DEFINITION
Les bactรฉries du genre Mycobacterium appartiennent ร la famille des Mycobacteriaceae. Elles possรจdent une paroi รฉpaisse et riche en lipides qui leur confรจre des propriรฉtรฉs tinctoriales particuliรจres, notamment lโacido-alcoolorรฉsistance et une rรฉsistance relative ร de nombreux antiseptiques comme la soude ou certains dรฉtergents. En plus de lโalcoolo-acido-rรฉsistance, les critรจres minimaux pour appartenir au genre Mycobacterium sont un contenu en guanine cytosine de lโADN รฉlevรฉ entre 61 et 71 % et une composition en acides mycoliques spรฉcifique dโespรจce. Elles sont aรฉrobies et ont un temps de doublement le plus souvent prolongรฉ. Les colonies de mycobactรฉries dites ร croissance rapide se dรฉveloppent en trois ร sept jours, celles ร croissance lente en plusieurs semaines. Parmi ces mycobactรฉries, on retrouve des espรจces pathogรจnes strictes de lโhomme ou des animaux qui sont responsables de la tuberculose (complexe tuberculosis avec Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium bovis, Mycobacterium africanum, Mycobacterium microti) et de la lรจpre (Mycobacterium leprae et Mycobacterium lepraemurium). Il existe un deuxiรจme groupe comprenant les espรจces habituellement non pathogรจnes strictes pour lโhomme, les mycobacterium non tuberculosis ou mycobactรฉrie atypique [1]. Les mycobactรฉries atypiques dรฉsignent les mycobactรฉries non tuberculeuses, et sont des mycobactรฉries environnementales sans transmission interhumaine. Elles forment un grand groupe de bacilles, moins agressifs pour l’homme que celui de la tuberculose, dont les manifestations, d’รฉvolution habituellement progressive, sont variables et seront d’autant plus marquรฉes que les dรฉfenses immunitaires de l’hรดte seront rรฉduites [5]. Ces bactรฉries se diffรฉrencient des germes banals par la prรฉsence dโune paroi รฉpaisse et riche en lipides, qui leur confรจre lโacido-alcoolorรฉsistance, et une rรฉsistance relative ร de nombreux antiseptiques. Les MNT se distinguent รฉgalement des bacilles de la tuberculose par leurs caractรจres biochimiques, culturaux, morphologiques et par leur rรฉsistance aux antibiotiques. Elles sont caractรฉrisรฉes par leur pigmentation et leur vitesse de croissance. Les colonies de mycobactรฉries dites ร ยซ croissance rapide ยป se dรฉveloppent en 3 ร 7 jours, celles ร croissance lente en plusieurs semaines [6].
CLASSIFICATION-IDENTIFICATION DES MNT
Il y a trente ans, les MNT ont รฉtรฉ identifiรฉes et classรฉes en utilisant des critรจres phรฉnotypiques lents et insensibles qui reposaient sur la morphologie des colonies et les schรฉmas du mรฉtabolisme biochimique. Ce systรจme de classification a รฉtรฉ nommรฉ le systรจme de classification de Runyon (tableau1), d’aprรจs le Dr Ernest H. Runyon, qui a organisรฉ et promu cet important systรจme de classification prรฉcoce. Le nombre total d’espรจces de MNT reconnues รฉtait d’environ 40 ร 50 [1 ; 7 ; 8]. Lโutilisation de cette classification est rendue caduque. Les mycobactรฉries non tuberculeuses (MNT) ont une distribution relativement ubiquitaire, avec quelques variations gรฉographiques [2 ; 8]. L’identification de MNT cliniquement isolรฉes s’est rapidement amรฉliorรฉe en termes de vitesse et de prรฉcision avec l’application de la chromatographie liquide ร haute performance (HPLC) et l’introduction de mรฉthodes de laboratoire molรฉculaire, y compris des sondes d’ADN (qui ont รฉgalement รฉtรฉ utilisรฉes pour l’identification prรฉcoce du MTB) et des techniques de sรฉquenรงage de gรจnes. Les sondes HPLC et ADN avaient une utilitรฉ limitรฉe et se limitaient ร l’identification des espรจces MNT les plus frรฉquemment isolรฉes. L’identification des