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Classifications légales
Il y a différentes façons de classer ces substances psychoactives qui sont l’origine de dépendances, notamment selon leurs aspects légaux ou médicaux. En rapport avec la définition de la toxicomanie vue précédemment, on peut distinguer, parmi les substances toxicomanogènes, les produits licites, les produits illicites et les produits limités.
Produits illicites
Désignés comme des drogues, les produits illicites ont souvent été des médicaments. La dangerosité sous-entendue par cette appellation est parfois sans rapport avec les risques médicaux ou pharmacologiques de leur usage.
L’’héroïne, la cocaïne, l’ecstasy, les amphétamines et le cannabis sont autant d’exemples de drogues illicites. En vertu de la loi sur les stupéfiants, il est interdit d’en consommer, d’en posséder, d’en cultiver et d’en vendre. Ces substances et de nombreuses autres figurent toutes sur la «liste des stupéfiants prohibés».
L’héroïne
L’héroïne ou diacétylmorphine est un opiacé synthétisé à partir de la morphine, très utilisée dans le monde. Elle est utilisée à des fins médicales, c’est un dépresseur du système nerveux central. Elle a une action analgésique et sédative comme les opiacés ainsi qu’une puissante action anxiolytique et antidépressive, mais son utilisation de manière illégale fait de lui une drogue illicite.
L’héroïne se présente sous forme de poudre brune, et quelques fois blanche (figure 2). Elle est coupée de manière variable (souvent 90 % à 95 %) parfois avec d’autres produits psychoactifs ou non, voire toxiques (caféine pour 86 % des échantillons, paracétamol pour 79 %). La composition comme le degré de pureté sont très variables [42].
L’héroïne peut se consommer par :
• insufflation (sniff) ;
• injection intraveineuse : l’effet apparaît en moins d’une minute et s’estompe au bout de 3 à 5 heures;
• inhalation (fumée ou prisée), l’effet analgésique est alors dominant lors des premières prises.
L’injection présente des risques accrus de surdosage (overdose) qui peut entraîner la mort par dépression respiratoire. Il peut entrainer également des infections locales ou systémiques graves à type d’abcès, lymphangite lors de l’injection, staphylococcies cutanées lors de sniff, mais aussi et surtout une infection de VIH, d’hépatite C et B, d’endocardites et de septicémies.
La cocaïne
La cocaïne est un alcaloïde tropanique, extrait de la feuille de coca. Elle se présente le plus souvent sous la forme d’une poudre blanche et floconneuse, plus rarement sous forme de cristaux, celle qui alimente le trafic n’est pas pure. Qui est la plupart du temps coupée, « allongée » dans le but d’en augmenter le volume avec des substances diverses telles que du bicarbonate de soude, du sucre, de la lactose, du paracétamol, de la caféine ou des médicaments ou pesticides plus ou moins dangereux. Elle est parfois consommée avec de l’héroïne afin de compenser les effets dépresseurs de l’héroïne par les effets stimulants de la cocaïne, avec de l’alcool, ce qui augmente la toxicité des deux produits [58].
Son mode de consommation habituelle se fait par :
• insufflation (ou « sniff » en langage courant) : méthode consistant à inhaler la cocaïne sous forme de poudre, en général au moyen d’un petit tube appelé « paille ». La cocaïne est alors disposée en petits tas filiformes, appelés « traits », « barres », « rails », « lignes », « pointes », « poutres » ou « traces » (figure 3). L’effet se fait sentir au bout de deux minutes et dure environ une heure ;
• free base : cocaïne base (libérée de son sel) en mélangeant le chlorhydrate (cocaïne poudre) avec de l’ammoniac (ou du bicarbonate de soude), ensuite chauffée jusqu’à apparition de cristaux et enfin lavée à l’eau, ceci pour éliminer toutes les traces d’alcaline (ammoniaque, bicarbonate, etc.) ayant servi à sa préparation. Sous forme de sa base libre, elle est volatile, et se fume dans une pipe spécifique. L’effet se fait sentir au bout de deux minutes et dure environ 30 minutes ;
• fumée en joint ;
• « chasser le dragon » : méthode consistant à inhaler les vapeurs de cocaïne, chauffée la plupart du temps sur une feuille d’aluminium par le dessous ;
• ingérée en parachutes une dose de cocaïne est enveloppée dans du papier à cigarettes et gobée : l’effet se fait sentir au bout de 20 minutes et dure environ 1 heure ;
• Injectée en intraveineuse : l’effet se fait sentir au bout de 10 secondes et dures environ 20 minutes. Elle se rencontre généralement chez les poly-toxicomanes [58].
