L’eau est à la base du développement. Des facteurs tels que la croissance démographique, l’urbanisation et le développement économique génèrent une forte demande de ressources en eau pour l’agriculture, l’industrie et l’énergie, contribuant ainsi à amplifier la pression actuelle sur les ressources en eau.
Les activités humaines génèrent le rejet de polluants anthropiques qui contaminent les eaux de surface et souterraines. Parmi les contaminants anthropiques, les produits pharmaceutiques sont considérés comme contaminants ubiquitaires des milieux aquatiques (Björlenius et al., 2018; Deo, 2014; Sui et al., 2015). Ils s’agit des molécules biologiquement actives, conçues pour agir sur des cibles biologiques précises et comprennent une large variété de substances à usage humain et vétérinaire (Académie Nationale de Pharmacie, 2019). Ceux utilisés chez l’homme, une fois consommés, métabolisés et excrétés sont rejetés dans les eaux usées domestiques. Ces rejets ainsi que les rejets hospitaliers et industriels des usines de production pharmaceutique rejoignent la station d’épuration (STEP), quand elles existent, pour être traités (Ebele et al., 2017). Cependant, les stations d’épuration les plus répandues, basées sur un traitement biologique, ne sont pas adaptées pour traiter ce mélange complexe de substances (contenant des molécules parentes, des métabolites et des produits de dégradation) de caractéristiques physico-chimiques très variées (Margot et al., 2015). En conséquence, nombre de ces substances sont finalement déversées dans les eaux superficielles. Ainsi, les rejets d’eaux usées (traitées et non traitées) sont considérés comme la voie principale de la contamination des milieux aquatiques par les résidus de médicaments (RdM) à usage humain. D’autres voies de contamination par les RdM moins significatives correspondent à la contamination des sols due aux sites d’enfouissement, à l’épandage de boues et à l’utilisation d’eaux usées traitées provenant des STEP pour l’irrigation. Les RdM peuvent rejoindre les eaux superficielles par le ruissellement et les eaux souterraines par l’infiltration (Ebele et al., 2017; Li, 2014).
Métabolisation des médicaments
Au cours de leur usage thérapeutique, les médicaments suivent différentes étapes dans l’organisme. Quatre étapes sont identifiées: l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination. L’étape d’absorption est le mécanisme par lequel le médicament passe de son site d’administration à la circulation générale et pour cela, il devra traverser des membranes cellulaires. Une fois la circulation sanguine atteinte, le médicament va se répartir dans des tissus et des organes. En fonction de leurs caractéristiques chimiques, les médicaments peuvent ou non subir des transformations, afin de faciliter leur élimination par la voie rénale ou la voie biliaire (Lüllmann et al., 2003). Les transformations sont principalement effectuées par réactions enzymatiques avec la finalité de rendre la molécule plus hydrophile. Elles conduisent à la détoxication et la perte d’activité de la molécule. Cependant, dans certains cas, les métabolites sont pharmacologiquement actifs, responsables d’actions pharmacologiques (Kang et al., 2010).
Un médicament peut être métabolisé dans au sein de différents tissus: les poumons, les reins, l’intestin ou encore le foie, lieu principal de ces transformations. Classiquement deux types de transformations sont distinguées: Phase I et Phase II, lesquelles peuvent être séquentielles ou indépendantes. Un métabolite assez hydrosoluble après la phase I peut être excrété ou il peut subir également une réaction de phase II. Des réactions d’oxydation (prioritairement), de réduction et d’hydrolyse constituent la phase I qui conduit à la formation de métabolites polaires avec des groupements fonctionnels tels que des hydroxyles (-OH), des amines ( NH2), des carboxyles (-COOH) entre autres. Si les métabolites de la phase I sont suffisamment polaires, ils peuvent être facilement éliminés. Cependant, la plupart des produits de la phase I ne sont pas éliminés rapidement et subissent ensuite une réaction pour former des conjugués. C’est la réaction de phase II. Les réactions de conjugaison résultent en un transfert de groupements polaires sur la molécule comme la glycine (glycoconjugaison), le sulfate (sulfoconjugaison), des radicaux (méthyl, acétyl, entre autres), et l’acide glucuronique (glucuronoconjugaison), ce dernier étant le mécanisme principal (Parkinson, 1995).