espรจces MNT s’est rapidement dรฉveloppรฉe d’une maniรจre sans prรฉcรฉdent avec l’application gรฉnรฉralisรฉe du sรฉquenรงage du gรจne de l’ARNr 16S, un gรจne qui serait hautement conservรฉ au sein des espรจces MNT. En grande partie sur la base de cette technique, le nombre d’espรจces MNT reconnues est passรฉ ร prรจs de 200. Il est รฉgalement maintenant รฉvident que le gรจne de l’ARNr 16S n’est pas aussi bien conservรฉ au sein des espรจces que supposรฉ, de sorte qu’il n’est malheureusement pas toujours satisfaisant ou prรฉcis. Le processus d’identification des organismes par le sรฉquenรงage des gรจnes s’est รฉtendu bien audelร du sรฉquenรงage de l’ARNr 16S et est devenu si sophistiquรฉ que la discrimination entre de nombreuses espรจces de MNT nรฉcessite soit un sรฉquenรงage multi-gรจnes soit un sรฉquenรงage du gรฉnome entier. Le gรฉnotypage des organismes s’est รฉgalement rรฉvรฉlรฉ รชtre un outil utile pour รฉvaluer les niches environnementales des MNT, fournissant ainsi des informations sur les voies d’acquisition des agents pathogรจnes des MNT. Cette technique permet รฉgalement de distinguer les vรฉritables rechutes de la maladie et la rรฉinfection (prรฉsumรฉe) [7]. A ce jour, plus de 150 espรจces ont รฉtรฉ identifiรฉes (www.bacterio.net), de croissance lente ou rapide selon le dรฉlai de croissance aprรจs repiquage au laboratoire (plus ou moins de 7 jours en milieu solide) .
EPIDEMIOLOGIE
Il est difficile de comparer l’incidence et la prรฉvalence des infections dues aux MNT dans les diffรฉrentes zones gรฉographiques parce que la dรฉclaration des infections aux MNT par les autoritรฉs de santรฉ publique nโest pas nรฉcessaire dans la plupart des pays. Des รฉtudes sur l’incidence et la prรฉvalence des infections dues aux MNT sont effectuรฉes diffรฉremment selon les pays. Pour comparer les rapports concernant l’รฉvolution de l’incidence et de la prรฉvalence de la maladie due aux MNT au cours des temps dans une zone gรฉographique limitรฉe, il faut comparer les rapports qui ont utilisรฉ les mรชmes mรฉthodes. De nombreux rapports รฉpidรฉmiologiques et les examens ont montrรฉ que la maladie ร MNT est en augmentation depuis les annรฉes 1950 [8 ; 9]. Au cours des deux derniรจres dรฉcennies, l’amรฉlioration des techniques microbiologiques ont amรฉliorรฉ lโisolement et lโidentification des MNT dโexpressions respiratoires. Il semble y avoir eu une vรฉritable augmentation de la prรฉvalence des maladies pulmonaires dues ร ces organismes. Cette augmentation de la proportion des infections pulmonaires causรฉes par les MNT semble รชtre associรฉe ร un effet de diminution simultanรฉe de l’incidence de la tuberculose. Cependant, l’obtention des donnรฉes prรฉcises de l’รฉpidรฉmiologie des infections liรฉes aux MNT est compromise par le fait que ces infections ne sont pas ร signaler obligatoirement dans la plupart des pays dans le monde. Une grande partie des donnรฉes รฉpidรฉmiologiques disponibles sur les MNT pulmonaires proviennent donc de la surveillance sentinelle et รฉtudes en laboratoire sur la microbiologie, avec les limitations correspondantes de ces genres dโรฉtudes. En outre, la description de lโรฉpidรฉmiologie de lโinfection pulmonaire aux MNT est compliquรฉe par plusieurs dรฉfis: (1) la dรฉtermination du cas (par exemple, les patients prรฉsentent une symptomatologie variรฉe, et le diagnostic dรฉpend souvent des images tomographiques, qui ne sont pas universellement disponibles et / ou utilisรฉes); (2) la prรฉsence de l’organisme dans l’environnement, ce qui accroit lโimportance d’une culture positive chez un patient donnรฉ; (3) la dรฉfinition de la maladie basรฉe sur peu de preuves; et (4) rapport sur les infections ร MNT