La maladie coronaire est de nos jours un véritable problème de santé publique dans les pays développés. Elle constitue une des premières causes de mortalité et de morbidité dans ces pays [1]. En Afrique, l’on note une augmentation de la prévalence de ces affections en rapport avec l’occidentalisation de notre mode de vie, l’amélioration des conditions socio -économiques et l’augmentation de l’espérance de vie [1]. Au Sénégal, selon des registres du Ministère de la santé, les maladies cardiovasculaires constituaient la deuxième cause de mortalité dans la population générale après le paludisme [2]. Souvent considérée comme une maladie de l’homme, la maladie coronaire est pourtant la première cause de mortalité chez la femme, responsable de quatre à six fois plus de décès que le cancer du sein [3]. Relativement épargnées avant la ménopause, les femmes payent ensuite un lourd tribut aux maladies cardio-vasculaires avec, après 70 ans, une prévalence identique dans les 2 sexes [3]. Bien que l’expression clinique de la maladie coronaire soit plus fréquente chez l’homme que chez la femme, la mortalité coronaire est supérieure chez cette dernière .
La pathologie cardio-vasculaire est une des disciplines ayant connu les avancées diagnostiques et thérapeutiques les plus spectaculaires au cours des dernières décennies [5]. La cardiologie interventionnelle avec l’avènement de l’angioplastie coronaire en est un exemple. S’appuyant continuellement sur des améliorations à la fois techniques et pharmacologiques, cette dernière est rapidement devenue une thérapeutique sûre dont les indications ne cessent de s’élargir. Les limites principales restent certaines lésions complexes et surtout la resténose intrastent (RIS), qui constitue actuellement un véritable « tendon d’Achille » que l’angioplastie ne cesse de surmonter grâce au perfectionnement des endoprothèses et notamment au développement des stents actifs .
GENERALITES
Définition
L’insuffisance coronarienne peut être définie comme une insuffisance d’oxygénation du myocarde par déséquilibre entre les besoins et les apports, le plus souvent secondaire à une atteinte athéroscléreuse des artères coronaires. L’insuffisance coronarienne est souvent à l’origine d’une souffrance cellulaire réalisant une ischémie myocardique .
Classification de l’insuffisance coronaire
L’ischémie myocardique correspond à une insuffisance coronarienne pouvant être aiguë ou chronique. Le mode évolutif de cette affection va permettre de classer les coronaropathies en deux groupes nosologiques :
– L’angor stable des insuffisances coronariennes chroniques
– Les syndromes coronariens aigus (SCA).
Les manifestations électriques et biologiques de ces derniers sous tendent leur classification en trois entités :
❖ SCA avec sus-décalage persistant du segment ST (SCA ST+) et élévation des troponines ; témoin d’une nécrose myocardique ; c’est « l’infarctus du myocarde avec ondes Q de nécrose ».
❖ SCA sans sus-décalage persistant du segment ST (SCA ST-), avec élévation des troponines et destruction myocardique, dénommé « infarctus du myocarde sans onde Q de nécrose ».
❖ SCA sans sus-décalage persistant du segment ST (SCA ST-) à troponine normale, dénommé « angor instable » .
Définition des différentes entités de coronaropathie
Le terme de « coronaropathie » ou « maladie coronaire » désigne l’atteinte d’une, ou plusieurs artères coronaires responsable d’une incapacité chronique ou aiguë à assurer un débit sanguin correspondant aux besoins myocardiques, et donc aboutissant à une ischémie. Cette dernière se traduit cliniquement par l’angor.
❖ Coronaropathie chronique ou maladie coronaire stable = angor d’effort : Il s’agit d’un syndrome douloureux thoracique survenant à l’effort, notamment suite à des efforts importants et qui se caractérise par une évolution chronique, et donc par son ancienneté. C’est donc un syndrome stable dans le temps et déclenché de manière régulière par des efforts à intensité régulière. La Société canadienne de cardiologie (CCS : Canadien Cardiovascular Society) lui a défini 4 niveaux .
