SYSTEMES D’ELEVAGE DE CAPRINS EN AFRIQUE DE L’OUEST
Zones agro-écologiques en Afrique de l’ouest
Dans les régions intertropicales, les zones agroécologiques sont définies par la longueur de la période de croissance des végétaux (Sére et al., 1996). On distingue les zones arides caractérisées par une durée de croissance de moins de 75 j, les zones semi-arides, subhumides et humides où elle est, respectivement, de 75–180 j, de 180–270 j et de plus de 270 j. En termes de pluviométrie, la correspondance est de moins de 600 m de pluie par an (zone aride avec une sous-zone hyperaride de moins de 200 mm), 600-1000 mm/an (zone semi-aride), 1000-1500 mm/an (zone semi-humide) et plus de 1500 mm (zone humide). Par rapport au reste du continent, l’Afrique de l’ouest se particularise par la diversité de ses écosystèmes (figure 5) qui s’observe des zones côtières humides aux zones septentrionales sèches et arides du Sahel et du désert (Blein et al., 2008). Avec une superficie de 6 140 178 km², elle comprend 54,3% de zones arides, 19,8% de zones semi-arides, 15,9% de zones subhumides, 9,6% de zones humides et 0,4% des hautes terres (Otte et Chilonda, 2002). Selon Ly et al. (2010) le Sahel (de l’arabe « frontière ») est une bande sèche comprise entre 75 et 150 j de croissance des végétaux séparant le Sahara au nord des zones agricoles plus fertiles au sud.
Les zones agroécologiques sont les éléments structurants des systèmes d’élevage en termes de répartition des espèces et des races, de capacité de charge, de pressions sanitaires et de productivité individuelle (Otte et Chilonda, 2002). Ainsi, le peuplement de l’Afrique del’ouest par les ruminants se fait suivant un gradient nord-sud avec une forte présence animale en zone aride (38,2% des chèvres, 33,7% des moutons, 20,7% des bovins) et une présence moins importante en zone humide (9,4% des chèvres, 8,3% des moutons et 6,1% des bovins).
Le profil des productions végétales épouse le gradient inverse en passant des zoneshyperarides où l’élevage reste pratiquement le seul moyen de valorisation des terres (Jahnke,1982) aux zones humides où on assiste à une certaine intégration de l’élevage à l’agriculture.
Différents systèmes d’élevage de caprins
Il existe dans la littérature une multitude de définitions des systèmes d’élevage. Selon Pacaud et Cornu (2007), la plus connue et la plus complète est celle énoncée par Lhoste (1984) et complétée par Landais. D’après ces auteurs, le système d’élevage est un ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue de valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des productions variées ou pour répondre à d’autres objectifs (Landais, 1987, Landais et Bonnemaire, 1996). Les nombreuses classifications qui en ont été proposées (Wilson, 1988, Wint et al., 1999, Dixon et al., 2001, Manyong, 2002, Thornton et al., 2002, Kruska et al., 2003, Fernández-Rivera et al., 2004) vont de deux classes (Jahnke, 1982) à 15 (Fernández-Rivera et al., 2004). Nous retiendrons pour notre part, la classification établie par Wilson (1988) selon laquelle les systèmes d’élevage des petits ruminants peuvent être regroupés en systèmes moderne (avec des besoins en capitaux élevés) et traditionnels (reposant essentiellement sur la terre et la main d’œuvre).
Ces derniers peuvent, à leur tour, être déclinés en systèmes pastoraux, agropastoraux et sédentaires (tableau II).
