Chimiothérapie dans les cancers colorectaux MSI
Epidémiologie du cancer colorectal
Le cancer colorectal (CCR) est un problème de santé publique par sa forte incidence, mais aussi par sa gravité. Tous sexes confondus, le cancer colorectal se situe au troisième rang de l’ensemble des cancers en termes d’incidence, derrière le cancer du poumon et celui du sein.1 On estime à 1,2 millions le nombre de nouveaux cas de cancers colorectaux par an dans le monde. On observe une variation du taux d’incidence entre les régions, avec une prédominance des nouveaux cas dans les pays développés. Les taux d’incidence les plus élevés sont retrouvés en Australie/Nouvelle Zélande, Europe de l’Ouest2 et aux Etats-Unis,3 et les plus faibles en Afrique et en Asie du Sud Est. En France, l’incidence du cancer colorectal est élevée et a fortement augmenté depuis les années 80, probablement à cause d’une association de facteurs : vieillissement de la population, amélioration du dépistage, modifications du mode de vie. En 2011, on estimait à 40 500 le nombre de nouveaux de cas CCR, soit 12% des nouveaux cancers chez la femme et 10,4% chez l’homme. 4 Comme au niveau mondial, on note une disparité de la répartition des cas de CCR sur le territoire français, avec une incidence plus élevée dans le nord et l’est que dans les régions du sud. Environ 600 000 décès imputables au cancer colorectal sont dénombrés tous les ans dans le monde, ce qui représente 8% de tous les décès par cancer, soit la quatrième cause la plus fréquente de décès par cancer. En France, le CCR est la deuxième cause de décès par cancer avec 18 000 décès par an, derrière le cancer du poumon (29 000) et devant le cancer du sein (11 500). Comme pour l’incidence, le taux de mortalité est variable en fonction des régions. Les pays d’Europe de l’est présentent les plus forts taux de mortalité liés au CCR, et les pays d’Afrique centrale les plus faibles. Contrairement à l’incidence, la mortalité liée au CCR est globalement en baisse, notamment en Europe, en Autraslie/Nouvelle Zélande et aux États-Unis. En France, le taux de mortalité standardisé est passé de 18,6/100 000 chez l’homme et 11,0/100 000 chez la femme à respectivement 13,8/100 000 et 8,2/100 000 en 20 ans. Cette tendance favorable résulte du dépistage de plus en plus précoce du CCR et de l’amélioration de la prise en charge thérapeutique et chirurgicale. Le pronostic du CCR est principalement lié au stade de la maladie lors du diagnostic : 90% de survie à 5 ans pour les cancers in-situ, mais seulement 10% pour les cancers diagnostiqués au stade métastatique.
Cancer colorectal et instabilité microsatellite (MSI)
Le CCR est une pathologie hétérogène aussi bien du point de vue de son histoire naturelle que des caractéristiques moléculaires ou histologiques de la tumeur. De manière générale, à l’échelle moléculaire, le CCR résulte de l’accumulation progressive d’altérations génétiques et/ou épigénétiques dans les cellules épithéliales coliques qui conduisent à la dérégulation des voies de signalisation influant sur le métabolisme cellulaire, la prolifération, la différenciation, la survie et l’apoptose cellulaire, et à la transformation de la muqueuse colique normale en un cancer invasif. Actuellement on considère qu’il existe trois voies moléculaires de l’oncogenèse colorectale : l’instabilité chromosomique, l’instabilité microsatellite et les anomalies de méthylation de l’ADN (phénotype « CpG Island methylator » ou CIMP).5, 6 Il semble que, quelle que soit l’origine de la carcinogénèse, les mêmes voies de signalisation cellulaire soient impliquées, avec l’activation d’oncogènes et/ou l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs. Entre 70 et 85% des CCR sont dus à une instabilité chromosomique, liée à un défaut de ségrégation des chromosomes et conduisant à l’accumulation d’anomalies de nombre (aneuploïdie) ou de structure des chromosomes. L’instabilité chromosomique est souvent responsable de la perte d’une copie de gènes suppresseurs de tumeurs, tels que APC, P53 ou SMAD4, ou de l’activation d’oncogènes comme K-ras. L’instabilité microsatellite, qui sera détaillée plus en détail par la suite, est liée au déficit d’une ou plusieurs protéines d’un système de réparation de l’ADN le « DNA Mismatch Repair » (MMR). Ce déficit du MMR conduit à l’accumulation de mutations au niveau de séquences répétées et peut conduire au dysfonctionnement des voies régulation du cycle cellulaire, de l’apoptose et/ou de réparation de l’ADN. Enfin, le phénotype CIMP résulte d’une anomalie de la méthylation de l’ADN touchant principalement les cytosines des îlots CpG et entraînant l’inactivation transcriptionnelle de nombreux gènes, dont des gènes suppresseurs de tumeurs.7, 8 On notera que ces voies ne sont pas mutuellement exclusives, et que certaines tumeurs peuvent présenter les caractéristiques de plusieurs voies. C’est notamment le cas pour un certain nombre de tumeurs sporadiques qui, suite à l’hyperméthylation d’une protéine du MMR (hMLH1), présentent également un phénotype MSI.
