Chirurgie orbitaire à visée diagnostique

Chirurgie orbitaire à visée diagnostique

Epidémiologie

Fréquence

Les tumeurs orbitaires extra-oculaires sont des lésions relativement peu fréquentes dans la pathologie ophtalmologique. Durant une période de 5 ans allant de 2002 à 2007, 23 cas de tumeurs orbitaires ont été colligés au service d’ophtalmologie du CHU Mohammed VI de Marrakech.
Kaya(2) rapporte sur une série de 704 cas d’affections orbitaires 26 cas de tumeurs orbitaires durant une période de 8 ans allant de 1981 à 1989 en Afrique subsaharienne soit un pourcentage de 3,8% de l’ensemble des affections orbitaires. Ces résultats sont proches de notre contexte où les tumeurs orbitaires demeurent des pathologies rares contrairement aux taux européens et nord américains qui sont de 14,8% pour Henderson(3), de 27,1% pour Ducrey(4) et 22,3% pour Rootman (5).
La fréquence des tumeurs orbitaires dans notre étude est de 4,6 patients par an. Johansen (6) note dans sa série durant une période de 24 ans que l’incidence des tumeurs orbitaires a augmenté significativement durant la période d’étude. Elle est à présent de 80 cas/an. Celà est dû au fait que le recrutement des patients, la pratique des examens complémentaires et l’accessibilité aux soins sont plus limités en milieu africain. En outre, des facteurs environnementaux expliquent la différence des résultats entre un service d’ophtalmologie urbain en Afrique et un service d’ophtalmologie dans un pays européen.

Répartition selon l’âge

L’âge moyen de nos malades est de 35 ans avec des extrêmes comprises entre 5 mois et 65 ans. Selon Levecq (7), l’âge moyen des lésions orbitaires adressées à un centre d’oncologie oculaire est de 52 ans. Les patients de plus de 60 ans représentent 46% de la population. Kaya(2) et Shields(8) relèvent aussi une prédominance des tumeurs orbitaires chez les patients âgés de plus de 60 ans. Le Bihan(9) note une prédominance des tumeurs orbitaires à l’âge adulte avec un pic de fréquence entre 51 ans et 75 ans pour les 48 observations de sa série. L’âge moyen de nos malades est de 35 ans, ce qui reste inférieur aux données de la littérature.
Chez les enfants, Belmekki(10) rapporte les résultats d’une étude épidémiologique des tumeurs orbitaires chez 54 enfants. L’âge moyen de ces enfants est 4,2 ans avec une prédominance de la tranche d’âge (1à 5 ans). Ducrey(4), dans une étude chez des enfants de moins de 16 ans relève une prédominance des tumeurs orbitaires entre 0 et 3ans surtout avant l’âge de 1 an. Selon lui, ces pathologies restent relativement rares. Johansen (6) trouve 16 % d’atteinte infantile tumorale (153 cas sur 965), pourcentage inférieur à celui de l’étude réalisée dans notre contexte par Belmekki( 10).

Répartition selon le sexe

Dans notre série, il existe une prédominance féminine des tumeurs orbitaires. Les patients de sexe féminin représentent 60% de l’ensemble des malades soit un sexe ratio de F/M=6. Les auteurs rapportent une répartition quasi identique des tumeurs orbitaires entre hommes et femmes. Johansen(6) note un sexe ratio équilibré de 48%H/52%F et Levecq(7) 50%F/48%H.Dans la série de Kaya(2), les tumeurs orbitaires touchent les 2 sexes de façon égale.
Les mêmes résultats sont constatés dans l’étude de Ducrey (4) chez les enfants contrairement à Belmekki(10) qui, dans notre contexte, rapporte une prédominance masculine.