Systèmes traditionnels
Système pastoral
Dans le système pastoral, plus de 50% des revenus totaux (y compris les non-monétaires comme les échanges de fumure) ou plus de 20% de l’énergie alimentaire du ménage proviennent directement des animaux (Wilson, 1988). Les élevages de ce type couvrent 25,1% de la superficie de la sous-région et concernent 24,8 millions de petits ruminants (Ly et al., 2010). Dans ces systèmes caractéristiques des zones arides et semi-arides, les caprins sont en général élevés en troupeau bispécifique (ovin-caprin) (IEMVT, 1980). Cette association d’ovins et de caprins participerait d’une stratégie d’optimisation de la gestion des ressources fourragères en permettant d’exploiter la complémentarité du caractère cueilleur des chèvres et brouteur des ovins (Degen, 2007). Les animaux d’une même concession familiale sont regroupés en troupeaux de grande taille et sont conduits tous les matins au pâturage par des enfants ou de jeunes hommes (Tourrand et Landais, 1996, Ba Diao et al., 1996). Vers la fin de la saison sèche, avec la disparition du couvert herbacé, les éleveurs pratiquent une complémentation à base de feuillages provenant d’arbustes et d’arbres émondés, de goussesd’acacia et de paille de brousse. Toutefois, du fait du grand nombre d’animaux et de la croyance selon laquelle les caprins sont moins sensibles au déficit alimentaire que les ovins, le niveau de complémentation des caprins est faible. L’abreuvement des animaux dépend des sources d’eau temporaires et permanentes (mares, puits et forages) et constitue un sérieux problème pendant la saison sèche. L’habitat, présent dans 82% des concessions (Missohou et al., 2000), est un enclos d’épineux où le troupeau passe la nuit (Wilson, 1986, Missohou et al., 2000). Il sert également à garder dans la journée les jeunes sujets non sevrés au moment où les autres animaux sont au pâturage. La traite est l’œuvre des femmes et est pratiquée une foispar jour, le matin avant le départ au pâturage (Ba Diao et al., 1996, Tourrand et Landais,1996), surtout pendant les périodes où la production des bovins ne couvre plus les besoins familiaux.
Système agro-pastoral
Dans le système agropastoral ou mixte, 10-50% des revenus totaux des ménages proviennent des animaux ou de leurs produits. On le rencontre dans les zones agro-écologiques semi- arides et subhumides. Les troupeaux de concession sont également souvent bispécifiques mais de petite taille. Pendant la saison sèche (novembre à mai-juin), ils divaguent librement sur l’ensemble du finage et exploitent parcours naturels et résidus de culture (Jaitner et al., 2001).
Une complémentation à base de fanes de légumineuses, de paille de céréales, d’épluchures de tubercules, de restes de cuisine et de graine de coton est possible mais les quantités distribuées aux caprins sont faibles (Moulin et al., 1994, Akpa et al., 2002, de Almeida et Cardoso, 2008b). Pendant l’hivernage, pour éviter les dégâts aux cultures, ils sont soit gardés au piquetsur les parcours naturels, les jachères et au bord des routes, soit confiés à un berger collectif (Moulin et al., 1994, Jaitner et al., 2001, de Almeida et Cardoso, 2008b). La mise au piquet le matin et l’abreuvement deux à trois fois par jour sont à la charge des femmes. Les animaux passent la nuit dans des bergeries sur pilotis, dans un enclos ou sous un toit (Missohou et al., 2000, Jaitner et al., 2001, de Almeida et Cardoso, 2008a). Aucun effort d’administration des soins vétérinaires (Mathewman, 1980, Jaitner et al., 2001, Ly et al., 2010) et de gestion de la reproduction n’est observé (Mathewman, 1980, Moulin et al., 1994, Waelti et al., 2003). La traite de la chèvre naine, l’une des principales races exploitées dans ce système d’élevage est peu ou pas pratiquée (Missohou et al., 2000, de Almeida et Cardoso, 2008b).
Système sédentaire
Dans le système sédentaire dominé par les productions végétales vivrières ou de rente, la contribution des animaux aux revenus des ménages est faible (moins de 10%). Il est pratiqué dans les zones agroécologiques de type humide et se caractérise par un élevage en totale divagation. Bien que les sous-produits (son de maïs, de riz, épluchures d’igname, de manioc ou de bananes plantains) soient plus disponibles que dans les systèmes agro-pastoraux, ils ne font pas l’objet d’une distribution raisonnée de la part des propriétaires d’animaux. Ces derniers y ont accès dans les dépôts d’ordures placés autour du village (IEMVT, 1980).
Malgré une pluviométrie plus abondante, les animaux ainsi laissés à eux-mêmes sont confrontés à des problèmes d’abreuvement dès l’assèchement des marigots alentour (IEMVT,1980).
Systèmes d’élevage périurbain
En Afrique de l’ouest, ils constituent la principale composante des systèmes modernes à côté des élevages caprins en station, dans les centres de recherche et dans les universités. Ils se développent en villes ou à leur périphérie ; ils ont pris de l’essor au cours des 25 dernières années au vu de l’urbanisation croissante et d’une demande en produits d’origine animale que des circuits de commercialisation pastoraux plus lointains ne permettent pas toujours d’approvisionner (OCDE, 2008). Pour certains ménages, les élevages urbains et périurbains participent d’une stratégie de survie face à une paupérisation et à une dégradation de la sécurité alimentaire sans cesse croissantes (Mougeot, 1994).
