Chromatine et Noyau cellulaire

Chromatine et Noyau cellulaire

La taille du génome de la levure Sacharomyces Cerevisiae représentant 12,7 millions de paires de bases (pb) d’ADN et cette grande quantité de matériel génomique est stockée à l’intérieur d’un noyau de ~4 µm3 grâce à un repliement compact et hiérarchisé de l’ADN [Fig. 1]. Ce repliement est fondé sur une succession de niveaux d’architecture discrets, à savoir l’ADN, les nucléosomes, les fibres de nucléosomes, les boucles de chromatine et le chromosome complet. Dans cette première partie, nous proposons de présenter un bref aperçu des propriétés physico chimiques des premiers niveaux d’organisation du chromosome. Nous illustrerons nos propos avec des exemples essentiellement tirés des connaissances issues de la levure du boulanger, car nous avons utilisé presque exclusivement cet organisme pour nos travaux.

Quelques rappels sur le chromosome 

Le nucléosome, premier niveau d’organisation du chromosome

Le matériel génétique est stocké dans le noyau d’une cellule eucaryote sous forme de chromatine (Flemming, 1882), un assemblage issu de l’interaction de protéines chargées positivement « les histones » avec l’ADN. Nous nous proposons de décrire ces éléments et leur assemblage dans cette partie.

ADN (diamètre caractéristique de 2nm)
La structure moléculaire de l’ADN a été élucidée par Watson et Crick en 1953 [1] . D’un point de vue physique, l’ADN est chargé négativement du fait d’un groupement phosphate par base, ce qui correspond à une charge négative par 0,34 nm dans une double hélice. L’enroulement spontané de l’ADN en une double hélice se traduit par une grande rigidité. Cette rigidité se traduit en termes de longueur de persistance lp, qui correspond à la longueur caractéristique au bout de laquelle les fluctuations thermiques suffisent à réorienter de manière arbitraire une chaîne de polymère. Dans le cas de l’ADN double brin, la longueur de persistance vaut 50 nm (ou 150 pb), soit beaucoup plus que le diamètre de cette molécule de 2 nm. L’ADN a longtemps été considéré comme le support unique et universel de l’information génétique. Cette hypothèse est valable dans le cas des bactéries, mais elle est moins claire chez les eucaryotes. En effet, de multiples mécanismes de régulation génétique impliquant un encodage d’information sur un support différent de l’ADN et permettant de contrôler l’expression des gènes ont été identifiés [2]. En d’autres termes, il reste difficile de savoir ce qui détermine la transcription ou l’extinction d’un gène. La plupart des connaissances récentes indiquent qu’un maillon essentiel de la régulation des gènes se situe au niveau de la composante protéinique du chromosome, en particulier à travers les histones.

Histones (dimension caractéristique de 3 nm)
La découverte des histones remonte à 1884 par Kossel [3]. Ces protéines sont parmi les mieux conservées au cours de l’évolution chez les eucaryotes. Il existe cinq types principaux d’histones H2A, H2B, H3, H4 et H1. La structure des ces histones est constituée d’un domaine central structuré et de queues non structurées N- et C- terminales de longueur variables. Les quatre histones dites de cœur (H2A, H2B, H3, H4) ont des caractéristiques de structure et de séquences similaires qui suggèrent qu’elles possèdent une origine commune. Leur masse moléculaire est environ 14 kDa et leurs extrémités N-terminales sont caractérisées par une fraction Arginine/Lysine importante (charges positives). L’histone de liaison H1 se distingue par une masse moléculaire plus grande de 21 kDa et une charge positive nette plus importante.

Nucléosome (dimension caractéristique 10nm)
L’unité fonctionnelle du chromosome est le nucléosome et sa description est récente puisqu’elle remonte à 1975 [4]. La particule cœur du nucléosome est formée de 146 pb d’ADN enroulées suivant une hélice gauche d’un tour et demi autour d’un octamère de protéines cylindrique contenant de deux copies des histones H2A, H2B, H3 et H4. Sa structure a été révélée avec une résolution atomique de 1,9 Å par cristallographie aux rayons X (Figure 2), montrant que sa formation est le résultat de deux effets antagonistes associés à une pénalité de courbure de l’ADN compensée par une forte énergie d’interaction d’origine électrostatique en particulier entre l’ADN et les histones.

