Classement morphologique des noms de lieux sacrés
Introduction
Depuis toujours, l’homme a eu besoin de se repérer dans l’espace. Effectivement, il a procédé par la dénomination, en attribuant des prénoms à des êtres humains et des noms à des choses et des lieux. Au fil du temps, le nom propre a posé problème à l’homme sur le plan de la signification. Afin de décrire et d’expliquer le sens du nom propre, une nouvelle science est apparue pour prendre en charge ce dernier. On l’a nommée l’onomastique.
L’onomastique est apparue au 19eme siècle. Albert DAUZAT et Auguste LAUGNION étaient l’un des premiers précurseurs de l’onomastique en France et Foudil CHERIGUEN en Afrique du Nord.
L’onomastique selon DAUZAT est définie comme étant « une recherche systématique de l’étymologie des noms propres »1. Cela dit que l’objet d’étude de l’onomastique est bel et bien l’étymologie et la formation du nom propre.
Par ailleurs, cette discipline est une branche de la lexicologie, qui est constituée de deux sous-branches, l’anthroponymie et la toponymie que Charles CAMPROUX défini par « l’anthroponymie (du grec anthropos “homme ”et onoma “nom”) s’occupe des prénoms, noms de familles et pseudonymes. La toponymie (du grec topos “lieu” et onoma “nom”) »2.
Le nom propre est d’une valeur incontestable dans une société car « sans le langage, sans le nom, l’univers semblerait voué à l’inexistence »3. Selon HATZFELD & DARMESTETER, le nom propre est considéré comme :
« …mot par lequel on distingue individuellement une personne… mot par lequel on désigne individuellement un animal… mot qui sert à distinguer tel pays, tel cours d’eau, tel navire, telle ville, etc, de tout autre et à le désigner spécialement »4.
Mais, du point de vue Saussurien : « Les noms propres, spécialement les noms de lieux […] ne permettent aucune analyse et par conséquent aucune interprétation de leurs éléments »5, ceci dit, le nom propre n’est qu’un objet totalement isolé, inalliable et dépourvu du signifié.
Présentation du corpus
Notre travail se fera en complément d’un mémoire de fin d’étude soutenu en 2016 sur le thème intitulé « Analyse morphologique et sémantique des hagionymes de la Wilaya de Bejaia »9, avec un corpus de 100 noms cernés à travers une enquête faite sur le terrain.
Pour établir notre corpus, nous nous sommes dirigées vers la direction des affaires religieuses de la wilaya de Bejaia, qui nous a procuré une liste officielle de 131 noms des lieux sacrés qui se composent de 17 noms de Zaouïa et 114 noms de Makam (Mausolée).
Après avoir comparé le corpus qui a fait l’objet d’étude du précédent travail et le nôtre, nous avons trouvé une similitude de vingt-trois (23) noms, aussi cinq (05) noms redondants concernant Makam et deux (02) de Zaouïa dans la liste qui nous a été procuré. Apres avoir éliminé ces noms, nous avons eu un corpus de cent-un (101) noms.
Pour présenter notre corpus, nous avons traduit l’ensemble des noms de la langue arabe à la langue française.
Construction morphologique des noms de lieux sacrés
Les noms composés
Avant d’entamer cette partie, nous devons d’abord définir la composition. Selon Georges MOUNIN « Traditionnellement, un composé est une unité lexicale formée soit par association de deux lexèmes, soit par adjonction d’un préfixe à une base lexicale (…) »15. C’est-à-dire, les noms composés sont formés soit de deux ou plusieurs termes, ou par l’ajout des affixes aux unités. Concernant notre corpus, les noms composés sont formés de deux unités et plus, ayant comme base : sidi, zaouïa, cheikh, el-djamaa, thichet, ima, lemrabti, ighil et lemkam.
Approche morphologique des noms de lieux sacrés
Le tableau ci-dessus nous présente un classement des noms composés formés de quatre termes.
Nous avons repéré trois (03) noms formés selon la structure suivante : 1ercomposant +Nom + deux (02) Prénoms. Suivi de la structure : 1ercomposant + Nom + Prénom + Nom qui se représente avec deux (02) Noms et enfin les formes 1er composant + trois (03) Prénoms, 1ercomposant + trois (03) Noms et 1ercomposant + Nom +Prénom + Qualificatif, avec un (01) Nom pour chacune.
Concernant le genre, nous remarquons une nette prédominance de la forme : Féminin + Masculin + Masculin + Masculin avec six (06) noms. Le reste des formes : Masculin et Féminin + Masculin +Masculin + Féminin sont minoritaires avec un (01) nom pour chacune.
Origine linguistique des noms de lieux sacrés
A travers cette partie, nous proposons un classement des noms de lieux sacrés selon leurs origines linguistiques, qui a pour but d’essayer de faire ressortir les différentes langues auxquelles appartiennent les noms de notre corpus.
Analyse morphologique des noms de lieux sacrés
Dans cette partie, nous essayerons de présenter et d’analyser notre corpus, plus précisément de décrire les noms de lieux sacrés sur le plan de la forme et de la structure.
Pour cela, nous aurons recours à la méthode par racine élaborée par Jean-Marie DALLET dans son dictionnaire Kabyle-Français. Pour interpréter les hagionymes recensés, nous allons les traduire en langue française, ensuite donner leur transcription en langue berbère ou arabe qui sera mise entre barre-obliques.
Mais avant d’entamer cette analyse nous devrions d’abord connaitre la signification de la racine.
Selon DUBOIS : « on appelle racine l’élément de base, irréductible, commun à tous les représentants d’une même famille de mots à l’intérieur d’une langue ou d’une famille de langues. La racine est obtenue après élimination de tous les affixes et désinences ; elle est porteuse des sèmes essentiels, communs à tous les termes constitués avec cette racine. La racine est donc la forme abstraite qui connaît des réalisations diverses […] »16.
