Chirurgie des oncocytomes

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Epidémiologie

Les oncocytomes représentent 3 à 7% des tumeurs rénales, et jusqu’à 18% lorsque l’on considère uniquement les petites masses rénales (< 4 cm) (Figure 1) [12-13]. L’incidence des oncocytomes a augmenté au cours des 30 dernières années liée à une meilleure connaissance et reconnaissance de ces entités ainsi que la généralisation des examens d’imagerie augmentant l’incidentalome. Le pic d’incidence se situe entre 40 et 60 ans, avec un sexe ratio hommes/femmes de 2:1 [14].
Le pronostic des oncocytomes rénaux est excellent. Une étude rétrospective multicentrique européenne incluant 32 cas d’oncocytome rénaux n’a révélé aucun cas de métastases dans leur cohorte [15]. Après 54 mois de suivi, tous ces patients présentaient une survie spécifique à la maladie de 100% [15].

Facteurs de risque

Trois situations doivent être distinguées : l’oncocytome isolé, l’oncocytose et le syndrome de Birt-Hogg-Dube.
L’oncocytome rénal isolé est la situation est la plus fréquente. Les anomalies cytogénétiques décrites sont la perte combinée du chromosome 1 et Y, le réarrangement des bandes 11q12-13, la perte du 14q et du chromosome 19 [16-17]. Cependant, ces anomalies ne sont pas spécifiques de l’oncocytome. La perte du chromosome 1 a été fréquemment retrouvée dans les CCR chromophobes et la perte du 14q augmente en fréquence avec le risque métastatique dans les CCR à cellules claires [18-19]. Des anomalies spécifiques de l’ADN mitochondrial ont également été mises en évidence [20]. Certains auteurs ont suggéré que ces anomalies de l’ADN mitochondrial soit à l’origine des oncocytomes rénaux [21-22]. Ces anomalies ont également été décrites dans les CCR chromophobes et à cellules claires [23-24].
La deuxième situation est celle du syndrome de Birt-Hogg-Dube. Ce syndrome est lié à la mutation du gène BHD situé sur le bras court du chromosome 17 [25]. Ce syndrome est caractérisé par des lésions cutanées (fibrofolliculomes de la face, du cou et de la partie supérieure du tronc), des kystes pulmonaires, des pneumothorax spontanés ainsi que des CCR chromophobes et des oncocytomes multiples et bilatéraux [26].
La troisième situation est celle de l’oncocytose. Nagashima a rapportait qu’il s’agissait d’un syndrome rare, génétiquement indépendant du syndrome de Birt-Hogg-Dube [27]. Les patients souffrant de ce syndrome développent des oncocytomes multiples et bilatéraux [28]. L’évolution se fait vers la destruction du parenchyme rénal fonctionnel [29] et la survenue de CCR à cellules chromophobes ou de carcinome oncocytaire. Le carcinome oncocytaire a été décrit comme une tumeur étant constituée de cellules oncocytiques présentant des signes cellulaires de malignité à type de pléomorphisme [30].

Présentation clinique

Aucune donnée clinique préopératoire ne permet de présager de la nature oncocytaire d’une tumeur rénale isolée. L’oncocytome rénal est généralement asymptomatique et est diagnostiqué de façon fortuite lors d’un examen de routine à la recherche d’anomalies non urologiques. Près d’1/3 des patients présentent néanmoins des symptômes au moment du diagnostic, qui sont le plus souvent une douleur lombaire et une hématurie [31-32]. Des cas d’oncocytomes révélés par une masse abdominale palpable ont été rapportés mais cette présentation reste exceptionnelle [33]. L’hypertension paranéoplasique associée à un oncocytome rénal est un syndrome également rapporté dans la littérature [33]. Le traitement de l’oncocytome par thérapie ablative avait permis une normalisation immédiate de l’hypertension artérielle [34].

