Citadinité et urbanité : la ville, un espace de relations sociales

Citadinité et urbanité : la ville, un espace de relations sociales

Les notions de citadinité et d’urbanité vont bien souvent de pair dans la littérature scientifique. Parfois même elles sont amalgamées et les auteurs ne les différencient pas, ni même en proposent une définition avant de les employer. La volonté de ce dernier point du premier chapitre est de dresser un état de l’art sur l’emploi de ces deux notions qui traitent, de façon générale, de la ville et des individus dans la ville. L’objectif est de se positionner pour proposer une définition qui distingue les caractéristiques de l’urbanité et de la citadinité, laquelle permettra d’exprimer et de qualifier la relation des individus avec la ville.

Positionnement et définitions

La confusion, sur laquelle nous reviendrons, au sein de la communauté des géographes et sociologues urbains face aux notions de citadinité et d’urbanité, invite d’abord à préciser notre position pour expliciter les choix faits dans cette thèse.

La citadinité : les individus dans la ville

L’étude de la citadinité est celle du lien des individus à la ville et des individus entre eux par le biais des pratiques spatiales. Ce lien entre les individus fait référence au « bien-être social » qui est une des dimensions de la santé dans sa conception holistique . La participation à la vie de la cité, le sentiment de faire partie de la société, d’avoir une place parmi les autres sont constitutifs de la citadinité tout autant que de la santé et du bien-être des populations. La citadinité impose de penser la relation entre l’individu et la ville de façon dynamique, comme un processus de co-construction (Berry-Chikhaoui, 2009) qui se nourrit des discours et des pratiques, individuelles et collectives, relatives aux significations que les individus attribuent aux lieux, à la représentation qu’ils se font de la ville (Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2000 ; Gervais-Lambony, 2001 ; Lussault, 2003b). Ce « système de signes » qui, émergeant du citadin, regrouperait les preuves de la relation que l’individu entretient avec la ville (Lussault, 2003b) révèle toute la subjectivité de la citadinité (Gervais-Lambony, 2001). La notion de citadinité permet d’étudier la ville « de l’intérieur », de la part des habitants. Certains auteurs parlent d’une approche « par le bas » (Berry-Chikhaoui, 2009). Nous parlerions plutôt d’une approche à échelle humaine, observable, palpable. Cette approche tient compte des compétences des citadins qui seraient, au sens de A. Giddens (1987), à la fois la connaissance de la ville, et la capacité à utiliser sa connaissance. Elle suppose de considérer l’individu comme un acteur ayant une approche réflexive sur sa pratique de la ville (Lussault, 2003) pour trouver sa place et faire lien avec les autres.

Parce qu’il s’agit d’une relation entre individus et objet urbain, la citadinité se rapproche des notions d’habiter et de territorialité, elle met en jeu les questions de sentiment d’appartenance, d’appropriation, d’intégration, d’identité. La citadinité pourrait donc se définir comme une relation dynamique entre individu et ville, basée sur l’adaptation mutuelle des deux parties par le biais des interactions sociales qui vont déterminer les comportements communément acceptés et reconnus par les usagers de l’espace public selon les lieux de la ville. De cette adaptation découlerait une inclusion des individus dans la ville, et une forme d’incorporation de la ville dans les pratiques individuelles. Dans le cas des personnes âgées, sortir pour faire ses courses de façon autonome, par exemple, nécessite un environnement urbain et social « congruent » (adapté aux attentes des individus concernés) qui permet d’être inclus dans la société en pratiquant la ville avec les autres citadins. En somme, la citadinité d’un individu résulte des modalités de son inclusion en ville, avec les autres, déterminée par le rapport à l’autre. Et on peut reprendre ici Gervais-Lambony (Gervais-Lambony, 2001, p. 100) qui cite les propos de M.-C. Jaillet (1999) pour qui la citadinité est fondée sur un « vivre ensemble », qui produit « non pas de la socialité seulement, mais une société, c’est-à-dire une capacité collective à faire tenir ensemble des groupes fortement différenciés ». Cette définition intègre pleinement la notion de citadinité dans la géographie sociale car la citadinité permet d’analyser la construction des rapports sociaux qui font la ville. La relation à l’autre se comprend non seulement dans un espace mais aussi et surtout avec l’espace dans lequel elle se construit. La citadinité ne peut donc pas être seulement définie comme un rapport à la ville mais aussi comme un rapport social puisque la ville se définit comme une entité sociale avant tout. La citadinité serait-elle finalement un ensemble de pratiques et de représentations pour « faire ville » avec les autres ? Ou encore un ensemble de pratiques et de représentations qui permettraient la « cohésion urbaine » renvoyant ici à tous les dispositifs qui maintiennent ou créent du lien social (Dorier-Apprill, Gervais-Lambony, 2007) ? Les concepts d’invention, d’adaptation, de détournement, de substitution (Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2000 ; Bouillon et al., 2007) sont intéressants à prendre en compte car ils insistent sur la singularité de la citadinité pour chaque individu et permettent d’aller au-delà d’une citadinité conventionnelle en intégrant des caractéristique individuelles et des lieux qui structurent cette relation.