Nom masculin singulier formé de deux unités.
Yahia : prénom masculin singulier, de la racine arabe /ḤY/ qui signifie « le vivant ». Il est le « représentant de Jean »52, signifiant aussi « qu’il vive »53.
Amzal : nom masculin singulier, composé du morphème masculin kabyle a- et de la racine berbère /ZL/ qui signifie « celui qui fait la prière »54. Comme il pourrait aussi designer un individu qui appartient à la tribu des AtTamzalt qu’on trouve dans la région de Oued Amizour.
Approche sémantique des noms de lieux sacrés
Après avoir soumis notre corpus à une analyse morphologique dans le précédent chapitre, nous passerons à une autre partie du travail consacrée à l’étude sémantique des noms de lieux sacrés.
Les données et les résultats que nous avons obtenus dans le chapitre antérieur, nous seront d’une grande utilité, car nous nous sommes basées sur l’extraction et l’interprétation du sens que comporte les noms de notre corpus.
Selon Foudil CHERIGUEN, la sémantique « ne concerne pas seulement l’interprétation des toponymes. Des données découlant de la lexicologie, de la morphologie mais aussi de la phonétique et de l’étymologie, ainsi que de la statistique lexicale et du classement par domaine peuvent alors être expliquées avec un maximum de précision ».105 C’est-à-dire que l’analyse sémantique dans une étude onomastique est une étape importante et obligatoire afin de déterminer les types de désignation des hagionymes.
Classement sémantique des noms de lieux sacrés
Les 101 noms de notre corpus se classent en quinze (15) domaines sémantiques différents, ces derniers se subdivisent en plusieurs sous catégories. Certains de ces noms apparaissent dans plusieurs classements dans le but de mettre en évidence tous les détails significatifs de chaque nom.
Les noms de lieux sacrés en rapport avec la religion musulmane
La référence à la religion musulmane dans les usages toponymiques algériens et spécialement la Wilaya de Bejaïa est très forte. Ces noms honorent la grandeur, la beauté et la noblesse de la religion musulmane, ainsi que ses bienfaits sur le croyant.
Dans cette partie consacrée à l’étude des noms liés à la religion musulmane, nous retrouvons les différents noms qui renvoient aux prophètes et ses qualificatifs, noms de ses proches, les noms de différents prophètes reconnus par l’Islam, noms qui désignent Dieu, ses louanges et ses serviteurs, ainsi que les noms qui renvoient aux mois du calendrier hégirien, aux cinq piliers de l’Islam et les noms des sourates de Coran.
Conclusion
Au terme de notre étude, nous avons constaté que l’onomastique qui prend en charge l’étude du nom propre, nous a permis de découvrir les différentes caractéristiques des noms de lieux sacrés de la Wilaya de Bejaïa .
A priori, nous remarquons au niveau de la forme que notre corpus est majoritairement formé à partir des noms composés (98,02%), à ce propos CHERIGUEN souligne que « plus un nom comporte de composants, plus il est précis et se Singularise »110. Nous comprendrons par cela que les ancêtres kabyles avaient tendance a attribuer plusieurs prénoms à une personne, car plus le nom est composés plus il est claire et précis. Plusieurs structures grammaticales sont utilisées pour former les noms composés, mais les plus dominantes sont : 1ercomposant + Nom (Cheikh Belhadad) et 1er composant + deux (02) prénoms (Sidi Mouhoub Ouali).
Les formes masculines dominent notre corpus avec un pourcentage de 75,76% (Sidi Abdelaziz), cela s’explique par le fait que dans la doctrine Islamique, l’homme est supérieur à la femme, nous le constatons dans ces deux versets ; « Les hommes ont autorité sur les femmes »111 et « Mais les hommes ont cependant une prédominance sur elles »112
Ensuite, en terme d’origine linguistique CHERIGUEN annonce, que pour la langue « berbère, l’étude de l’onomastique peut être très originale quand elle traite d’hagionymie ou de théonymie »113, en effet, nous avons tenté de confirmer cela à travers l’étude d’origine linguistique des noms.
Nous remarquons que les noms hybrides formés à partir de deux langues « arabe-berbère, berbère-arabe » sont dominants avec 51,49% (Sidi Yahia Amzal). Cela est dû au contact de langue et aux conquêtes arabo-islamiques qu’a subies la Wilaya de Bejaia. Vient en deuxième position, la langue arabe avec 42,57% (Zaouïa sidi El hadj Ahmed El zerouk), cela s’explique par le fait que Bejaïa a subi plusieurs invasions arabo-islamique. En troisième position, le berbère qui se manifeste avec une faible proportion 5,94% (Thichet Oudrar), bien qu’elle soit une région berbérophone.
L’analyse morphologique a révélé que les noms de notre corpus sont chargés de plusieurs significations et à travers le premier composant nous avons pu identifier ces sens.
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Table des matières
Introduction
Présentation dusujet
Motivationet objectifs
Problématique
Hypothèses
Présentation du corpus
Méthodologie
Présentation de la Wilaya de Bejaia
ChapitreI :Approch emorphologique des noms de lieux sacrés
I.Classement morphologique des noms de lieux sacrés
II.Construction morphologique des noms de lieux sacrés
III.Origine linguistiqu des noms de lieux sacrés
III.Analyse morphologique des noms de lieux sacrés
ChapitreII: Approche sémantique des noms de lieux sacrés
I.Classement sémantique des noms de lieux sacrés
II.Statistiques de l’analyse sémantique
Conclusion
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