Les systèmes urbains et périurbains sont mieux structurés que les autres. En effet, une proportion importante des ménages (jusqu’à 44,6% au Niger) ont aménagé un abri pour leurs animaux (Ali et al., 2003). La divagation des chèvres sur des parcours communaux est possible, surtout en zone périurbaine (Ali et al., 2003, Ajala et al., 2008), mais la stabulation permanente toute l’année a été observée en milieu urbain (Ali et al., 2003). Jusqu’à 100% des éleveurs complémentent leurs animaux à Bobo Dioulasso (Amadou et al., 2012), une complémentation à base d’herbe fauchée et distribuée à l’étable, de déchets ménagers, de résidus de culture et de sous-produits agro-industriels (épluchure de manioc, d’igname, sons, fanes d’arachide, graines de coton, voire des céréales comme le maïs et le mil, et sel de cuisine) (Ali et al., 2003, Ajala et al., 2008, Baah et al., 2012). L’accès aux produits vétérinaires est plus fréquent surtout en ce qui concerne la vaccination contre la PPR (Amadou et al., 2012) mais au Togo, même dans les élevages encadrés, le taux de déparasitage n’est que de 21% (Bastiaensen et al., 2003). Les déjections sont valorisées sous forme d’engrais ou mises à la décharge publique (Ali et al., 2003, Amadou et al., 2012). Le développement des élevages urbains et périurbains pourrait donc s’accompagner de problèmes de santé publique voire environnementaux.
PRODUCTIVITE EN ELEVAGE DES CAPRINS EN AFRIQUE DE L’OUEST
Paramètres de reproduction
Cycle et précocité sexuels
La chèvre est une espèce d’une grande précocité sexuelle puisqu’en station les premières chaleurs ont été observées à 4 mois d’âge (CIPEA, 1983). Le cycle sexuel dure 21-23,9 j (Jarosz et al., 1970, Ngere et Mbap, 1982, Baril et al., 1993) et est centré sur les chaleurs dont la durée varie de 17 à 24 h (IEMVT, 1980, CIPEA, 1983). Le tableau III donne différents paramètres de reproduction rapportés chez les caprins en Afrique de l’ouest. L’âge à la première mise bas est en moyenne de 15,3 mois et varie de 12,1 à 18,5 mois. Toutefois, selon Robinet (1967), chez la chèvre rousse de Maradi, 31% des premières mises bas surviennent avant l’âge de 10 mois contre 25% entre 10 et 11 mois, 37% entre 11 et 12 mois et 7% audelà de 12 mois. Concernant les facteurs de variation de l’âge à la première mise bas, Clément et al. (1997) ont montré que la chèvre naine est plus précoce que la chèvre du Sahel, les produits de croisements entre les deux types génétiques ayant une précocité sexuelle intermédiaire. En l’absence de gestion de la reproduction, la survenue des conceptions dès la puberté (Mathewman, 1980, Upton, 1985, Wilson et Light, 1986) expliquerait les mises bas précoces. Ces dernières seraient inefficaces car associées, tout au moins chez les ovins (CIPEA, 1983) et probablement chez les caprins, à une faible (11%) viabilité des produits. La précocité sexuelle est aussi influencée par les facteurs alimentaires. Ils déterminent la vitesse de croissance et, par conséquent, l’âge à la puberté qui ne survient chez la chèvre qu’à 40-60% du poids adulte (Baril et al., 1993). Par ailleurs, dans les climats sahéliens en particulier, les femelles qui atteignent la puberté pendant la saison sèche chaude (période de soudure caractérisée par un déficit alimentaire marqué) ne peuvent concevoir qu’au cours de l’hivernage ou de la saison sèche froide suivants et voient ainsi leur âge à la première mise bas s’allonger (Clément et al., 1997).
