Les Glioblastomes
DU DIAGNOSTIC AU PRONOSTIC : LES DONNEES CLINIQUES
Les gliomes sont les tumeurs cérébrales primaires les plus fréquentes chez l’adulte. Ils représentent 27% des tumeurs primaires du système nerveux central (SNC) et 80% des tumeurs malignes du SNC (Ostrom et al. 2015; Schwartzbaum et al. 2006). Les gliomes comprennent toutes les tumeurs ayant pour origine une cellule gliale. Cela comprend les astrocytomes, les oligodendrogliomes, les épendymomes et les gliomes mixtes.
Parmi les gliomes, le GB, qui est un sous-type d’astrocytome, en est la forme la plus fréquente. Il compte en effet pour plus de 46% des tumeurs cérébrales primaires malignes . Son incidence aux Etats-Unis est de 4 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants avec une prédominance masculine, le ratio homme/femme étant de 1,6 (Ostrom et al. 2015). L’âge médian de diagnostic de la tumeur est d’environ 62 ans (Louis et al. 2016).
Les GB comptent également parmi les tumeurs les plus agressives. La médiane de survie après le diagnostic ne dépasse pas 15 mois, malgré l’arsenal thérapeutique employé pour traiter les patients (Chinot et al. 2014). Enfin, le coût moyen de prise en charge thérapeutique était de 78 355 € par patient en 2011 en France (Henaine et al. 2016) pour un gain d’espérance de vie faible par rapport à des patients non traités.
CLASSIFICATION DES GLIOMES PAR L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE
Les gliomes étant un groupe de tumeurs hétérogène, des classifications ont été établies afin d’harmoniser le diagnostic à travers le monde, d’améliorer la prise en charge des patients et de permettre une détermination plus fiable du pronostic et de la réponse au traitement. La classification la plus répandue est celle établie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Celle-ci est basée à la fois sur des critères anatomo-pathologiques et des critères moléculaires (Louis et al. 2016).
En ce qui concerne les gliomes, ils sont dans un premier temps différenciés en astrocytome, en oligodendrogliome et en gliome mixte en fonction de critères histologiques. Un grade leur est ensuite attribué en fonction de leur degré de malignité, allant du grade I pour les moins agressifs au grade IV. Les grades I et II sont dits de bas grade tandis que les grades III et IV sont de haut grade.
De plus, des sous-types de gliomes ont pu être établis en fonction de critères se basant sur les altérations génétiques et moléculaires non discernables sur le plan histologique. Ces avancées ont ainsi permis de différencier des sous-types de GB: les GB de novo ou primaires et les GB secondaires qui évoluent à partir d’un gliome de grade inférieur. Ces deux sous-types de GB se différencient principalement par la présence de mutations sur le gène de l’isocitrate déshydrogénase-1 (IDH1). Les GB primaires possèdent un gène IDH1 non muté et représentent environ 90% des cas tandis que les GB secondaires présentent un gène IDH1 muté et représentent environ 10% des cas (Louis et al. 2016). Des mutations sur d’autres gènes sont également trouvées préférentiellement sur l’un des deux sous-types et permettent d’affiner la classification .
Enfin, d’autres différences génétiques sont observées, ne permettant pas de dégager des sous-types de GB, mais permettant de prédire la réponse aux traitements. Ces marqueurs génétiques sont donc importants dans le cadre de la médecine personnalisée. Deux marqueurs principaux peuvent être cités : la méthylation du promoteur du gène de la O6 -alkylguanine DNA alkyltransferase (MGMT) et la co-délétion 1p/19q. La MGMT est une enzyme impliquée dans la réparation des lésions de l’ADN à la suite d’alkylations. La méthylation du promoteur de son gène, retrouvée dans beaucoup de GB, entraîne son inactivation et sensibilise donc les cellules cancéreuses aux chimiothérapies par agent alkylant. La méthylation du promoteur de la MGMT est donc un facteur de bon pronostic (Hegi et al. 2005). Il en va de même pour la co-délétion 1p/19q retrouvée à la fois dans les GB primaires et les GB secondaires et dont il a été montré que la présence améliore la réponse à la chimiothérapie (van den Bent et al. 2003).
LA PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES PATIENTS
Les symptômes permettant le diagnostic d’un GB peuvent être variés. Le plus souvent, les premiers signes impliquent des maux de tête intenses causés par une pression intracrânienne élevée et la survenue de crises d’épilepsie ou de déficits neurologiques. Le diagnostic est ensuite posé par imagerie, notamment par imagerie par résonance magnétique (IRM) . Le grade du gliome est quant à lui définitivement établi par un anatomopathologiste suivant les critères exposés dans la partie précédente, ce qui nécessite un prélèvement chirurgical du tissu tumoral.
L’EXERESE TUMORALE
La première étape de la prise en charge thérapeutique est la chirurgie. Selon la localisation de la tumeur et son accessibilité, la chirurgie peut aller de la biopsie, dans le but d’établir le grade de la tumeur, à la résection totale. Ce dernier cas de figure permet d’augmenter significativement la survie des patients par rapport à ceux pour qui la seule option est la biopsie (McGirt et al. 2008). Cependant, le caractère invasif et diffus des GB fait qu’il est impossible de retirer l’ensemble des cellules tumorales après une résection tumorale, même complète, et de ce fait, la récurrence est inévitable. La chirurgie est incontournable pour le traitement de première ligne des GB, ne serait-ce que pour établir précisément le diagnostic. Elle permet également de réduire la pression intracrânienne en réduisant le volume tumoral et ainsi d’atténuer les déficits neurologiques.
LA RADIOTHERAPIE
Après la chirurgie, les patients sont traités par RT. La RT est basée sur l’utilisation de rayonnements ionisants focalisés sur les cellules tumorales dans le but d’entraîner des lésions sur leur ADN puis la mort des cellules. Cependant, le traitement par RT a des conséquences sur le tissu sain par lequel passe inévitablement le faisceau pour atteindre la tumeur et entraîne des effets secondaires parfois importants pour le patient. On distingue les effets aigus, qui se manifestent par la survenue d’œdèmes et de fatigue chez le patient, des effets tardifs responsables de séquelles parfois graves. Ces dernières se manifestent par l’apparition de zones de nécroses radio-induites et de déficits cognitifs qui diminuent la qualité de vie et la survie des patients (Siu et al. 2012; Greene Schloesser et al. 2012). L’enjeu majeur de cette technique consiste donc à déposer suffisamment d’énergie sur les cellules tumorales pour entraîner leur mort tout en lésant au minimum le tissu sain.
La première méthode utilisée pour réduire les effets secondaires sur le tissu sain consiste à fractionner les doses. Ainsi, dans le cadre clinique, les patients reçoivent une dose journalière de 2 Gy, 5 jours par semaine pendant 6 semaines soit 60 Gy au total. Des avancées ont également été faites en ce qui concerne le mode d’administration de la RT, comme l’irradiation conformationnelle. Cette technique permet d’utiliser simultanément plusieurs faisceaux braqués sur la tumeur selon des angles d’entrée différents. Ceci permet de déposer plus d’énergie dans le tissu tumoral que dans le tissu sain. Elle permet donc d’augmenter la précision avec laquelle la dose est distribuée selon la conformation de la tumeur tout en préservant au mieux les tissus sains. Elle est déclinée en plusieurs modalités comme la RT conformationnelle tridimensionnelle, la RT conformationnelle avec modulation d’intensité, la RT stéréotaxique robotisée (CyberKnife® ) ou la RT conformationnelle en conditions stéréotaxiques .
Cependant, malgré ces avancées, certains types de tumeurs, comme les GB présentent une radiorésistance élevée. D’autres stratégies ont été mises au point pour optimiser la RT tout en épargnant au maximum le tissu sain.
LA CHIMIOTHERAPIE
Depuis 2005, la prise en charge des patients passe par une administration de témozolomide (TMZ), un agent alkylant de l’ADN. Il est administré par voie orale et présente certains avantages comme une disponibilité proche de 100%, une affinité pour les tissus tumoraux et sa capacité à franchir la barrière hémato-encéphalique (BHE) (Alifieris & Trafalis 2015). Les patients nouvellement diagnostiqués reçoivent une administration de TMZ concomitante à la RT (dose journalière de 75 mg/m2 de surface corporelle, 7 jours par semaine) suivie d’une administration en adjuvant débutant quatre semaines après la fin de la RT à une dose de 150 à 200 mg/m2 , 5 jours par semaine pendant 6 cycles espacés de 4 semaines .
Ce protocole associant la RT au TMZ après la chirurgie est appelé « protocole Stupp » et correspond au protocole standard de prise en charge des patients (Stupp et al. 2009). Malgré les bénéfices sur la médiane de survie des patients obtenus grâce à la mise en pratique de ce protocole, celle-ci reste extrêmement faible, aux alentours de 15 mois et une récidive est inévitablement observée au terme du traitement initial.
LES NOUVELLES APPROCHES THERAPEUTIQUES
Afin d’améliorer le pronostic des patients, notamment en situation de récidive tumorale, plusieurs stratégies thérapeutiques ont été développées. Cependant, aucune n’est pour le moment appliquée de manière standard. La stratégie la plus étudiée concerne le traitement à base de molécules antiangiogéniques.
Deux études multicentriques de phase III ont évalué l’effet d’un traitement à base de Bevacizumab, un anticorps humanisé ciblant le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), l’une des principales cytokines pro-angiogéniques, en combinaison avec le TMZ et la RT. Cependant, les résultats de ces études ont été extrêmement décevants puisqu’aucune amélioration de la survie globale des patients n’a été constatée (Chinot et al. 2014) et plusieurs effets secondaires indésirables ont été observés.
Une autre piste, plus récente et prometteuse, concerne l’immunothérapie. Le principe est d’exploiter le système immunitaire du patient en induisant ou en augmentant la réponse immunitaire et en levant les blocages du microenvironnement tumoral, lui-même immunosuppresseur. Cette approche est de plus en plus utilisée en oncologie et montre de bons résultats dans un certain nombre de cancers. Des essais cliniques ont été menés dans le cadre des GB, notamment en utilisant des anticorps ciblant les points de contrôle immunosuppresseurs de la tumeur. Des résultats encourageants ont été observés sur l’activité immunitaire des patients et sur la réponse clinique. Cependant, des réponses durables et soutenues restent rares (Huang et al. 2017). Les obstacles à la réussite de ce type de traitement dans les GB étant la BHE, l’identification d’antigènes tumoraux spécifiques, appropriés et immunogènes et enfin l’identification de biomarqueurs permettant d’anticiper et de mesurer la réponse thérapeutique. De plus, certaines caractéristiques des GB comme leur composante hypoxique pourraient expliquer leur résistance vis-à-vis de l’inflammation (Leblond et al. 2016).
Du fait de l’échec des traitements actuellement utilisés à lutter efficacement contre les GB, il est nécessaire de mettre au point de nouvelles stratégies permettant d’améliorer la prise en charge des patients. Pour cela, une connaissance fine de la physiopathologie des GB est indispensable.
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Table des matières
Introduction
I. Les Glioblastomes
A. Du diagnostic au pronostic : les données cliniques
B. Classification des gliomes par l’Organisation Mondiale de la Santé
C. La prise en charge thérapeutique des patients
1. L’exérèse tumorale
2. La radiothérapie
3. La chimiothérapie
4. Les nouvelles approches thérapeutiques
D. Physiopathologie des glioblastomes
1. La cellule tumorale
2. La vascularisation : un point faible des glioblastomes ?
3. Le microenvironnement tumoral
II. L’hypoxie
A. Généralités sur l’hypoxie dans les glioblastomes
1. Définition des niveaux d’oxygène
2. Ses causes au niveau tumoral
3. La mesure de l’hypoxie intra-tissulaire
4. L’hypoxie est un facteur de mauvais pronostic pour les patients
B. Le facteur de transcription HIF
1. Effets moléculaires d’une diminution de l’oxygène
2. Les gènes cibles de HIF
C. Les conséquences de l’hypoxie : physiopathologie
1. A l’échelle cellulaire
2. A l’échelle tissulaire
D. La résistance à la radiothérapie
1. Généralités
2. Les effets physico-chimiques et l’effet oxygène
3. La résistance tumorale à la radiothérapie
4. Les approches de radio-sensibilisation
III. Stratégies de vectorisation passive
A. Les nanoparticules pour le traitement des cancers
1. Définitions des nanoparticules
2. Les propriétés des nanoparticules
3. Les différents types de nanoparticules
4. Les nanoparticules d’argent
5. Nanoparticules et cancer
6. Les stratégies de réoxygénation par les nanoparticules
7. La nanoparticule idéale pour le traitement des cancers
B. Les zéolithes
1. Introduction aux Zéolithes
2. Structure
3. Synthèse et modification post-synthèse
4. Les propriétés et les applications des zéolithes
IV. Stratégies de vectorisation active : utilisation d’un « cheval de troie »
A. Stratégie de vectorisation active : la thérapie cellulaire
B. L’érythropoïétine
1. Généralités
2. Le récepteur de l’EPO
3. Implication de l’érythropoïétine dans les tumeurs
V. Conclusions de l’introduction
Objectifs
Matériels & Méthodes
Conclusion