Chimiokines et Récepteurs : principaux acteurs du trafic monocytaire
Les chimiokines et leurs récepteurs
La réponse immunitaire implique la migration et le recrutement approprié de cellules de l’immunité innée et adaptative au niveau du tissu affecté afin qu’elles y effectuent leurs fonctions de défense de l’organisme. Le mécanisme consensuel propose que les cellules s’orientent et se déplacent en réponse à des gradients moléculaires de protéines chimioattractantes et par une expression différentielle de molécules d’adhérence, vers un site donné. Ce phénomène appelé chimiotactisme est très largement caractérisé in vitro mais sa relevance in vivo est nettement moins évidente. Outre ce rôle dans la défense de l’organisme, la migration cellulaire est un phénomène essentiel à l’homéostasie du système immunitaire et d’une façon plus générale au développement tissulaire ainsi qu’à l’organogenèse (Raman et al., 2011; Schall and Proudfoot, 2011).
De nombreuses molécules gouvernent le chimiotactisme des cellules eucaryotes. Chez les mammifères, les signaux extracellulaires principalement impliqués dans la migration des leucocytes sont les cytokines. Ce sont des protéines de petite taille spécialisées dans la communication cellulaire. Certaines sont destinées à promouvoir la migration cellulaire et sont regroupées dans la famille des cytokines chimioattractantes ou chimiokines (CK).
Les CK se distinguent des autres cytokines par leur taille, leur structure, leur composition, la nature de leurs récepteurs et par leurs fonctions. Depuis leur clonage dans les années 1980- 1990, de nombreuses études ont permis de mettre en évidence leur rôle dans l’orchestration des mouvements cellulaires, l’activité des leucocytes, le maintien et le contrôle de l’intégrité du soi et également au cours de la réponse immunitaire dans la reconnaissance du non-soi (Charo and Ransohoff, 2006; Richmond, 2011). Cependant, leur activité ne se limite pas à ces domaines puisqu’on leur attribue aussi d’autres rôles notamment dans l’angiogenèse (Heidemann et al., 2003), et dans l’apoptose des cellules immunitaires (Landsman et al., 2009).
Classification et nomenclature
Les CK sont donc de petites molécules polypeptidiques de 70 à 130 AA soit de 8 à 14 kDa. Elles exercent leurs actions en se fixant sur un récepteur membranaire (RCK). On compte chez l’homme plus de 50 chimiokines différentes (Zlotnik and Yoshie, 2012).
Les chimiokines :
Le nom des CK n’était initialement soumis à aucune nomenclature ce qui a eu pour conséquence la description d’une même molécule sous différents noms. Par exemple une même molécule pouvait être nommée RANTES, D17C136E, SCYA5, SISd, TCP228 et est à présent référencée sous le nom unique CCL5.
En 2000, il a été décidé d’établir une nomenclature des membres de la famille des CK basée sur la présence et l’espacement des deux premiers résidus cystéines conservées en position Nterminale, (Zlotnik and Yoshie, 2000). Quatre sous-familles ont été ainsi été proposées (figure 1) :
• La sous-famille des CC CK pour lesquelles les deux cystéines sont adjacentes, composée de 28 membres.
• La sous-famille des CXC CK pour lesquelles les deux cystéines sont séparées par un acide aminé, composée de 17 membres.
• La sous-famille des C CK ne présente qu’une seule cystéine en N-Terminale. Cette sous-famille ne compte que deux membres : XCL1 (lymphotactine alpha) et XCL2 (lymphotactine beta).
• La sous-famille CX3C CK : pour laquelle les deux cystéines en N-terminale, sont séparées par 3 acides aminés. Il n’existe actuellement qu’un seul membre dans cette sous-famille : la fractalkine ou CX3CL1.
Les récepteurs de chimiokines :
Si les cellules productrices des CK sont multiples et diverses (cellules endothéliales, épithéliales, stromales, hématopoïétiques, neurales …), les cibles cellulaires sont plus restreintes et sont principalement des cellules issues de la lignée hématopoiétique. Les récepteurs sont exprimés à la surface de la plus part des leucocytes (Mantovani et al., 2004). Les RCK appartiennent à la super famille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires couplés aux protéines G. La classification des RCK est basée sur leur spécificité à se lier aux CK. Ainsi on distingue 10 CC récepteurs (CCRs) qui se lient aux CC CK, 7 CXC récepteurs (CXCRs), XCR1 qui reconnaît spécifiquement XCL1 et enfin CX3CR1 qui fixe CX3CL1 (figure 1). Des récepteurs capables de lier des CK de toutes les classes ont plus récemment été identifiés mais ceux-ci ne semblent pas déclencher de signaux classiques d’activation telle la libération de calcium (ou le flux calcique). Ainsi les récepteurs D6 et Duffy ne possèdent pas le motif DRY (Asp-Arg-Tyr), motif commun aux RCPG de classe A nécessaire au couplage de la protéine G. Non-couplés aux protéines G, ils ne sont pas pour autant silencieux comme initialement décrit. Il a été mis en évidence que ces récepteurs utilisent des voies de signalisation passant par les arrestines ou l’ubiquitine et Mdm2 (Rajagopal et al., 2010).
