Exemples de découverte de molécules naturelles actives
Les civilisations anciennes ont utilisé diverses parties de plantes et d’animaux afin d’en évaluer les effets. Des sources d’effets thérapeutiques et cosmétiques ont été remarquées et ont ainsi été transmises, souvent oralement, de génération en génération dans des pratiques comme la médecine traditionnelle chinoise, l’ayurvédique, etc.
Origine animale
Il y a au moins 5000 ans, en Asie et en Afrique, une substance toxique : la cantharidine qui était utilisée comme aphrodisiaque ou pour soigner l’angine de poitrine , était extraite de la mouche espagnole. Le lucane produisait un diurétique qui soignait la goutte, les rhumatismes, l’otite ou les convulsions . On retrouve également le miel, dont on commence seulement à percevoir l’étendue des applications en médecine comme cicatrisant, antiseptique et antibactérien. Enfin, en Amérique latine, les femmes déposaient les escargots sur leur peau afin de profiter de leurs vertus adoucissantes et réparatrices ; le mucus d’escargot est aujourd’hui intégré dans la composition de certains produits cosmétiques.
Origine végétale
Les plantes ont aussi été largement utilisées pour leurs propriétés biologiques, un grand nombre de leurs molécules a été utilisé pour diverses applications thérapeutiques ou cosmétiques. On retrouve par exemple, le curare, une substance extraite de certaines lianes d’Amazonie, qui était utilisé par les Amérindiens pour enduire les flèches de chasse afin de provoquer une paralysie des muscles de la proie . Ou encore, l’extrait de belladone qui était instillé dans les yeux des Italiennes élégantes afin de les faire briller, en augmentant la pression oculaire et en dilatant la pupille sous l’action de l’atropine, et ainsi accroitre leur attirance. Aujourd’hui, ce principe actif est utilisé par les ophtalmologues pour dilater les pupilles lors d’un fond d’œil .
La compréhension et l’identification des composés responsables des propriétés biologiques diverses et variées des organismes vivants, observées et utilisées par nos ancêtres, est rendue possible grâce à la chimie des produits naturels. En effet, l’étude chimique avec des outils modernes de différents extraits a conduit à l’identification structurale de leurs principes actifs, à la démonstration de leur activité biologique et à la mise au point de nouveaux produits cosmétiques et thérapeutiques .
Chimie des produits naturels
Le concept de la chimie moderne des produits naturels remonte au XVIIIe siècle. Elle était considérée comme la chimie des substances qui composent les plantes et les animaux, dont les principes avaient été établis en 1789 par le français Antoine Lavoisier. Elle a permis audelà de l’utilisation des extraits, l’évolution des recherches vers la détermination des composés chimiques actifs issus des plantes. Néanmoins, l’intérêt de la chimie des produits naturels a connu un véritable déclin en raison d’un manque d’outils analytiques adaptés, de programmes universitaires et industriels dédiés, ainsi que la faiblesse des ressources financières de la recherche et du développement de nouvelles découvertes .
Au XIXe siècle, un regain d’intérêt a eu lieu pour les produits naturels en raison de leur impact sur divers domaines de la science, des progrès techniques et de l’activité économique. La compréhension des produits naturels et de leur chimie conduit au développement des approches de purification, d’analyse, de détermination de structure et de fonction, de dynamique chimique et métabolique interrelationnelle. Ainsi une meilleure compréhension des produits plus complexes et de leurs implications dans des utilisations analytiques, de bioingénierie et médicales a été atteinte.
Métabolites secondaires ou spécialisés végétaux
À ce jour, plus de 250 000 métabolites secondaires ont été répertoriés dans le dictionnaire des produits naturels . Ils sont élaborés à partir des métabolites primaires par des voies métaboliques génétiquement contrôlées, et leur production dépend de nombreux facteurs extrinsèques et intrinsèques. Les métabolites secondaires végétaux sont classés selon leur biogénèse ou biosynthèse ; on retrouve trois grands groupes chez les plantes : les composés phénoliques, les composés azotés et les composés terpéniques. L’ensemble des métabolites primaires et de ces grandes classes de métabolites secondaires représente le métabolome de la plante .