– Une forte euphorie appelée « flash », un sentiment de puissance intellectuelle et physique (voire sexuelle) qui provoque une désinhibition, une hyperthermie, une baisse de la fatigue, une indifférence à la douleur, à la fatigue, à la faim, et dans certains cas des hallucinations, délires ,
des insomnies, des amnésies, des difficultés de concentration, des tics, etc. ;
– Chez la femme enceinte, la cocaïne traverse la barrière placentaire et expose l’embryon et le fœtus à des risques de retard de croissance, d’AVC et de malformation [28].
– Une augmentation du rythme cardiaque (tachycardie), voir des douleurs thoraciques pouvant aller jusqu’à un infarctus du myocarde, une augmentation de la pression sanguine (hypertension) et de la respiration ;
– La sensation d’avoir la gorge gonflée, anesthésie du nez et des dents ainsi qu’une difficulté à déglutir ;
– Le partage du matériel pour la consommation « en rail » favorise les transmissions virales (hépatite B, hépatite C et Sida) avec le partage de pailles ;
Les amphétamines
Avant d’être consommée comme une drogue, l’amphétamine est un stimulant et un coupe-faim. Il stimule le système nerveux central (cerveau) et les nerfs en augmentant la quantité de certaines substances chimiques dans le corps. Cela augmente la fréquence cardiaque et la pression artérielle et diminue l’appétit (entre autres effets). Même si la forme pure est interdite depuis 1959, elle reste utilisée à des fins médicamenteuses dans certains pays sous forme de sulfate de dextroamphétamine. Elle est utilisée pour traiter la narcolepsie, les troubles de l’attention (hyperactivité) et aussi dans certains cas contre l’obésité.
Dans le milieu médical, l’apparence des amphétamines varie. Elles peuvent se présenter sous la forme de poudre, de comprimés et de cachets. (Figure 4)
Les amphétamines sont généralement avalées, injectées ou fumées, elles sont plus rarement reniflées. Ce produit touche surtout les adolescents et est plutôt utilisé en groupe, au cours de soirées telles que les rave-parties. Leur nocivité ainsi que la forte dépendance psychique, qu’elles engendrent, expliquent que la majorité des amphétamines soit classées comme stupéfiants depuis 1967 [46].
Leur consommation peut entrainer une altération de l’état général par l’augmentation de la libido, la transpiration excessive, la diminution de l’appétit, l’accélération du rythme cardiaque et de la respiration, un grincement des dents, une sécheresse buccale, une dilatation de la pupille, une répétition de gestes inhabituels comme se gratter sans cesse et un besoin irrépressible de parler. L’utilisation régulière d’amphétamines peut éventuellement causer : une diminution de l’appétit et une perte de poids extrême, un sommeil agité, des problèmes dentaires, des rhumes et des grippes régulières, des difficultés à se concentrer, des difficultés à respirer, une raideur musculaire, de l’anxiété et des crises de paranoïa, des dépressions, des problèmes cardiaques et rénaux, des risques accrus d’AVC, l’envie de vouloir consommer toujours plus pour obtenir les mêmes effets, une dépendance forte, des problèmes financiers au travail et des problèmes sociaux. Si une trop grande quantité est absorbée, elle peut aussi causer une surdose (ou overdose) qui est à l’origine d’une palpitation intense de plus en plus forte, d’un évanouissement et d’une crise cardiaque ou pire, mortelle [3].
LES PRINCIPALES DROGUES OPIACEES
L’opium
L’opium est un produit de sécrétion d’une plante ressemblant à un gros coquelicot : le pavot (Papaver somniferum). Il est recueilli après incision des capsules sous forme d’un latex blanc qui coagule, sèche et bruni au soleil. Il est ensuite raclé et pétri en pains constituant l’opium [2].
