Gรฉnรฉralitรฉs : ciments Portland industriels
Un peu dโhistoireย
Il y a plus de 2000 ans, les Romains et les Grecs savaient dรฉjร fabriquer du liant hydraulique en faisant rรฉagir de la ยซย chaux รฉteinteย ยป CaOH2 et des cendres volcaniques, notamment celle de la rรฉgion de Pouzzole, cendres de composition riche en silice. Lโassociation des caractรฉristiques de ce matรฉriaux avec une technologie trรจs avancรฉe semble รชtre un facteur prรฉpondรฉrant dans le dรฉveloppement de lโempire romain. Elle a, entre autres, permis la construction de structures monumentales, inhabituelles pour cette pรฉriode de lโhistoire, et dโune durabilitรฉ exceptionnelle : le Panthรฉon avec sa coupole de 44 mรจtres de diamรจtre et le Colisรฉe ร Rome ainsi que le pont du Gard sont des monument de plus de 1800 ans [1, 2, 3]. Lโutilisation et les secrets de fabrication de ce matรฉriau se sont ensuite perdus ร la chute de lโEmpire face au retour de la maรงonnerie en pierre. Smeaton redรฉcouvre en 1756 les propriรฉtรฉs hydrauliques du mรฉlange de calcaire avec de lโargile. En 1817, Vicat donne les proportions en calcaire et en silice pour constituer le mรฉlange qui aprรจs cuisson sera un vรฉritable liant hydraulique. Apsdin donne le nom de Portland au ciment quโil fabriquait dans cette rรฉgion et dรฉpose un brevet en 1824. Mais la vรฉritable industrialisation ne dรฉbute vraiment que dans les annรฉes 1850. Elle est motivรฉe notamment par la possibilitรฉ dโavoir un matรฉriau รฉconomique, moulable avec une bonne rรฉsistance ร la compression et qui rend inutile la taille de la pierre .
Ciments courant
La premiรจre รฉtape consiste ร la formation dโun clinker par cuisson ร haute tempรฉrature ( 1450 ยฐC) dโun mรฉlange de 80 % de calcaire et 20 % dโargile environ, suivie dโune trempe. Le clinker est composรฉ essentiellement de silicates et dโaluminates de calcium. On obtient alors le ciment Portland par cobroyage du clinker et du gypse .
Lโindustrie produit de nombreux types de ciments. Leur dรฉnomination tient compte de leur teneur en clinker et de la nature des ajouts (CEM I, CEM II, …) mais รฉgalement de leurs propriรฉtรฉs mรฉcaniques des pรขtes quโils permettent dโobtenir (rรฉsistance ร la compression aprรจs 28 jours). Pour une application industrielle, un ciment est rarement utilisรฉ seul. Le mรฉlange du ciment avec du sable est appelรฉ mortier et le mรฉlange de ce mortier avec des granulats est appelรฉ bรฉton.
De nos jours, la recherche scientifique a pris une place importante dans lโรฉlaboration de nouveaux produits [2]. Elle participe notamment ร lโรฉlaboration de bรฉtons appropriรฉs aux besoins spรฉcifiques des clients et ร lโamรฉlioration de lโoutil de production. Ces amรฉliorations passent notamment par une meilleure connaissance des matรฉriaux et ceci ร des รฉchelles de plus en plus fines. Ainsi, lโamรฉlioration de lโempilement granulaire est notamment ร lโorigine de la formation de bรฉtons ร hautes et ultra-hautes performances , de mรชme que lโamรฉlioration des additifs organiques est ร lโorigine de la crรฉation de bรฉtons dits ยซย autoplaรงantsย ยป .
Rรฉaction dโhydratation : aspects cinรฉtiques et prise
Les ciments sont des matรฉriaux dit ยซย hydrauliquesย ยป, cโest ร dire quโils durcissent sous lโaction de lโeau. Ils conduisent en prรฉsence dโeau ร la formation dโhydrates et le tout sโorganise en structure mรฉcaniquement rรฉsistante. Lโhydratation est lโensemble des rรฉactions chimiques qui se produisent entre le ciment et lโeau. Lors de lโรฉtape initiale appelรฉe gรขchage, lโeau et les grains dโanhydre sont mis en contact. On obtient alors une pรขte formรฉe des grains dispersรฉs dans la phase aqueuse. Les mรฉthodes usuelles de suivi de lโhydratation que sont la calorimรฉtrie et la conductimรฉtrieย mettent en รฉvidence les diffรฉrentes รฉtapes de lโhydratation [5, p.151]. Pour le C3S, ces รฉtapes sont les suivantes :
1. Pendant la pรฉriode de gรขchage a lieu le passage en solution des ions, principalement Ca2 et SiO4 (plus ou moins protonรฉe). Cette dissolution est trรจs rapide et exothermique. La solution devient sursaturรฉe par rapport aux C-S-H.