Composés phénoliques
Ce sont les métabolites secondaires les plus largement distribués, ils sont omniprésents dans le règne végétal, même si le type de composés présents varie selon l’espèce considérée . C’est un groupe qui est difficile à définir, ces composés contiennent au moins un noyau benzénique porteur d’un groupement hydroxyle libre ou engagé dans une autre liaison (éther, ester, hétéroside, etc.). Ce groupe comprend des familles provenant de deux voies biogénétiques d’aromagénèse : les phénols simples, coumarines, lignanes, stilbènes, chalcones, flavonoïdes, xanthones et tanins provenant de l’acide shikimique ainsi que les quinones et orcinols provenant de la voie de l’acétate .
Les composés phénoliques sont considérés comme jouant un rôle clé en tant que composés de défense lorsque des stress environnementaux, tels que la lumière intense, les basses températures, l’infection par des agents pathogènes, les herbivores et la carence en nutriments, peuvent entraîner une production accrue de radicaux libres et d’autres espèces oxydatives dans les plantes. Ils sont principalement utilisés pour leurs effets bénéfiques sur la santé comme antioxydants, et peuvent être ajoutés comme additifs dans les produits des industries agroalimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques. Il existe notamment certains produits médicinaux à base de plantes où les principes actifs peuvent être présents sous forme de promédicaments et agir en synergie . Par exemple, les polyphénols ont donné naissance à des médicaments intéressants et la FDA (Food and Drug Administration) américaine a approuvé un extrait de polyphénols de thé vert enrichi (Mitsui Norin, Polyphenon E) en tant que pommade pour le traitement des verrues génitales . On retrouve également le resvératrol, un stilbène extrait de la vigne et utilisé dans des produits cosmétiques pour lutter contre le vieillissement cellulaire (Caudalie, Resvératrol-lift).
Composés azotés
Ce groupe comprend les alcaloïdes, les betalaïne, les hétérosides cyanogènes et les glucosinolates. Néanmoins, les alcaloïdes, principaux composants de ce groupe, sont des substances azotées, basiques et hétérocycliques .
Selon l’acide aminé et métabolite primaire précurseur, on retrouve dans la famille des alcaloïdes des dérivés de l’ornithine, de la lysine, de l’acide nicotinique, de la phénylalanine, de la tyrosine, du tryptophane, de l’histidine, etc. Cette famille contient d’importants métabolites secondaires avec des propriétés pharmacologiques d’intérêt thérapeutique, il en existe environ 12 000 qui seraient répertoriés à ce jour. Parmi les exemples les plus remarquables des produits naturels végétaux présents dans la pharmacopée actuelle et dans la liste des médicaments essentiels de l’organisation mondiale de la santé, figurent les vinca alcaloïdes (vincristine, vinblastine) isolés de la pervenche de Madagascar catharanthus roseus.
Composés terpéniques
C’est le groupe le plus vaste des métabolites secondaires. Les composés sont formés par assemblage d’un nombre entier d’unités d’isoprène. On retrouve dans cette classe les monoterpènes C10 (2 unités), les sesquiterpènes C15 (3 unités), les diterpènes C20 (4 unités), les triterpènes C30 (6 unités) dont les saponines, les stéroïdes C27 (6 unités – 3C) et les tétraterpènes C40 (8 unités) . Les terpènes volatils sont souvent responsables de l’odeur des végétaux et sont extraits sous forme d’huiles essentielles pour la parfumerie. Certains terpènes ont des rôles biologiques importants (hormones, vitamines). Parmi les molécules bioactives appartenant à cette famille, on retrouve l’artémisinine, une lactone sesquiterpénique contenant un peroxyde. Isolé d’Artemisia annua, ce composé est devenu un médicament de référence pour le traitement du paludisme.