Intervalle entre mise bas des caprins
L’intervalle entre mises bas est en moyenne de 295,8 j et présente de fortes variations en fonction des situations étudiées avec un minimum de 228 j (Oppong et Yebuah, 1981) et un maximum de 410,4 j (Marichatou et al., 2002). Après la mise bas, la réapparition des chaleurs survient entre 15 et 37 j (IEMVT, 1980, Ngere et Mbap, 1982) jusqu’à un maximum de 66 j (Robinet, 1967) ; la gestation quant à elle dure de 143 j chez la chèvre naine à 153 j chez la chèvre rousse de Maradi (IEMVT, 1980). Les intervalles entre mise bas courts pourraient s’expliquer par un avortement ou une mortalité du chevreau dans les 15 j postpartum (IEMVT, 1980, Oppong et Yebuah, 1981) suivi de retour précoce en chaleurs. Le mode de gestion de la reproduction (libre ou contrôlé) constitue également un facteur de variation de l’intervalle entre mises bas (Odubote, 1996, Waelti, et al., 2003). Mais l’influence des facteurs alimentaires est prépondérante. Ainsi, dans les zones agroécologiques humides d’Afrique de l’ouest caractérisées par une pluviométrie abondante, la reproduction est possible toute l’année (Dumas, 1980, IEMVT, 1980, Mathewman, 1980, Ngere et Mbap, 1982, CIPEA, 1983), avec de légers pics de naissance entre août et septembre (Sumberg et Macl, 1985). Selon Oppong et Yebuah (1981), 2 mises bas/an sont même possibles chez 65% des femelles. A l’opposé, dans les zones arides où sont élevées les races sahéliennes, l’anoestrus saisonnier est plus marqué. Les conceptions ont principalement lieu en fin de saison de pluie et pendant la saison sèche froide avec des pics de mise bas en octobrenovembre et en février-mars (Haumesser, 1975, Wilson, 1986, Youssouf et al., 2014) (figure 6).
Prolificité des caprins
Chez les caprins d’Afrique de l’ouest, la taille moyenne de la portée est de 1,46 chevreau (tableau III). Elle est très influencée par les facteurs génétiques. En effet, de nettes différences existent entre la race naine, chez laquelle elle est en moyenne de 1,63 (et peut atteindre 1,85) contre 1,29 chez les autres races. Chez la première, les naissances doubles représentent au moins 50% des mise bas, les triplets et quadruplets n’étant pas rares (Otchere et Nimo, 1976, Odubote, 1996, Turkson et al., 2004). De façon générale, la prolificité est influencée par l’âge de la mère ; au Sénégal, les naissances multiples augmentent de 13% chez les femelles qui mettent bas à moins de 10 mois d’âge à 16% chez celles dont l’âge est compris entre 18-22 mois (Clément et al., 1997). Elle augmente également avec la parité (IEMVT, 1980, Haumesser, 1975, Ikwuegbu et al., 1996) jusqu’à la 6-7 ème mise bas (Wilson et Light, 1986,
Odubote, 1996), soit par amélioration de l’efficacité de la reproduction ou par élimination des animaux non prolifiques (Odubote, 1996). La prolificité est également influencée par la saison de mise bas. Les mises bas de saison sèche chaude ont des portées plus nombreuses (Wilson et Light, 1986, Clément et al., 1997) car elles correspondent à des fécondations de fin d’hivernage ou début de saison sèche, période pendant laquelle les ressources alimentaires sont en quantité importante et de bonne qualité (Clément et al., 1997). L’insémination artificielle pourrait également être un autre facteur de variation de ce paramètre. Chez la chèvre du Sahel soumise à cette biotechnologie, il a été obtenu 36% de naissances simples, 58% de naissances doubles et 6% de naissances triples (Djakba, 2007).