Il peut être utilisé sous la forme d’élixir parégorique pour traiter la diarrhée. L’opium peut être avalé ou bu en décoction mais son usage le plus courant consiste à être fumé, souvent à l’aide d’une pipe (où la boule d’opium est préchauffée en étant piquée sur une aiguille), parfois mélangé avec du tabac. L’opium est également fumé en joint avec du tabac (parfois du cannabis, le joint est alors appelé « impérial »), l’effet est rapide et semblable (en moins intense) à la consommation d’héroïne : sensation d’extase orgasmique, état de relaxation intense, insensibilité totale à la douleur (propriété analgésique de la morphine), difficulté de coordination des mouvements, etc. Sa consommation induit un myosis, une baisse de l’amplitude respiratoire, une hypotension et peut provoquer des nausées ou des vomissements [60].
La morphine
La morphine (du grec Μορφεύς, Morphée, dieu grec du sommeil et des rêves) est d’origine végétale, c’est le principal constituant de l’opium qui est une substance extraite du pavot. Celui-ci est cultivé pour la morphine. Le pavot est moissonné au cours de l’été (uniquement les capsules et une courte partie du pédoncule sont récoltées). Puis la paille de pavot est récoltée puis transformée en granulés pour être ensuite envoyée dans un centre d’extraction chimique ou il sera transformé en poudre de morphine (figure 9).
L’opium ayant des propriétés sédatives et analgésiques, la morphine possède ses mêmes caractéristiques [49].
Les voies d’utilisation de la morphine sont :
– voie parentérale : injection intraveineuse, injection sous cutanée, injection intraveineuse en perfusion (en général cet usage est réservé aux patients sous assistance respiratoire) et d’injection péridurale ;
L’usage toxicomaniaque par voie injectable de la morphine est devenu marginal sur le plan pharmacologique.
– voie orale : comprimé ou gélule à libération prolongée (utilisé dans le traitement des douleurs chroniques), sirop, solution buvable et sucette ;
– autres voies : suppositoire (non disponible en France, disponible en Suisse et au Canada) et de patch à libération continue.
Quel que soit la voie d’administration, la morphine agit dans l’organisme à différents niveaux :
action sur le Système Nerveux Central (SNC) (figure 10) ;
La fixation de la morphine est stéréospécifique et réversible sur les récepteurs du SNC. La morphine est un antalgique puissant à effet central. Son effet est dû à son action d’activation dite agoniste des récepteurs opioïdes qui sont les récepteurs mu, delta, kappa, qui se situe au niveau de la moelle épinière et au niveau supra-médullaire. C’est un antalgique de palier III.
Action analgésique : la morphine augmente le seuil de perception de la douleur. Action psychodysleptique : la morphine provoque des troubles analogues à la psychose, des troubles intellectuels et des troubles de la personnalité. Cette action participe à l’activité analgésique ; on devient ainsi indifférent face à la douleur.
Action sédative : elle provoque des somnolences.
Action sur la dépression du centre respiratoire : diminution de la sensibilité du centre respiratoire.
Action dépressive du centre de la toux.
Action sur le centre du vomissement : La morphine possède une action émétique.
Favorise le myosis: elle provoque en effet une diminution du diamètre de la pupille par contraction de l’iris.
Action sur le phénomène de dépendance: la morphine inhibe la production d’enképhalines (l’enképhaline est un peptide endogène antalgique), ce qui conduit à augmenter le nombre de récepteurs µ. On augmente alors les doses et la fréquence des prises pour obtenir le même effet. La dépendance provoque une sensation d’euphorie, de bien être transitoire, de somnolence. Après cette dépression psychique, une tolérance se crée. La cessation brutale de prise de morphine entraine un syndrome de sevrage caractérisé par des sueurs, des larmoiements, des algies musculaires et articulaires, une agressivité, une mydriase, des hallucinations, de l’anxiété, des insomnies, vient ensuite une tachycardie.