ne sont pas requises ou pratiquรฉes dans de nombreuses juridictions, entraรฎnant des bases de donnรฉes diffรฉrentes sur la population [1 ;8 ; 10]. Au Canada (Ontario), la prรฉvalence annuelle de l’isolement des MNT ร partir dโรฉchantillons respiratoires (sans considรฉrer du diagnostic de la maladie) a rรฉcemment variรฉ de 14,1 ร 22,2 pour 100 000 habitants, tandis quโaux รtatsUnis (Oregon), la prรฉvalence estimรฉe des MNT pulmonaires รฉtait de 8,6 pour 100 000 habitants. Une prรฉvalence de 47 pour 100 000 habitants a รฉtรฉ observรฉe chez les adultes รขgรฉs de plus de 65 ans aux รtats Unis [8 ; 10]. Les informations disponibles en Amรฉrique centrale et du Sud ont รฉtรฉ limitรฉes, avec un potentiel important de biais de sรฉlection qui appelle ร la possibilitรฉ de gรฉnรฉraliser les donnรฉes en question. La prรฉvalence de la maladie pulmonaire due aux MNT, comme indiquรฉ, รฉtait d’environ 1 pour 100 000 habitants ou mรชme moins [1 ; 8 ; 10]. En Europe, en raison de la diversitรฉ des mรฉthodologies dโรฉtude dans les populations sous-jacentes รฉtudiรฉes, la prรฉvalence rapportรฉe dโisolement des MNT ร partir d’รฉchantillons respiratoires et de la prรฉvalence de cette maladie ont รฉtรฉ divergentes. Par exemple, dans le Royaume-Uni, Grรจce et Pays-Bas, les tauxย dโisolement des MNT dโenviron 2,9 pour 100 000, 7,0 pour 100 000 et 6,3 pour 100000, respectivement, ont รฉtรฉ dรฉcouverts. Et la prรฉvalence des infections pulmonaires ร MNT a รฉtรฉ estimรฉe ร 1,7 pour 100 000 ; 0,7 pour 100 000 et 1,4 pour 100 000, respectivement. Pour ce continent, les donnรฉes rรฉcentes ont รฉgalement rรฉvรฉlรฉ des variabilitรฉs des espรจces isolรฉes chez les patients. Le MAC a รฉtรฉ isolรฉ le plus souvent en Europe du Nord (44% des MNT) quโau Sud de lโEurope (31% de lโensemble des MNT). Le M. avium รฉtait la sous-espรจce prรฉdominante, M. xenopi รฉtait plus frรฉquemment isolรฉ dans lโEurope du Sud (21% de tous les isolats de MNT) quโen Europe du Nord (6% seulement) [8 ; 10]. En Asie, il nโy a eu aucune รฉtude basรฉe sur la population concernant lโรฉpidรฉmiologie des isolats pulmonaires de MNT et des infections pulmonaires ร MNT pour permettre une comprรฉhension en profondeur de lโampleur du problรจme. Les donnรฉes disponibles proviennent dโรฉtudes entreprises dans certains pays et zones gรฉographiques dโAsie orientale, notamment le Japon, Corรฉe du Sud, Inde, Chine, Thaรฏlande et Taiwan. Ces รฉtudes ont systรฉmatiquement montrรฉ que la proportion de MNT parmi les cultures de mycobactรฉries positives augmente. Dans une รฉtude d’observation de 10 ans, la proportion de MNT parmi toutes les cultures de mycobactรฉries positives a augmentรฉ de 43% en 2001 ร 70% en 2011. En outre, le taux dโisolats de MNT provenant dโรฉchantillons ร frottis positifs pour le BAAR est passรฉ de 9% en 2001 ร 64% en 2011. Une รฉtude rรฉcente du Japon a estimรฉ la prรฉvalence nationale des infections pulmonaires ร MNT ร 33 ร 65 pour 100 000 en 2005, la plupart des cas รฉtant dus au MAC [10 ; 11]. Dans certains pays dโAsie oรน le pilier du diagnostic de tuberculose est la recherche des BAAR dans les expectorations , il y a des prรฉoccupations qu’un certain nombre de patients atteints de tuberculose, en particulier tuberculose pharmaco-rรฉsistante, pourrait en fait รชtre des infections pulmonaires ร MNT (30,7% des isolats testรฉsย rรฉsistants ร l’isoniazide et la rifampicine et 4% des cas de retraitement de la tuberculose dans une รฉtude de la Chine, semblable aux donnรฉes africaines cidessous). Par exemple, une รฉtude rรฉalisรฉe en Chine a dรฉmontrรฉ que 3,4% des รฉchantillons d’expectoration ร frottis positif ont dรฉveloppรฉ des MNT, principalement ร MAC [8 ; 10].
