Classification des leucémies aiguës myéloïdes

Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) sont des maladies rares (< 6 cas pour 100000 habitants par an selon la définition du groupe RAREcare; Gatta et al., 2011) dont le taux brut d’incidence en France à été estimé à 4,4 cas pour 100 000 habitants par an, soit 2791 nouveaux cas en 2012 selon l’INCa (http://www.e-cancer.fr). Elles représentent ainsi 0,8 % des 355 000 nouveaux cas de cancers estimés en France en 2012. Les LAM sont essentiellement des maladies du sujet âgé, leur incidence restant relativement basse avant 60 ans pour augmenter rapidement après cet âge .

En tant que plateforme hospitalière de génétique moléculaire des cancers, le Centre Henri Becquerel de Rouen a pour mission de développer l’accessibilité des analyses de génétique moléculaire au plus grand nombre de patients atteints de pathologie tumorale. Dans ce contexte, une technique innovante de biologie moléculaire permettant de mettre en évidence des anomalies caractéristiques des leucémies aiguës a récemment été inventée au sein de son laboratoire de recherche. Nous nous proposons ici d’évaluer ses performances dans une série de 223 patients adultes atteints de LAM pris en charge au Centre entre 2008 et 2013. Nous analysons également la place et l’utilité éventuelle de cette technique au sein du panel d’outils déjà disponibles dans un laboratoire hospitalier de génétique moléculaire.

Généralités

Classification des leucémies aiguës myéloïdes 

Les LAM sont des maladies causées par des proliférations clonales de blastes appartenant à une ou plusieurs lignée(s) myéloïde(s) qui envahissent la moelle osseuse, le sang, et éventuellement d’autres tissus. En raison de l’hétérogénéité clinicobiologique des LAM, leur classification en différentes entités aussi homogènes que possible est indispensable pour permettre une prise en charge optimale des patients atteints de cette maladie. La classification des LAM repose les données cliniques, la morphologie des blastes, leurs caractéristiques cytochimiques et immmunophénotypiques, et sur l’étude génétique des cellules tumorales.

La mise en évidence des anomalies génétiques présentes dans les cellules tumorales a été intégrée dans l’algorithme utilisé pour classer les LAM depuis la troisième édition de la Classification des Tumeurs des Tissus Hématopoïétiques et Lymphoïdes publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2001 (Jaffe and World Health Organization, 2001). Des entités « clinico-pathologico-génétiques » de LAM ont ainsi été définies et un nouveau groupe appelé « LAM avec anomalies génétiques récurrentes » a été créé.

Dans la mesure où la physiopathologie des LAM s’explique principalement par l’accumulation d’anomalies génétiques dans les blastes tumoraux, la création de ce nouveau groupe prend tout son sens. Les LAM ayant des anomalies génétiques identiques évoluent a priori de la même manière sur un terrain similaire. A partir des données de survie existantes, on peut donc évaluer leur pronostic et ajuster la thérapeutique à l’agressivité de la maladie. De plus, certaines anomalies génétiques peuvent être spécifiquement visées par les nouvelles thérapies « ciblées ». Anisi, leur mise en évidence permet un traitement adapté.

Dans la dernière édition de la classification de l’OMS, parue en 2008, la part des entités définies par des anomalies génétiques a été renforcée en raison d’avancées dans les connaissances de la physiopathologie des LAM (Swerdlow et al., 2008) . Les remaniements chromosomiques, principalement des translocations réciproques, caractérisent la majorité des LAM avec anomalies génétiques récurrentes. Deux types de LAM avec mutations de gènes spécifiques ont été ajoutées en tant qu’entités provisoires dans l’attente de données complémentaires.

Anomalies génétiques présentes dans les cellules tumorales myéloïdes

Les LAM ont la particularité d’être des cancers pour lesquels seul un faible nombre de mutations est retrouvé dans le génome des cellules tumorales (Alexandrov et al., 2013 ). L’étude récente par séquençage haut débit de 200 LAM incluses dans « The Cancer Genome Atlas » a permis d’évaluer à 13 le nombre moyen de mutations dans les parties codantes du génome, dont 5 sont récurrentes (The Cancer Genome Atlas Research Network, 2013).

Dans un nombre significatif de LAM, seules deux mutations sont mises en évidence. L’une d’entre elle affecte un facteur de transcription, l’autre touche un gène codant une protéine impliquée dans la transduction du signal. Ce faible nombre de mutations dans les LAM suggère que seuls quelques événements génétiques sont nécessaires pour initier la leucémogénèse.

De manière schématique, les deux types de mutations les plus fréquentes ont été regroupés en deux classes (Swerdlow et al., 2008). Les anomalies dites de classe I sont celles qui affectent la transduction du signal. Elles confèrent aux cellules un pouvoir augmenté de prolifération et/ou de survie, et sont liées à des mutations de gènes tels que FLT3 ou KIT. Les autres, dites de classes II, ont pour effet de bloquer la maturation cellulaire et l’apoptose subséquente. Elles sont principalement associées à des remaniements chromosomiques, parmi lesquels les translocations figurent au premier plan, et impliquent des gènes de facteurs de transcription tels que RUNX1, CBFB ou RARA.