Clinique

Signes cliniques

l’exophtalmie

La symptomatologie clinique est largement dominée par un signe ophtalmologique. Il s’agit de l’exophtalmie qu’on retrouve dans 81% des cas. Les différents auteurs obtiennent une prépondérance de ce signe mais dans des proportions inférieures (11, 12,13).
Garaffini(14), dans une étude rétrospective sur 15 ans constate que l’exophtalmie est un signe majeur, le plus fréquemment retrouvé (60%) lors de la première consultation. Le Bihan (9) retrouve le même pourcentage au travers de 48 observations cliniques de tumeurs orbitaires. Brun(15) note que l’exophtalmie est le mode de révélation le plus fréquent des masses orbitaires alors que les masses du globe n’occasionnent qu’exceptionnellement cette présentation clinique. Dans la série de Belmekki(10), 61% des enfants présentaient une exophtalmie.
Nos patients laisseraient peut être évoluer de façon plus importante les lésions tumorales d’où la présence plus fréquente de l’exophtalmie à l’examen clinique.
L’exophtalmie est la traduction d’un déséquilibre entre le contenu et le contenant orbitaire. Généralement, tous les processus rétroseptaux, d’un volume suffisant entraînent cette présentation clinique.
L’exophtalmie se définit par son importance, son uni ou bilatéralité, sa direction axile ou non, sa réductibilité, sa pulsatilité et son évolution (15).
L’exophtalmie tumorale est typiquement progressive, unilatérale, irréductible, néanmoins, certaines tumeurs comme les lymphomes, les neuroblastomes, les infiltrations leucémiques ou encore les rétinoblastomes peuvent donner des exophtalmies bilatérales. Les mucocèles fronto-éthmoïdales peuvent donner dans de rares cas une exophtalmie bilatérale (16).
L’exophtalmie tumorale peut être axile en rapport avec une tumeur intracônique ou non axile correspondant à une tumeur extracônique.
Certains éléments cliniques sont évocateurs d’une étiologie connue. Le caractère positionnel de l’exophtalmie et/ou sa majoration lors de la manoeuvre de Valsalva suggèrent une varice orbitaire(15). Un souffle orbitaire ou la palpation d’un thrill orientent vers une tumeur hypervasculaire(15). L’évolution représente également un élément important. Chez les enfants, des tumeurs bénignes telles que l’hémangiome ou le kyste dermoïde évoluent lentement alors qu’une exophtalmie augmentant rapidement suggère plutôt une métastase ou un rhabdomyosarcome (17). Une exophtalmie bilatérale rapidement progressive s’accompagnant d’une ecchymose périorbitaire est habituellement en rapport avec un neuroblastome métastatique.
Les cas de fausses exophtalmies sont nombreux et doivent être éliminés méthodiquement :
-L’asymétrie orbitaire : elle peut être congénitale ou acquise par exemple, lors d’un ralentissement de croissance osseuse, après une radiothérapie chez l’enfant. Cette asymétrie peut donner l’impression d’une exophtalmie qu’il est important d’éliminer car elle pourrait être le témoin d’une récidive tumorale. Cette asymétrie sera contrôlée radiologiquement.
-La rétraction palpébrale des hyperthyroïdies précoces peut donner une impression d’exophtalmie. La mesure à l’exophtalmométrie de Hertel dictera le diagnostic. L’inégalité des fentes palpébrales s’observe encore dans les blépharoptosis congénitaux.
-La forte myopie unilatérale.
-La bluphtalmie du glaucome congénital.
L’exophtalmie peut créer des complications surtout dans les cas majeurs. Il s’agit du syndrome d’irritation oculaire de la kératite ponctuée superficielle et de l’ulcère cornéen, qui peut, en se manifestant, aboutir à la perforation et à la perte du globe.

Les autres signes cliniques

Tuméfaction palpébrale et orbitaire

Les tumeurs ont d’autant plus de chance d’être accessibles à la palpation qu’elles sont de siège antérieur. La palpation permet d’apprécier la consistance, le volume, la localisation et l’adhérence aux structures sous-jacentes de la tumeur.
Les tumeurs orbitaires

Baisse de l’acuité visuelle

Une baisse de l’acuité visuelle et à l’extrême un oeil non fonctionnel peuvent être secondaires à une tumeur intracônique rétrobulbaire comprimant le nerf optique, une tumeur propagée à l’oeil ou une atteinte cornéenne secondaire à l’exophtalmie. Elle est systématiquement retrouvée dans les cas de métastases orbitaires (14).

