Classification des leishmanioses cutanées
Cycle parasitaire
Le parasite Leishmania a un cycle de vie dimorphique qui nécessite deux hôtes, l’insecte phlébotome et un mammifère. Il se présente chez leurs hôtes successifs sous deux stades morphologiques principaux : les promastigotes et les amastigotes. Lorsque la femelle de phlébotome infectée prend un repas sanguin chez un hôte mammifère , elle salive au site de piqûre et régurgite le sang qui se contamine au contact des parasites, sous forme promastigote. Les promastigotes sont des parasites extracellulaires mobiles vivant dans le tube digestif du phlébotome. Chez l’hôte mammifère, Leishmania infecte ensuite un phagocyte (principalement les monocytes/macrophages) du système phagocytaire mononuclé et se transforme en amastigote . Les amastigotes, nichent à l’intérieur des macrophages de mammifères, au sein de vacuoles dites parasitophores. Les amastigotes ne sont plus mobile. Ces amastigotes se multiplient par division binaire dans le phagolysosome du phagocyte qui est finalement lysé . Les parasites ainsi libérés sont phagocytés par des cellules avoisinantes où le processus se poursuit. Le cycle est achevé lorsqu’une autre femelle de phlébotome prend un repas sanguin du site d’infection et prélève des phagocytes contenant Leishmania . Dans le tube digestif de l’arthropode , les parasites se différencient à nouveau en promastigotes après 12 à 18 heures . Ces promastigotes se multiplient et migrent vers les glandes salivaires et la trompe en attendant un nouveau repas sanguin (Figure 15) (4, 5).
Influence du climat sur les leishmanioses:
Sous l’influence du climat, les foyers leishmaniens ont une évolution spatiotemporelle. Ce sont des espaces géographiques où se trouvent réunis les facteurs biotiques (naturels) et abiotiques (dus au comportement humains) nécessaires au fonctionnement du complexe pathogène (13, 45). Le climat méditerranéen est caractérisé par une période (généralement l’été) où les précipitations sont déficitaires par rapport à l’évapotranspiration, saison dite écologiquement sèche. Selon Louis Emberger, la classification des bioclimats repose sur un indice pluviothermique (14), ainsi on distingue six bioclimats par ordre d’aridité croissante : per humide, humide, subhumide, semi aride, aride et peraride (15). Ouarzazate est une zone semi-aride. Par la structure de leur cycle épidémiologique, les leishmanioses à L. infantum et L. tropica, il est constatable que ce sont bien les vecteurs et non les réservoirs qui déterminent la situation géographique et le fonctionnement des foyers, par contre dans la situation de la leishmaniose à L. major, le rongeur réservoir qui détermine en choisissant les conditions bioclimatiques convenables (16, 46).
Dans les zones arides (Sud Marocain) et per arides siège de la leishmaniose à L. major, le cycle se déroule entre des rongeurs déserticoles (Mériones) et Phlébotomus papatasi. Chez l’homme, les manifestations cutanées apparaissent en fin d’automne et sont guéries au printemps. Durant l’été période d’activité du vecteur, ces lésions sont donc cicatrisées et, par conséquent, indemnes de parasite, l’homme donc est incapable d’entretenir le foyer, car il ne peut pas assurer la conservation du parasite jusqu’à la prochaine période de transmission. Ainsi l’agent pathogène persiste grâce à son vrai réservoir.
Prévisions : Dans l’hypothèse d’un réchauffement globale de trois degrés Celsius à l’horizon 2050, les argo-climatologues et les forestiers prévoient d’importantes modifications dans le positionnement des étages pluviothermiques. Ainsi, dans le Haut Atlas marocain, la forêt de Tuya de berbérie qui marque actuellement la limite altitudinale du foyer de leishmaniose cutanée à L. tropica (semi-aride), serait rapportée plusieurs centaines de mètres en altitude, en remplacement de la forêt de Chênes verts. Le vecteur Phlébotomus sergenti suivrait cette ascension, entrainant avec lui le parasite L. tropica, de même dans le Grand Désert, à l’exception de la frange atlantique maroco-mauritanienne soumise au climat favorisant le Phlébotomus papatasi vecteur du parasite L. Major (13, 15, 17, 18, 46).