Afin d’illustrer plus en détail le métabolisme d’un médicament, nous avons pris la venlafaxine comme exemple (Fig. 2). Cette molécule qui est un inhibiteur sélectif de la sérotonine et de la noradrénaline couramment prescrite dans le traitement de maladies psychiatriques comme la dépression (principalement), les troubles anxieux généralisés et les troubles de panique, est fortement métabolisée chez l’homme (Godoy et al., 2016; Gu et al., 2018).
Apport de résidus de médicaments (RdM) à usage humain à l’environnement aquatique
Plusieurs sources d’introduction de RdM à usage humain dans l’environnement sont connues (Fig. 4). Une fois les médicaments consommés, métabolisés et excrétés par l’homme, ils sont rejetés dans les eaux usées domestiques. Le rejet de médicaments non utilisés et périmés via les éviers et les toilettes contribue également à la présence de ces substances dans les rejets d’eaux usées domestiques. Ces eaux usées rejoignent la station d’épuration (STEP) via un réseau d’assainissement. Les STEP peuvent, également, recueillir les rejets hospitaliers et industriels des usines de production pharmaceutique. Cependant, les STEP n’étant pas conçues pour le traitement optimal de ces RdM, ils sont finalement déversés dans les eaux superficielles.
Dans les zones non raccordées au réseau d’assainissement, ces rejets (domestiques, industriels et hospitaliers) sont directement introduits dans l’environnement. Ainsi, les rejets d’eaux usées contenant des RdM à usage humain sont considérés comme la voie principale de la contamination des milieux aquatiques. D’autres voies de contamination par les RdM moins significatives correspondent à la contamination des sols due aux sites d’enfouissement, à l’épandage de boues et à l’utilisation d’eaux usées traitées provenant des STEP pour l’irrigation. Les RdM peuvent rejoindre les eaux superficielles par le ruissellement et les eaux souterraines par l’infiltration (Ebele et al., 2017; Li, 2014). Le transfert constant de ces RdM au milieu aquatique leurs confère un caractère « pseudo persistant » et génère une exposition chronique dans les écosystèmes récepteurs (Nikolaou et al., 2007). La description des voies d’introduction de résidus de médicaments à usage humain dans l’environnement aquatique met en évidence les éléments à considerer pour comprendre leur devenir dans les milieux aquatiques et la problématique de l’exposition des organismes du milieu aquatique. Le développement de ces éléments nous permettra d’ilustrer l’état de contamination de l’environnement aquatique (milieu et organismes) par les RdM.
Les eaux usées: source principale de la contamination par les RdM de l’environnement aquatique
Comme évoqué précédemment, les eaux usées contenant des RdM sont la source principale de la contamination de l’environnement aquatique. Les rejets domestiques, industriels et hospitaliers rejoignent les STEP, quand elles existent, pour être traités. Cependant, les stations d’épuration conventionnelles ne sont pas adaptées pour traiter ce mélange complexe de substances (contenant des molécules parentes, des métabolites et des produits de dégradation) dues à la grande variabilité de leurs caractéristiques physico-chimiques .
