Cinétique de l’élongation du bourgeon sous luminosité faible/forte
La rose en France et en Anjou
La rose en France et en Anjou
L’horticulture ornementale française est un secteur dans lequel la rose tient une place économique importante. Le rosier représente 2 % des ventes en volume et 9 % du chiffre d’affaire du secteur. L’attrait des particuliers et des professionnels de différents secteurs (fleurs coupées, fleurs en pots d’intérieur ou d’extérieur, fleurs de pleine terre, parfumerie, industrie cosmétique) ne fléchit pas. Les français continuent à aimer et à acheter cette plante indémodable et emblématique de nos jardins. La rose s’ancre dans l’histoire angevine depuis le XIXème siècle, puisque c’est l’arrivée à Angers du rosiériste Jean Pierre Vibert en 1839 qui donnera à la région sa future renommée dans le domaine. Depuis, la création variétale, les nombreuses avancées et recherches sur le rosier, et notamment le rosier buisson, ont contribué à faire de l’Anjou l’un des centres de production de la rose, hissant même la région à la première place (60 % de la production française est angevine, devançant la production Sud-Ouest). Le genre Rosa regroupe plus d’une centaine d’espèces et des milliers de cultivars. L’hybridation entre ces derniers est très fréquente chez les rosiers de jardin et rend ardues les tentatives de délimitation botanique. Les rosiers d’ornement sont ainsi souvent regroupés sous l’appellation générique « Rosa hybrida », non fondée sur la classification phylogénique. Les rosiers de jardin fleurissent dans toutes les villes de France une bonne partie de l’année. Avec comme vocation principale un esthétisme allant du classique au moderne, ils doivent s’inscrire avec aisance dans tous les environnements où on les rencontre, en zones rurales comme urbaines. C’est essentiellement la composante esthétique de cette plante qui a fait et fait toujours l’objet d’une sélection minutieuse et qui nécessite de sans cesse repenser son architecture au gré des tendances et des besoins des consommateurs et c’est dans un environnement en pleine mutation que doit maintenant s’inscrire le rosier de demain.
L’IRHS : un pôle recherche à Angers
L’Institut de Recherche en Horticulture et Semences (IRHS), est une structure récente regroupant la tutelle de l’Institut national de recherche en Agriculture (INRA), d’Agrocampus Ouest et de l’université d’Angers. Elle présente 3 pôles et 13 équipes de recherche mettant en commun leurs expertises pour répondre à des problématiques fondamentales et stratégiques en lien avec la biologie et la physiologie des semences et plantes horticoles. Le pôle « Architecture et Floraison sur Rosiers et Autres Ornementales » concentre actuellement l’effort de ses équipes de recherche sur le rosier. L’équipe « Biologie Intégrative d L’Interaction Architecture et Environnement » (ARCH-E) a pour objectif de définir les bases moléculaires du contrôle du débourrement et de la croissance des rameaux par différents facteurs de l’environnement et plus particulièrement par la lumière. La ramification de la plante, et donc son architecture, dépendent du débourrement. C’est en effet la composante architecturale du rosier qui est au centre de la recherche, car d’elle dépend l’aspect général de la plante. Le port du rosier, la vigueur de ses axes ou son caractère buissonnant font l’identité du rosier au même titre que sa floribondité ou encore la couleur ou le parfum de ses fleurs. C’est d’ailleurs l’un des critères majeurs de choix du consommateur lorsqu’il regarde une plante ornementale.
Le mécanisme du débourrement chez le rosier
L’architecture d’une plante est la résultante des interactions entre les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux. Au sein de réseaux de signalisation moléculaire complexes et encore partiellement connus, le mécanisme du débourrement s’inscrit comme l’un des axes majeurs de recherche en la matière. C’est en effet en grande partie le fonctionnement des bourgeons et leur propension à débourrer qui détermine le port futur de la plante. Le débourrement est en soi un phénomène complexe, avec des réponses spécifiques face à un grand nombre de mécanismes de régulation signalétiques et nutritionnels. Il se définit par l’émergence de la première feuille hors de la couche écailleuse du bourgeon. Cela nécessite la levée de la dormance qui permet la libération des différentes structures contenues dans le bourgeon puis la reprise de sa croissance par réactivation de l’activité méristématique. À la différence d’autres espèces dont les bourgeons débourrent même à l’obscurité comme la tomate ou le peuplier, chez le rosier la lumière est une condition sinequanone au débourrement (Girault et al., 2008). Par ailleurs le bourgeon est le site de perception de la lumière (Leduc et al., 2014).