Epidémiologie mondiale : Quoique l’infection évolue dans tous les continents, la leishmaniose est endémique dans 88 pays du monde et l’on considère qu’elle menace 350 millions de personnes. D’après les estimations, 14 millions de personnes sont atteintes et 2 millions de nouveaux cas se produisent chaque année et répartis en 5 foyers: Méditerranéen, chinois, indien, africain et centre et sud- américain. La maladie contribue beaucoup à propager la pauvreté, car le traitement coûte cher et dépasse les moyens financiers des malades (19, 47). A l’échelle mondiale, cette augmentation récente de l’incidence de la leishmaniose reconnaît plusieurs facteurs, la plupart d’entre eux étant liés au développement. On peut citer : une immigration des populations à grande échelle en tant que main d’oeuvre, le développement de nouveaux projets agro-industriels endémiques, une urbanisation à croissance rapide et/ou non planifiée, l’exode rurale et les changements environnementaux dus à l’action de l’industrie (20) (par exemple : la construction des barrages, les systèmes d’irrigation et le forage de puits). Ces facteurs viennent s’ajouter à d’autres déjà identifiés auparavant : les guerres, qui entraînent des mouvements du personnel de l’armée, les manoeuvres et les opérations, l’établissement des camps, l’interruption des services de santé, la malnutrition qui représente un facteur de risque permanent pour les populations des zones rurales et la réalisation de campagnes de déversements d’insecticides en spray en vue du contrôle de la malaria (21).
La LC à leishmania major : La LC major intéresse tous les âges, cependant, sur le plan national on constate qu’il y a une prédominance de tranche d’âge comprise entre 15 et 49 (35%). L’atteinte pédiatrique représente 55.5% de nombre des cas. Aussi on note une prédominance féminine (57.5%) (Figure 20). La prédominance féminine s’explique par le travail des femmes dans les champs et à coté des rivières et du barrage, ce qui les rende plus exposées aux piqûres des phlébotomes (27). L’activité humaine augmente le risque de piqûres, ce qui explique que la tranche d’âge entre 15 et 49 ans est la plus touchée. D’après ce graphique, on note que la province de Ouarzazate représente la grande partie des cas parmi les cas nationaux de 2002 à 2004 (Figure21). Elle a enregistré à elle seule 2064 atteintes ce qui représente 96.4% du total avec une incidence annuelle de 57.8/10000 habitants contre une moyenne nationale de 4,13. Cette poussée épidémique a été enregistrée au niveau des secteurs périurbains de Ait Gtif et Sidi Daoud. Elle due d’une part, aux facteurs abiotiques comme la présence des ordures ménagères, des égouts à l’air libre et des irrigations des cultures par les eaux usées brutes, favorables au développement du réservoir et du vecteur de cette maladie, et d’autres part au relâchement des actions de lutte contre ces facteurs de risque (28). Entre autres, les facteurs biotiques notamment les précipitations cataclysmiques de l’année 2001 qui ont favorisé la pullulation des réservoirs et les trous à rats sont incriminés pour rendre la province d’Ouarzazate une zone d’endémie importante (Figure 22) (13, 29, 30, 45).
– Perspectives : Nous avons traité sur le plan éco-épidémiologique l’importance du réservoir, notamment pour la L. major, dans le maintien et la persistance de la maladie dans la province d’Ouarzazate. Ainsi :
• l’interruption du cycle parasitaire comme étape de prévention primaire nécessite l’intervention d’autres secteurs afin de faire face à la multiplication des rats porteurs du parasite. Cette intervention exige le traçage des stratégies basées sur des méthodes techniques renouvelées tout en respectant l’écologie (traiter les rats au lieu de les éradiquer). En effet la recherche scientifique contextualisée constitue un pilier fondamental de la prise en charge de cette entité écopathologique.
• Devant les précipitations importantes de cette année 2010, le risque de multiplication des rongeurs au terme des mois chauds serai important ce qui pourrait bouleverser les prévisions attendues de l’objectif général du plan d’action 2010 de la province (diminuer la LC par 50% d’ici 2012), d’où la nécessité d’une intervention urgente basée sur l’éradication des foyers des rats par des raticides vue la durée courte restante pour une action rapide.