❖ SCA avec sus-décalage persistant du segment ST (SCA ST+) : L’infarctus du myocarde est classiquement défini comme une nécrose ischémique systématisée du muscle cardiaque secondaire en général à une occlusion coronaire thrombotique aiguë sur lésion athéroscléreuse. Elle atteint souvent la paroi libre du ventricule gauche, et sa taille fait au moins 2cm² [11]. En 2012, selon l’European Society of Cardiology (ESC), l’American Heart Association (AHA), l’American College of Cardiolgy (ACC) et la World Heart Federation (WHF), le terme d’ « infarctus aigu du myocarde » ne doit être utilisé que lorsqu’il existe des preuves (biologiques et électrocardiographiques) de nécrose myocardique dans un contexte clinique d’ischémie myocardique aiguë [12]. Ainsi, cette nouvelle définition universelle de l’infarctus du myocarde est basée sur la détection d’une élévation ou d’une variation de la valeur des marqueurs biologiques de la nécrose myocardique avec, au moins, une des valeurs étant élevée ≥ 99è percentile de la valeur limite de référence, le biomarqueur de référence étant la troponine hypersensible (TnHS), associée à, au moins, un des cinq critères diagnostiques suivants :
1- symptômes d’ischémie myocardique ;
2- nouvelles (ou présumées nouvelles) modifications significatives du segment ST ou de l’onde T, ou un nouveau bloc de branche gauche ;
3- apparition d’ondes Q pathologiques à l’ECG ;
4- preuves à l’imagerie d’une nouvelle perte de myocarde viable ou d’une nouvelle anomalie de la contractilité régionale ;
5- identification d’un thrombus intra coronaire à l’angioplastie ou à L’autopsie .
❖ Angor instable = SCA ST- à troponine (-) :
Il regroupe classiquement cinq entités :
1- Angor de repos.
2- Angor de novo : d’apparition récente < 1 mois.
3- Angor aggravé ou crescendo : jusque-là stabilisé, cet angor commence à connaitre une aggravation de son évolutivité, ainsi que de sa fréquence, et de son intensité avec diminution de la trinitro-sensibilité.
4- Angor du post-IDM : survient, en général, à environ 2 semaines de l’IDM.
5- Angor de Prinzmetal : souvent nocturne, et survient suite à un spasme coronaire pouvant aboutir, s’il dure assez longtemps, à un authentique IDM.
❖ L’infarctus sans onde Q :
L’IDM non transmural, ne comporte pas d’onde Q. Il comporte un sousdécalage du segment ST ou ischémie de l’onde T (durables) associé à une augmentation des enzymes cardiaques .
EPIDEMIOLOGIE DE LA MALADIE CORONAIRE
A l’échelle mondiale
D’après l’OMS, les maladies cardio-vasculaires constituent la première cause de mortalité dans le monde en 2012 avec 17,5 millions de décès, dont 7,4 millions de personnes décédées de cardiopathies ischémiques. Ses projections pour 2030 placent toujours les cardiopathies ischémiques en tête des causes de mortalité estimée à 14,2 % [14]. Dans les pays en voie de développement, elles représentent 78% de la mortalité globale [15]. Les maladies coronariennes occupent une place importante au sein des maladies cardio-vasculaires. Elles seraient responsables, d’après l’OMS, de près de 7 millions de décès par an, soit 12,8% du taux de mortalité globale en 2012 .
A l’échelle Européenne et Américaine
Les maladies cardio-vasculaires représentent ainsi la première cause de mortalité chez les femmes en Europe, et dans les pays industrialisés [17].Toutes les minutes aux États-Unis, et toutes les six minutes en Europe, une femme décède d’une maladie cardiovasculaire. En France, près d’une femme sur 3 en décède chaque an [18]. La maladie coronaire est au premier rang des maladies cardio-vasculaires .Elle constitue une véritable épidémie silencieuse et sous-estimée .Non seulement, elle est la première cause de décès chez la femme dans le monde et dans les pays développés, elle est également la première cause mondiale de décès prématuré chez la femme, et ce, dans les différentes classes d’âge [19]. Une espérance de vie, plus longue chez les femmes, ne suffit donc pas à expliquer ces constats. En Europe, la maladie coronaire est responsable de 21% des décès chez la femme (versus 20 % chez les hommes). Chaque année, les femmes sont plus nombreuses que les hommes, en nombre absolu, à mourir de maladie coronaire. Pourtant, les hommes représentent 77,7% des coronariens stables d’après les données du registre CORO-NOR [20]. À titre de comparaison, le cancer du sein ne représente que 3% des décès [17]. La maladie coronaire tue ainsi 7 fois plus que le cancer du sein. Au cours des dernières décennies, avec l’essor de la prévention primaire et secondaire et l’amélioration des stratégies thérapeutiques, une diminution de la mortalité cardiovasculaire et coronaire a été observée [18]. Les résultats du registre français FAST-MI vont également dans ce sens. En effet, entre 2000 et 2010, la mortalité liée à l’infarctus du myocarde a diminué de 40% chez les hommes sans distinction de classe d’âge, alors qu’elle a peu diminué chez les femmes de plus de 65 ans. Plus inquiétant encore, l’incidence de l’infarctus hospitalisé a progressé chez la femme jeune entre 2002 et 2008, alors qu’elle est en baisse chez l’homme [21]. La figure ci-après montre les causes de décès dans la population européenne chez les femmes et les hommes en 2012 d’après Nichols et Al.