Le bourgeon
Une plante est par nature immobile et doit sans cesse s’adapter à son environnement. Elle est en permanence en compétition avec d’autres espèces végétales pour les ressources nutritives, la lumière et l’eau, comme c’est le cas dans une forêt ou un massif de fleurs. Ce sont également les paramètres physicochimiques de son environnement, comme le relief ou les conditions climatiques qui conditionnent sa capacité à se développer d’une façon ou d’une autre. C’est pour ces raisons que des mécanismes lui permettant d’occuper l’espace de façon optimale sont essentiels. Le développement de nouveaux axes doit ainsi être finement régulé car il a un effet important sur la capacité d’une plante à s’adapter à son environnement. Les méristèmes à l’origine des axes en développement peuvent soit produire immédiatement un rameau (rameau sylleptique) soit entrer en dormance au sein d’une structure spécialisée, le bourgeon, pour donner des rameaux proleptiques. Le bourgeon est une structure écailleuse complexe comprenant les ébauches foliaires et éventuellement florales du futur axe. Elles entourent le méristème apical caulinaire (MAC). L’ensemble s’organise autour d’un axe constitué de l’empilement des différents entre-nœuds. Les bourgeons aériens sont situés à l’aisselle des feuilles (bourgeons axillaires). Les phénomènes régulant la croissance du bourgeon et son débourrement s’inscrivent à la fois dans le patrimoine génétique de la plante mais également comme médiateurs à l’interface entre la plante et son environnement. C’est en particulier la suspension temporaire de la capacité du bourgeon à débourrer qui entre jeu dans cette situation. C’est le phénomène de dormance.
Les différents types de dormance et leur levée
Le programme de devenir par défaut du bourgeon est la croissance. Ce sont donc principalement des mécanismes d’inhibition du débourrement pour le maintien de la dormance qui sont mis en place pour contrôler le phénomène (Horvath, 2010). Ce sont les raisons du maintien de cette dormance et les conditions pour les lever qui en définissent la nature. Trois différents types de dormance ont ainsi été décrits (Lang et al., 1987). Ils ne s’excluent pas mutuellement et peuvent également se succéder. Horvath (2010) en donne les définitions suivantes :
L’endodormance
Dans ce cas, c’est au sein même du méristème qu’agissent des facteurs inhibant la croissance du bourgeon. Ce type de dormance peut être mis en évidence lorsque le bourgeon ne débourre pas même pris isolément du reste de la plante (pas de paradormance) ou placé en conditions environnementales favorables (pas d’écodormance).
L’écodormance
Cette dormance est sous l’influence de facteurs environnementaux. Lorsque ceux-ci ne sont pas propices à la croissance, le bourgeon reste quiescent. L’origine de cet arrêt de croissance visible peut par exemple être liée à un stress hydrique, thermique ou à un milieu carencé en nutriments. La reprise de croissance s’initie au retour de conditions favorables.
La paradormance
Dans le cadre de la paradormance, le méristème est sous l’influence de signaux intrinsèques à la plante mais externes au bourgeon-même. Ils proviennent d’autres organes plus ou moins proches et répriment le débourrement, comme c’est le cas dans le phénomène de dominance apicale. Dans cet exemple précis, le bourgeon situé à l’apex de la tige réprime le débourrement des bourgeons axillaires placés sur l’axe.