2. ร partir de ce moment, des silicates de calcium hydratรฉ (C-S-H) commencent ร se former.
3. Puis vient la pรฉriode dite dโinduction, qui est en fait une pรฉriode de faible flux thermique. Lโรฉlรฉvation rapide du pH associรฉe ร la teneur en calcium et en OH de lโeau de gรขchage conduit ร un contrรดle de la rรฉaction par la formation de C-S-H, ce qui ralentit la dissolution des du C3S. La prรฉcipitation de C-S-H se poursuit lentement, la phase aqueuse devient sursaturรฉe en portlandite (CaOH2).
4. Au bout de quelques heures survient la prรฉcipitation en masse des hydrates, pรฉriode de prise (ou dโaccรฉlรฉration). Le dรฉgagement de chaleur associรฉ ร la formation des hydrates augmente. La formation rapide de portlandite (CaOH2) accรฉlรจre la dissolution du C3S et donc la formation de C-S-H. Ceci se traduit par un pic exothermique. Cโest ร ce moment que la prise a lieu par formation dโun squelette cohรฉsif. Cโest le dรฉbut de la pรฉriode de durcissement.
5. Enfin, vient la pรฉriode de ralentissement. Les grains se recouvrent dโune couche dโhydrates de plus en plus รฉpaisse, ce qui ralentit la diffusion des espรจces rรฉactionnelles .
Microstructure des hydrates
Le processus dโhydratation dโun ciment conduit ร un matรฉriau durci composรฉ de plusieurs ยซย phasesย ยป [9] de lโagencement desquelles rรฉsulte la structure et la texture de la pรขte. Ces diffรฉrentes ยซย phasesย ยป peuvent รชtre :
โ des particules de ciment non hydratรฉ ou partiellement hydratรฉ ;
โ la pรขte de ciment, elle-mรชme de microstructure complexe, contenant plusieurs types dโhydrates, de la portlandite et des pores ;
โ des bulles dโair, qui constituent une sous-famille spรฉcifique de pores.
Il existe une relation aujourdโhui bien comprise entre la microstructure des ciments et leurs propriรฉtรฉs mรฉcaniques. Elle concerne lโinfluence nรฉfaste des pores capillaires (porositรฉ ร lโรฉchelle supรฉrieure au micromรจtre) sur la rรฉsistance du matรฉriau [10]. Dans le cadre de notre รฉtude, nous nous intรฉressons essentiellement ร la structure de la pรขte sur des รฉchelles infรฉrieures au micromรจtre. ร cette รฉchelle, nous pouvons nous limiter ร la seule รฉtude des phases C-S-H et portlandite ainsi quโaux particules de ciment rรฉsiduel. Cโest pourquoi les pรขtes de ciment sont modรฉlisรฉes par des pรขtes de C3S. En effet, le C3S est lโanhydre pur le plus reprรฉsentatif de lโalite, la phase majoritaire du ciment Portland, son hydratation nโest contrรดlรฉe que par la croissance du silicate de calcium hydratรฉ (C-S-H) .
Taylor [5, p.124] rappelle les diffรฉrents types de morphologies observรฉes au MEB pour le gel de C-S-H :
โ le type I, majoritaire aux jeunes รขges, est constituรฉ de fibres de 2 ยตm au plus ;
โ le type II a une morphologie en nid dโabeilles ;
โ le type III, majoritaire aux temps longs, a une structure plus massive qui consiste en une agrรฉgation de grains de 300 nm ;
โ le type IV a encore moins de forme remarquable que le type prรฉcรฉdent, il nโest observรฉ que sur des pรขtes vieillies.