Bilan radiologique

Les oncocytomes rénaux se présentent généralement comme des lésions bien délimitées, de taille variable, souvent > 5 cm chez les patients symptomatiques [35]. Classiquement, il s’agit de masses hypervasculaires avec un lavage tardif, une cicatrice stellaire centrale est observé dans 1/3 des cas, surtout dans les volumineuses tumeurs, mais est non spécifique [36].
La distinction entre les oncocytomes rénaux et les CCR à l’imagerie est difficile. La présence d’un envahissement veineux, de métastase et/ou d’une infiltration des structures adjacentes orientent fortement vers le diagnostic de CCR. Cependant, jusqu’à 32 % des patients ont un CCR concomitant, c’est pourquoi il est important d’évaluer soigneusement les deux reins à l’imagerie [36]. Dans cette partie seront détaillées les caractéristiques principales illustrées des oncocytomes rénaux, avec une attention particulière sur les moyens de distinction disponibles avec les CCR.

Tomodensitométrie (TDM)

L’oncocytome rénale se présente le plus souvent comme une masse homogène. En contraste spontané, la densité est identique à celle du parenchyme rénal adjacent ou discrètement hypodense. Après injection, l’oncocytome se comporte comme une masse solide vascularisée, avec un rehaussement le plus souvent homogène et légèrement moins marqué que celui du parenchyme rénal sain. Une zone de plus faible densité (12-20 UH), centrale, très finement délimitée, correspondant à la cicatrice stellaire est rapportée dans 1/3 des cas (Figure 2). Cette cicatrice imite la nécrose centrale fréquemment retrouvée dans les CCR et ne peut être facilement différenciée de celle-ci sur une TDM, malgré les progrès du scanner multibarettes et des coupes fines à haute résolution [37].
Une infiltration tumorale de la graisse périrénale ou une invasion vasculaire ont été rapportés dans les oncocytomes, mais de principe, doivent faire évoquer un CCR en priorité [38-39]. La présence d’un envahissement ganglionnaire régional ou de métastases sont clairement plus typiques des CCR. Les voies excrétrices peuvent être refoulées ou étirées par la tumeur en fonction de sa taille et de sa localisation, mais il n’existe pas d’envahissement rapporté.
Paño et al. ont utilisé la TDM à 4 phases pour différencier les CCR des oncocytomes chez 97 patients [40]. Ils ont constaté qu’une taille tumorale > 4 cm, une importante atténuation de la tumeur après injection et son hétérogénéité étaient des caractéristiques en faveur du CCR par rapport à l’oncocytome [40]. Plus récemment, il a été rapporté que l’utilisation de la radiomique pourrait aider à la distinction scannographique entre oncocytome et CCR chromophobe [41]. L’implémentation d’un logiciel de traitement des images a permis de distinguer oncocytome et CCR chromophobe avec une excellente précision (aire sous la courbe : 0.964, Sensibilité [Se] : 99%, Spécificité [Sp] : 80%) [41].

Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)

Les oncocytomes rénaux apparaissent à l’IRM comme des masses bien définies et homogènes, qui sont iso-intenses à légèrement hypo-intenses par rapport au parenchyme rénal adjacent en séquences T1 et T2. Lorsqu’elle est présente, la cicatrice stellaire est hypointense sur les images pondérées en T1 et T2. Contrairement à la TDM, l’IRM peut différencier la cicatrice stellaire de la nécrose tumorale. Cette dernière apparaît hypointense sur les images pondérées en T1 et hyperintense sur les images pondérées en T2, et c’est une caractéristique très importante pour réaliser le diagnostic différentiel entre un oncocytome et les CCR.
Malgré le degré de confiance élevé de l’IRM dans la détection des oncocytomes rénaux, elle ne permet pas de poser un diagnostic spécifique. Ainsi, il n’est pas toujours possible de différencier l’oncocytome des CCR avec une précision diagnostique de 84%, une sensibilité de 90% et une spécificité de 63% [42-43].