Le système du « Mismatch Repair »
Lors de la réplication de l’ADN, l’intégrité du génome d’un individu doit absolument être maintenue. Or, en l’absence de tout mécanisme correctif, la fréquence des mésappariements durant la synthèse de l’ADN est de une pour 101 à 102 paires de bases.9 Durant la réplication, les activités de relecture et de correction des ADN polymérases permettent de diminuer ce taux à une pour 107 à 108 paires de bases.9 La fidélité de réplication de l’ADN est également améliorée en post-réplicatif grâce aux différents systèmes de réparation de l’ADN, et notamment au système du MMR. Au total, on estime que la fréquence des erreurs est d’une pour 109 à 1010 paires de bases au terme de la division cellulaire.Le MMR est un système complexe, essentiel à la stabilité du génome. Il est principalement décrit pour son rôle dans la réparation post-réplicative des erreurs des ADN polymérases,10 mais il intervient également au niveau de la recombinaison méiotique11, des phénomènes d’hypermutation somatique12 et de commutation isotypique pour augmenter la diversité des immunoglobulines. On s’intéressera ici uniquement à sa fonction de reconnaissance et de réparation des erreurs des ADN polymérases. Cette fonction est ubiquitaire et extrêmement conservée des procaryotes aux eucaryotes.
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Introduction
1.1 Epidémiologie du cancer colorectal
1.2 Cancer colorectal et instabilité microsatellite (MSI)
1.2.1 Le système du « Mismatch Repair »
1.2.1.1 Le MMR chez E.Coli
1.2.1.2 Le MMR chez les mammifères
1.2.2 Déficit du MMR et instabilité microsatellite
1.2.2.1 Généralités
1.2.2.2 Origine du déficit du système du « mismatch repair »
1.2.2.3 Caractéristiques des tumeurs colorectales MSI
1.2.2.4 Diagnostic de l’instabilité microsatellite
1.3 Chimiothérapie dans les cancers colorectaux MSI : place du 5-Fluorouracile.
1.3.1 Pharmacologie du 5-FU : Rôle du MMR
1.3.2 Conséquences du déficit en MMR sur la sensibilité au 5-FU
1.3.3 HSP110ΔE9 : nouveau marqueur prédictif de réponse au 5-FU dans les tumeurs MSI ?
Objectifs de l’étude
Matériels et méthodes
3.1 Lignées cellulaires
3.2 Patients
3.2.1 Population 1 : Patients atteints d’un cancer colorectal métastatique et traités par FOLFIRI-CETUX.
3.2.2 Population 2 : Patients atteints d’un cancer colorectal MSI
3.3 Analyses de l’ADN génomique
3.3.1 Extraction et dosage des ADN génomiques.
3.3.2 Recherche d’une instabilité microsatellite
3.3.3 Recherche et caractérisation de délétions au niveau du microsatellite T17 d’HSP.
3.3.3.1 PCR et analyse de fragment ciblant le microsatellite T17
3.3.3.2 Clonage
3.3.3.3 Séquençage par la méthode de Sanger
3.3.4 Recherche de la mutation V600E du gène BRAF.
3.4 Analyse de l’ARNm
3.4.1 Extraction et dosage des ARN
3.4.2 Reverse Transcription (RT)
3.4.3 PCR multiplex et analyse de fragments
3.5 Analyse des protéines
3.5.1 Extraction et dosage des protéines
3.5.2 Western Blot
3.6 Etude statistique
Résultats
4.1 Lignées cellulaires
4.1.1 Statut MSI des lignées cellulaires
4.1.2 T17 d’HSP110
4.1.3 Expression d’ HSP110ΔE9
4.2 Etude du polymorphisme du T17 d’HSP110 dans le tissu sain.
4.3 Etude d’HSP110 dans une population 86 patients traités par FOLFIRI-CETUX pour un CCR métastatique.
4.3.1 Statut MSI des tumeurs
4.3.2 Comparaison des tumeurs MSI et MSS
4.3.2.1 Caractéristiques des deux populations.
4.3.2.2 Etude du microsatellite T17 d’HSP110 et d’HSP110ΔE9 / HSP110
4.3.2.3 Etude de la réponse et de la survie à la chimiothérapie par FOLFIRICETUX.
4.4 Etude d’HSP110 et HSP110ΔE9 chez 120 patients présentant une tumeur MSI.
4.4.1 Instabilité microsatellite des tumeurs
4.4.2 Taille du microsatellite T17 d’HSP110 dans le tissu sain et la tumeur.
4.4.3 Expression d’HSP110ΔE9 / HSP110
4.4.4 Influence d’ HSP110ΔE9 / HSP110 sur la survie
Discussion
5.1 Structure et fonction du microsatellite T17 d’HSP110.
5.2 Déficit du MMR et conséquences sur le microsatellite T17 d’HSP110
5.3 Délétion du T17 d’HSP110 et expression d’HSP110ΔE9
5.4 Instabilité microsatellite, survie et réponse à la chimiothérapie à base de 5-FU dans les cancers colorectaux métastatiques.
5.4.1 Survie
5.4.2 Réponse à la chimiothérapie FOLFIRI-CETUX.
5.5 HSP110ΔE9 : marqueur pronostique et/ou prédictif ?
Conclusion et perspectives
Bibliographie
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