• Il est impératif de libérer l’accès des nouvelles thérapeutiques qui ont montré leur efficacité, notamment la thérapie photodynamique comme traitement local rapide sans effets secondaires et la miltefosine comme traitement oral avec des résultats excellents et l’absence de résistance.
• Il faut installer des systèmes locaux de recyclage des ordures.
• Etablir un circuit d’information, éducation et communication, dans toutes les circonscriptions sanitaires au profit du personnel de la santé et de la population exposée afin d’augmenter le taux de dépistage actif.
• Renforcer la collaboration intersectorielle en vue d’assurer un appui aux actions préventives. Sur le plan pratique, il faut décider des réunions bimensuelles entre les secteurs responsables (ministère de l’intérieur, ministère de la santé, ministère de l’agriculture, représentants des associations villageoises, forces armées royales…) dans un but de veiller sur la projection des projets et le continuum des connections intersectorielles.
Ouarzazate, à cause de son bioclimat semi aride propice, constitue un foyer très actif où sévie un nombre important des rongeurs réservoirs de la L. major qui ne cesse d’augmenter, particulièrement cette année les conditions vont être plus convenable à la pullulation estivale des Mériones Shawi qui vont garder le parasite pendant toute leur vie (3 ans) (43, 44, 65, 66). L’action pour arrêter l’extension de cette maladie doit prendre en compte le comportement humain nuisible à la nature : les ordures ménagères en périurbain, les égouts à l’air libre…. Le réchauffement climatique élargira la tache géographique de chaque type de leishmaniose, ainsi qu’il participera à la coexistence de plusieurs types dans le même espace. D’où la nécessité d’une intervention multisectorielle sérieuse et urgente afin d’améliorer la prise en charge scientifique de cette pathologie. Vu les cas de résistance récemment déclarés à l’antimoine de méglumine, des études thérapeutiques s’avèrent nécessaires pour améliorer la prise en charge de cette pathologie
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Table des matières
PLAN
ABREVIATIONS
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
I – Lieu d’étude
II – Méthode d’étude :
III- Les fiches techniques :
RESULTATS
I – Epidémiologie des leishmanioses cutanées dans la province de Ouarzazate 2002/2009
1- Age :
2- Sexe
3-Répartition annuelle de la leishmaniose cutanée
4-Répartition mensuelle de la leishmaniose cutanée :
5- Répartition de la leishmaniose cutanée par commune
6- Répartition de la leishmaniose cutanée par circonscription sanitaire
7- Répartition de la leishmaniose cutanée par type de dépistage
II. L’Aspect clinique et biologique des leishmanioses cutanées dans la province de Ouarzazate :
1 – Délai de consultation
2 – Nombre de lésion
3 – Taille
4 – Formes cliniques :
5 – Siège
6 – Frottis :
III. Traitement :
IV. Evolution
DISCUSSION
I- Rappel parasitologique
1- Leishmania
2- Réservoir
3-Vecteur :
4-Cycle parasitaire
5-Classification des leishmanioses cutanées :
5.1 – Les leishmanioses cutanées de l’ancien monde :
5.2 – Les leishmanioses cutanées du nouveau monde
II- Eco-pathologie /Eco-épidémiologie :
1- Influence du climat sur les leishmanioses:
2- Prévisions
III- Epidémiologie :
1-Epidémiologie mondiale :
1.1- Age et sexe (Tableau VIII) :
1.2- Origine bioclimatique
2 – Epidémiologie nationale :
2.1- La la leishmaniose cutanée à leishmania major :
2.2- La la leishmaniose cutanée à leishmania tropica :
IV – Aspect clinique :
1- Les formes cliniques
2 – Diagnostic différentiel :
V – Diagnostic positif
VI – Traitement :
1 – But :
2 – Moyens thérapeutiques :
3 – Indications :
4 – Effets secondaires :
5 – Contres indications de l’antimoine de méglumine
6 – Evolution
7 – Comparaison des données thérapeutiques et évolutives :
VII – Evaluation du programme de lutte contre la la leishmaniose cutanée major dans la
province d’Ouarzazate :
VIII – Perspectives :
CONCLUSION
RESUMES
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
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