Citadinité et urbanité

Bien souvent, la notion de citadinité est utilisée, voire amalgamée avec celle de l’urbanité. Toutes deux sont concernées par la ville en tant qu’unité spatiale et sociale et elles interrogent, chacune à leur façon, ce qui « fait » la ville. S’en tenir à la racine d’urbanité, urb étant l’ensemble de maisons et d’édifices (Stébé, Marchal, 2009), serait quelque peu réducteur pour comprendre ce que l’urbanité peut apporter à la compréhension de la ville et des rapports sociaux qu’elle contribue à établir. La distinction faite par R. Lamine (2009), qui annonce que l’urbanité est relative à l’urbain, alors que la citadinité est relative aux citadins, peut sembler un peu simpliste, mais ces nuances permettent de souligner deux « entrées » sur la ville qui font la distinction entre citadinité et urbanité. D’une part, la notion de citadinité est une entrée qui souligne l’importance du rapport à l’autre, et, plus précisément, un rapport qui inclut l’autre. Ce processus est d’autant plus important qu’il est au cœur de la problématique relative au vieillissement en ville. Avec la notion de citadinité, l’objet n’est pas la compréhension de la ville mais celui de l’inscription à la fois sociale et spatiale des individus. D’autre part, la notion d’urbanité est une entrée qui nécessite, pour être entendue, de recenser les éléments qui ont un rapport avec l’urbain, c’està-dire qui seraient caractéristiques de la ville et regroupant des dimensions sociales, matérielles et symboliques (Stébé, Marchal, 2011).

Concernant la dimension matérielle de l’urbanité, on retrouve des éléments tels que l’existence d’espaces publics, l’accessibilité à ces espaces (Lévy, 2003 ; Lussault, 2003d), les services urbains (Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2000), l’éclatement des espaces de vie conduisant à la mobilité. A ce sujet, M. Haicault et S. Mazzella (1997) rappellent que la mobilité est le concept clé de l’École de Chicago, conçue comme « le principe même de l’urbanité ». La dimension matérielle de l’urbanité s’articulerait autour de la centralité (Harroud, 2009 ; Safar Zitoun, 2010) la densité (Lévy, 2003 ; Maas, 2006) et plus précisément « la mise en coprésence du maximum d’objets sociaux dans une conjonction de distances minimales » (Lévy, 1994) , mais aussi le couplage densité/diversité des objets de société (Lussault, 2003d). Les interactions sociales sont parties intégrantes de l’urbanité et constituent le second volet de ce qui « fait ville », autrement dit la dimension sociale de l’urbanité. Les auteurs soulignent l’importance de la création de lien social (Lehman-Frish et al., 2007 ; Dorier-Apprill, Gervais-Lambony, 2007 ; Moncomble, 2009), du contact de l’autre (Dollé, 1990 ; Joseph, 1998 ; Safar Zitoun, 2010) mais aussi de l’anonymat qui seraient au fondement des relations sociales en milieu urbain (Wirth, 1938)29 ; (Raulin, 2001).