Élimination des RdM dans les stations d’épuration (STEP) conventionnelles
Classiquement, le traitement des eaux usées se compose de quatre étapes successives que sont les prétraitements (exemple dégrillage-tamisage), le traitement primaire (exemple sédimentation, clarification), le traitement secondaire (biologiques), et le traitement tertiaire pour éliminer du phosphore par exemple. Les deux premiers traitements tentent d’éliminer une partie des RdM (principalement hydrophobes) adsorbés sur les particules et le traitement biologique permet, entre autres, d’éliminer la plupart des RdM biodégradables (Margot et al., 2011; Yang et al., 2017). Par conséquent, l’élimination des RdM dans les STEP est un processus complexe, qui dépend d’aspects tels que, 1) les traitements spécifiques (biologiques ou chimiques) utilisés dans chacunes des STEP, 2) les propriétés physico-chimiques des RdM traités, comme la solubilité dans l’eau, la tendance à la volatilisation ou à l’adsorption dans les boues actives et la dégradation par des processus abiotiques et biotiques, 3) les conditions de fonctionnement telles que le temps de rétention hydraulique (HRT pour son acronyme en anglais), le temps de séjour des boues et la cinétique de biodégradation et 4) les conditions environnementales, telles que la température (efficacité moindre en période hivernale et dans les climats froids), les conditions d’oxydoréduction (différentes efficacités de suppression entre les conditions anaérobies et aérobies) et le pH (les variations du pH affectent la cinétique de réaction des RdM) (Evgenidou et al., 2015).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1: État actuel de la contamination de l’environnement aquatique par les médicaments
1. Les médicaments
1.1 Classification et utilisation thérapeutique des médicaments
1.2 Métabolisation des médicaments
2. Apport de résidus de médicaments (RdM) à usage humain à l’environnement aquatique
2.1 Les eaux usées: source principale de la contamination par les RdM de l’environnement aquatique
2.1.1 Élimination des RdM dans les stations d’épuration (STEP) conventionnelles
2.1.2 Occurrence des RdM dans les STEP
2.2 Autres sources potentielles de contamination par les RdM dans l’environnement aquatique
3. Le transfert et la transformation des RdM dans l’environnement aquatique par des processus abiotiques et biotiques
3.1 Des processus abiotiques
3.1.1 L’adsorption
3.1.2 La photodégradation
3.2. Des procesus biotiques: la biodégradabilité
4. Occurrence des RdM dans les eaux de surface et les eaux souterraines
4.1 Les eaux de surface
4.2 Les eaux souterraines
5. Bioaccumulation et occurrence des RdM dans le biote
6. Conclusions associées à la présence des RdM dans l’environnement aquatique et perspectives de recherche
Chapitre 2: Chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse: analyse des résidus de médicaments et des métabolites par approche ciblée et non ciblée
1. Introduction
2. Approche ciblée
2.1 Généralites
2.1.1 Préparation des échantillons: prétraitement et extraction/purification
2.1.2 Analyse: séparation et détection
2.2 Développement analytique
2.2.1 Choix des molécules
2.2.2 L’optimisation de l’extraction/purification
2.2.2.1 Méthode multi-résidus dans des matrices aqueuses
2.2.2.2 Méthode venlafaxine et ses métabolites dans des tissus de la moule
2.2.2.3 Méthode venlafaxine et ses métabolites dans l’eau de mer
2.2.3 L’optimisation de la séparation chromatographique
2.2.3.1 Méthode multi-résidus
2.2.3.2 Méthode venlafaxine et ses métabolites
2.2.4 L’optimisation de la mesure spectrométrique de masse
2.2.5 La validation des protocoles retenus
2.2.5.1 La linéarité
2.2.5.2 Les limites de détection et de quantification
2.2.5.3 Les rendements et les effets matrice
3. Approche non ciblée
3.1 Généralites
3.2 Développement de l’analyse non ciblé dans les tissus de la moule
3.2.1 Design expérimental
3.2.2 L’acquisition des données
3.2.3 Stratégie de recherche de métabolites
Chapitre 3: Diagnostic de la contamination des eaux superficielles et souterraines par les médicaments dans la région de Yaoundé (Cameroun) par approche ciblée
1. Antropic impacts on Sub-Saharan urban water resources through their pharmaceutical contmination (Yaoundé, Center Region, Cameroon)
1.1 Contexte
1.2 Objectif et principaux résultats
Chapitre 4: Caractérisation du métabolisme de la venlafaxine chez la moule (Mytilus Galloprovincialis)
1. Metabolism of Venlafaxine in the Mediterranean Mussel (Mytilus Galloprovincialis): Combinations of Targeted and Non-Targeted Approaches
1.1 Contexte
1.2 Objectif et principaux résultats
Conclusion générale