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITION
2. CLASSIFICATION-IDENTIFICATION DES MNT
3. EPIDEMIOLOGIE
4. SOURCE DโINFECTION
5. FACTEURS FAVORISANTS
5.1. Dรฉfense de l’hรดte et dรฉfauts immunitaires
5.2. Les infections pulmonaires
5.3. Morphotype du corps
5.4. Inhibition du facteur de nรฉcrose tumorale
6. DIAGNOSTIC
6.1. Clinique
6.2. Les tableaux clinico-radiologiques
6.3. Bactรฉriologie
6.3.1. Examen direct des expectorations
6.3.2. Cultures des expectorations
6.3.3. Identification du germe
6.3.4. Antibiogramme
6.3.5. Biologie molรฉculaire
6.4. Les critรจres diagnostiques
6.5. Difficultรฉs diagnostiques
7. Traitement des infections ร MNT
7.1. Traitement prรฉventif
7.1.1. Mesures dโhygiรจne
7.1.2. Lutte contre les facteurs favorisant
7.1.3. Prรฉvention de la contamination iatrogรจne
7.1.4. Vaccination BCG
7.1.5. Chimioprophylaxie
7.2. Traitement curatif
7.2.1. Dรฉcision de mise sous traitement
7.2.2. Durรฉe du traitement
7.2.3. Mรฉdicaments utilisรฉs
7.2.3.1. Macrolides
7.2.3.2. Aminoglycosides
7.2.3.3. Rifampicine
7.2.3.4. Ethambutol
7.2.3.5. Fluoroquinolones
7.2.3.6. Linรฉzolide
7.2.3.7. Clofazimine
7.2.3.8. Bรฉdaquiline
7.2.4. Indications du traitement selon le germe en cause
7.2.4.1. Les MNT ร croissance lente
7.2.4.2. Les MNT ร croissance rapide
7.2.5. Traitements chirurgicaux et autres
7.3. Surveillance et รฉvolution
7.3.1. Surveillance
7.3.2. Evolution
DEUXIEME PATIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
1.1. Objectif principal
1.2. Objectifs spรฉcifiques
2. METHODOLOGIE
2.1. Type et pรฉriode dโรฉtude
2.2. Cadre dโรฉtude
2.3. Population dโรฉtude
2.4. Critรจres de sรฉlection
2.5. Modalitรฉs pratiques
2.6. Analyse des donnรฉes
2.7. Considรฉrations รฉthiques et administratives
3. RESULTATS
3.1. Etude descriptive
3.1.1. Caractรฉristiques socio-dรฉmographiques
3.1.2. Donnรฉes cliniques
3.1.3. Donnรฉes paracliniques
4. DISCUSSION ET COMMENTAIRES
4.1. Contraintes et limites de lโรฉtude
4.2. Caractรฉristiques socio-dรฉmographiques de la population รฉtudiรฉe
4.3. Antรฉcรฉdents et comorbiditรฉs
4.4. Symptomatologie clinico-radiologique
4.5. Signes biologiques
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES