CLASSIFICATION DE L’OMS DE 2001 DES SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS
Les syndromes myéloprolifératifs sont des affections clonales des cellules souches caractérisées par une augmentation dans le sang périphérique d’une ou de plusieurs lignées cellulaires et par une moelle hyper cellulaire avec une maturation sans dysmyélopoïèse majeure. Cliniquement, une hépato-splénomégalie est fréquemment associée. L’OMS en 2001 définit diverses entités des syndromes myéloprolifératifs que sont :
• la LMC t (9;22) (q34;q11) (Bcr/Abl+).
• la Polyglobulie vraie ou Maladie de Vaquez.
• la Myélofibrose idiopathique ou Splénomégalie myéloide.
• La Thrombocytémie essentielle
• la Leucémie chronique à éosinophiles / syndromes hyperéosinophiliques,
• la Leucémie chronique à neutrophiles,
• les syndromes myéloprolifératifs inclassables comprenant les LMC ph négatif, Abl/Bcr négatif et les syndromes myéloprolifératifs avec des atypies à la biologie moléculaire.
• Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs.
Plusieurs entités ont fait l’objet de discussions quant à leur place en syndromes myéloprolifératifs ou en syndromes myélodysplasiques, du fait de l’existence de caractères communs à l’un ou à l’autre groupe.
HEMATOPOIESE
L’hématopoïèse est l’ensemble des mécanismes qui assurent le remplacement continu et régulé des différentes cellules sanguines. Au cours du développement embryonnaire, l’hématopoïèse va se mettre en place dans différents sites anatomiques. Au stade primitif, les cellules sanguines sont d’origine mésodermique. Du 3ème au 6ème mois de la vie fœtale, le site de l’hématopoïèse est hépatosplénique. Le développement médullaire débute au quatrième mois et coïncide avec le développement des ébauches osseuses où les cellules souches se différencient en éléments myéloïdes. L’hématopoïèse médullaire devient prépondérante à partir du sixième mois et elle est exclusive dès la naissance. Seules des conditions pathologiques peuvent conduire à une reprise de l’hématopoïèse extra-médullaire après la naissance. Chez l’homme adulte, l’hématopoïèse est assurée par la moelle osseuse. On distingue quatre compartiments d’importance inégale dans le système hématopoïétique: Le compartiment des cellules souches multipotentes, celui des progéniteurs hématopoïétiques, celui des précurseurs hématopoïétiques et celui des cellules matures fonctionnelles. Les cellules souches multipotentes ne sont pas morphologiquement identifiables (aspect de petit lymphocyte) et sont dotées d’une capacité d’auto-renouvellement élevée qu’elles vont progressivement perdre lorsqu’elles vont s’engager dans une des voies de la différenciation hématopoïétique. La première différenciation d’une cellule souche multipotente après sa mise en cycle se fait vers la lignée lymphoïde ou vers la lignée myéloïde. La cellule souche myéloïde est appelée CFU-GEMM. Chaque nom de progéniteur est défini par l’association du préfixe CFU (« Colony Forming Unit ») suivi des lettres qui caractérisent les lignées de différenciation (GEMM = Granuleuse, Erythrocytaire, Macrophagique et Mégacaryocytaire). Cette cellule va poursuivre son programme de différenciation et donner naissance à des progéniteurs encore plus engagés: qui sont les CFU-GM (Granulo-Macrophagique), CFU-G (Granuleuse), CFU-M (Macrophagique), CFU-MK (Mégacacaryocytaire), CFU-Eo (Eosinophile), CFU-B (Basophile), BFU-E (Burst Forming Unit- Erythroïde ). Ces progéniteurs hématopoïétiques sont engagés dans une ou plusieurs voies de différenciation et leur capacité d’auto renouvellement sont réduites. Elles ne sont pas reconnaissables morphologiquement. Les précurseurs hématopoïétiques sont les premières cellules morphologiquement identifiables de chaque lignée. Elles ont perdu toute capacité d’auto-renouvellement. Le compartiment des précurseurs a pour buts la multiplication et la maturation cellulaire. La maturation de chaque lignée induit également des modifications spécifiques du noyau (polylobulation), du cytoplasme (granulations…), de la membrane (apparition de protéines membranaires spécifiques…) pour aboutir aux cellules terminales fonctionnelles. Les précurseurs les plus immatures sont les myéloblastes (polynucléaires), les proérythroblastes (hématies), les mégacaryoblastes (plaquettes), les lymphoblastes (lymphocytes) et les monoblastes (monocytes). Ils sont localisés dans la moelle osseuse. Parallèlement à la maturation, chaque stade cytologique correspond à une division cellulaire. Selon les lignées il se produit ainsi entre 3 et 5 mitoses de sorte qu’un précurseur peut donner naissance à 32 cellules filles. Dans les précurseurs mégacaryocytaires, il n’y pas de division cellulaire mais une endomitose à l’intérieur des mégacaryocytes, la cellule doublant chaque fois son ADN.
L’ensemble de l’hématopoïèse a lieu dans la moelle osseuse. Seules les cellules terminales, matures et fonctionnelles, vont passer dans le sang. Il s’agit des polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et basophiles, des hématies, des plaquettes, des lymphocytes et des monocytes.
La régulation de l’hématopoïèse des cellules souches de la moelle constitue la base indispensable à une hématopoïèse normale et dépend du microenvironnement médullaire, de certaines vitamines (vitamine B12, acide folique), des oligoéléments et de facteurs de croissance. Les facteurs de promotion sont l’IL 1, l’IL 4, l’IL 6, le SCF qui augmentent le nombre de cellules souches en cycle cellulaire. Les facteurs multipotents sont l’IL 3 et le GM-CSF qui agissent sur les cellules souches les plus immatures après sensibilisation par les facteurs de promotion. Les facteurs restreints sont le G-CSF, le M-CSF, l’IL 5, l’IL 4, l’IL 6, l’EPO et le TPO qui favorisent la multiplication et la maturation des cellules souches engagées.
PATHOGENIE
La LMC est une hémopathie maligne qui débute dans les cellules de la moelle osseuse appelées cellules souches, précurseurs de tous les types de cellules sanguines. L’anomalie cytogénétique acquise de la LMC correspond à une translocation réciproque entre le chromosome 9 et le chromosome 22. La translocation produit en fait deux produits de recombinaison, le produit 5′ bcr-abl 3′ sur le chromosome Ph et le produit 5′ abl-bcr 3′ sur le chromosome 9q+ .
Le gène Abl impliqué est le proto-oncogène c-abl, homologue cellulaire d’un oncogène viral, V-abl, du virus de la leucémie murine d’Abelson [56, 108,116]. Ce gène situé sur le bras long du chromosome 9, s’étend sur 230 kb. Il comprend de l’extrémité 5′ centromérique vers l’extrémité 3′, deux exons alternatifs (Ia et Ib) séparés par un intron de 200 kb où se produisent la grande majorité des points de cassure et dix exons numérotés de 2 à 11 [111]. Deux transcrits sont retrouvés (intégrant Ia ou Ib) et traduits en deux protéines voisines d’environ 145 kDa qui comprennent de l’extrémité N-Ter vers C-Ter, un domaine SH3, un domaine SH2, un domaine SH1, trois séquences riches en proline susceptibles d’interagir avec d’autres domaines SH3, une séquence de localisation nucléaire, des domaines de liaison à l’ADN et à l’actine. De distribution ubiquitaire, Abl interviendrait comme régulateur négatif du cycle cellulaire [56].
Le gène Bcr [17], identifié à partir du chromosome Ph et situé sur le bras long du chromosome 22, s’étend sur 135 kb et comprend 23 exons. Il est transcrit en deux ARNm et traduit en une protéine de 160 kDa présentant, de l’extrémité C-Ter vers NTer un domaine d’oligomérisation, une séquence interagissant peut-être avec des domaines SH2 par le biais d’un résidu tyrosine (Tyr 177), une région à activité sérinethréonine kinase, une région d’homologie avec Rho-GEF d’échange GDP/GTP, une région impliquée dans les liaisons lipidiques calcium-dépendantes et un d omaine à activité GTPase susceptible d’interagir avec Rac.
La translocation t (9 ; 22) se produit sans perte de matériel génétique, les gènes fusionnant dans la même orientation transcriptionnelle.
Plusieurs réarrangements ont été décrits, dépendants de la localisation des points de cassure respectifs de Bcr et d’Abl. Les points de cassure se situent le plus souvent dans la région M-Bcr entre les exons b2 et b3 ou b3 et b4 et les deux exons alternatifs de l’Abl (Ia, Ib) [82]. Deux transcrits correspondant (b3a2 et b2a2) sont traduits en deux protéines de 210 kDa voisines, différant de seulement 25 acides aminés. Soixante pour cent (60%) des LMC présentent un transcrit b3a2, 30 % un transcrit b2a2 et dans 5 à 10 % des cas un double transcrit b3a2/b2a2.
D’autres réarrangements plus rares ont été mis en évidence. Le point de cassure situé soit en amont de M-Bcr dans la région m-Bcr présente le transcrit e1a2 traduit en une protéine de 190 kDa. Le point de cassure situé en aval de M-Bcr dans la région µ-Bcr présente le transcrit e19a2 traduit en une protéine de 230 kDa [30,42]. Des travaux ont permis d’identifier au sein des protéines Bcr, Abl et Bcr-Abl différents sites impliqués dans la transformation cellulaire.
Le domaine SH1, support de l’activité tyrosine kinase d’Abl est responsable de la phosphorylation sur des résidus tyrosines, de substrats multiples tels que CRKL, CBL, STAT5. Le domaine d’oligomérisation permet l’activation constitutive de la kinase d’Abl par le biais de réactions de phosphorylations croisées. Le domaine de liaison à l’actine est responsable de la localisation cytoplasmique de Bcr-Abl. Le résidu tyrosine en position 177 (Tyr177) permet l’interaction de Bcr-Abl avec différentes protéines adaptatrices via leur domaine SH2.
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Table des matières
INTRODUCTION
I-1 GENERALITES
I-1-1 DEFINITION
I-1-2 HISTORIQUE
I-1-3 CLASSIFICATION DE L’OMS DE 2001 DES SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS
I-1-4 HEMATOPOIESE
I-2 PATHOGENIE
I-3 PHYSIOPATHOLOGIE
I-4 EPIDEMIOLOGIE
I-5 SIGNES
I-5-1 TYPE DE DESCRIPTION : LMC A LA PHASE CHRONIQUE
I-5-1-1 CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
I-5-1-2 SIGNES CLINIQUES
I-5-1-3 SIGNES PARACLINIQUES
I-5-2 FORMES CLINIQUES
I-5-2-1 FORMES EVOLUTIVES
I-5-2-2 FORMES HEMATOLOGIQUES
I-5-2-3 FORMES COMPLIQUEES
I-5-2-4 FORMES SELON LE TERRAIN
I-5-2-5 FORMES CYTOGENETIQUES
I-6 DIAGNOSTIC
I-6-1 DIAGNOSTIC POSITIF
I-6-2 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
I-5 PRONOSTIC
1-8 TRAITEMENT
1-8-1 BUTS DU TRAITEMENT
1-8-2 MOYENS DU TRAITEMENT
I-8-3 INDICATIONS
I-8-4 SURVEILLANCE
I-8-5 SURVIE
DEUXIEME PARTIE
II-1 MATERIEL ET METHODE
II-1-1 MATERIEL D’ETUDE
II-1-1-1 CADRE D’ETUDE
II-1-1-2 POPULATION ETUDIEE
II-1-1-2-1 Critères d’inclusion
II-1-1-2-2 Critères de non inclusion
II-1-2 METHODE D’ETUDE
II-1-2-1 PARAMETRES EPIDEMIOLOGIQUES
II-1-2-2 PARAMETRES CLINIQUES
II-1-2-3 PARAMETRES PARACLINIQUES
II-1-2-4 PARAMETRES THERAPEUTIQUES
II-1-2-5 PARAMETRES EVOLUTIFS
II-1-2-6 SURVIE GLOBALE
II-1-2-7. ANALYSE DES DONNEES
II-2 RESULTATS
II-2-1 RESULTATS DESCRIPTIFS
II-2-1-1 DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
II-2-1.2 LES ASPECTS DIAGNOSTIQUES
II-2-1-3 ASPECTS THERAPEUTIQUES
II-2-1-4 ASPECTS EVOLUTIFS
II-2-1-5 PERDUS DE VUE
II-2-1-6 DECES
II-2-2 RESULTATS ANALYTIQUES
II-2-2-1 REPARTITION EN FONCTION DES TRANCHES D’AGE ET DES CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
II-2-2-2 REPARTITION EN FONCTION DES TRANCHES D’AGE ET DES MANIFESTATIONS CLINIQUES
II-2-2-3 REPARTITION EN FONCTION DU SEXE ET DES CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
II-2-2-4 REPARTITION EN FONCTION DU SEXE ET DES MANIFESTATIONS CLINIQUES
II-2-2-5 REPARTITION EN FONCTION DE LA PHASE DE LA MALADIE ET DES ANOMALIES SURAJOUTEES
II-2-2-6 REPARTITION EN FONCTION DU TAUX D’HEMOGLOBINE ET DES CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
II-2-2-7 REPARTITION EN FONCTION DU TAUX D’HEMOGLOBINE ET DES MANIFESTATIONS CLINIQUES
II-2-2-8 REPARTITION EN FONCTION DU TAUX D’HEMOGLOBINE ET DU TYPE DE SPLENOMEGALIE
II-2-2-9 REPARTITION EN FONCTION DE LA LEUCOCYTOSE ET DU TYPE DE SPLENOMEGALIE
II-2-2-10 REPARTITION EN FONCTION DU TAUX DE PLAQUETTES ET LES CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
II-2-2-11 REPARTITION EN FONCTION DES REPONSES CYTOGENETIQUES ET DES MANIFESTATIONS CLINIQUES
II-2-2-12 REPARTITION EN FONCTION DE LA REPONSE HEMATOLOGIQUE ET DES ANOMALIES SURAJOUTEES
II-2-3 ETUDE DE LA SURVIE
III COMMENTAIRES
III-1 DONNEES DESCRIPTIVES
III-1-1 DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
III-1-2 DONNEES CLINIQUES
III-1-2-1 ANTECEDENTS
III-1-2-2 DELAI DIAGNOSTIQUE
III-1-2-3 CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES
III-1-2-4 MANIFESTATIONS CLINIQUES
III-1-3 DONNEES PARACLINIQUES
III-1-3-1 SELON LES DONNEES DE L’HEMOGRAMME
III-1-3-2 SELON LES DONNEES DU MYELOGRAMME
III-1-3-3 SELON LES DONNEES DU CARYOTYPE
III-1-3-4 SELON LES DONNEES DE LA CYTOGENETIQUE MOLECULAIRE
III-1-3-5 AUTRES EXAMENS PARACLINIQUES
III-1-4 ASPECTS ETIOLOGIQUES
III-1-5 ASPECTS THERAPEUTIQUES
III-1-5-1 REPONSE HEMATOLOGIQUE
III-1-5-2 REPONSE CYTOGENETIQUE
III-1-5-3 REPONSE MOLECULAIRE
III-1-5-4 MODIFICATIONS POSOLOGIQUES
III-1-5-5 EFFETS SECONDAIRES
III-1-5-6 RESISTANCE A L’IMATINIB
III-1-6 DEVENIR
III-2 DONNÉES ANALYTIQUES
CONCLUSION