Ces diffรฉrents types semblent toutefois avoir la mรชme structure sous-jacente ร lโรฉchelle nanomรฉtrique. ร lโheure actuelle, nous sommes encore incapables de dรฉcrire parfaitement les phases des pรขtes de ciment, tant au niveau cristallographique que morphologique. Ceci est vrai en particulier pour le C-S-H, ce qui handicape toute description de la microstructure. Nous allons prรฉsenter rapidement lโรฉtat des connaissances sur les acquis et les modรจles de structures pour une pรขte deC3S durcie. Cette description concerne les hydrates C-S-H et portlandite tout dโabord au niveau atomique (description cristallographique) et texturale (agencement au sein du matรฉriau). Notons que la littรฉrature parle indiffรฉremment ยซย desย ยป C-S-H ou ยซย duย ยป C-S-H. Le pluriel est sans doute prรฉfรฉrable pour ce matรฉriau complexe et polymorphe.
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Table des matiรจres
Introduction
1 Ciment : connaissances de base
1.1 Gรฉnรฉralitรฉs : ciments Portland industriels
1.2 Rรฉaction dโhydratation : aspects cinรฉtiques et prise
1.3 Microstructure des hydrates
1.3.1 Structure des C-S-H
1.3.2 Microstructure et porositรฉ de la pรขte
1.3.3 Ensemble des espรจces protonรฉes
1.3.4 Distribution fractale
1.4 Mรฉthodes dโanalyse de la microstructure
1.4.1 Techniques prรฉcรฉdemment utilisรฉes
1.4.2 Relaxation RMN dans les matรฉriaux poreux
1.5 Conclusion
2 Mode opรฉratoire et mรฉthodes expรฉrimentales
2.1 Prรฉparation des รฉchantillons
2.1.1 Anhydres et additifs utilisรฉs
2.1.2 Prรฉparation des รฉchantillons
2.1.3 Prรฉparation des C-S-H de synthรจse
2.2 Spectroscopie RMN
2.2.1 Principes
2.2.2 Acquisition des spectres
2.2.3 Spectre proton dโune pรขte de ciment
2.2.4 Conclusion
2.3 Relaxation RMN
2.3.1 Principe
2.3.2 Sรฉquences dโimpulsions
2.3.3 Acquisition
2.3.4 Traitement des donnรฉes
2.3.5 Reproductibilitรฉ et stabilitรฉ de la distribution
2.3.6 Conclusion
2.4 Mรฉthodes dโanalyse complรฉmentaires
2.4.1 Diffraction des rayons X quantitative
2.4.2 Analyses thermiques
2.4.3 Mesure de lโavancement dโhydratation
2.4.4 Caractรฉrisation mรฉcanique
3 Relaxation RMN dans les pรขtes de C3S
3.1 Application de la relaxation magnรฉtique nuclรฉaire ร lโรฉtude texturale
3.2 รtude en frรฉquence
3.2.1 Intรฉrรชt et mise en oeuvre de la relaxomรฉtrie
3.2.2 Rรฉsultats et modรฉlisation
3.2.3 Discussion
3.3 Corrรฉlation spectroscopie/relaxation
3.3.1 Mรฉthode : T1-MAS
3.3.2 Rรฉsultats
3.3.3 Interprรฉtation et discussion
3.4 Conclusion
4 Texturation du matรฉriau
4.1 Apparition des diffรฉrentes espรจces protonรฉes
4.1.1 Rรฉsultats
4.1.2 Interprรฉtation et discussion
4.2 Optimisation des mesures par relaxation
4.2.1 Deux voies complรฉmentaires
4.2.2 Discussion
4.3 Dรฉveloppement et diffรฉrenciation des surfaces
4.4 Conclusion
5 Influence des paramรจtres de cure
5.1 Influence du rappport e/c
5.1.1 Rรฉsultats
5.1.2 Interprรฉtations et discussion
5.2 Influence de la tempรฉrature
5.2.1 Rรฉsultats
5.2.2 Interprรฉtation et discussion
5.3 Influence de la fumรฉe de silice et du superplastifiant
5.3.1 Rรฉsultats
5.3.2 Interprรฉtations et conclusion
5.4 Couplage tempรฉrature/fumรฉe de silice
5.4.1 Rรฉsultats
5.4.2 Interprรฉtation
5.5 Conclusion
Conclusionย
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