Classification des pesticides selon leurs propriétés physico-chimiques
Les organochlorés
Généralités
Les pesticides organochlorés (OC) sont des molécules de synthèse possédant plusieurs atomes de chlore. Ils ont été massivement utilisés partout dans le monde comme insecticides de contact et dans une moindre mesure comme fongicides et acaricides. Leur spectre d’action est très large. Il s’agit de composés très persistants dans l’environnement. Ils s’accumulent facilement dans les graisses et font l’objet d’une biomagnification (bioamplification) le long de la chaine alimentaire. Les OC sont classés parmi les polluants organiques persistants (POPs) dont les usages sont aujourd’hui interdits dans beaucoup de pays par le biais d’accords internationaux comme la convention de Stockholm [17]. En France, de nombreuses restrictions réglementaires (arrêtés du 2 novembre 1972, du 5 juillet 1982 et du 22 mars 1983) en ont limité le nombre et l’emploi : l’aldrine, le dieldrine, l’heptachlore et le chlordane sont interdits en agriculture, le DDT et l’HCH (hexachlorocyclohexane) également. L’utilisation du chlordécone est restreinte à l’emploi des bananiers. Le lindane (isomère gamma de l’HCH) est interdit depuis le 1er juillet 1998. Sont encore utilisés l’endosulfan (camphre soufré) et le diénochlore [6].
Propriétés physicochimiques
Les OC sont généralement des substances possédant dans leur structure des atomes de chlore responsables d’une stabilité chimique très élevée. Ils se présentent en général sous forme de poudre ou cristaux blanc-jaunâtres ou incolores.
Ce sont des composés non ioniques, très peu solubles dans l’eau, solubles dans les solvants organiques. Ils sont stables à l’air, la lumière et la chaleur. Leur fort coefficient de sorption au carbone organique (logKoc) leur confère une excellente affinité pour les sols riches en matières organiques. Ainsi, ces substances ont tendance à persister longtemps dans les sols (plus de 10 ans) qui constituent un milieu d’accumulation privilégié. Ils ont une faible pression de vapeur responsable d’une faible volatilité. Ces substances ont un fort pouvoir bio-accumulatif et une lipophilie marquée, illustrés par un logarithme du coefficient de répartition octanol/eau (logKow) supérieur à 3,5. Elles auront donc tendance à s’accumuler dans les tissus riches en graisses des organismes vivants (tissu adipeux, foie, système nerveux central) et à contaminer la chaine alimentaire[18]. Cette famille chimique comprend les groupes du chlorobenzène, de l’hexachlorocyclohexane, des camphènes chlorés ou cyclodiènes avec comme principaux représentants respectivement le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), le γ hexachlorocyclohexane (HCH) et l’aldrine .
Les organophosphorés
Généralités
Les organophosphorés (OP) sont des insecticides synthétiques commercialisés à partir de 1942 avec le tétra-éthyl-pyrophosphate (TEPP), très toxique et rapidement abandonné ; puis le parathion, en 1944. On leur connait de multiples usages : insecticides, rodonticides, nématicides, herbicides, traitement direct sur l’humain (cas des glaucomes), additifs dans certains produits de plastique et de pétrole. Aujourd’hui, les OP sont principalement utilisés comme insecticides sur les plantes, les animaux et les humains (contre les poux, les mites et la malaria). Ils sont autant utilisés en agriculture et entretien paysager, qu’en milieu industriel et domestique [10].
Propriétés physicochimiques
Ce sont des dérivés de l’acide phosphorique. Ils sont caractérisés par une structure chimique similaire, appelée formule de SCHARDER .
L’atome de phosphore pentavalent est directement lié à l’atome d’oxygène ou de soufre. R1 et R2 sont des groupements basiques, généralement des radicaux alkyl, aryl, alkoxy, aryloxy ou un groupement amino plus ou moins substitué. X, groupement acide hydrosoluble, peut être un groupe acyl, un groupe thiocyanate, un pyrophosphate, un aryl substitué, un alkyl substitué, un hétérocycle plus ou moins complexe. Les OP sont des composés non ioniques, biodégradables se présentant sous forme de liquide visqueux et plus rarement sous forme de cristaux avec une odeur caractéristique. Leur caractère généralement lipophile (plus ou moins lipophile selon la substance) se traduit par un logarithme du coefficient de répartition octanol/eau (logKow) largement positif et parfois supérieur à 4. De masses moléculaires élevées (220 à 368 g/mol), ils sont plus ou moins stables selon la nature du groupe X et la présence d’un atome de soufre : les aromatiques et composés sulfurés sont plus rémanents. Ils sont plus ou moins solubles dans l’eau et ont un coefficient de sorption au carbone organique, exprimé par logKoc, peu élevé traduisant une faible affinité pour les sols riches en matière organique. Leur pression de vapeur est relativement faible d`où leur faible volatilité ; le chlorpyrifos, le dichlorvos et le fenthion sont toutefois à considérer au vu des résultats plus élevés. Les organophosphorés donnent des réactions d’isomérisation et d’hydrolyse en solution aqueuse. Ils appartiennent aux groupes des phosphates (dichlorvos), des phosphonates (trichlorofon), des phosphorothioates (fénithrothion), desphosphorodithioates (malathion) et des phosphoramides (méthamidophos) [11, 19].
Les carbamates hétérocycliques anticholinestérasiques
Généralités
La majorité des pesticides de ce groupe sont des insecticides. Ils agissent comme les organophosphorés en inhibant l’acétylcholinestérase. Certains ont des actions spécifiques (aphicide, molluscicide). Le risque d’intoxication pour les mammifères est plus faible qu’avec les organophosphorés car l’absorption cutanée (un des principaux modes d’absorption) est beaucoup plus lente. Leur rémanence est généralement faible. Le propoxur, bendiocarbe et dioxacarbe sont utilisés dans la lutte antipaludique pour leur grande rémanence.