Anatomopathologie

L’étiologie des oncocytomes rénaux a été l’objet de nombreuses controverses. Initialement, Klein et Valensi ont théorisé que l’oncocytome rénal proviendrait des tubules proximaux sur la base de la similarité histologique entre les cellules des tubes contournés proximaux et les cellules oncocytaires [11]. Ce concept a été soutenu par certains [46-50] et a été remis en question par d’autres [51-52]. Eble et Hull ont étudié 5 oncocytomes rénaux en microscopie optique et électronique et ont rapporté l’absence de bordure en brosse, la présence de microvillosités, de protubérance de la membrane basale et de profils ovales des mitochondries comme preuve d’une origine tubulaire distale de l’oncocytome rénal [53]. Yoshida et al. ont ensuite étayé cette hypothèse en démontrant l’absence d’expression des antigènes de la membrane de surface des tubules rénaux proximaux, soutenant le concept que l’oncocytome rénal proviendrait d’une région autre que l’épithélium tubulaire proximal [54]. Storkel et al. ont rapporté sur la base d’analyses immunohistochimiques d’oncocytomes rénaux un développement à partir des cellules intercalaires de l’épithélium du canal collecteur [55].
En résumé, grâce à l’évaluation microscopique et ultrastructurale détaillée, couplée à des tests histochimiques et immunologiques plus avancés, la littérature actuelle semble attribuée à l’oncocytome rénal une origine tubulaire distale ou du canal collecteur.

Analyse macroscopique

Les oncocytomes rénaux sont généralement des tumeurs bien circonscrites, non encapsulées, solides, homogènes avec une surface de coupe brun-ambré similaire à la couleur du parenchyme rénal normal et différente de la surface de coupe jaune dorée du CCR à cellules claires. Une cicatrice stellaire centrale nette est observée dans environ un 1/3 des cas, en particulier dans les tumeurs de grande taille (Figure 3).
Un total de 3,7% des oncocytomes présentent une extension dans la veine rénale ou l’une de ses branches, qui doit faire éliminer de principe un CCR chromophobe [56]. L’extension vasculaire tumorale des oncocytomes n’aurait pas d’impact pronostique. Dans une étude portant sur 109 cas d’oncocytomes, 3.7% présentaient une extension vasculaire tumorale, et aucun patient n’a présenté de récidive locale (suivi moyen de 3,8 ans) [57]. En 2016, dans une série de 16 patients ayant un oncocytome rénal avec invasion vasculaire, il n’a été rapporté aucun cas de rechute ou de métastase chez quinze patients (suivi moyen de 29,9 mois), et un patient est décédé de cause inconnue [58].
La taille d’un oncocytome rénal peut varier d’un petit nodule solide à de larges masses rénales mimant un CCR à un stade avancé [59]. Jusqu’à 13% des patients présentent plusieurs oncocytomes et le caractère bilatéral a été rapporté jusqu’à 5% des cas [60]. Une hémorragie intra-tumorale peut être rencontrée dans 20% des cas tandis que la présence de nécrose est rare et doit faire évoquer un CCR en priorité [61].