Action périphérique
La morphine a une action digestive ; elle entraîne des vomissements en agissant sur les fibres lisses musculaires. Elle diminue le péristaltisme et provoque une constipation. Elle provoque aussi une rétention urinaire, une bradycardie et de l’hypotension [20].
L’administration répétée de morphine peut entraîner une toxicomanie caractérisée par une dépendance psychique et physique ainsi que par une tolérance : elle est donc inscrite sur la liste du tableau des stupéfiants. Ce phénomène concerne de façon inégale les diverses actions pharmacologiques du produit. S’agissant du traitement de la douleur, il impose d’augmenter régulièrement les posologies afin de conserver son efficacité au traitement. La réponse respiratoire à l’administration régulière de morphine est aussi sujette à accoutumance. L’arrêt du traitement peut provoquer un syndrome de sevrage et doit se faire progressivement. La dépendance n’a pas pour unique cause l’administration de morphine (ni d’ailleurs d’un autre opiacé), mais une origine plurifactorielle. Un patient souffrant de douleurs à qui on administre de la morphine même à une posologie excédant 1 gramme par jour, verra ainsi se développer une accoutumance (ce qui explique qu’il faille en arriver à des posologies parfois considérables) sans pour autant devenir dépendant du médicament [20].
La codéine
La codéine (ou méthylmorphine) qui est un opiacé est l’un des alcaloïdes contenus dans le pavot somnifère (Papaver Somniferum). Elle est utilisée à visée antalgique et comme antitussif, mais c’est aussi une drogue détournée de son usage pour ses propriétés opiacés, en usage récréatif, ou en auto-substitution. Contrairement à la morphine, elle n’est pas classée comme stupéfiant, et elle est en vente libre en France et dans la plus part des pays dont le Sénégal. C’est l’opiacé le plus utilisé dans le monde [11].
Rappelons que l’OMS classe les antalgiques en 3 niveaux :
– Le niveau I comprend le paracétamol, l’aspirine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ;
– Le niveau II comprend la codéine et ses dérivés, le Tramadol et le Nefopam (le dextropropoxyphène a été retiré du marché).
– Le niveau III comprend les autres opiacés, morphine, fentanyl, oxycodone etc.
Le niveau I est indiqué en première intention pour les douleurs légères à modérées, Le niveau II est indiqué pour les douleurs modérées à sévères et/ou en cas d’échec du niveau I, Le niveau III est indiqué pour les douleurs sévères et/ou en cas d’échec du niveau II [11].
La codéine est métabolisée dans le foie par trois voies différentes, dont l’une, la O déméthylation, transforme la codéine en morphine (une proportion de 5 à 15% de codéine est transformée en morphine), cette transformation est potentialisée par l’alcool. De ce fait, on peut assimiler la codéine à une prodrogue, son élimination urinaire rapide impose qu’elle soit administrée de façon répétée. Elle expose à des effets indésirables identiques à ceux de la morphine : nausées, vomissements, constipation, dépression respiratoire [20].
La codéine est un agoniste pur procurant un effet assez puissant qui pallie le manque et rétablit des sensations considérées comme normales par les héroïnomanes chroniques. Les comprimés étant très faiblement dosés en codéine, les usagers de drogue qui l’utilisent doivent en consommer en grande quantité pour obtenir l’effet recherché. Les intolérances digestives sont alors fréquentes et proportionnelles au nombre de comprimés ingérés. La codéine a une action brève, nécessitant une prise répétée des doses. Les doses et la fréquence des prises vont souvent croissantes et il n’est pas rare de voir des toxicomanes consommant plus de 10 boîtes de Néocodion® par jour, soit plus de 200 Comprimés !
Les spécialités associant la codéine au paracétamol ou à d’autres anti-inflammatoires font courir un risque toxique propre au produit associé [22].
Héroïne
L’héroïne ou diacétylmorphine est un opiacé synthétisé à partir de la morphine. Celle-ci est naturellement présente dans l’opium (suc du pavot somnifère). L’héroïne est proche de substances naturellement produites par le corps, appelées « endorphines ». Le cerveau produit des endorphines en plusieurs occasions : en cas de tristesse ou en cas de grande douleur, dans le but de diminuer ces sensations. L’héroïne est surtout recherchée pour le bien-être psychique et physique qu’elle procure [26].
