Cinématique de l’Iran central et oriental : Morphotectonique et datations cosmogéniques et OSL

Morphologie générale et cadre géologique régional

D’un point de vue morphologique, une grande partie du centre de l’Iran est caractérisée par un vaste plateau d’environ 1500 m d’altitude. Ce plateau est bordé par les dépressions du Lut à l’Est et du Kavir au nord-est et par des chaînes de montagnes au nord (Kopet Dagh, Alborz, Talesh) et au Sud-ouest (Zagros). Les deux profils de la figure I.2 illustrent la différence de topographie entre l’est et l’ouest de l’Iran. Au nord-ouest, la chaîne de l’Alborz est le massif le plus élevé du pays avec un point culminant à 5663 m d’altitude au sommet du volcan de Damavand. Un plateau s’élève à environ 1000 m d’altitude entre le massif de l’Alborz et l’arc magmatique d’Urumieh Dokthar, qui atteint presque 3000 m d’altitude. Au sud de l’arc magmatique d’Urumieh Dokthar, le plateau iranien s’élève à environ 1500 m d’altitude. Entre le plateau iranien et la chaîne du Zagros se trouve la zone de suture du MZT (Main Zagros Thrust). Au sud, le Zagros forme une ceinture de plis et de chevauchements avec un point culminant, le Zard Kuh, à 4547 m d’altitude. La partie Nord-est de la chaîne, appelée Haut Zagros, représente la zone structurale interne où de nombreux sommets excèdent 3000 m d’altitude (e.g. Berberian, 1995). La zone structurale externe du Zagros, appelée Zagros plissé ou « simply folded belt » dans la littérature anglo-saxonne, est caractérisée par de larges plis. Son altitude moyenne (500-1000 m) est plus faible que celle du Haut Zagros (Berberian, 1995 ; Mouthereau et al., 2006) (Figure I.2 a). Le Zagros est également divisé en plusieurs provinces structurales selon des critères morphologiques et stratigraphiques, avec du nord-ouest au sud-est : la zone de Kirkuk, l’arc du Lorestan, la zone du Dezful et l’arc du Fars (Stöcklin, 1968 ; Falcon, 1974, Figure I.1)). Le bassin d’avant-pays de la chaîne est marqué par la plaine de Mésopotamie et le Golfe Persique, dont la profondeur atteint à peine 100 m.

L’est de l’Iran est constitué d’un ensemble de chaînes montagneuses, telles que le Kopet Dagh dans le nord-est qui atteint près de 3000 m d’altitude et la région du Sistan, d’altitude moyenne de 2000 m. Ces chaînons montagneux sont bordés par les plaines et plateaux des pays frontaliers (Turkménistan, Afghanistan et Pakistan) à l’est et par la dépression formée par le désert du Lut à l’ouest dont l’altitude moyenne n’atteint pas 500 m. Le désert du Lut est limité à l’est et au sud par des chaînes de montagne (e.g au SE, les montagnes de Jebal Barez qui atteignent 3400 m d’altitude). Au sud de ces montagnes s’étend la dépression de Jazmurian sur environ 100 km de large puis le Makran (Figure I.2). La région du Makran est constituée de chaînons montagneux représentant un prisme d’accrétion émergé qui résulte de la subduction, vers le nord-ouest et à faible pendage, de la croûte océanique de la plaque Arabie sous la marge iranienne. Ces chaînons culminent à 2000 m. Au sud, la fosse de subduction située dans le golfe d’Oman atteint jusqu’à 3300 m de profondeur (Figure I.1 et I.2).