Le pyrèthre, la pyréthrine et les pyréthrinoïdes
Généralités
Les pyréthrines naturelles (pyréthrinoïdes) regroupent un ensemble de principes actifs d’origine végétale extraits de la fleur du Chrysanthème insecticide ou Pyrèthre de Dalmatie, plus particulièrement du Chrysanthemum cinerariaefolium. Les pyréthrinoïdes sont des produits de synthèse dont le premier est l’allethrine, synthétisé en 1949 par Schelter et chef de file des pyréthrinoïdes de première génération mais photolabile. En 1973, Elliot est à l’origine des composés de deuxième génération qui sont plus stables à la lumière. Leur utilisation en agriculture requiert des doses faibles diminuant ainsi le risque pour l’homme. En revanche, il y’a un danger écologique important du fait qu’ils sont très nocifs pour l’environnement aquatique et les animaux. De plus, le risque d’apparition de résistances est élevé .
Structure
Structure des pyréthrines naturelles
Dans l’extrait naturel des fleurs du chrysantème insecticide, sont présents les esters de deux acides voisins (acides chrysanthémique et pyréthrique) et de trois alcools dérivant d’un cycle cyclopentanone substitué. En se référant à l’origine de la formation des pyréthrines, on distingue donc deux types de structures : les pyréthrates et les chrysanthémates .
Le « R » représenté à l’extrémité droite de ces molécules, issu des alcools, peut être un groupement méthyl, éthyl ou éthylène. De cette manière, on obtient 3 chrysanthémates et 3 pyréthrates. Ces 6 molécules, particulièrement instables à la lumière solaire, composent l’ensemble des principes actifs que l’on nomme pyréthrines naturelles. Les chimistes ont donc, à partir de ces modèles, cherché à améliorer à la fois leurs performances insecticides et leur photostabilité [19].
Propriétés physico-chimiques
Les matières actives des pyréthrinoïdes présentent un aspect huileux, visqueux et rarement une forme cristalline. Ce sont des composés très liposolubles, neutres, très peu volatils et instables chimiquement, sensibles en particulier à l’oxydation. Ce dernier trait est cependant à nuancer : la stabilité augmente avec les générations de pyréthrinoïdes. En revanche, tous sont sensibles à l’hydrolyse. En raison de cette instabilité, les pyréthrinoïdes détiennent une réputation de forte biodégradabilité. Néanmoins, leur vitesse de dégradation varie suivant les molécules, voire entre les isomères d’une même molécule (DT50 comprise entre 5 jours et 13 semaines). La plupart d’entre eux sont stables à la lumière. Hormis cette classification basée sur la famille chimique du pesticide, il existe d’autres systèmes de classification universellement établis. L’option retenue ici procède selon la cible, la formulation, la toxicité et selon les risques de cancers pour l’homme [10].
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Table des matières
INTRODUCTION
I. DEFINITION
II. HISTORIQUE
III. RAPPELS
III.1. Classification des pesticides selon leurs propriétés physico-chimiques
III.1.1. Les organochlorés
III.1.1.1. Généralités
III.1.1.2. Propriétés physicochimiques
III.1.2. Les organophosphorés
III.1.2.1. Généralités
III.1.2.2. Propriétés physicochimiques
III.1.3. Les carbamates hétérocycliques anticholinestérasiques
III.1.3.1. Généralités
III.1.3.2. Propriétés physico-chimiques
III.1.4. Le pyrèthre, la pyréthrine et les pyréthrinoïdes
III.1.4.1. Généralités
III.1.4.2. Structure
III.1.4.2.1. Structure des pyréthrines naturelles
III.1.4.2.2. Structure et nomenclature des pyréthrinoïdes
III.1.4.3. Propriétés physico-chimiques
III.2. Les autres types de classification
III.2.1. Selon la cible
III.2.2. Selon la formulation
III.2.3. Selon la toxicité
III.2.4. Selon le risque de survenue de cancer pour l’homme
III.3. Les manifestations cliniques liées à l’intoxication aux pesticides
III.3.1. Les organochlorés
III.3.1.1. Métabolisme et accumulation dans l’organisme
III.3.1.2. Intoxications aiguës
III.3.1.3. Intoxications subaiguës ou chroniques
III.3.2. Les organophosphorées
III.3.2.1. Métabolisme et mécanisme de toxicité
III.3.2.2. Intoxications aiguës
III.3.2.3. Intoxications chroniques
III.3.3. Les carbamates hétérocycliques anticholinestérasiques
III.3.4. Le pyrèthre, la pyréthrine et les pyréthrinoïdes
III.3.5. Les produits divers
III.4. Les éléments de la métrologie d’ambiance et biométrologie
III.5. Le marché des pesticides au Sénégal
III.5.1. La fabrication locale
III.5.2. Les importations
III.5.3. La consommation des pesticides au Sénégal
III.6. Les éléments de la prévention
III.6.1. La prévention légale
III.6.1.1. La réglementation de source internationale
III.6.1.2. La réglementation sous-régionale
III.6.1.3. La réglementation nationale
III.6.2. La prévention technique collective et individuelle
III.6.2.1. Les Principes des BPA
III.6.2.2. Les Bonnes Pratiques Phytosanitaires (BPP)
III.6.2.2.1. Avant l’application
III.6.2.2.2. Pendant l’application
III.6.2.2.3. Après l’application
III.6.2.3. Les procédés de pulvérisation
III.6.3. La prévention médicale
III.6.3.1. La prévention primaire
III.6.3.2. La prévention secondaire
III.6.3.3. La prévention tertiaire
CONCLUSION