Enfin, la dimension symbolique de l’urbanité se comprend dans un soi disant « art d’être en ville », un état d’esprit, et des mœurs plus raffinés tels que la civilité et la politesse (Brunet et al., 2005 ; Paquot, 2006) (Sennett, 1979)  . J. Lévy (2003) définit des modèles d’urbanité, non pas selon une morphologie particulière, mais par rapport à ce qui fait la ville. En comparant deux villes qu’il prend pour modèles, Amsterdam et Johannesburg, il fait remarquer la corrélation qui existe entre les différents indicateurs posés . Le modèle d’Amsterdam conjugue la concentration et donc la coprésence d’individus, tandis que le modèle de Johannesburg est pris comme regroupant des quartiers fonctionnellement et sociologiquement homogènes. La question qui se pose est alors la suivante : est-il possible de les hiérarchiser ?L’urbanité servirait à conjuguer ensemble, enfin, le fond et la forme, le matériel et le social, pour penser la ville comme « à la fois territoire et population, cadre matériel et unité de vie collective, configuration d’objets physiques et nœuds de relations entre sujets sociaux » (Grafmeyer, 1995, p. 8), elle servirait donc à dépasser l’opposition contenant versus contenu. L’urbanité est ce qui dessine un espace urbain, avec « sa qualité propre, son caractère », reconnu et approprié par les résidents et les autres. De fait, elle permettrait «d’appréhender la multiplicité des espaces urbains qui existent aujourd’hui » (Lussault, Stock, 2007, p. 241). L’urbanité ainsi constituée serait le cadre et le support de la relation individu/ville, autrement dit, de la citadinité.

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Table des matières

Introduction générale
Partie 1 : Éléments de cadrage de la thèse
Chapitre 1 : Le littoral, les femmes âgées, la citadinité. Un triptyque contextuel
I. L’espace littoral breton
II. La vieillesse féminine
III.Citadinité et urbanité : la ville, un espace de relations sociales
Chapitre 2 : Problématisation et positionnement de la thèse
I. L’urbanité balnéaire : quelle cadre pour la citadinité sur la promenade ?
II. Espaces urbains et avancée en âge : les personnes âgées en ville
III.Comment l’espace urbain balnéaire peut-il interroger la citadinité par le genre et l’âge ? Quelle mise en œuvre ?
Chapitre 3 : Une démarche méthodologique qui conjugue différentes techniques
I. Les terrains d’étude et la population enquêtée
II. La démarche et les outils pour les observations
III.La démarche et les outils pour les entretiens
Partie 2 : Les femmes âgées sur les promenades balnéaires : de l’observation des pratiques aux discours
Chapitre 4 : La promenade balnéaire : « faire ville » au bord de l’eau
I. Les caractéristiques d’une urbanité balnéaire
II. Les femmes âgées sur la promenade balnéaire
III.La promenade balnéaire : un espace de déambulation pour les femmes âgées
Chapitre 5 : Analyse des pratiques sur le bord de mer avec l’avancée en âge
I. L’observation des pratiques au prisme du vieillissement : de l’amoindrissement corporel au renforcement des pratiques
II. Quelles spécificités des espaces parcourus selon l’âge ?
III.La promenade balnéaire comme espace ressource
Chapitre 6 : Pratiques et perceptions du bord de mer
I. Les femmes âgées et l’espace balnéaire : une citadinité plus ou moins affirmée selon le lieu de résidence
II. Le rapport à l’espace des femmes vieillissantes pour interroger la citadinité
III.De chez soi au bord de mer : un transit pour accéder à l’espace de citadinité
Partie 3 : Les parcours de vie des femmes âgées : pour une approche compréhensive de la citadinité
Chapitre 7 : Les mobilités résidentielles pour appréhender le rapport à la ville des femmes âgées
I. Les mobilités résidentielles au cours de la vie : une inscription dans l’espace des évènements biographiques
II. Les transitions biographiques dans le parcours résidentiel depuis la mise en retraite
III.Analyse de la citadinité
Chapitre 8 : L’inscription du processus de vieillissement dans l’espace de pratiques
I. Les pratiques affectées par la déprise
II. Transition ou rupture : comment bien vieillir entre déprise et reprise ?
III.La promenade balnéaire : espace ressource pour la citadinité des femmes âgées
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes

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