Les CK possèdent un peptide signal permettant leur transport et leur sécrétion dans le milieu extra cellulaire sous forme de molécules solubles. De façon intéressante, CX3CL1 et CXCL16 sont les seules CK connues à ce jour retrouvées sous les formes membranaires et solubles.
Classification fonctionnelle :
Les CK et leurs récepteurs peuvent également êtres classés selon certaines fonctions. En effet, 4 grandes fonctions ont été distinguées (figure 2) :
– Les CK dites inflammatoires sont inductibles et sont produites en cas d’inflammation ou d’infection, par le tissu lui-même (endothélium vasculaire, épithélium) ou par les leucocytes (macrophages, polynucléaires neutrophiles, lymphocytes T…) (Baggiolini, 1998; Mahalingam and Karupiah, 1999).
– Les CK dites homéostatiques sont impliquées dans le développement et la physiologie normale. Elles sont produites au niveau des organes lymphoïdes mais aussi de la peau et des muqueuses. Elles sont impliquées dans la circulation des cellules essentielles à l’hématopoïèse et la surveillance immunitaire.
– Les RCK atypiques, généralement «silencieux», agissent comme des régulateurs négatifs en réduisant le niveau de concentration locale des CK.
– Les CK « virales » peuvent être reconnues par des récepteurs viraux et permettent au pathogène de contrôler et de détourner la réponse immunitaire liée à l’infection. Par exemple dans ce but, le virus de l’herpès HHV8 produit 3 chimiokines virales de type CC (viral Macrophage Inflammatory Proteins) capables de se fixer sur un grand nombre de RCK (Murphy, 2001). Réciproquement, certains virus possèdent également des gènes codant des RCK (Rosenkilde et al., 2008; Vischer et al., 2006).
La diversité des CK et des RCK forme un réseau complexe de molécules capables de moduler finement les interactions cellulaires. Au sein d’une sous-famille, une CK peut se lier à différents récepteurs et un récepteur à plusieurs CK. Cette propriété porte le nom de « redondance ». Par exemple, les récepteurs CCR1 et CCR3 sont capables de reconnaitre chacun 8 ligands différents. À l’inverse, il existe également des récepteurs spécifiques capables de se lier à une seule CK ; c’est le cas des récepteurs CCR6, CCR9, CX3CR1, CXCR4 et CXCR6 ; ils sont dit monogames. Cette redondance peut expliquer que l’absence de gène codant pour des CK ou leurs récepteurs ne se traduisent pas nécessairement par des anomalies dans les modèles de délétion génétique. Cependant cette caractéristique n’est pas bien comprise. La sensibilité d’un RCK à ses différents ligands chimiokiniques est variable ; en outre, la nature et le niveau d’expression des chimiokines sont dépendants du tissu, ce qui implique une régulation plus fine et spécifique du recrutement leukocytaire. D’autre part, certaines CK peuvent avoir une activité agoniste sur un récepteur donné et antagoniste pour un autre (Loetscher and Clark-Lewis, 2001). Par exemple, CCL7 est agoniste pout les récepteurs CCR2 et CCR1 et antagoniste pour le CCR5. Ces notions complexifient le réseau fonctionnel des CK et leur apparente redondance. Les raisons avancées pour ce phénomène sont multiples mais une hypothèse est que le système des CK a dû évoluer pour lutter contre les récepteurs « leurre » développés par de nombreux pathogènes pour contrôler la réponse de l’hôte (Alcami, 2007).
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Table des matières
I CHIMIOKINES ET RECEPTEURS : PRINCIPAUX ACTEURS DU TRAFIC MONOCYTAIRE
1 LES CHIMIOKINES ET LEURS RECEPTEURS
1.1 Classification et nomenclature
1.2 Structure protéique
1.3 Reconnaissance ligand-récepteur et transduction du signal
1.4 Rôles physiologiques du réseau chimiokinique
1.5 Antagonistes
2 LA LIGNEE MONOCYTAIRE
2.1 Définition des sous-populations monocytaires
2.2 Origine des MO
2.3 Le devenir des monocytes : Les macrophages
2.3 Rôle des monocytes
II ATHEROSCLEROSE
1. GENERALITES
1.1 Définition et épidémiologie
1.2 Facteurs de risques et prédisposition
2. PATHOGENESE
2.1 Complications de l’athérosclérose
2.2 Modèles murins
3 MONOCYTES ET ATHEROSCLEROSE
4 ATHEROCLEROSE : INFLAMMATION ET CHIMIOKINES
III OBJECTIFS DU TRAVAIL DE THESE
IV ARTICLE
V RESUME DES RESULTATS OBTENUS
VI DISCUSSION
VII CONCLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
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