Mortalité et avortement des caprins
La mortalité pré-sevrage est élevée chez les chevreaux et peut atteindre 65,6% alors que la mortalité post-sevrage, moins documentée, varie de 5% (chèvre du Sahel) à 23,1% (chèvre naine) (tableau IV). Elle présente cependant une forte variation (7 à 65,6%) en relation avec les nombreux facteurs qui influencent ce paramètre. La mortalité pré-sevrage est influencée par l’âge à la première mise bas de la femelle, les chevreaux issus de mères trop jeunes étant moins viables (CIPEA, 1983). Le type de naissance intervient également. La viabilité des chevreaux nés simples est nettement supérieure à celle des nés multiples, en particulier des triplets et des quadruplets (Tuah et al., 1990, Turkson et al., 2004). Selon Turkson et al. (2004), l’augmentation de la mortalité avec la taille de la portée est à relier au moindre poids à la naissance qui accompagne l’amélioration de la prolificité. En dessous d’un certain poids à la naissance, la viabilité des chevreaux est fortement compromise (Lancelot et al., 1995, Turkson et al., 2004). La saison de mise bas semble intervenir à deux niveaux. Au plan alimentaire, les chevreaux nés pendant la saison sèche froide sont moins viables (Wilson et Light, 1986, Mourad et Baldé, 1997) sans doute du fait du déclin de l’état nutritionnel des mères et de la baisse de la production de lait (Wilson et Light, 1986). Au plan sanitaire, ce sont les saisons des pluies et sèches froides qui sont les plus défavorables aux chevreaux (Mourad et Baldé, 1997, Dhollander et al., 2005, de Almeida et Cardoso, 2008b). Cet effet de la saison sur la survie des chevreaux pourrait être dû au développement des endoparasites, surtout chez les chevreaux mis au pâturage après sevrage pendant l’hivernage (Turkson et al., 2004).
De façon générale, les pathologies constituent les principales causes de mortalité chez les caprins d’Afrique de l’ouest (Ba Diao et al., 1996, Baah et al., 2012) ; les plus incriminées étant les pneumopathies (PPR essentiellement, pasteurellose) (Lancelot et al, 1995, Tillard et al., 1997, de Almeida et Cardoso, 2008b). Au Tchad, la prévalence sérologique de la PPR, à laquelle les caprins sont plus sensibles que les ovins, a été de 50-80% chez les animaux adultes (Lancelot et al., 1995). Les coccidioses et surtout les nématodoses (Turkson et al., 2004, Dhollander et al., 2005, Baah et al., 2012) sont également des causes importantes de mortalité des chèvres. Au Togo, 100% des animaux sont infestés avec une augmentation de l’intensité de l’infestation à partir du début de l’hivernage (Bonfoh et al., 1995). Cette prolifération des nématodes pendant les saisons de pluies est facilitée par des températures ambiantes et une hygrométrie élevées. La forte sensibilité des caprins à ces parasites est à mettre en relation avec leur faible capacité à développer une réaction immunitaire efficace contre eux (Hoste et Chartier, 1998). Les autres causes de mortalité des caprins sont la promiscuité dans l’habitat et l’inanition des chevreaux (Osuagwuh et Inwang, 1987, Lancelot et al., 1995, Mourad et Baldé, 1997) du fait de la compétition entre ces derniers et l’éleveurpour le lait (Lancelot et al., 1995). Les données bibliographiques sur l’avortement sont peunombreuses et situent ce paramètre autour de 8-12,6%.
Caractérisation et conservation des ressources génétiques animales : cas des caprins d’afrique de l’ouest
RESUME
L’espèce caprine a été introduite en Afrique au 5 ième milliaire avant JC à partir du Moyen- Orient, s’y est adaptée et diversifiée sous l’effet des mouvements migratoires, de la dérive génétique et surtout de la sélection phénotypique pratiquée par les pasteurs. Bien que la notion de race y soit encre mal définie, on distingue plusieurs races caprines grosso modo regroupées en chèvre du Sahel et en chèvre naine. Cette richesse génétique accumulée au fil de plusieurs milliers de générations pourrait être mise en danger du fait de l’inexistence de méthode rationnelle de gestion. En effet, la caractérisation des ressources génétiques caprines d’Afrique de l’ouest s’est surtout limitée à la description des systèmes de production alors que la caractérisation phénotypique et la caractérisation génétique moléculaire sont encore embryonnaires malgré l’existence de marqueurs génétiques de plus en plus performants. De plus, les efforts de conservation de ces ressources génétiques, qu’ils soient ex situ, ou in situ sont très limités et ne concernent que quelques races. Il est dans ces conditions nécessaire de poser des bases rationnelles d’une gestion durable des ressources génétiques caprines, notamment, en faisant appel à des outils moléculaires de description de leur diversité.
Mots clés : ressources génétiques animales, caprins, caractérisation, diversité génétique, marqueurs génétiques, conservation, Afrique de l’ouest.