Microscopie optique

L’examen histologique réalisé sur des coupes de tissu tumoral colorées à l’HES est la première et la plus importante étape de l’approche diagnostique des tumeurs rénales. Elle fournit des informations précieuses sur les caractéristiques cellulaires, nucléaires, cytoplasmiques, stromales et du réseau vasculaire, ainsi que sur le schéma de croissance.
L’oncocytome rénal est composé d’oncocytes qui sont de grandes cellules avec un cytoplasme granuleux intensément éosinophile. Cet aspect est lié à l’accumulation d’un nombre important de mitochondries dans le cytoplasme, de l’absence de glycogène et d’un faible contenu lipidique [62]. Les mutations du génome codant pour les protéines nucléaires et mitochondriales devraient en théorie provoquer un profond dysfonctionnement de la chaine respiratoire mitochondriale, entrainant l’élimination de ces mitochondries par mitophagie, une forme sélective d’autophagie. Cependant, ce phénomène d’autophagie est défectueux dans l’oncocytome rénal. L’accumulation des mitochondries défectueuses dans le cytoplasme des oncocytes conduirait au développement de l’oncocytome.
L’oncocytome rénal a un aspect morphologique bien défini. Les cellules sont généralement disposées en nids/alvéoles compacts et solides (modèle de croissance acinaire) et/ou en cordons, tubules et feuillets de trabécules (disposition tubulokystique) qui sont séparés par un stroma lâche oedémateux, fibreux ou hyalinisé (Figure 4).
Certaines présentations sont parfois plus atypiques, rendant le diagnostic plus difficile chez un observateur peu entrainé à la lecture des oncocytomes [62]. Une architecture papillaire et kystique peut se produire dans les oncocytomes rénaux, qui peuvent être composés d’oncocytes de taille régulière ou parfois de petites cellules basophiles. En cas de doute au diagnostic devant une morphologie atypique, des explorations supplémentaires, telles que la microscopie électronique, l’analyse chromosomique et l’immunohistochimie, peuvent aider à rétablir le diagnostic.

Diagnostic différentiel

L’oncocytome rénal et le CCR chromophobe sont reconnus comme des sous-types histologiques uniques de tumeurs rénales, le premier étant largement accepté comme une tumeur bénigne [13] et le second étant considéré comme une histologie favorable du CCR [66]. L’aspect classique du CCR chromophobe présente peu de similitudes avec l’oncocytome. Cependant, il est bien connu que la variante éosinophile peut compliquer le diagnostic différentiel [67]. Plusieurs techniques précédemment décrites ont été explorées pour différencier ces deux entités, incluant les colorations histochimiques, l’immunohistochimie, les anomalies chromosomiques, les tests moléculaires et la microscopie électronique. Cependant, les critères diagnostiques et les outils à utiliser en pratique courante ne sont toujours pas communément admis. Une étude récente a évalué les pratiques anatomopathologiques les plus couramment utilisées et admises [61]. Un questionnaire d’évaluation des pratiques a été envoyé à 17 anatomopathologistes. Un fort consensus existait pour exclure le diagnostic d’oncocytome si plus d’une figure mitotique est identifiable. Les techniques de coloration les plus couramment utilisées étaient les suivantes : cytokératine 7 (94 %), KIT (71 %), vimentine (65 %), fer colloïdal (59 %), CD10 (53 %) et AMACR (41 %). Pour les tumeurs présentant des caractéristiques mixtes ou non concluantes, la plupart des participants utilisent une catégorie de diagnostic intermédiaire (82%) qui ne permet pas de déterminer si la tumeur est bénigne ou maligne, généralement « néoplasie oncocytaire » ou « tumeur à cellules oncocytaires » ou « tumeur hybride ».

Place de la biopsie rénale

Recommandations

La place de la ponction-biopsie rénale (PBR) dans les tumeurs du rein est précisée dans les recommandations françaises [68] et européennes [69]. Chaque panel a émis une recommandation forte pour réaliser une biopsie avant traitement ablatif ou systémique, ou lorsque les résultats sont susceptibles d’influencer la décision thérapeutique [68-69]. Concernant les petites masses rénales, les recommandations européennes préconisent une PBR lorsque la surveillance active est envisagée (grade de recommandation faible) [69]. Pour les recommandations françaises, en cas de petite tumeur rénale, il est recommandé d’informer le patient de la possibilité de faire une biopsie, de ses complications et de ses limites diagnostiques [68]. Une mention spéciale est faite sur le caractère médico-légal de la biopsie, qui pourrait éviter un certain nombre d’exérèses pour tumeurs bénignes [70].
Ainsi, dans le bilan des petites masses rénales, les recommandations françaises semblent élargir les critères d’indications de la PBR, alors que les recommandations européennes ne se positionnent pas.

