons, les briques, l’asphalte, le bois, l’acier, les matières plastiques et autres matériaux et produits de construction (définition rapportée par Arulrajah en 2013 et extraite du rapport annuel des industries du recyclage de l’état de Victoria en 2010). Leur nature varie selon leur origine : bâtiment, génie civil ou structures routière. Ces déchets constituent les principaux matériaux anthropiques dans les sols urbains en Europe (Abel et al., 2014). Ils proviennent pour une part importante de la démolition de la majorité des villes européennes lors des deux guerres mondiales (Wessolek et al., 2011). En Allemagne, par exemple, la quantité de débris a été estimée à plus de 400 millions de m3 après la seconde guerre mondiale. Vegas et ses coauteurs (Vegas et al., 2008) ont étudié la composition minéralogique des produits de construction et de démolition (agrégats mixtes et composants séparés). Ils ont montré que ces matériaux se composent principalement de calcite, quartz, feldspaths, muscovite et gypse (Vegas et al., 2008). Les auteurs ont attribué la calcite et le quartz aux bétons et à la céramique. Les feldspaths et la muscovite sont associés à la céramique et le gypse aux bétons et gravats mixtes.
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Table des matières
Introduction
1 Chapitre 1 : Bibliographie
1.1. Les sols urbains
1.1.1 Définition
1.1.2 Classification pédologique internationale des sols urbains
1.1.3 Panorama des sols urbains en France
1.1.4 Caractéristiques et composition d’un sol urbain
1.2. Utilisation des sols urbains dans le domaine routier
1.2.1 Cadre réglementaire, technique et environnemental
1.2.2 Quelques pratiques internationales
1.3. Effet des opérations de compactage et de traitement sur les sols
1.3.1 Effet du compactage sur les sols urbains
1.3.2 Traitements des sols
1.3.3 Interactions entre les liants et les éléments perturbateurs
1.4. Le transport des polluants dans les sols
1.4.1 Description du milieu poreux
1.4.2 Les processus physiques intervenant dans le transport des polluants
1.4.3 Les processus chimiques qui contrôlent le transport
1.5 Synthèse et conclusions du chapitre 1
2 Chapitre 2 : Matériel et méthodes
2.1. Origines des matériaux
2.1.1 Le sol de Boulogne Billancourt ou SBB
2.1.2 Le sol d’Ivry ou SI
2.2. Préparation des sols urbains testés
2.2.1. Séchage
2.2.2. Le criblage
2.2.3. L’homogénéisation
2.2.4. Conclusion sur la préparation des matériaux
2.3. Identification géotechnique des sols testés
2.3.1 Teneur en eau
2.3.2 Granularité des matériaux
2.3.3 L’activité argileuse du sol
2.3.4 Teneur en matière organique
2.3.5 Masse volumique des particules solides
2.4. Caractérisation chimique et minéralogique
2.4.1 Identification des composants du sol par un essai de tri
2.4.2 Analyses chimiques des matrices des sols urbains par fluorescence de rayonsX
2.4.3 Analyses minéralogiques par diffraction de rayons X
2.4.4 Analyse chimique élémentaire en contenu total par ICP/OES
2.4.5 Analyse chimique élémentaire en contenu total : analyse complémentaire
2.5. Tests techniques pour valider une utilisation des sols urbains en techniques routières
2.5.1 Formulation des matériaux
2.5.2 Essai de compactage Proctor
2.5.3 Essai d’aptitude au traitement
2.5.4 Les essais mécaniques
2.6. Tests environnementaux pour valider une utilisation des sols urbains en techniques routières
2.6.1 Les essais de lixiviation
2.6.2 Essai de percolation
2.6.3 Développement d’un nouvel essai : essai d’immersion
2.7. Conclusion du chapitre 2
3 Chapitre 3 : Résultats de la caractérisation de deux sols urbains
3.1. Identification géotechnique des sols testés et essai de tri
3.1.1 Analyse granulométrique
3.1.2 L’activité argileuse du sol
3.1.3 Masse volumique des particules solides
3.1.4 Identification des composants du sol par un essai de tri (NF EN 933-11)
3.1.5 Teneur en matières volatiles assimilées à la matière organique des sols
3.1.6 Classes GTR associées aux sols testés
3.2. Caractérisation chimique des sols par fluorescence X et par ICP/OES
3.2.1. Analyse chimique des matrices totales et des fractions granulaires des sols
3.2.2. Analyse chimique des familles de composants du squelette granulaire
3.2.3. Conclusions sur les analyses chimiques élémentaires par XRF et ICP/OES
3.3. Méthode de quantification des familles d’artefacts dans les différentes fractions granulaires et la fraction totale des sols
3.3.1 Méthodologie
3.3.2 Détermination des valeurs extrêmes dans les jeux de mesures
3.3.3 Résultats de la régression linéaire
3.3.4 Conclusions de l’approche par régression
3.4. Analyses minéralogiques par diffraction de rayons X : identification et quantification
3.4.1 Analyse minéralogique des matrices totales
3.4.2 Minéralogie des fractions granulométriques
3.4.3 Minéralogie des composantes du sol issues du tri
3.4.4 Phases amorphes et matière organique dans les sols urbains
3.4.5 Conclusion de l’approche minéralogique
3.5. Conclusion sur la caractérisation chimique et minéralogique des sols testés
4 Chapitre 4 : Utilisation dans le domaine routier
4.1. Les performances mécaniques des sols urbains
4.1.1 Caractéristiques des sols traités au compactage
4.1.2 Essai d’aptitude au traitement
4.1.3 Détermination de la résistance en compression simple
4.1.4 Résistance au gel et performances escomptables à long terme : détermination de la résistance à la traction indirecte Rit
4.1.5 Conclusions sur les performances mécaniques
4.2. Étude par lixiviation de l’impact environnemental des sols urbains pour une valorisation en techniques routières
4.2.1. Essai de lixiviation suivant la norme NF EN 12457-2 (2009)
4.2.2. Essai de lixiviation en faisant varier les paramètres de l’expérimentation
4.2.3. Conclusions des essais de lixiviation
4.3. Étude par percolation de l’impact environnemental des sols urbains pour une valorisation en techniques routières
4.3.1. Caractéristiques des sols compactés/ traités mis en percolation
4.3.2 Évolution du coefficient de perméabilité des éprouvettes testées
4.3.3 Évolution du pH et la conductivité hydraulique des percolats des deux sols testés
4.3.4 Relargage en éléments chimiques au cours des percolations
4.3.5 Comparaison entre lixiviation et percolation sur le sol de Boulogne
4.3.6 Conclusions sur les essais de percolation
4.4. Essai d’immersion
Conclusion générale