Chimie verte, biomasse et biotechnologies blanches
Généralités
Beaucoup de produits de la vie quotidienne sont fabriqués par les industries chimiques et pétrochimiques, c’est-à dire par synthèse chimique contrôlée. Une partie de ces produits est constituée de composés organiques, c’est-à-dire de molécules ayant au moins un atome de carbone et d’un ou plusieurs autres éléments (hydrogène, oxygène, soufre, silicium, phosphore et azote). Les oxydes de carbone et les carbonates et bicarbonates minéraux ne sont pas considérés comme des composés organiques. La plupart des réactifs utilisés sont actuellement issus du pétrole, c’est-à-dire d’une ressource fossile non-renouvelable.
Ces industries sont polluantes à cause des émissions élevées de gaz à effet de serre et de la production de déchets difficiles à éliminer. Différents accidents de ces dernières décennies ont contribué à donner au grand public une image négative de ces industries comme la fuite de gaz toxiques à Bhopal en Inde en 1984, l’explosion sur le site de l’usine AZF à Toulouse en 2001 et plus récemment, la marée noire provoquée par l’explosion d’une plateforme de forage dans le Golfe du Mexique en 2010.
Pour pallier ces problèmes environnementaux et de sécurité, différentes réglementations ont été mises en place comme la directive européenne SEVESO (portant le nom de la ville italienne où a eu lieu un rejet accidentel de dioxine en 1976), qui demande aux États de l’Union Européenne et aux entreprises de lister et de prévenir les risques associés aux activités industrielles dangereuses. De plus, la dépendance au pétrole est problématique car les pays importateurs comme la France dépendent des situations plus ou moins stables des pays exportateurs et de leurs décisions géopolitiques, mais aussi de la demande des pays développés et émergents. Les coûts de production en sont fortement impactés.
Bioalcools
Biométhanol, bioalcool issu du traitement chimique
Le biométhanol est fabriqué par voie chimique à partir de bioressources comme le maïs [4] et le bois [5] ou à partir de dérivés de bioressources comme le glycérol [6]. La technique utilisée est la gazéification, qui est composée de deux étapes. La première consiste à convertir la biomasse en un gaz de synthèse, en présence d’oxyde de calcium afin de piéger le dioxyde de carbone qui pourrait se former. Le gaz sortant, composé principalement de monoxyde de carbone (CO) et de dihydrogène (H2), est ensuite converti par catalyse en méthanol.
Si la ressource est du bois, ce procédé est très énergivore, par rapport à la fermentation de la même biomasse en bioéthanol. Mais le rendement de la synthèse de biométhanol est meilleur que celui de la fermentation en bioéthanol : à partir de la même quantité de bois, la quantité de méthanol obtenue est 1,75 fois plus importante que celle de l’éthanol. Il est à noter que la fermentation industrielle en bioéthanol requiert une pré-hydrolyse acide du bois. L’hydrolyse enzymatique du bois, procédé plus doux, est encore trop onéreuse à l’échelle industrielle à cause du coût des enzymes ; de plus, elle requiert un prétraitement spécifique en fonction de la biomasse utilisée.
Le méthanol produit peut être utilisé en tant que carburant ou mélangé à l’essence.
Bioalcools issus de la fermentation de la biomasse
À partir de sucres, en particulier à partir du glucose, plusieurs bioalcools peuvent être obtenus [7]. Le plus courant est l’éthanol. La conversion anaérobique est catalysée par une enzyme produite par une levure, par exemple Saccharomyces Cerevisiae qui est la plus couramment utilisée. La réaction est théoriquement C6H12O6 → 2 C2H5OH + 2 CO2. Le mélange obtenu après fermentation est appelé « vin » et l’éthanol est séparé des autres composants de ce vin grâce à deux étapes : la distillation permettant d’obtenir une pureté de 96% en masse, puis la déshydratation pour une pureté supérieure à 99,7% (éthanol anhydre).