Les modes d’actions de l’héroïne
L’héroïne, comme les endorphines, est un « dépresseur » du système nerveux central. Elle agit en « endormant » certaines fonctions du système nerveux. Elle ralentit, par exemple, la respiration. L’héroïne, en remplaçant l’endorphine, génère un sentiment de bien-être et atténue douleur et anxiété lorsqu’elle est consommée avec modération. De plus grandes quantités entraînent le sommeil. De très fortes doses peuvent provoquer l’arrêt de fonctions vitales de l’organisme (circulation sanguine, respiration, …).
Un usage quotidien d’héroïne entraîne une diminution importante de la production des endorphines. En cas d’apport extérieur important et continu d’héroïne, le cerveau cesse de produire des endorphines. Lors de l’arrêt de cette consommation, le corps aura besoin de quelques jours pour produire à nouveau des endorphines. D’où une sensation intense de mal-être, voire de douleur : le manque [26].
Les modes de consommation
L’héroïne sous forme de sel hydrosoluble est le plus souvent injectée par voie intraveineuse, après avoir été dissoute dans de l’eau chauffée, additionnée de quelques gouttes de jus de citron (figure 12). La préparation est injectée dans une veine (bras, jambe, cheville, pied …) (figure 13). Tous les abords sont utilisés afin de masquer au maximum les stigmates des injections. Ce mode d’administration, même s’il expose aux risques les plus importants (action pharmacologique puissante de la drogue, toxicité des agents de coupe, risques infectieux) est le seul à donner l’effet violent de « flash » recherché par les usagers. A noter que cet effet est nettement plus prononcé avec la morphine, étant donné que les substitutions acétyles permettent un passage plus rapide à travers la barrière hémato-encéphalique.
L’administration orale, du fait de l’effet de premier passage hépatique, n’a que peu d’intérêt pour le toxicomane. La totalité de l’héroïne est transformée en morphine dans le foie avant de regagner le cerveau : son administration revient dès lors à administrer de la morphine.
L’héroïne peut être sniffée (figure 15), le produit franchissant alors la muqueuse nasale avant de gagner le sang.
Mélangée à du tabac ou du cannabis, elle peut être fumée dans une pipe à eau, une pipe classique voire sous forme de cigarette (figure 16) ou inhalée sous forme de fumée (figure14). Les vapeurs de l’héroïne passent dans le sang au niveau des alvéoles pulmonaires.
LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT DE SUBSTITUTION
Les objectifs des traitements de substitution sont multiples et ne se limitent pas au sevrage physique de l’héroïne.
Les traitements de substitution doivent permettre au patient toxicomane de retrouver une stabilité et un confort de vie minimal, avec accès aux soins, réinsertion sociale et familiale. Le toxicomane doit recouvrer une maîtrise de son existence, qui passe par une maîtrise de sa consommation de produit(s). Sous traitement de substitution, la dépendance est contrôlée pharmacologiquement et l’usager est maintenu dans un état « normal », sans ivresse.
Le traitement de substitution doit être suffisamment long, afin de permettre au toxicomane de se reconstruire sur le plan personnel et social. L’arrêt du traitement ne doit être envisagé que quand le patient est parfaitement stable, et que sa qualité de vie, son état de santé physique et psychique le permettent, ceci afin de minimiser le risque de rechute. On sait notamment que plus le traitement est court, plus le risque de rechute est important [21].
A court terme
– Le traitement de substitution doit permettre au toxicomane d’arrêter rapidement sa consommation d’héroïne.
– En supprimant l’état de manque, le toxicomane voit son humeur s’améliorer, ainsi que son comportement social et son état de santé.
– L’usager est libéré de la recherche incessante de produit, et ce temps peut être occupé à la recherche d’un emploi, l’éducation d’un enfant…
– En devant respecter les rendez-vous fixés par le médecin et/ou le pharmacien, et par la prise unique quotidienne du traitement, le toxicomane retrouve des repères temporels [4].