En Afrique
Nous disposons de peu de données épidémiologiques sur les affections coronariennes. L’étude CORONAFRIC I, première étude prospective multicentrique menée dans 16 centres hospitaliers de 13 pays africains (1988- 1989), retrouvait une prévalence de la maladie coronaire de 3,17% [23, 34 ]. Au Sénégal, la prévalence hospitalière des syndromes coronariens aigus est passée de 4,05% en 2006 à 7,61% en 2009 [24]. En 2011, l’étude transversale menée à Saint-Louis en population générale retrouvait une prévalence des coronaropathies de 9,9% [25]. La prévalence de la maladie coronaire est en évolution croissante elle est a atteint 14% en 2012 [26]. En 2017, la répartition selon le genre des syndromes coronariens aigus chez les hommes était de 61,9% contre 38,1% chez les femmes avec une nette prédominance masculine (sex-ratio à 1,62) [27]. Les projections de l’OMS en 2030 prédisent que la prévalence de la maladie coronaire par IDM sera dédoublée et deviendra la première cause mortalité en Afrique devançant ainsi les maladies sexuellement transmissibles et les carences alimentaires .
ANATOMIE DES ARTERES DU COEUR
La vascularisation artérielle du cœur est de type terminal. Elle est assurée par deux artères coronaires ainsi nommées car elles entourent le cœur comme une couronne au niveau du sillon atrio-ventriculaire . Ces artères sont susceptibles de subir de nombreuses variations anatomiques, tant au niveau de leur origine qu’au niveau de leurs ramifications.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. GENERALITES
I.1. Définition
I.2. Classification de l’insuffisance coronaire
I.3. Définition des différentes entités de coronaropathie
II. EPIDEMIOLOGIE DE LA MALADIE CORONAIRE
II.1. A l’échelle mondiale
II.2. A l’échelle Européenne et Américaine
II.3. En Afrique
III. ANATOMIE DES ARTERES DU COEUR
III.1. Artère coronaire gauche
III.2. Artère coronaire droite
III.3. Les territoires vasculaires
III.4. Notion de dominance
IV. STRUCTURE DE LA PAROI ARTERIELLE CORONAIRE
IV.1. Intima
IV.2. Média
IV.3. Adventice
V. PHYSIOLOGIE DE LA CIRCULATION CORONAIRE
V.1. Les besoins en oxygène du myocarde
V.2. Les déterminants et la régulation du débit sanguin coronaire
V.2.1. Le cycle cardiaque
V.2.2. La pression aortique
V.2.3. Le métabolisme myocardique
V.2.4. Les échanges gazeux
V.2.5. Le contrôle neurologique du débit sanguin coronaire
V.2.6. La vasomotricité des artérioles coronaires
V.3. Notion de réserve coronaire
VI. Physiopathologie des syndromes coronariens aigus
VI.1. Physiopathologie de l’athérosclérose
VI.2. Particularités physiopathologiques de la maladie coronarienne chez la femme
VI.2.1. Des plaques d’athérome de morphologie différente
VI.2.2. Des dissections coronaires spontanées
VI .2.3. Un angor sans obstruction coronaire
VI .2.3. 1. Une absence fréquente de sténoses des gros troncs coronaires
VI .2.3.2. Une atteinte fréquente de la microcirculation
VI.2.3.2.1. Altération de la structure vasculaire : le remodelage positif
VI.2.3.2.2. Altération de la fonction vasculaire : anomalie de la réactivité vasculaire