Occlusion palpébrale et ptosis

Ils sont secondaires à une gêne circulatoire veineuse ou lymphatique ou à une atteinte de la troisième paire crânienne.

Diplopie ou trouble de l’oculomotricité

Les troubles de l’oculomotricité traduisent une parésie ou une paralysie oculomotrice. Au maximum, ils entraînent une ophtalmoplégie.
Une diplopie ou des troubles de l’oculomotricité peuvent être d’origine musculaire (phénomènes inflammatoires, infiltration, compression) ou neurogène ( atteinte des paires crâniennes). On les rencontre fréquemment dans les tumeurs malignes.

Hypertonie

L’augmentation du tonus peut être dûe soit une stase veineuse ou à une compression oculaire.

Douleurs orbitaires et périorbitaires

Elles sont rares, inconstantes, se voient surtout lors des tumeurs malignes, en particulier les tumeurs lacrymales, osseuses et métastatiques. Souvent mal localisées, elles sont probablement dûes à l’irritation du nerf optique.

Signes inflammatoires

Non spécifiques, ils peuvent être présents dès la première consultation ou apparaître au cours de l’évolution. Il s’agit principalement de l’oedème palpébral attribué à une gêne circulatoire veineuse et lymphatique. Un chémosis conjonctival peut être présent de même qu’une rougeur palpébrale ou périorbitaire ainsi qu’une hyperhémie conjonctivale.

Enophtalmie

Peu de tumeurs sont énophtalmiantes. Néanmoins, certaines métastases peuvent entraîner une enophtalmie.

Exorbitisme

Les processus propagés à l’étage moyen de l’orbite donnent un exorbitisme et non une exophtalmie avec un syndrome de la fente sphénoïdale ou de l’apex orbitaire selon leurs voies de passage ( fente sphénoïdale ou canal optique).

Signes rhinologiques

L’association de signes rhinologiques (tels qu’une tuméfaction jugale, endobuccale, une paralysie faciale, une rhinorrhée, un épistaxis, un trismus…) à des signes ophtalmologiques doit faire rechercher une tumeur rhinologique propagée à l’orbite et vice versa. Ainsi, toute diplopie inexpliquée ou larmoiement inexpliqué surtout accompagné d’une atteinte du trijumeau, de signes otologiques ou d’une adénopathie cervicale doit faire rechercher une néoplasie rhinopharyngée.

Autres signes

Il peut s’agir d’un déficit sensitif dans le territoire du nerf supraorbitaire ou infraorbitaire, d’une lagophtalmie avec souvent une rétraction palpébrale marquée, d’une fistulisation cutanée avec écoulement du contenu d’une tumeur kystique dans le cas du kyste dermoïde principalement.
Les signes associés à l’exophtalmie varient selon la localisation de la tumeur et permettent de décrire des syndromes orbitaires de localisation.

Syndrome du cône rétrobulbaire (tumeur intracônique)

Il se traduit par une exophtalmie axile et une atteinte du nerf optique avec baisse de l’acuité visuelle, voire cécité et modification du champ visuel. Il n’existe pas de paralysie oculomotrice ni de trouble de la sensibilité cornéenne. Au fond d’oeil, il existe une atrophie optique ou un oedème papillaire. Des plis choroïdiens sont parfois retrouvés. Une hypermétropie acquise ou un astigmatisme acquis peuvent être rencontrés.

Syndrome de la fente sphénoïdale

Il se définit par une exophtalmie axile et tardive, une atteinte des paires crâniennes( III ,IV, V,VI) et un oedème palpébral.

Syndrome du plancher de l’orbite

Il se traduit par une exophtalmie latéralisée vers le haut et un syndrome névralgique trijéminé. Il s’agit fréquemment d’une tumeur du sinus maxillaire propagée à l’orbite.