Le bioéthanol est couramment utilisé en tant que biocarburant et pourrait l’être dans la production des esters éthyliques d’acide gras. Le résidu liquide de la distillation, appelé « vinasse », est valorisé en tant que fertilisant lorsque le sucre est issu de betteraves ou en tant qu’alimentation animale lorsque le sucre vient de l’amidon des céréales. Les pulpes de betteraves et les drèches des céréales (graines sèches sans amidon et sans alcool) servent à l’alimentation animale.
La bactérie Clostridium acetobutylicum permet d’obtenir industriellement un autre biocarburant, le butanol, avec l’éthanol et l’acétone comme coproduits. Le mélange peut couper l’essence ou le gazole. Les réactions théoriques sont :
Butanol C6H12O6 → C4H9OH + 2 CO2 + H2O
Acétone C6H12O6 → CH3-CO-CH3 +3 CO2 + 4 H2
Éthanol C6H12O6 → 2 C2H5OH+ 2 CO2
D’après la littérature, le propanol peut être aussi produit par voie fermentaire. Différentes bactéries génétiquement modifiées sont utilisées [8, 9]. Le mécanisme est complexe : dans une même bactérie, différentes étapes ont lieu et différents intermédiaires sont produits avec différentes enzymes.
Autres bioalcools
D’autres bioalcools peuvent être produits. On peut en outre en retrouver après la saponification des corps gras. On peut citer comme exemple le glycérol (Figure 3) qui peut être utilisé dans la composition de produits de santé, d’alimentation, de peinture et de textile. Il peut être converti par des microorganismes eucaryotes tels que des micro-algues et des levures en produits métaboliques à forte valeur ajoutée [10]. Comme il a été dit auparavant, le glycérol peut être gazéifié en dihydrogène et en monoxyde de carbone pour produire du méthanol.
Bio-hydrocarbures dont les terpènes
On peut produire des bio-hydrocarbures saturés ou insaturés (c’est-à-dire comportant une seule ou plusieurs fonctions alcènes). Les terpènes en font partie. Il s’agit d’une large famille de molécules de différentes masses molaires classées en fonction de leur nombre d’unités d’isoprène : monoterpène (C10), sesquiterpène (C15), diterpène (C20), … Des fonctions de substitution peuvent remplacer les atomes d’hydrogène.
Les terpènes sont des molécules très utilisées dans les industries pharmaceutique, cosmétique et agro-alimentaire. Par exemple, le squalène , présent en grande quantité dans le foie des requins (d’où son nom), est utilisé en tant qu’adjuvant vaccinal sous forme d’émulsions, en tant d’agent protecteur et préventif contre les tumeurs cancéreuses et en tant que moyen de transport des principes actifs par les voies intraveineuse, cutanée ou orale [11]. Le squalane, forme hydrogénée, peut être utilisé dans les émulsions car il est plus stable que le squalène qui est sensible à l’oxydation comme tout terpène .
Les monoterpènes pourraient être utilisés dans l’industrie chimique pour fabriquer des molécules plus complexes telles que des terpènes plus longs et des polymères [13]. Ils pourraient être obtenus de leur source correspondante (par exemple, le limonène à partir du citron), mais cette technique n’est pas encore rentable, à cause des faibles rendements et des coûts d’extraction élevés. Industriellement, ils sont obtenus à partir de turpentine, mélange de terpènes volatils (dont le pinène, le limonène et le myrcène ). La turpentine s’obtient sous forme de gomme extraite d’arbres vivants (en particulier des conifères comme les pins) et sous forme de sulfate de turpentine coproduite à partir de copeaux de bois mort traités par le procédé Kraft pour la fabrication du papier.