A moyen terme
– La prise régulière d’un traitement de substitution permet un suivi global du toxicomane : médical, psychologique et social. Il n’est plus seul face à son produit et la relation de confiance entre le praticien, le pharmacien et le patient est essentielle à la réussite du traitement.
– Le patient a un meilleur contrôle de son comportement, ce qui lui permet une réinsertion socioprofessionnelle et affective [4].
A long terme
– Obtenir un état d’indépendance totale à toute substance, y compris au médicament de substitution.
– Le patient doit être suffisamment stable et bien dans sa peau pour éviter tout risque de rechute à l’arrêt du traitement.
– Le patient doit se détacher du monde de la drogue et rompre ses relations avec le milieu toxicomane pour éviter la tentation d’en reprendre.
A un niveau plus général, la mise en place des traitements de substitution doit permettre de réduire les maladies dont la transmission est facilitée par l’échange de seringues entre toxicomanes, telles que le SIDA et les hépatites, mais également de diminuer la délinquance liée à la drogue [4].
LES PRODUITS DISPONIBLES ET CHOIX DU PRODUIT
La méthadone et la Buprénorphine Haut Dosage (Subutex®) sont les seuls produits à bénéficier actuellement de l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication, bien que d’autres médicaments opiacés soient parfois utilisés à des fins de substitution, en dehors des indications officielles (Ex : Moscontin®, Skénan®).
Un troisième produit est actuellement utilisé aux Etats-Unis dans les traitements de substitution, avec les mêmes indications que la méthadone et le Subutex® : le L.A.A.M (Levo-Alpha-Acetyl-Methadol), Orlaam®. Le LAAM est un dérivé de la méthadone. Il en diffère par ses paramètres pharmacocinétiques puisque sa demi-vie est d’environ 60 heures. Il présente une très longue durée d’action en raison de l’apparition de métabolites actifs de longue durée de vie. Il agit en fait comme une prodrogue : il doit subir un effet de premier passage hépatique pour manifester sa pleine activité pharmacologique grâce à ses métabolites actifs. Cette cinétique autorise une administration tous les deux jours voire seulement trois fois par semaine. En raison du risque de surdose, il ne peut être confié aux patients qui doivent donc venir le chercher au centre de soin.
En France, le LAAM bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation nominative et n’est disponible qu’à l’hôpital (RICHARD) [22].
La Buprénorphine Haut Dosage a pour principal avantage sa grande sécurité d’emploi. Il s’agit d’une substance qui possède les propriétés d’un agoniste partiel. Il est rare de constater avec elle des surdoses mortelles. La discrétion et le faible volume qu’autorise la galénique sèche est appréciable. Les inconvénients sont toutefois nombreux, qui vont du prix élevé, à une efficacité anti-craving légèrement inférieure à la méthadone, une difficulté à contrôler son administration sous la forme de comprimés et donc un risque plus élevé de voir le médicament détourné de son emploi médical (mésusage).
La méthadone a pour elle de nombreux avantages. Il s’agit d’une substance facile à produire et à moindre coût. Sa formulation liquide sous forme de sirop dissuade de toute utilisation par la voie injectable. La forme liquide recèle toutefois deux inconvénients : elle est plus instable au plan pharmacologique et plus difficile à conserver. Son stockage occupe plus d’espace que la forme sèche (figure 22). On peut néanmoins être assuré de son absorption après un simple contrôle de la déglutition. La supervision de sa dispensation est donc plus aisée et les diversions du traitement sont beaucoup plus rares. Les détournements d’usage par voie injectable qui peuvent en résulter sont peu fréquents. Son profil pharmacologique est optimal avec une capacité à réduire le besoin d’opiacés (« craving ») à peu près inégalée. Ses inconvénients sont connus. Sa sécurité d’emploi est intrinsèquement moins bonne que celle de la Buprénorphie. Il s’agit d’un agoniste opiacé pur et ses effets sont proportionnels à la dose ingérée (la dose létale est de 1mg/kg chez une personne ne présentant pas de dépendance aux opiacés). Toute administration individuelle a une posologie supérieure au niveau de tolérance acquise du patient et peut se solder par le décès du patient. Dans le cadre d’une prise de traitement supervisée, c’est laissée à l’initiative du patient. La mise en œuvre du Traitement de Substitution aux Opiacées (TSO) par la méthadone nécessite des précautions et le respect d’un protocole plus exigeant. Néanmoins, les qualités de la méthadone semblent outre passer largement ses inconvénients.