Les nucléosomes peuvent être purifiés ou reconstitués par des méthodes biochimiques éprouvées, ce qui a permis de réaliser de nombreuses études, en particulier focalisées sur leur rôle dans le contrôle et la régulation génétique. Ces travaux ont montré dès les années 1980 que l’ADN capturé dans un nucléosome est peu accessible aux facteurs de transcription [5]. Plus récemment, le nucléosome a été décrit comme une structure polymorphe, qui peut subir des modifications chimiques dites post-traductionnelles sur les histones, ou avoir sa « personnalité » propre lorsque des variants d’histones remplacent les histones classiques [6]. Ces résultats ont incontestablement participé au fort lancement du domaine de l’épigénétique depuis les années 2000, qui est devenu un domaine de recherche central de la biologie moderne.

Fibre de nucléosomes de 30 nm

L’ADN autour des nucléosome est protégé des actions enzymatiques. Aussi, en utilisant les protéines de digestion de l’ADN, il a été possible d’isoler des nucléosomes issus d’organismes vivants. En effectuant une digestion ménagée, on collecte des chapelets de plusieurs nucléosomes (1-2-3), qui peuvent être analysés avec les techniques de biochimie classiques. La migration de l’ADN sur gel a en particulier permis de mesurer la distance entre nucléosomes consécutifs. Une distribution régulière a été observée mais la distance entre deux nucléosomes consécutifs est très variable suivant les espèces entre 170 pb chez la levure S. Cerevisiae et 200 pb pour l’homme. Cela dit, en l’absence de conclusions claires à la suite de l’examen morphologique de noyaux et de chromosomes in situ par microscopie électronique, de nombreux chercheurs se sont intéressés à la chromatine purifiée comprenant des polynucléosomes de longueur ajustable. Les premiers travaux issus de la biologie moléculaire ont établi que l’état de compaction de polynucléosomes est fortement dépendant du milieu ionique. L’ADN nu est très fortement chargé négativement, ce qui se traduit par une forte auto-répulsion en milieu peu salin inférieure à 5 mM et la formation de structure en « collier de perles » [4] [7]. En augmentant la force ionique, une structure plus compacte caractérisée par un rayon de 30 nm a été détectée par microscopie électronique [8]. Ce résultat a été conforté grâce aux techniques de sédimentation analytique qui consistent à mesurer la vitesse de sédimentation de biomolécules, caractérisée par le rapport du poids moléculaire d’une structure divisée par sa friction visqueuse (en Sverdberg) :

S ~ masse moléculaire / 6πµR (1)

où R est le rayon hydrodynamique et µ est la viscosité. En effet, le nombre S augmente lorsque la concentration en sel augmente [9], mais il est difficile de corréler ce comportement à des caractéristiques microscopiques de la fibre de chromatine. Malgré un grand nombre de résultats expérimentaux, l’arrangement des nucléosomes et de l’ADN dans les fibres de 30 nm reste un problème très mal compris et controversé [10], plusieurs modèles de structure de films ont été proposés et restent d’actualité (Figure 4). De grandes améliorations ont récemment été apportées en utilisant des ADN dont la séquence est superpositionnante pour le nucléosome [11]. Une réalisation majeure de cette approche a été la cristallisation et la détermination de la structure par diffraction des rayons X d’une fibre de tetranucleosomes [12]. Bien que ce résultat soit très artificiel car obtenu avec des séquences très particulières, il démontre un arrangement en zigzag des nucléosomes, avec des contacts entre deux nucléosomes successifs via des interactions entre H2B et H3 et entre H2A et H4. Cette structure n’a toutefois pas fait l’unanimité car un modèle en solénoïde proposé par Robinson et al a été proposé sur la base d’observations par microscopie électronique de nucléofilaments contenant l’histone H1 [13].

Notons enfin que le facteur de compaction de la fibre de chromatine peut aussi être régulé par des protéines associées à la chromatine, en témoigne par exemple les clichés de microscopie électronique obtenus avec des polynucléosomes mis en présence de Sir3p [14], une protéine impliquée dans l’extinction de l’expression des gènes. De plus, une étude de Dorigo et al. [15] sur des polynucléosomes dans lesquels les queues N-terminales de H4 ont été supprimées a montré leur rôle essentiel pour la compaction de la chromatine.