Intérêts de la recherche des anomalies génétiques dans le diagnostic et la prise en charge des LAM de l’adulte 

Les données génétiques fournissent des éléments essentiels au diagnostic et à la prise en charge des LAM. Des recommandations intégrant ces données ont été publiées par un groupe international d’experts de l’European LeukemiaNet (ELN) dans le journal Blood en 2010 (Döhner et al., 2010).

Intérêt diagnostique

Dans environ 55% des cas, des anomalies de structure chromosomique sont mises en évidence dans les LAM. Sept d’entre-elles,  définissent des LAM avec anomalies génétiques récurrentes dans la classification OMS 2008. La présence d’une des trois anomalies : t(8;21)(q22;q22), inv(16)/t(16;16)(p13.1;q22) et t(15;17)(q22;q12), permet de porter le diagnostic biologique de LAM indépendamment du pourcentage de blastes médullaires, qui dans les autres cas doit être supérieur à 20% (mis à part le cas particulier de l’érythroleucémie).

D’après la classification de l’OMS de 2008, certaines anomalies cytogénétiques sont suffisantes pour porter le diagnostic de LAM avec altérations associées aux myélodysplasies lorsque la blastose médullaire est supérieure à 20% :
– la présence d’un caryotype complexe (défini par trois anomalies chromosomiques ou plus),
– les anomalies non équilibrées suivantes : -7 ou del(7q); -5 ou del(5q); i(17q) ou t(17p); -13 ou del(13q); del(11q); del(12p) or t(12p); del(9q); idic(X)(q13),
– les anomalies équilibrées suivantes : t(11;16)(q23;p13.3); t(3;21)(q26.2;q22.1); t(1;3) (p36.3;q21.1); t(2;11)(p21;q23); t(5;12)(q33;p12); t(5;7)(q33;q11.2); t(5;17)(q33;p13); t(5;10) (q33;q21); t(3;5)(q25;q34).

Il est donc indispensable de réaliser un caryotype standard lors de l’évaluation diagnostique d’une LAM.

Intérêt pronostique

Les données de cytogénétique et de biologie moléculaire fournissent les éléments les plus puissants pour prédire le pronostic des LAM (Döhner et al., 2010). En se basant sur les études disponibles les plus pertinentes, l’ELN a proposé une classification pronostique basée sur l’étude génétique des blastes de LAM .

Quatre groupes génétiques à valeur pronostique ont ainsi été définis. La leucémie aiguë promyélocytaire (LAP ou LAM3), qui présente le meilleur pronostic de toutes les LAM en raison de l’existence d’une thérapie spécifique, n’a pas été incluse dans la classification.

La puissance pronostique de cette classification a récemment été évaluée dans une étude comprenant 1550 patients adultes atteints de LAM primitive, dont 818 patients d’âge inférieur à 60 ans et 732 patients d’âge supérieur à 60 ans (Mrozek et al., 2012). Les groupes génétiques étaient clairement séparés en fonction de la survie sans maladie et de la survie globale, ce qui confirme la valeur pronostique de cette classification dans cette grande série . Il faut toutefois noter l’inversion de pronostic dans les sous-groupes intermédiaires I et II chez les patients âgés de moins de 60 ans.

Intérêt pour la prise en charge thérapeutique

La prise en charge thérapeutique des LAM est aujourd’hui grandement influencée par les données de génétique mises en évidence dans les cellules tumorales. En effet, chez les patients de moins de 60 ans, et lorsque leur état général le permet, la réalisation d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) en postrémission peut être effectuée. Cependant, environ 20 % des patients allogreffés décèdent directement à cause de ce traitement. Ainsi, chez les patients classés dans le groupe génétique favorable, un schéma thérapeutique n’incluant pas l’allogreffe de CSH est généralement recommandé (Döhner et al., 2010; National Comprehensive Cancer Network, 2014).

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Table des matières

I – Introduction
II – Généralités
1. Classification des leucémies aiguës myéloïdes
2. Anomalies génétiques présentes dans les cellules tumorales myéloïdes
3. Intérêts de la recherche des anomalies génétiques dans le diagnostic et la prise en charge des LAM de l’adulte
3.1. Intérêt diagnostique
3.2. Intérêt pronostique
3.3 Intérêt pour la prise en charge thérapeutique
3.4 Intérêt pour le suivi de la maladie
4. La méthode de Reverse Transcription – Multiplex Ligation Probe Amplification (RT-MLPA) appliquée à la détection des transcrits de fusion
4.1. La méthode de RT-MLPA : utilisation classique
3.2. Application de la RT-MLPA à la recherche des transcrits de fusion par la méthode TCTM
3.3. Capacité de multiplexage de la méthode TCTM
III – Matériels et Méthodes
1. Patients et prélèvements
2. Extraction de l’ARN tumoral
3. Réaction de RT-MLPA
3.1 Reverse transcription
3.2 Hybridation des sondes de MLPA
3.3 Ligation des sondes de MLPA
3.4 Polymerase Chain Reaction
4. Visualisation de l’amplification
5. Pyroséquençage
IV – Résultats
1. Caractéristiques des patients
2. Transcrits de fusion détectés dans la série
2.1. Transcrits fréquents
2.2. Transcrits rares
3. Mutations détectées par le kit TCTM
3.1. MLL-PTD
3.2. mutations de NPM1 de type A et B
V – Discussion
Conclusion
Références bibliographiques

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