Il faut cependant se rappeler que ces deux produits sont des traitements de la dépendance majeure aux opiacés et qu’ils ne règlent pas les problèmes liés à l’abus d’alcool, de cocaïne ou de benzodiazépines pour ne citer que les trois substances les plus consommées par les consommateurs d’héroïne [10].
La méthadone est principalement utilisée dans des programmes de désintoxication ou de substitution à l’héroïne, car évidemment il reste la molécule de référence d’où son utilisation dans notre pays le Sénégal.
LA METHADONE
ORIGINE ET STRUCTURE DE LA METHADONE
La méthadone est un opioïde analgésique, synthétisé en 1937 par les Allemands Max Bockmühl et Gustav Ehrhartde chez I.G. Farben qui cherchaient un analgésique qui serait d’un emploi plus aisé au cours d’une intervention chirurgicale et ainsi d’avoir moins de potentiel d’addiction. La méthadone est utilisée depuis 1960 comme substitut des opiacés chez les consommateurs d’héroïne sous l’impulsion de Vincent Dole. Son utilisation est légale en France depuis 1995 et au Sénégal en 2014 [59].
La molécule de méthadone a un atome de carbone chiral le C6 qui porte 4 substituants différents ; elle se présente donc sous forme de deux énantiomères : (R)-méthadone et (S)-méthadone qui sont différenciables par leur pouvoir rotatoire opposé. La forme utilisée en thérapeutique est le racémique, c’est-à-dire le mélange 50:50 des deux formes (figure 19).
En général, le mélange des isomères D et L est utilisé, ceci bien que l’activité recherchée soit due presque entièrement à la forme L. En tant qu’analgésique narcotique, la méthadone est utilisée pour soulager des douleurs sévères.
Suivant les législations en vigueur par pays, la prescription médicale de méthadone peut être soumise aux lois sur la prescription de substances psychotropes [15].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LA TOXICOMANIE
I. TOXICOMANIE
I.1.DEFINITION DE LA TOXICOMANIE ET DES CONDUITES ADDICTIVES
I.2.LES DROGUES
I.3.DEPENDANCE ET ABUS
1.4. CLASSIFICATION DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES A L’ORIGINE DE DEPENDANCES
I.4.1. Classification selon leurs effets pharmacologiques
I.4.2. Classifications légales
I.4.2.1 Produits illicites
I.4.2.2. Produits limités
I.4.2.3.Produits licites
II. LES OPIACEES
II.1. HISTORIQUE
II.2. LES PRINCIPALES DROGUES OPIACEES
II.2.1. L’opium
II.2.2.La morphine
II.2.3. La codéine
II.2.4 Héroïne
CHAPITRE II : TRAITEMENT DE SUBSTITUTION
I. PRINCIPE DU TRAITEMENT
II. LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT DE SUBSTITUTION
III. LES PRODUITS DISPONIBLES ET CHOIX DU PRODUIT
IV.LA METHADONE
IV.2. FORME GALENIQUE DE LA METHADONE
IV.3. COMPOSITION DE LA METHADONE
IV.4. PROPRIETES PHYSIQUES ET CHIMIQUES
IV.4.1. Propriétés chimiques
IV.4.2. Propriétés physiques
IV.5. PHARMACOCINETIQUE DE LA METHADONE
IV.5.1. Absorption
IV.5.2. Distribution
IV.5.3. Demi-vie plasmatique
IV.5.4. Métabolisme
IV.5.5. L’élimination