La dormance est levée par des mécanismes complexes et fonction de sa nature. Il peut être difficile de différencier les leviers du phénomène en raison des besoins parfois similaires pour rompre les différentes dormances. L’écodormance et l’endodormance par exemple, peuvent toutes les deux nécessiter des conditions de températures particulières pour être levées. Dans l’ensemble la saisonnalité des régions tempérées participe de façon importante aux phénomènes de levée de dormance du bourgeon. On peut également citer certains facteurs nutritionnels comme leviers de la levée de dormance et de la reprise de l’activité des méristèmes.
Micro-ARNs et développement
Les miARNs
Les miARNs (micro-ARNs) sont de petits ARNs (acides ribonucléiques) endogènes non codants de 20 à 24 nucléotides. Ils ont été découverts en 1993 chez C. elegans (Lee et al., 1993) et caractérisés une dizaine d’années plus tard. Ils jouent un rôle prépondérant dans la régulation post transcriptionnelle d’un grand nombre de gènes, et notamment des gènes codant des facteurs de transcription (FT). Ils seraient impliqués dans la régulation de près de 30 % des gènes du génome végétal, et possiblement dans l’ensemble des phénomènes biologiques rencontrés au cours de la vie de la plante (Budak and Akpinar, 2015).
Biosynthèse
Les miARNs sont codés par le génome nucléaire des plantes. Les gènes codant ces miARNs peuvent être situés dans des régions « non-codantes » du génome ou dans des régions introniques d’autres gènes. Ils sont ensuite transcrits par l’ARN polymérase II (figure). Les longs transcrits en résultant sont appelés miARNs primaires (primiARNs ou primiRs). Ces primiRs ont une structure tige-boucle et possèdent une queue polyA (queue poly-adénosine) ensuite clivés dans des corps nucléaires dédiés (dicing bodies en anglais) par un complexe protéique majoritairement composé de DICER-LIKE 1 (DCL1), HYPONASTICLEAVES (HYL1) et SERRATE (SE) (Yu et al., 2017). Le clivage des primiRs donne de précurseurs de miARNs (prémiARNs ou prémiR). Ceux-ci sont plus petits (de 60 à 80 nucléotides) et présentent également une structure tige-boucle . Le complexe de clivage excise ensuite la boucle du prémiR ainsi que les extrémités 5’ de chacun des brins en résultant. Cette étape peut intervenir de la base vers la boucle ou plus rarement de la boucle vers la base (Budak and Akpinar, 2015). Il en résulte un miARN double-brin qui est stabilisé par 2-Ométhylation des extrémités 3’ de chaque brin par la protéine HEN1 . Cette protéine favoriserait également son export vers le cytoplasme par la protéine HASTY (Budak and Akpinar, 2015). Une fois dans le cytoplasme, les brins se séparent et le brin guide est chargé par le RNA-induced silencing complex (RISC) grâce à son interaction avec la protéine argonaute (AGO).
Le système de régulation de leurs transcrits cibles
Pour agir sur les transcrits-cibles, les miARNs matures sont préalablement chargés dans un complexe RISC, constitué de plusieurs protéines et notamment la protéine Argonaute . Ils agissent par appariement plus ou moins parfait avec les ARNs messagers (ARNm) de leurs gènes cibles et induisent ainsi leur clivage puis leur dégradation si la complémentarité est parfaite ou presque ou le blocage de la traduction si l’appariement est partiel . C’est le cas chez les animaux, mais chez les plantes l’appariement est le plus souvent presque parfait et entraîne le clivage et la dégradation de son ARNm cible.
Les miARNs dans la ramification
À l’heure actuelle, très peu de choses sont connues sur la régulation de la ramification des plantes par les miRNAs et, encore moins en réponse à des conditions néfastes d’éclairement. Quelques études récentes ont cependant identifié le rôle de certains miARNs avec leurs gènes cibles (modules miRNAs/ARNm) dans ce processus. À ce jour dans la littérature, la ramification serait contrôlée négativement par le miR171 (Wang et al., 2010) et positivement par les miR156, miR157, miR529, miR393 et miR444 (Figure 3 ; Huijser et Schmid, 2011, Li et Zhang, 2016, Guo et al., 2013, Wang et al., 2015).