Syndrome de l’apex orbitaire

Il traduit l’association d’un syndrome du cône rétrobulbaire et d’un syndrome de la fente sphénoïdale.

Syndrome du quadrant supéro-externe

On retrouve une tuméfaction palpable de l’angle supéro-externe et un refoulement en bas et en dedans du globe oculaire. Il faut rechercher dans ce cas une tumeur de la glande lacrymale.
Le chémosis (8,6%), la baisse de l’acuité visuelle (4,3%), et les tuméfactions palpébrales(8,6%) et de l’orbite(4,3%) sont présents dans notre série avec des fréquences non négligeables.
Garaffini (14) retrouve ces signes avec des pourcentages plus importants. la baisse de l’acuité visuelle représente (5%) dans sa série, la limitation des mouvements oculaires (37%), le ptosis (25%), l’oedème palpébral (16%), les douleurs orbitaires(16%) et la diplopie(14%). Shields (8) retrouve chez la population âgée une masse orbitaire(26%) et des douleurs orbitaires dans 15% des cas. Il est évident que la symptomatologie clinique est riche et varie selon les études et la nature des tumeurs(14). Les signes inflammatoires dont l’oedème conjonctival sont retrouvés plus fréquemment dans les tumeurs antérieures comme les lymphomes; par contre, l’oedème conjonctival, plus important au niveau de la conjonctive inférieure que supérieure, est occasionnellement associé aux hémangiomes et aux tumeurs nerveuses. L’hyperhémie conjonctivale est le plus souvent associée aux pseudotumeurs, cependant, elle peut être vue aussi dans les tumeurs malignes rapidement progressives antérieures comme les lymphomes, les rhabdomyosarcomes et les métastases(20).
L‘ecchymose ne doit pas être confondue avec l’hyperhémie conjonctivale. Elle est le plus souvent retrouvée en cas de métastase de neuroblastome. La particularité de l’ecchymose secondaire au neuroblastome est sa variabilité dans le temps.

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Table des matières

INTRODUCTION
RAPPEL ANATOMIQUE
MATERIELS ET METHODES 
RESULTATS
I-EPIDEMIOLOGIE
1- La Fréquence
2- L’âge
3-Le sexe
II- CLINIQUE
III- EXAMENS PARACLINIQUES
1- Les radiographies standards
2- La TDM orbito-cérébrale
3- L’IRM orbito-cérébrale
4- Le bilan d’extension
IV- TRAITEMENT
V- ANATOMOPATHOLOGIE
VI- EVOLUTION
DISCUSSION
I-EPIDEMIOLOGIE
1- Fréquence
2-Répartition selon l’âge
3- Répartition selon le sexe
II-CLINIQUE
1- Signes cliniques
2-Examen clinique
III-EXAMENS PARACLINIQUES
1- Les radiographies standards
2- La TDM orbito-cérébrale
3- L’ IRM orbito-cérébrale
4- L’échographie orbitaire
5- L’angiographie
6- Les nouvelles techniques d’imagerie
IV- TRAITEMENT
1- Traitement chirurgical
1-1-Anesthésie
1-2-Champ chirurgical
1-3-Chirurgie orbitaire à visée diagnostique
1-4-Chirurgie orbitaire à visée thérapeutique
1-5-Les indications
1-6-Les complications
2- La radiothérapie
3-La chimiothérapie
4-Les autres thérapeutiques
V- ANATOMOPATHOLOGIE
VI- FORMES CLINIQUES
1- La mucocèle orbitaire
2- Le kyste épidermoïde
3- L’ostéome ostéoïde
4- Le rhabdomyosarcome
5- L’hémangiome capillaire
6- L’hémangiome caverneux
7- L’hémangioendothélium épithéloïde
8- Le méningiome
9- Le lymphome
10- Les métastases orbitaires
11- Les pseudotumeurs inflammatoires
CONCLUSION
ANNEXE
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE

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