IV.6. PROPRIETES PHARMACOLOGIQUE
IV.6.1. Activité analgésique
IV.6.2. Activités sur les centres respiratoires
IV.6.2.1 Dépression respiratoire
IV.6.2.2. Inhibition du réflexe de la toux
IV.6.3. Autres effets centraux
IV.6.4. Effets sur les muscles lisses
IV.6.5. Effets sur le système cardiovasculaire
IV.7. INDICATION THERAPEUTIQUE
IV.8. POSOLOGIE ET MODE D’ADMINISTRATION
IV.9. CONTRE-INDICATION
IV.10. MISE EN GARDE ET PRECAUTION D’EMPLOIE
IV.11. INTERACTION MEDICAMENTEUSES
IV.12. GROSSESSE ET ALLAITEMENT
IV.13. CONDUITE DE VEHICULE ET UTILISATEUR DE MACHINE
IV.14. EFFETS INDESIRABLES
IV.16. CONSERVATION
IV.17. DELIVRANCE
CHAPITRE III : LES ETAPES DU TRAITEMENT DE SUBSTITUTION EN PRATIQUE
I. AVANT LA MISE EN PLACE DU TRAITEMENT
II. MISE EN PLACE DU TRAITEMENT PAR LA METHADONE
II.1. PHASE D’INITIATION DU TRAITEMENT : LA IER SEMAINE
II.1.1. Posologie et adaptation durant la phase d’initialisation
II.1.2. Fréquence des consultations médicales
II.2. PHASE DE STABILISATION OU «DE MAINTENANCE »
II.2.1. Posologies
II.2.2. Fréquence des consultations médicales
III. SURVEILLANCE CLINIQUE DU PATIENT
IV.DUREE DU TRAITEMENT
V. ARRET DU TRAITEMENT
VI. PREVENTION DES RECHUTES
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL D’ENQUETE
I. CADRE DE L’ETUDE
I.1.GENESE DU CENTRE
I.2. LOCALISATION ET DESCRIPTION DU CEPIAD
I.3.OBJECTIFS DU CEPIAD
I.4.FONCTIONNEMENT DU CENTRE
I.5. CIRCUIT DE LA PRISE EN CHARGE DES CONSOMMATEURS D’HEROÏNE AU CENTRE
I.6. CRITERES D’INCLUSION
I.7. COMPOSITION EN RESSOURCES HUMAINES DU CENTRE
I.8. ROLE DU PHARMACIEN DANS L’OBSERVANCE THERAPEUTIQUE
I.8.1 L’accueil
I.8.3. La Phase de stabilisation
I.8.4. Suivi du traitement
I.8.5. Prise en charge des effets secondaires de la méthadone
I.8.6. Être attentif aux Co-prescriptions en particulier celles de psychotrope
I.8.7. Relation pharmacien-patient
I.8.8. La coopération pharmacien et autres professionnels de santé dans la délivrance
I.8.9. Rôle du pharmacien dans l’insertion sociale et professionnelle du patient
I-9 PLACE DES AUTRES PERSONNELS DE SANTE DANS L’OBSERVANCE THERAPEUTIQUE DES PATIENTS
I.9.1. Place des médecins addictologues
I.9.1.1. Avant la mise en place du traitement
I.9.1.2 Durant le suivi
I.9.2. Rôle des médecins somaticiens et des psychiatres
I.9.3. Rôle des infirmiers
I.9.4. Rôle des assistants sociaux
I.9.5. Rôle de l’équipe de terrain au CEPIAD
II. MATERIEL ET METHODES
II.1. OBJECTIFS DE L’ETUDE
II.2. MATERIEL
II.3. METHODOLOGIE
II.3.1. Type d’étude
II.3.2. L’échantillon
II.3.2.1. Taille de l’échantillon
II.3.2.2. Stratégie d’échantillonnage
II.3.3. Les entretiens
II.3.3.1. Type d’entretien
II.3.4. Recueil des données
III- Les résultats
III-1 IDENTIFICATION DE LA POPULATION DE L’ETUDE
III.2. L’AVIS DES PATIENTS SUR L’OBSERVANCE THERAPEUTIQUE
IV DISCUSSION
IV-1 DISCUSSION A PROPOS DE L’ETUDE
IV.2. DISCUSSION DES RESULTATS DE L’ENQUETE
CONCLUSION
REFERENCES
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