Analyse de la littérature et le cas des oncocytomes rénaux

La plupart des petites masses rénales sont actuellement asymptomatiques et diagnostiquées de manière fortuite [71]. L’hypothèse selon laquelle la grande majorité des petites tumeurs rénales diagnostiquées fortuitement seraient des CCR a conduit à des attitudes interventionnistes avec les traitements chirurgicaux en première ligne. Cette conduite a également été soutenue par les controverses liées à la pratique des biopsies rénales qui ont été associées à un risque important d’échec avec matériel inexploitable, une précision diagnostique variable ainsi qu’un faible impact sur la prise de décision [72].
La situation semble s’être inversée au cours des dernières années. Dans les centres expérimentés, la PBR a un rendement diagnostique, une spécificité et une sensibilité élevés pour le diagnostic de malignité. Dans une méta-analyse récente, la sensibilité et la spécificité des biopsies pour le diagnostic de malignité étaient respectivement de 99,1% et 99,7% [73]. En cas de première PBR non contributive et de suspicion persistance de malignité, une seconde biopsie permet de rétablir le diagnostic dans une proportion élevée de cas (83-100%) [74]. La précision diagnostique des PBR pour le diagnostic histologique est bonne. Le taux de concordance sur pièce chirurgicale est de 90,3% [73]. L’évaluation du grade de la tumeur sur les biopsies reste difficile. La précision globale de la classification nucléaire était faible (62,5%) dans la méta-analyse, mais s’est améliorée de manière significative (87%) en utilisant un système simplifié à deux niveaux (haut grade vs bas grade) [73].
Parallèlement, avec l’augmentation des diagnostics fortuits de petites masses rénales, un nombre important de tumeurs réséquées présentent finalement des caractéristiques bénignes [75]. Dans une étude rétrospective incluant 143 patients suspects de CCR à l’imagerie, non soumis à une biopsie préopératoire, l’analyse histologique des pièces opératoires a rapporté 23 cas de tumeurs bénignes (16.1%) [75]. Plus récemment, Kim et al. ont examiné la prévalence de tumeurs bénignes sur l’analyse des pièces opératoires de 18 060 néphrectomies partielle [70]. La prévalence de tumeurs bénignes dans la cohorte était de 30.9%. De plus, dans cette étude américaine menée sur une période allant de 2007 à 2014, la chirurgie pour tumeur bénigne s’est traduite par un surcout total de 90 millions de dollars [70]. Le cout médian de la chirurgie pour tumeur bénigne estimé par patient était de 9923 dollars [70].
Le regain d’intérêt de la PBR ces dernières années a été associé à une diminution de la chirurgie pour tumeur bénigne, et donc une diminution de la morbidité associée, à court et à long terme. Dans une étude rétrospective et multicentrique, Richard et al. ont évalué si les centres qui réalisaient une PBR systématique avant prise de décision thérapeutique avaient des taux de bénignité différents sur pièce opératoire des centres chez qui la PBR était réalisée uniquement de manière sélective [76]. Un total de 542 petites masses rénales ont été inclus chez 516 patients. Le taux global de tumeur bénigne était de 11% après chirurgie. La probabilité de résultats bénins à l’examen anatomopathologique était significativement plus faible dans les centres où des biopsies étaient effectuées systématiquement (5 % contre 16 %, p < 0.001) [76].
Les performances diagnostiques de la PBR restent débattues lorsque le compte-rendu de l’anatomopathologiste évoque une tumeur oncocytaire. Dans une méta-analyse récente, Patel et al. ont évalués le degré de concordance entre la PBR et la pièce opératoire des tumeurs oncocytaires opérés [77]. Au total, 46 patients ayant un diagnostic de tumeur oncocytaire (48 tumeurs oncocytaires chez 46 patients) à la PBR ont été analysés. Seuls 31 des 48 tumeurs oncocytaires (64.6%) étaient des oncocytomes sur la pièce opératoire finale. Les autres histologies étaient : CCR chromophobes (6/48, 12.5%), CCR à cellules claires (5/48, 10.4%), CCR non classifié (1/48, 2.1%), tumeur hybride (3/48, 6.3%), et adénome papillaire (2/48, 4.2%). Cette étude est critiquable sur plusieurs points. Les principales limites étaient l’absence d’évaluation anatomopathologique centralisée des PBR, et l’absence d’évaluation de l’expérience des anatomopathologistes ayant réalisés l’examen des biopsies. De plus, le résultat des biopsies rapporté était celui de tumeur oncocytaire, et non d’oncocytome. Les cas présentant des caractéristiques non conventionnelles et difficiles à caractériser sont généralement étiquetés comme « tumeur oncocytaire ». Ainsi, cette étude évalue seulement la corrélation PBR-pièce opératoire des tumeurs oncocytaires. La corrélation des oncocytomes retrouvés à la PBR n’est pas rapportée. Cette publication a été citée par toutes les recommandations en vigueur. Ainsi, à tort, on attribue à la PBR une faible capacité d’identification des oncocytomes rénaux vrais, par ambiguïté entre les termes « oncocytome » et « tumeur oncocytaire ».
Les similitudes histologiques de l’oncocytome rénal avec d’autres tumeurs oncocytaires a créé un clivage parmi les uropathologistes quant à la question de savoir s’il est préférable, après une biopsie, de poser un diagnostic pur et simple d’oncocytome ou d’utiliser une terminologie plus générale, celle de « tumeur oncocytaire » [61]. En effet, il est parfois difficile de différencier un oncocytome d’un CCR, surtout sur les échantillons limités fourni par la biopsie.