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Table des matières
INTRODUCTION
A. MEMOIRE BIBLIOGRAPHIQUE
A.I. Chimie verte, biomasse et biotechnologies blanches
A.I.1. Généralités
A.I.2. Bioalcools
A.I.2.a. Biométhanol, bioalcool issu du traitement chimique
A.I.2.b. Bioalcools issus de la fermentation de la biomasse
A.I.2.c. Autres bioalcools
A.I.3. Bio-hydrocarbures dont les terpènes
A.I.4. Acides organiques
A.I.4.a. Acides gras, coproduits et dérivés
A.I.4.b. Autres acides carboxyliques
A.I.4.c. Polyphénols
A.I.4.d. Acides aminés
A.I.5. Bilan
A.II. L’extraction liquide-liquide
A.II.1. Principe
A.II.2. Les extractants
A.II.2.a. Extraction par échange cationique
A.II.2.b. Extraction par échange anionique
A.II.2.c. Extraction par solvatation
A.II.3. Le diluant
A.II.4. Les modificateurs
A.II.5. Application aux phénols et acides carboxyliques
A.II.5.a. Utilisation des extractants basiques
A.II.5.b. Utilisation des extractants solvatants
A.II.5.c. Utilisation des extractants cationiques
A.II.6. Écoconception du procédé d’extraction liquide-liquide
A.III. L’extraction par émulsion
A.III.1. Les émulsions
A.III.1.a. Généralités
A.III.1.b. Tensioactifs et balance hydrophile-lipophile
A.III.1.c. La déviation hydrophile-lipophile
A.III.2. Le procédé
A.III.3. Mécanismes de l’étape d’extraction-désextraction
A.III.3.a. Perméation simple
A.III.3.b. Perméation simple associée à une réaction chimique
A.III.3.c. Diffusion facilitée
A.III.3.d. Transport réactif
A.III.3.e. Co-transport
A.III.3.f. Contre-transport
A.III.4. Extraction par émulsion des acides organiques
A.III.4.a. Extraction sans extractant
A.III.4.b. Extraction avec extractant
A.III.5. Optimisation de l’extraction par émulsion par les plans d’expériences
A.IV. Perspectives
B. MISE AU POINT DE L’ANALYSE DE L’ACIDE GALLIQUE
B.I. Analyse des solutions aqueuses synthétiques d’acide gallique
B.I.1. Protocole choisi
B.I.2. Calibration de solutions synthétiques d’acide gallique
B.II. Analyse de l’acide gallique en présence d’additifs
B.II.1. L’acide gallique dans une solution de chlorure de sodium
B.II.2. L’acide gallique en milieu acide
B.II.3. L’acide gallique dans la soude
B.II.4. L’acide gallique dans un milieu phosphate
B.II.4.a. Stabilité de l’acide gallique dans un milieu phosphate
B.II.4.b. Influence de la concentration de Na2HPO4
B.II.4.c. Influence du pH
B.II.5. Quel blanc choisir ?
B.III. Bilan
C. EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE DE L’ACIDE GALLIQUE
C.I. Choix du couple extractant/désextractant
C.I.1. Conditions expérimentales
C.I.2. Extraction Liquide-liquide sans extractant
C.I.3. Extraction selon une réaction acido-basique
C.I.4. Extraction par solvatation
C.I.5. Dissolution directe de l’acide gallique dans TBP-dodécane
C.I.5.a. Etude cinétique
C.I.5.b. Etude du mécanisme
C.I.6. Bilan de ce choix
C.II. Etude de l’étape d’extraction
C.II.1. Influence du pHEQ
C.II.1.a. Conditions expérimentales
C.II.1.b. Résultats
C.II.1.c. Analyse des résultats
C.II.2. Influence de la concentration de TBP
C.II.2.a. Conditions expérimentales
C.II.2.b. Résultats
C.II.2.c. Analyse des résultats
C.II.3. Influence de la concentration initiale d’acide gallique
C.II.3.a. Conditions expérimentales
C.II.3.b. Résultats
C.II.3.c. Analyse des résultats
C.III. Etude de l’étape de la désextraction
C.III.1. Influence de la concentration de désextractant
C.III.1.a. Conditions expérimentales
C.III.1.b. Résultats
C.III.2. Influence du rapport de volume VORG /VD
C.III.2.a. Conditions expérimentales
C.III.2.b. Résultats
C.IV. Stabilité et recyclage de la phase organique
C.IV.1. Conditions expérimentales
C.IV.2. Résultats
C.V. Bilan
D. EXTRACTION PAR EMULSION DE L’ACIDE GALLIQUE
CONCLUSION