La structuration du domaine iranien résulte d’une histoire tectonique longue et complexe, liée à l’évolution de la Téthys (e.g. Barrier & Vrielynck, 2008). L’océan Paléotéthys s’est ouvert au Paléozoique inférieur, séparant le Gondwana oriental de la Sibérie au sud et du sud-est asiatique au nord (Stampfli et Borel, 2002). Entre le Permien et le Trias, l’ouverture d’un nouvel océan, la Néotéthys, séparant les microcontinents au nord de la marge arabique, a entraîné la subduction de la Paléotéthys au nord sous l’Eurasie (figure I.3). La fermeture de l’océan Paléothéthys est associée à des lambeaux d’ophiolites mis en place lors de l’assemblage de l’Iran Central, du bloc du Lut et du bloc Afghan vers la fin du Paléozoïque et lors de leur collision avec l’Eurasie au niveau des chaînes du Caucase, de l’Alborz et du Kopet Dagh au début du Jurassique (e.g., Berberian et Berberian, 1981 ; Berberian & King, 1981 ). Vers le milieu du Jurassique, l’océan Néotéthys commence à subducter sous la zone de Sanandaj Sirjan et le bloc du Lut (e.g. Agard et al., 2006). La fermeture fin Crétacé – début Paléogène de plusieurs domaines océaniques néothethysiens correspond à la mise en place de sutures plus récentes et plus continues : Nain Baft entre Sanandaj-Sirjan et le Sud de l’Iran Central, Sabzevar entre le Nord de l’Iran Central et l’Eurasie, Sistan entre le bloc du Lut et le bloc Afghan (e.g. Stöcklin, 1968). L’arc magmatique d’Urumieh Doktar, d’affinité calco-alcaline et d’âge Eo-Oligocène qui intrude la suture de Nain Baft est associé à la subduction de l’océan Néotéthys sous l’Iran (e.g., Berberian et Berberian, 1981; Agard et al, 2005). Un autre épisode magmatique plus récent, de nature plus alcaline, affecte le Plateau et est marqué par de petits volcans plio-quaternaires dont les édifices sont bien préservés dans la région d’Anar (Omrani et al, 2008).

La subduction de la Néotéthys est encore active au niveau du Makran, à l’est du détroit d’Hormuz. A l’ouest, la collision est effective depuis la suturation du Main Zagros Thrust (MZT), il y a environ 35 Ma (e.g., Agard et al., 2005). En effet, dans le nord-est du Zagros, entre 35 et 25-23 Ma, la zone de Sanandaj Sirjan, prisme d’accrétion éocène de la marge iranienne, chevauche les ophiolites qui avaient été obductées sur la marge arabique au crétacé supérieur (Agard et al., 2005, figure I.3c)). Ce contact est scellé par une discordance oligo-miocène. Cette collision entre les microblocs préalablement accrétés à l’Eurasie et la marge Arabe est associée à la surrection du Plateau iranien et à la formation de la chaîne du Zagros. Par ailleurs, la présence de calcaires récifaux oligo-miocènes, sur le Plateau (formation de Qom) et dans le Zagros (formation Asmari-Jahrom), indique que l’essentiel de la région se trouvait submergé par la mer au début du Miocène. L’essentiel de la topographie régionale s’est donc édifié bien après la suturation du MZT au cours des 20 derniers millions d’années. Les mécanismes responsables et le calendrier précis de la construction des reliefs restent toutefois mal connus. L’initiation de la formation du relief a longtemps été supposée fini Miocène – début Pliocène. En effet, cette période est marquée par la discordance de la formation conglomératique syn-orogénique Bakhtiari, d’âge supposé plio-quaternaire (James & Wind, 1965), sur la formation Agha-Jari. De plus, elle correspond à une augmentation du taux de raccourcissement associé au plissement dans le Zagros (e.g. Falcon et al., 1974). Enfin, cet événement s’accorderait à une période de réorganisation globale de l’accommodation de la déformation régionale à l’échelle du Moyen Orient à 5 ± 2 Ma (Allen et al., 2004). Une réorganisation de la déformation à ~ 5 ± 2 Ma est également mentionnée par certains auteurs pour les failles Est et Nord Anatolienne, le bassin Sud Caspien, le Kopet Dagh et l’Alborz (Barka et al., 2000 ; Westaway and Arger, 2001 ; Devlin et al., 1999 ; Lyberis & Manby, 1999 ; Axen et al., 2001).

Pour de nombreux d’auteurs, les contraintes temporelles de ce changement dans la déformation reposent essentiellement sur l’âge de la formation Bakhtiari, discordante sur les dépôts antérieurs. L’âge de la base de cette formation a été initialement estimé autour de 5 Ma (James & Wind, 1965), même si aucun fossile n’a permis de la dater. Cet âge est cependant très discuté. Ainsi, des études récentes remettent en question l’âge d’initiation de la déformation dans le Zagros et ainsi l’édification de la topographie, estimée à 5 ± 2 Ma. Des données de magnétostratigraphie, obtenues dans le Lorestan, permettent de dater le début du plissement au front de la chaîne entre 8.1 et 7.2 Ma (Homke et al. 2004). Une étude similaire dans les parties plus internes du Zagros suggère que le plissement aurait commencé plus tôt, vers 11Ma (Emami 2008). Enfin, des études magnétostratigraphiques très récentes, menées dans le Fars, conduisent à un âge de 14-15 Ma pour la base de la formation Bakhtiari et ainsi pour l’initiation de la déformation dans cette région (Khadivi et al., 2009). La formation Bakhtiari est donc diachrone dans le Zagros et plus vieille que ce que l’on croyait initialement. La formation du relief dans le Zagros et dans le plateau iranien se serait donc plutôt initiée vers ~15 Ma et non vers ~ 5 Ma comme cela a longtemps été admis.