Fibre de 30 nm in vivo

L’existence de la fibre de 30 nm in vivo reste très discutée : bien qu’il y ait un manque de preuves de son existence chez les eucaryotes supérieurs, la capacité à assembler cette structure in vitro et à l’extraire à partir des noyaux a fait valoir que la fibre de 30 nm est une structure secondaire. Des expériences de mesure de distance entre les sites chromatiniens in vivo réalisées par Bystricky et al. 2004 ont permis de suggérer l’existence d’une fibre de 30 nm in vivo dans la levure S. Cerevisiae [16] et de déterminer une longueur de persistance de la fibre de chromatine de 170-220 nm. Plus récemment, à partir des données de la technique 3C (Capture de conformation  de chromosomes) et de modélisation, Dekker a suggéré que la chromatine de levure S. Cerevisiae est plus étendue qu’une fibre canonique de 30 nm [17]. Il a déterminé une longueur de persistance de 66-134 nm avec une densité de 11 nm/kb.

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Table des matières

Introduction
I. Chromatine et Noyau cellulaire
I.1 Quelques rappels sur le chromosome
I.1.1 Le nucléosome, premier niveau d’organisation du chromosome
I.1.1.1 ADN (diamètre caractéristique de 2nm)
I.1.1.2 Histones (dimension caractéristique de 3 nm)
I.1.1.3 Nucléosome (dimension caractéristique 10nm)
I.1.2 Fibre de nucléosomes de 30 nm
I.1.3 Fibre de 30 nm in vivo
I.2 Organisation nucléaire chez Saccharomyces Cerevisiae
I.2.1 Organisation des chromosomes
I.3 Description de notre méthode de culture cellulaire et de marquage
I.3.1 La culture cellulaire
I.3.2 Marquage d’un site chromosomique
II. Montage expérimental de microscopie et Optimisation
II.1 L’avènement des protéines de fusion fluorescentes
II.1.1 Notions sur la physique de fluorescence
II.1.2 Le cube dichroïque
II.1.3 Microscopes optiques à fluorescence
II.2 Optimisation des conditions d’imagerie pour le suivi de particules
II.2.1 Généralités : critère d’Abbe et suivi de particules
II.2.2 Précision de pointé pour le suivi d’une particule unique
II.2.2.1 Approche de Thompson
II.2.2.2 Approche d’Ober
II.2.3 Éléments d’optimisation
II.2.3.1 Source de lumière
II.2.3.2 Filtres
II.2.3.3 Ouverture numérique et grossissement
II.2.3.4 Camera
II.2.3.4.1 Capteur EMCCD
II.2.3.4.2 Binning
II.2.3.5 Taille du pixel
II.2.4 Détermination de conditions de suivi de particules optimales
II.2.4.1 Simulation des images
II.2.4.2 Validation des conditions de suivi avec des nanoparticules fluorescentes
II.3 Méthodes de suivi de particules en 3D
II.3.1 Description des méthodes et évaluations des performances
II.3.1.1 La microscopie confocale
II.3.1.2 Microscopie astigmatique contrôlée
II.3.1.3 Microscopie multiplans et bifocales
II.3.2 Micro-miroirs
II.3.2.1 Principe
II.3.2.2 Optimisation
II.3.2.3 Performances
II.3.3 Intérêt de l’information 3D
III. Méthode haut débit de suivi de particules
III.1 Comparaison d’algorithmes de suivi
III.2 Cahier des charges pour le développement du programme de suivi de segment de chromosomes dans la levure
III.2.1 Classification des trajectoires
III.2.1.1 Stratégie de classement des trajectoires pour un signal comportant « une couleur »
III.2.1.2 Stratégie de classification des trajectoires avec deux couleurs
III.2.1.3 Contrôle qualité
III.2.1.4 Données en sortie de l’algorithme
III.3 Calibration de la précision de pointé pour des films de levures
III.4 Détection de dérive
IV. Application à l’ensemble du génome
IV.1 État des lieux de la recherche sur la dynamique des chromosomes
IV.2 Stratégie expérimentale
IV.2.1 Dynamique indépendante de la taille du chromosome et de la position génomique du locus
IV.2.2 Dynamique indépendante de la position dans le noyau avec notre segmentation
IV.2.3 Modèle de Rouse et validation par analyse de la distribution de pas
V. Application à la structure et dynamique du chromosome XII
V.1 Stratégie expérimentale
V.2 Résultats
V.2.1 Adéquation avec les gene map
V.2.2 En fonction de la position le long du chromosome
VI. Conclusion générale

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