VI.2.3.3. Une majoration des évènements cardiovasculaires, même en l’absence d’obstruction coronaire significative
VI.2.3.4. Le concept d’angor microvasculaire
VII. ETIOLOGIES ET FACTEURS DE RISQUES DES SYNDROMES CORONAIRES AIGUS
VII.1. Athérosclérose coronaire
VII.1.1. Les facteurs de risques modifiables
VII.1.1.1. L’hypertension artérielle
VIII.1.1.2. Le diabète
VII.1.1.3. La dyslipidémie
VII.1.1.4. L’obésité
VII.1.1.5. Le tabac
VII.1.1.6. Le stress et la sédentarité
VII.1.1.7 Les facteurs nutritionnels
VII.1.2. Les facteurs de risque non modifiables
VII.1.2.1. L’âge
VII.1.2.2. Le sexe
VII.1.2.3. L’hérédité
VII.2. Particularités des facteurs de risque cardio-vasculaire chez la femme
VII.3. Autres étiologies
VIII. ASPECTS CLINIQUES
VIII.1.TDD : Syndrome coronarien aigu avec sus décalage persistant du segment ST
VIII.1.1. Circonstance de découverte
VIII.1.2. Signes cliniques
VIII.2. Particularité clinique chez la femme
VIII .1.3. Signes paracliniques
VIII.1.3.1. L’électrocardiogramme
VIII.1.3.2. La biologie
VIII.1.3.3. Radiographie thoracique de face
VIII.1.3.4. Echocardiographie Doppler
VIII.1.3.5. Coronarographie
VIII.1.3.5.1. Définition
VIII.1.3.5.2. Indications
VIII.1.3.5.3. Résultats
VIII.1.3.5.4. La classification ACC /AHA de la lésion coronaire
VIII.1.3.5.5. Les complications
IX. Evolution
IX.1. L’évolution simple
IX.2. Les complications
XI. Pronostic
XII. TRAITEMENT
XII.1. Buts
XII.2. Moyens
XII.2.1. Les moyens de reperfusion coronaire
XII.2.1.1. La thrombolyse
XII.2.1.2. Les indications de la thrombolyse
XII.2.1. 3. Les contre-indications de la thrombolyse
XII.2.1.4. Les thrombolytiques
XII.2.1.2. L’angioplastie coronaire
XII.2.1.2.1. Techniques d’angioplastie
XII.2.1.2.1.1. L’angioplastie au ballonnet
XII.2.1.2.1.2. Le stenting direct
XII.2.1.2.1.3. Les ballonnets actifs
XII.2.1.2.1.4. La thrombo-aspiration
XII.2.1.2.2. Types d’ angioplastie coronaire
XII.2.1.2.2.1.L’angioplastie primaire
XII.2.1.2.2.2.L’angioplastie programmée
XII.2.1.2.2.3. L’angioplastie de sauvetage
XII.2.1.2.3. Complications
XII.2.1.2.3.1. Complications à court terme
XII.2.2. Moyens médicamenteux
XII.2.3.1. Les antiagrégants plaquettaires
XII.2.3.2. Les anticoagulants
XII.2.3.3. Le traitement adjuvant
XII.2.3.3.1. Les antalgiques
XII.2.3.3.2. L’oxygénothérapie
XII.2.3.4. Les anti-ischémiques
XII.2.3.4.1. Les bêtabloquants
XII.2.3.4.2. Les dérivés nitrés
XII.2.3.5. Les inhibiteurs calciques
XII.2.3.5.1. Les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone
XII.2.3.6. Les statines
XII.2.3.7. L’insuline
XII.2.3.8. Les inhibiteurs de la pompe à protons
XII.2.3.9. Les anxiolytiques
XII.2.3.10.Les autres médicaments utilisés en cas de complications
XII.2.3. Les moyens chirurgicaux
XII.2.4. Moyens hygiéno-diététiques
XII.3. Indications
XII.3.1. SCA avec sus-décalage persistant du segment ST non compliqué
XII.3.2. Le syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST
XII.3.3. Maladie coronaire stable
XII.3.4. Traitement des complications
XII.5. La prévention
CONCLUSION