Chirurgie des oncocytomes

La prise en charge contemporaine des oncocytomes rénaux a été récemment rapportée par Neves et al., qui ont analysés les résultats de la chirurgie des oncocytomes rénaux à l’échelle d’une nation [78]. Parmi les 32130 chirurgies rénales enregistrées en Angleterre sur une période de quatre ans, 1202 (3.7%) cas avaient un diagnostic final d’oncocytome sur la pièce opératoire. La taille tumorale médiane était de 4.1 cm (1-25). Seuls 35 patients (2.9%) avaient eu une biopsie préopératoire. La néphrectomie élargie était la chirurgie la plus couramment pratiquée (683 patients, 56.8%). Une complication postopératoire précoce a été enregistrée chez 243 patients (20.2%), incluant 48 complications majeures (Clavien-Dindo ≥ 3). La mortalité à 60 jours était de 0.4% (5 décès).
En se rappelant que les oncocytomes sont des tumeurs bénignes à l’histoire naturelle indolente, les résultats de cette étude soulèvent plusieurs débats. Le premier, déjà abordé, est celui de la place des PBR dans le bilan des masses rénales. Dans cette étude, seul 2.9% des patients avaient eu un diagnostic histologique avant chirurgie. Il est probable qu’une plus large utilisation de la biopsie aurait pu éviter un nombre important de chirurgie pour tumeur bénigne. La seconde critique que l’on peut adresser est le recours majoritaire à la néphrectomie élargie pour traiter des tumeurs qui étaient à posteriori bénignes. La chirurgie d’une tumeur bénigne, quel qu’en soit l’indication, devrait idéalement favoriser les techniques d’épargne néphronique. Enfin, le taux de complication > 20% et la survenue de décès en période post-opératoire devrait sérieusement remettre en question l’indication première d’une chirurgie sans diagnostique histologique préopératoire.
Cette étude apparait à contre-courant, au moment où certaines équipes commencent à rapporter leurs séries de cas montrant la faisabilité de la surveillance active (SA) des oncocytomes rénaux prouvés à la biopsie. Cependant, le faible pouvoir discriminant des PBR entre les oncocytomes et les tumeurs du spectre oncocytaire plaident encore en faveur d’une prise en charge interventionniste.