Cinématique actuelle et sismicité régionale

Actuellement, la déformation en Iran, résultant de la convergence entre l’Arabie et l’Eurasie, est d’environ 26 mm/an à 60°E d’après les modèles cinématiques globaux (e.g. Sella et al, 2002). Des mesures GPS caractérisant le champ de déplacement actuel de l’Iran sur 2 ans (Vernant et al., 2004) et sur 6 ans (Masson et al., 2007), indiquent que la convergence est accommodée de manière différente dans les parties est et ouest de l’Iran (Figure I.1 et I.4). À l’est de 58°E, une grande partie de la convergence est accommodée au niveau de la zone de subduction du Makran à un taux d’environ 19.5  2 mm/an et le reste au niveau de la chaîne de montagne du Kopet Dagh à 6.5  2 mm/an. À l’ouest, la convergence est absorbée dans les chaînes de collision du Zagros et de l’Alborz avec des vitesses de raccourcissement Nord-Sud respectives de 6.5  2 mm/an et 8  2 mm/an (Vernant et al., 2004). Le plateau d’Iran Central, situé entre ces deux domaines, est généralement considéré comme rigide du fait de sa faible sismicité et des données GPS suggérant une déformation interne limitée (inférieure à 2 mm/an, Vernant et al., 2004) (Figure I.1 et I.4). Le mouvement différentiel entre le domaine en collision à l’Ouest et celui en subduction à l’Est correspond à un cisaillement dextre d’environ, 16 mm/an de part et d’autre du désert du Lut, bloc asismique et supposé rigide.

L’Iran est ainsi découpé par de grandes failles actives décrochantes et chevauchantes qui accommodent les déformations. Les cartes de distribution des séismes historiques, sur les derniers 5000 ans (Ambraseys & Melville, 1982) et instrumentaux, depuis quarante ans (Engdhal et al., 1998) indiquent une concentration d’évènements dans les chaînes de collision du Zagros au Sud, et de l’Alborz au Nord ainsi que le long des grandes failles décrochantes situées de part et d’autre du Dasht-e-Lut, alors que le Plateau Iranien et l’intérieur du Lut semblent asismiques (Figure I.5 et I.6).