ABSTRACT
Goat was introduced in Africa from Middle East at the 5th millennium before JC and succeeded diversifying and extending to the whole Africa due to migration, genetic drift and selection implemented by pastoralist. Although the concept of breed is imprecise, many breeds are described in West Africa and are distinguished in two main groups: Sahel and dwarf goat. This high genetic heritage gathered during thousands of generations could be threatened by poor management. Concerning characterization, mainly production systems were described while phenotypic and molecular characterization are still at embryonic phase although improved tools are available for genetic resources characterization. More over,conservation strategies, ex-situor in situ, are scarce and referred to some breeds only. It wassuggested to improve goat genetic resources characterization using molecular tools to describegenetic diversity.
Key words: animal genetic resources, goat, characterization, genetic diversity, genetic markers, conservation, West Africa
INTRODUCTION
La diversité des ressources génétiques animales (RGA) est unanimement admise comme un prérequis à l’amélioration de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire. L’Afrique de l’Ouest offre un mélange quasi unique des principales races caprines rencontrées en Afrique (Doutressoule, 1947). Introduite en Afrique au 5 ième millénaire avant JC, la chèvre domestique s’est différentiée, sous l’influence des facteurs du milieu et des actions de l’homme, en plusieurs types génétiques ou ‘races’ dont la spécificité voire l’unicité (Hanotte et al., 2000) est au cœur des systèmes de production animale en Afrique de l’Ouest et même en Afrique centrale. En effet, ces ressources génétiques animales ont développé l’aptitude à survivre dans un environnement contraignant (caractérisé par le stress thermique, les restrictions alimentaires et hydriques, les endémies) (Silanikove, 2000) et à fournir à l’homme, revenus, aliments et fumier.
Sous l’influence d’une démographie galopante générant une forte pression sur les pâturages, de la sécheresse qui concourt à une augmentation de l’amplitude des transhumances et des forces du marché, des menaces planent sur les ressources génétiques dont certaines seraient en voie de disparition. Bien que le problème d’érosion de la biodiversité soit moins marqué chez les caprins que dans les autres espèces de ruminants, on estime que 41% des races caprines sont à risque à l’échelle du globe (Galal, 2005). Compte tenu de la perte définitive de certains des gènes responsables de l’adaptation des RGA aux difficiles conditions environnementales qui pourrait en résulter, il est important de définir des stratégies idoines de caractérisation, de conservation et de valorisation de cet héritage accumulé au cours de plusieurs millénaires.
En Afrique de l’ouest, les types génétiques rencontrés chez les petits ruminants sont improprement caractérisés (Rege, 1992). En effet, on y distingue deux groupes de chèvres, les chèvres de Sahel et celles des savanes. Les premières, hautes sur pattes sont sensibles à la trypanosomose et sont rencontrées au Sahel dans la frange qui va du Sénégal au lac Tchad.
Les secondes, plus trapues et courtes sur pattes se rencontrent dans les zones humides d’Afrique de l’ouest (du sud du Sénégal au Nigeria) et sont trypanotolérantes. La classification des races au sein de ces deux groupes est encore problématique (Missohou et al., 2006) de même que leur nomenclature qui peut varier d’un site à un autre sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit de types génétiques vraiment distincts (ILRI, 1995). Malgré cette méconnaissance des races caprines d’Afrique de l’ouest, les quelques initiatives de caractérisation des ressources génétiques animales d’Afrique de l’ouest se sont limitées aux bovins (ILRI, l995 ; Bradley, 1995 ; Bado et al., 1996). Les seules études d’envergure consacrée aux caprins à l’échelle continentale (Chenyambuga et al., 2004) ou régionale(Lauvergne et al., 1993 ; Bourzat et al., 1993) concernent peu ou pas les races caprines d’Afrique de l’ouest. Compte tenu de l’importance de la diversité génétique dans la définition de stratégies durables de développement des populations animales, il nous a semblé nécessaire de faire le point sur l’état actuel de la caractérisation et de la conservation des ressources génétiques caprines d’Afrique de l’ouest.