Conclusion
On retiendra ici la visible réponse du prémiR156a suite à la levée de la dominance apicale par décapitation. Il est intéressant de s’attarder sur les pics d’expression du prémiR survenant au même moment que l’accélération de l’élongation du bourgeon à T48. Les résultats obtenus chez le rosier peuvent être mis en parallèle de ceux recensés chez d’autres espèces comme A. thaliana (Blein and Laufs, 2016). Le test de la réponse de miR156a à la levée de dominance apicale en PAR faible permettra éventuellement de mettre en évidence une différence par rapport à la condition de lumière PAR fort. Le lien entre l’expression du gène cible SPL6 et l’expression du miR mature reste encore à tester pour pouvoir envisager un lien entre ce gène et le débourrement. Bien que ces informations préliminaires doivent être pondérées et prises avec circonspection, la piste de l’implication des miARNs dans le débourrement semble particulièrement prometteuse. L’affinement du travail de recherche vers des organes, des points de cinétique et des conditions environnementales plus précises permettra d’obtenir des résultats d’avantage informatifs que ceux recueillis au cours de ce stage. Les techniques testées pour étudier l’expression à la fois des prémiRs, des miRs et de leurs gènes cible ont donné des résultats probants, et leur utilisation et leur perfectionnement permettront une étude rigoureuse et sensible de ces éléments. On aura notamment la possibilité d’étudier des miRs avec des séquences très proches les unes des autres pour affiner les schémas d’implication des uns et des autres dans les différentes voies de signalisation médiant le débourrement.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. La rose en France et en Anjou
1.1.1. La rose en France et en Anjou
1.1.2. L’IRHS : un pôle recherche à Angers
1.2. Le mécanisme du débourrement chez le rosier
1.2.1. Le bourgeon
1.2.2. Les différents types de dormance et leur levée
1.3. Micro-ARNs et développement
1.3.1. Les miARNs
a) Biosynthèse
b) Le système de régulation de leurs transcrits cibles
1.3.2. Les miARNs dans la ramification
1.3.3. miARNs et miPEPs
1.4. Objectifs
2. Matériel et méthode
2.1. Matériel végétal
2.2. Extraction d’ARNs
2.3. Purification des petits ARNs
2.4. Élaboration des amorces RT et qPCR
2.4.1. Amorces stemloop RT et qPCR
2.4.2. Amorces two-tailed RT et qPCR
2.4.3. Amorces qPCR classique
2.4.4. Structure secondaire des amorces de RT
2.5. RT (rétrotranscription)
2.5.1. RT stemloop
2.5.2. RT two-tailed
2.6. Analyse bioinformatique
2.7. Analyse des résultats de qPCR
2.8. Analyse statistique
3. Résultats
3.1. Identification miARNs et gènes cibles orthologues du rosier
3.1.1. miR156a et deux de ses gènes cibles SPL6 et SPL13a
3.1.2. miR171c et SCL6
3.2. Cinétique de l’élongation du bourgeon sous luminosité faible/forte
3.3. Extraction des ARNs totaux
3.3.1. Vérification qualitative et quantitative ARNs totaux extraits
3.4. Purification petits ARNs
3.4.1. Vérification qualitative et quantitative ARNs purifiés
3.5. Obtention et test des amorces de RT
3.5.1. Amorces stemloop
3.5.2. Amorces two-tailed
3.6. Profil d’expression du précurseur de miR156a et gènes cibles
3.6.1. Cinétique d’expression du prémiR156a dans les bourgeons et les nœuds
3.6.2. Cinétique d’expression de SPL6 dans les bourgeons
4. Discussion
4.1. Un miARN en lien avec la ramification
4.2. Pertinence des techniques utilisées pour l’amplification des miARNs matures
4.2.1. L’isolement des petits ARNs
4.2.2. L’extraction sans kit d’ARNs totaux
4.2.3. Comparaison des techniques de RT stemloop et two-tailed
4.3. Difficultés rencontrées
4.3.1. Matériel végétal et maladie
4.3.2. Résultats de phénotypage non significatifs
5. Conclusion
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