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Table des matières
Chapitre 1 – Introduction Générale
I. Produits Naturels
A. Présentation des produits naturels
B. Exemples de découverte de molécules naturelles actives
C. Chimie des produits naturels
D. Métabolites secondaires ou spécialisés végétaux
1) Composés phénoliques
2) Composés azotés
3) Composés terpéniques
II. Profilage des Métabolites et Métabolomique
A. Définitions
1) Profilage des métabolites
2) Métabolomique
B. Techniques analytiques
1) Chromatographie en Phase-Liquide
2) Spectrométrie de masse
3) Couplage UHPLC-QTOF-HRMS
III. Déréplication et annotation des métabolites
A. Définition et principe
B. Histoire
C. Avancées de la déréplication
D. Annotation des métabolites
1) Élucidation de structure de novo
2) Déréplication basée sur les bases de données
IV. Réseaux Moléculaires
A. Définition et principe
B. Génération des réseaux moléculaires et visualisation
1) Génération des données spectrales
2) Prétraitement et transfert des données MS
3) Génération des réseaux moléculaires
4) Visualisation des réseaux moléculaires
C. Interprétation des réseaux moléculaires
D. Quelques avancées offertes par les réseaux moléculaires
V. Objectifs de la Thèse
Chapitre 2 – Développement et optimisation des réseaux moléculaires afin d’étudier la production des lignanes dans les cals cellulaires de Linum usitatissimum L.
I. Introduction
II. Cals cellulaires de Linum usitatissimum L.
A. Préparation d’échantillons
1) Mise en place des cals cellulaires
2) Extraction
B. Analyses UHPLC-MS/HRMS
III. Principaux paramètres influençant les réseaux moléculaires
A. Nombre de précurseurs
B. Énergies de collision
C. Fichiers de transfert des données spectrales
D. Nombre minimum de correspondances des spectres MS/MS
E. Scores cosine
IV. Réseaux moléculaires de Linum usitatissimum
V. Comparaison de production de lignanes
VI. Conclusion
Chapitre 3 – Approche métabolomique et réseau moléculaire pour le criblage et la caractérisation de biomarqueurs
I. Introduction
II. Métabolomique Non-Ciblée
A. Préparation des échantillons
B. Acquisition des données
C. Prétraitement des données
D. Analyses Statistiques
1) Analyses univariées
2) Analyses multivariées
E. Annotation des biomarqueurs
F. Interprétation biologique
III. Criblage et identification de biomarqueurs
A. Préparation des échantillons
1) Culture en mésocosme
2) Extraction
B. Acquisition des données
C. Prétraitement des données
D. Analyses statistiques
E. Caractérisation des composés
1) Réseau moléculaire des extraits bruts
2) Caractérisation basée sur l’élucidation de novo
IV. Conclusion
Chapitre 4 – Combinaison de réseaux moléculaires et fractionnement CPC pour cibler des molécules d’intérêt cosmétique
I. Introduction
II. Développement méthodologique
A. Les plantes
1) Artemisia annua L.
2) Eclipta alba L.
B. Préparation des échantillons
1) Culture de la matière végétale
2) Extraction
C. Fractionnement par Chromatographie de Partage Centrifuge (CPC)
D. Évaluation des activités biologiques
1) Activité antioxydante
2) Activité anti-enzymatique
3) Activité cellulaire
E. Étude phytochimique et élucidation structurale
1) Réseaux moléculaires de l’extrait brut
2) Identification des composés bioactifs
III. Criblage et identification des molécules bioactives
A. Artemisia annua L.
1) Réseau moléculaire de l’extrait brut
2) Activité antioxydante
3) Identification des molécules bioactives
4) Viabilité cellulaire
B. Eclipta alba L.
1) Réseau moléculaire de l’extrait brut
2) Activités biologiques
3) Identification des molécules bioactives
4) Viabilité cellulaire
IV. Conclusion
Chapitre 5 – Conclusion Générale
Perspectives
Annexes
Références bibliographiques