Les mécanismes au foyer des évènements de magnitude > 5 montrent un raccourcissement distribué au niveau du Zagros, du Détroit d’Hormuz et de l’Alborz (Figure I.7). Au niveau du Zagros, quelques mécanismes au foyer décrochants sont associés à des zones de décrochement plus ou moins étroites comme les failles de Kazerun et de la Main Recent Fault, situées à l’ouest du Fars. Des mécanismes décrochants sont également observés le long des décrochements bordiers du Lut : les failles de Nayband et Gowk à l’ouest et les failles du Sistan à l’est. Certains mécanismes décrocho-chevauchants, parfois localisés sur des failles secondaires en terminaison des grands décrochements, sont associés à une tectonique probablement transpressive. Ainsi, plusieurs séismes destructeurs ont eu lieu le long de la faille de Gowk en 1981 (Golbaf Mw 6.6 et Sirch Mw 7.1 Berberian et al., 1984), en 1989 (South Golbaf, mb 5.6, Berberian & Qorashi, 1994) et en 1998 (Fandoqa Mw 6.6, Berberian et al., 2001). Les mécanismes au foyer de ces séismes, tous situés dans le nord de la faille de Gowk, suggèrent une convergence oblique qui serait partitionnée en un mouvement pur décrochant dextre, accommodé par la faille de Gowk et une composante inverse, prise en compte par des chevauchements et des plis parallèles au décrochement (pli de Shahdad au NE ; Berberian et al., 2001, Walker and Jackson 2002, Fielding et al., 2004). À l’ouest de la faille de Gowk, le séisme de Dahuiyeh s’est produit en 2005 sur une faille inverse en terminaison du décrochement de Kuh Banan (Talebian et al., 2006). En 2003, la faille de Bam, située au sud-est de la faille de Gowk, a produit un séisme décrochant de Mw 6.6 (e.g Berberian 2005, Jackson et al. 2006). Au nord de la faille de Gowk, la faille de Nayband n’est associée à aucun séisme instrumental ou historique, mais présente tout de même des décalages quaternaires attestant de son activité (Walker and Jackson 2002). Plus au nord, le tremblement de terre de Tabas Ms 7.7 a eu lieu sur le chevauchement de Tabas, au voisinage de la terminaison nord de la faille de Nayband (Berberian 1979).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 CONTEXTE GEODYNAMIQUE ET ZONE D’ETUDE
1. Contexte géodynamique
1.1 Morphologie générale et cadre géologique régional
1.2 Cinématique actuelle et sismicité régionale
2. Vitesses de glissement des failles actives en Iran
2.1 Zagros : Main Recent Fault et faille de Kazerun
2.2 Zone de transition Zagros-Makran : système de faille Zendan-Minab-Palami et Sabzevaran-Kahnuj-Jiroft
2.3 Au nord du bloc du Lut : Faille de Doruneh
2.4 Kopet-Dagh
2.5 Entre le Kopet Dagh et le Binalud : la zone de transfert du Meshkan
2.5 Au sud du Kopet Dagh et du Binalud : la faille de Sabzevar
2.6 Alborz
3. Le cas du plateau iranien
4. Modèle cinématique sur l’Iran central et oriental: article publié à Tectonics
CHAPITRE II : LES VITESSES MOYENNES GEOLOGIQUES COURTTERME DES FAILLES D’IRAN CENTRAL : MESURES ET DATATIONS DE DECALAGES MORPHOLOGIQUES
1. Principe de détermination des vitesses de glissement
1.1 Décalage de marqueurs morphologiques
1.2 Estimation de l’âge de l’incision
2. Méthodologie utilisée pour les failles d’Iran central
2.1. Mesure de décalages
2.2. Datation par isotopes cosmogéniques
2.2.1 Principe
2.2.2. Production in-situ du 10Be et 26Al
2.2.3. Production in-situ du 36Cl
2.2.4. Le taux d’érosion
2.2.5. Héritage géologique
2.2.6 Détermination de l’âge de la surface
2. 3. Datations par luminescence stimulée optiquement OSL
2.3.1. Principe de la luminescence stimulée optiquement (OSL)
2.3.2. Détermination d’un âge à partir de l’OSL
CHAPITRE III : LA VITESSE MOYENNE DES FAILLES DECROCHANTES D’IRAN CENTRAL
1. Tectonique active sur la faille d’Anar
1.1 Article : Holocene right-slip rate determined by cosmogenic and OSL dating on the Anar fault, Central Iran
1.2 Compléments : Datation au 36Cl
2. Tectonique active sur la faille de Deshir et Article en préparation : Cosmogenic and OSL dating of alluvial fans along the Deshir fault Cosmogenic and OSL dating of alluvial fans along the Deshir Fault
1. Introduction
2. Offset Quaternary fans along the southern portion of the Deshir fault
2.1 Site Deshir South: Marvast River
2.2 Site Deshir North
3. Chronology of the regional fans
3.1 Sampling strategy and analytical procedures for cosmogenic and OSL dating
3.2 Dating the terrace levels at site Deshir North
3.2.1 Dating the older fan surface T3
3.2.2 Dating the younger levels
3.3 Dating the terrace levels at site Deshir South
3.3.1 Dating the older fan surface T3
3.3.2 Dating the younger levels
3.4 Discussion of the chronology of the alluvial fans
4. Slip-rate estimate and conclusions
CHAPITRE IV SYNTHESE, DISCUSSION ET CONCLUSION
1. La datation des risers décalés et la détermination d’une vitesse moyenne de glissement
2. L’âge d’abandon des surfaces alluviales en Iran Central
2.1 Les âges CRE et la mise en évidence de l’héritage variable
2.2 Les âges OSL et la confirmation d’un héritage variable
2.3 Utilisation des données de surface et de profils pour contraindre l’héritage variable
2.4 Conséquences sur l’estimation des vitesses de glissement
4. Discussion sur la répartition de la déformation
5. Travaux en cours et perspectives
CONCLUSION

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