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Table des matières
Résumé
Introduction générale
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE: LES RESSOURCES GENETIQUES ANIMALES CAPRINES D’AFRIQUE DE L’OUEST : SYSTEMES D’ELEVAGE, PRODUCTIVITE, ETAT DE CARACTERISATION ET DE CONSERVATION
Chapitre I. L’élevage caprin en Afrique de l’ouest: situation actuelle et perspectives de
développement
Résumé
I.1 Importance de l’élevage caprin
I.1.1 Importance socioculturelle et religieuse
I.1.2 Importance nutritionnelle
I.1.3 Importance économique
I.2 Cheptel et production des caprins en Afrique de l’ouest
I.2.1 Cheptel
I.2.2 Production de viande et de lait
I.3 Systèmes d’élevage de caprins en afrique de l’ouest
I.3.1 Zones agro-écologiques en Afrique de l’ouest
I.3.2 Différents systèmes d’élevage de caprins
I.4 Productivité en élevage des caprins en afrique de l’ouest
I.4.1 Paramètres de reproduction
II.4.2 Performances de croissance et caractéristiques de carcasse des caprins
II.4.3 Production de lait des caprins
I.5 Commercialisation
I.6 Perspectives de développement
I.6.1 Amélioration de la santé des caprins
I.6.2 Mise en place de stratégies d’alimentation adaptées
I.6.3 Gestion de la reproduction et amélioration génétique des caprins
I.6.4 Appui aux organisations paysannes et développement du secteur agro-alimentaire
CHAPITRE II. Caractérisation et conservation des ressources génétiques animales : cas des caprins d’afrique de l’ouest
Resumé
Abstract
II.1 Caractérisation des ressources génétiques animales
II.1.1 Ressources génétiques caprines d’Afrique de l’ouest
II.1.2 Principales races caprines d’Afrique de l’ouest
II.1.3 Méthodes de caractérisation des ressources génétiques animales
II.1.4 Mesure de la diversité
II.2 Conservation des ressources génétiques animales
II.2.1 Généralités
Conservation in situ
Conservation ex-situ
II.2.2 Conservation des ressources génétiques des caprines d’Afrique de l’ouest
Conclusion
Références bibliographiques
Partie expérimentale: Caractérisation des essources génétiques caprines d’Afrique de l’ouest: analyse de la variabilité génétique et de la valorisation du potentiel laitier dans un système d’élevage à faible apport d’intrants
Chapitre III. Genetic diversity and differentiation in nine West African local goat breeds assessed
via microsatellite polymorphism
Abstract
Résumé
Introduction
III.1 MATERIALS AND METHODS
III.1.1 Breeds, sampling strategy and DNA extraction
III.1.2 PCR amplification and genotyping
III.1.3 Statistical analysis
III.2 Results and discussion
III.2.1 Genetic diversity within breeds
III.2.2 Measures of population differentiation
Conclusion
Chapitre IV. Analyse de la production et de la transformation de lait de chèvre dans les Niayes (Sénégal)
Résumé
Abstract
INTRODUCTION
IV.1 MATERIEL ET METHODES
IV.1.1 EnquêtesV.1.2 Analyse de laboratoire
IV.1.3 Analyses statistiques
IV.2 RESULTATS
IV.2.1 Approvisionnement en lait des unités de transformation
IV.2.2 Transformation du lait
V.2.3 Commercialisation du fromage
V.2.4 Qualité physico-chimique et hygiénique des produits
IV.3 DISCUSSION
IV.3.1 Production de lait
IV.3.2 Transformation et qualité des produits
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre V. Effet de la complémentation à base de méthionine et d’antioxydants sur la production laitière chez la chèvre du Sahel au Sénégal
INTRODUCTION
V.1 Matériel et méthodes
V.1.1 Milieu et période d’expérimentation
V.1.2 Animaux et procédure d’expérimentation
V.1.3 Conduite de la reproduction
V.1.4 Conduite alimentaire et dispositif expérimental
V.1.5 Collecte et analyse statistique des données
V.2 Résultats
V.2.1 Effet de la complémentation en méthionine et en antioxydants sur les performances zootechniques chez chèvre du Sahel au Sénégal
Discussion
V.2.2 Performances zootechniques de la chèvre du Sahel au Sénégal
V.2.3 Effet de la complémentation en méthionine et en antioxydants sur la composition du lait chez la chèvre du Sahel au Sénégal
V.2.4 Effet de la complémentation en méthionine et en antioxydants sur les performances
zootechniques des chevreaux du Sahel au Sénégal
Conclusion
Chapitre VI. Discussion générale
VI.1 Diversité génétique intra-populationnelle
VI.2 Diversité génétique inter-populationnelle
VI.3 Systèmes d’élevage, productivité
VI.4 Quantité et qualité de lait
VI.5 conclusion générale
References bibliographiques
Annexes