Introduction : version courte

Avec l’augmentation des diagnostics fortuits de petites masses rénales, un nombre important de tumeurs réséquées présentent finalement des caractéristiques bénignes. L’incidence des tumeurs bénignes dans les petites masses rénales atteint 30,9 % et entraîne rétrospectivement des coûts supplémentaires dus à la chirurgie et aux complications potentielles. Afin de réduire la chirurgie pour tumeur bénigne et la morbidité, à court et long terme, associée à ces procédures, la biopsie de la masse rénale a connu un regain d’intérêt ces dernières années. Il est de plus en plus évident que la biopsie de la masse rénale est d’une bonne précision pour le diagnostic des petites masses rénales et que son utilisation systématique à grande échelle est associée à une diminution de la chirurgie pour les tumeurs bénignes.
Les oncocytomes rénaux sont des tumeurs bénignes qui représentent 3 à 7 % de toutes les masses rénales solides et jusqu’à 18 % si l’on considère uniquement les petites masses rénales. Pendant de nombreuses années, le diagnostic des oncocytomes rénaux était basé sur l’examen anatomopathologique des pièces opératoires en raison du faible taux de biopsie préopératoire. Pour réduire le surtraitement et la morbidité liée à la chirurgie, la surveillance active (SA) des oncocytomes rénaux prouvés par biopsie a été proposée. Cependant, bien que la biopsie se soit avérée précise dans le diagnostic de la masse rénale, son impact réel sur la gestion de la masse rénale et la faisabilité de la SA à long terme sont encore débattus.

Protocole et Enregistrement

Nous avons conduit une revue systématique et méta-analyse de la littérature conformément aux directives PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-analyses) [79]. Le protocole de recherche défini a priori a été soumis sur PROSPERO.

Stratégie de recherche

Une recherche bibliographiqe a été réalisée du 26 au 28 septembre 2021 dans les bases de données PubMed/Medline, Scopus et Web of Science. La recherche a été menée avec des termes de recherche définis selon l’approche Population, Intervention, Comparaison et Résultats (PICO). Le PICO suivant a été formulé : « Quels sont les avantages et les inconvénients de la surveillance active chez les patients atteints d’oncocytome rénal prouvé par biopsie ? ». Aucun comparateur n’était applicable pour cette étude. Les mots-clés suivants ont été utilisés dans notre stratégie de recherche : (oncocytoma OR oncocytic) AND (biopsy OR surveillance) AND (renal OR kidney). Un premier screen a été effectué indépendamment par deux investigateurs sur la base des titres et des résumés des articles afin d’identifier les rapports inéligibles. Les raisons des exclusions ont été notifiées. Les rapports potentiellement pertinents ont été soumis à un examen du texte intégral, et la pertinence des rapports a été confirmée après le processus d’extraction des données. Les désaccords ont été résolus en consultant un troisième co-auteur.

Critères d’inclusion et d’exclusion

Nous avons inclus les études si elles analysaient des patients atteints d’oncocytome rénal prouvé par biopsie et pris en charge initialement par SA. En cas de duplicatas, nous avons retenu soit la publication de meilleure qualité, soit la plus récente. Les revues, les méta-analyses, les lettres, les éditoriaux, les résumés de congrès, les réponses aux auteurs, les cases report et les articles non anglophones ont été exclus. Aucune restriction sur la date de publication n’a été appliquée.

Extraction des données et analyse

Deux auteurs ont effectué un premier tri indépendant sur la base des titres et des résumés, et ont noté la cause de l’exclusion des rapports inéligibles. Ces deux auteurs ont extrait indépendamment les variables suivantes des études incluses : nom du premier auteur, année de publication, pays de recherche, conception de l’étude, période de recrutement des patients, nombre de patients inclus, taille médiane de la tumeur initiale (mm), suivi médian (mois), protocole de SA, croissance de la tumeur (mm/an), taux de conversion en traitement définitif (taux, indications, facteurs de risque et corrélation entre la pièce opératoire si le traitement définitif était la chirurgie), complications et fonction rénale (entre les patients restés sous SA et ceux ayant eu un traitement définitif), la survie sans métastase et la survie globale. Toutes les divergences concernant l’extraction des données ont été résolues par consensus avec un troisième co-auteur.

Conversion de la SA à un traitement définitif

Six études incluant 433 patients ont rapporté les taux de conversion de la SA en traitement définitif [82][83][84][87][88][89]. Dans les études regroupées, le suivi médian était de 34,5 (IC 95% 30,6-38,4) mois. La proportion de patients ayant eu une intervention différée après une période initiale de SA variait entre 5 et 40 %. L’analyse des données regroupées indique un taux de conversion global de 17,3 % (n=75). Chez les patients en SA, le taux de conversion estimé pour un traitement définitif était de 6 % par an. Les traitements définitifs ont consisté en 35 thérapies ablatives et 40 interventions chirurgicales. Le type de thérapie ablative (radiofréquence ou cryoablation) et de chirurgie (néphrectomie partielle ou radicale) utilisé n’a pas été signalé dans toutes les études, ce qui empêche une comparaison précise de la fréquence des traitements définitifs utilisés.
Les indications de conversion ont été rapportées dans 5 études [82][83][87][88][89], portant sur un total de 49/334 patients ayant eu un traitement définitif. Les indications détaillées rapportées pour la conversion étaient les suivantes : croissance rapide de la tumeur (n=32/49, 65%), souhait du patient (n=6/49, 13%), apparition de symptômes (n=5/49, 10%), changement de la forme de la tumeur (n=4/49, 8%), et volume important de la tumeur au départ (>100 et 87 mm, n=2/49, 4%). Trois études ont évalué les facteurs de risque de conversion un traitement définitif [82][87][89]. L’âge au moment du diagnostic était corrélé à la probabilité d’un traitement définitif dans les trois études (Deledalle et al. [82] : 61 vs 69 ans, p=0,002 ; Neuzillet et al. [87] : 45,5 vs 65,6 ans, p=0,001 ; Liu et al. [89] : 52 vs 65 ans, p=0,02). Les autres facteurs identifiés étaient un indice de comorbidité de Charlson plus faible (4 vs 2 ; p<.01) et un taux de croissance tumorale plus élevé pendant le suivi (3.8 vs 1.5 mm/an ; p<.001) selon Deledalle et al [82], et une taille tumorale plus importante au moment du diagnostic (50 mm vs 27.3 mm, p=0.02) selon Neuzillet et al [87].
Cinq études ont comparé la concordance pathologique entre la biopsie initiale de la masse rénale et l’analyse finale de la pièce opératoire [82][84][87][88][89] incluant 34 patients. Parmi ceux-ci, 31 cas chirurgicaux ont été confirmés comme étant des oncocytomes, deux avaient une tumeur hybride, et dans un cas, l’anatomopathologiste ne pouvait pas exclure un CCR de bas grade avec des caractéristiques oncocytaires. Les données regroupées indiquent que le taux de concordance entre la biopsie et la pièce opératoire était de 91,1 %.

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Table des matières

I – Introduction
A. Oncocytome rénal : Généralités
B. Place de la biopsie rénale
C. Chirurgie des oncocytomes
D. Introduction : version courte
E. Objectif de l’étude
II – Matériels et Méthode
III – Résultats
IV – Discussion
V – Conclusion
VI – Bibliographie
VII – Annexes
VIII – Liste des abréviations

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