Chauffage d’un solide par un rayonnement laser femtoseconde

Chauffage d’un solide par un rayonnement laser femtoseconde 

Les lasers impulsionnels de durée femtoseconde sont apparus pour la première fois au début des années 1970. Ils se sont très rapidement développés à partir de milieux amplificateurs liquides à colorants [50–52] jusqu’à l’apparition de milieux solides, plus stables, en 1986 avec le premier laser Titane-Saphir [53]. Ils sont très utilisés dans le domaine médical dans la chirurgie réfractive, dans le micro-usinage [54] ou encore dans la génération d’impulsions encore plus courtes dans le régime attoseconde par génération d’harmoniques dans des gaz [55]. Le travail présenté dans cette section est en partie basée sur le travail de Hohlfeld et al. [49]. Ils découpent le processus de chauffage de la matière par laser femtoseconde en plusieurs étapes  : l’absorption du rayonnement par les électrons, suivie par le transport de l’énergie par les électrons de manière balistique, la thermalisation des électrons puis la diffusion thermique électronique, et enfin le transfert d’énergie électron-ion. Ces processus sont ici décrits de manière séparée dans un but pédagogique, mais dans la réalité ils ont lieu en même temps, avec des contributions plus ou moins importantes selon leur échelle de temps caractéristique.

Absorption du rayonnement par la matière

Lorsqu’une impulsion laser femtoseconde interagit avec de la matière, plusieurs phénomènes sont à l’œuvre qui vont conduire à l’absorption, la réflexion et la transmission partielles du rayonnement. La proportion de rayonnement absorbé par rapport au rayonnement incident dépend de nombreux paramètres comme l’angle d’incidence du rayonnement sur la surface du matériau, la polarisation du laser, l’intensité des impulsions et la nature du matériau, dont la description ne sera pas abordée ici. Des détails sont apportés par la référence [56], ch. 14. On s’intéresse aux divers processus conduisant au transfert de l’énergie, totalement ou partiellement, entre un photon et un électron dans un métal.

Dans un métal, les photons optiques interagissent avec les électrons de conduction, partagés entre les ions du réseau cristallin dans lequel ces électrons sont plus ou moins mobiles. Pour des impulsions lasers courtes (femtoseconde et picosecondes) et des fluences relativement modérées ( ≲ 5 J/cm² ), le processus principal de transfert de l’énergie entre un photon et un électron libre dans un métal est l’effet bremsstrahlung inverse (ou absorption collisionnelle) [60, 61]. Dans ce processus, du point de vue classique, l’électron libre oscille dans le champ électrique du laser. Lorsqu’il passe à proximité d’un ion et interagit avec son potentiel (d’où le terme de collision électron-ion), son mouvement oscillatoire se déphase par rapport au champ électrique du laser, ce qui lui apporte de l’énergie cinétique. Du point de vue quantique, on s’intéresse au système fermé {électron ; photon ; ion}.

Dans le cas où l’intensité des impulsions laser devient suffisamment élevée, plusieurs photons peuvent interagir avec un même électron avant que celui-ci n’ait le temps de se désexciter. On parle de processus multiphotoniques.

Parmi ces processus multiphotoniques, on retrouve l’effet photoélectrique, l’effet bremsstrahlung inverse ou la diffusion Compton. Les détails concernant ces effets dans le cas de processus à plusieurs photons sont donnés en réf. [64].

La modélisation de l’absorption du rayonnement par la matière n’est finalement pas chose aisée. En effet, les indices de la matière évoluent au fur et à mesure que celle-ci absorbe de l’énergie et change d’état, et dépendent du régime d’intensité laser dans lequel on se trouve. Le traitement de l’absorption du rayonnement par la matière doit alors se faire dynamiquement et pour un milieu inhomogène. Pour être soluble, ce problème doit alors être simplifié. Une méthode communément utilisée dans les simulations numériques consiste à découper la matière inhomogène en petites cellules dans lesquelles elle sera considérée homogène, et dans lesquelles l’absorption du rayonnement peut être exprimée de manière analytique sous forme d’ondes planes [65].

Une fois l’énergie du laser déposée dans les électrons, celle-ci est transportée dans le reste de la matière via différents processus. Dans le cas où la matière n’est pas chauffée de manière trop importante et où l’énergie est absorbée par relativement peu d’électrons (typiquement une fraction des électrons de conduction dans les solides), le transport de l’énergie est assuré de manière balistique par des électrons libres.

Transport balistique par les électrons 

Dans les tous premiers instants du dépôt d’énergie laser femtoseconde, les électrons absorbant le rayonnement ultra-court sont dans un état de fort déséquilibre thermique dans l’épaisseur de peau du laser . Ces électrons vont alors échanger leur énergie avec le reste de la population électronique et entre eux sur un temps caractérisé par le taux de collision 1/τth, mais aussi en se déplaçant de manière balistique en profondeur dans la matière à environ la vitesse de Fermi (∼10⁶ m/s) sur une certaine distance caractéristique Λ nommée libre parcours moyen inélastique (IMFP pour Inelastic Mean Free Path en anglais) [32,33,66]. Différent selon les métaux et l’énergie de ces électrons (pour des électrons d’énergie de 1 eV, Λ(Au) = 117 nm, Λ(Cu) = 70 nm, Λ(Mo) = 20 nm selon Hohlfeld et al. [49], et Nguyen-Truong [67]), ce transport balistique peut chauffer de manière homogène une cible de matière dont l’épaisseur est de l’ordre du libre parcours moyen des électrons, sur des temps caractéristiques de quelques dizaines de femtosecondes. Par exemple pour l’or, un temps caractéristique de chauffage homogène d’une cible de 100 nm d’épaisseur serait d’environ 70 fs. Ce processus a beaucoup été invoqué dans des expériences pour chauffer de fines cibles de matière de manière homogène, mais pour des fluences laser relativement faibles jusqu’à 1 J/cm2 (voir les références [9, 20, 35–37, 45, 68–73]). En revanche pour les flux laser plus élevés, aucun travail expérimental n’a étudié le transport balistique des électrons jusqu’en 2012.

En 2012, Chen et al. [27] ont étudié le changement de réflectivité en surface entre les faces avant et arrière d’une cible d’or de 30 nm en fonction de l’intensité du laser de chauffage sur la base de deux travaux précurseurs [34,74]. Ils ont mis expérimentalement en évidence un flux seuil, en dessous duquel aucune différence de réflectivité n’est mesurée entre les faces avant et arrière, et au delà duquel la réflectivité en face avant augmente avec le flux laser absorbé. Ce résultat a été interprété comme un flux limite transportable par les électrons balistiques dans la cible, provoquant un gradient dans le chauffage des cibles pour des flux supérieurs à cette limite. Dans ce travail, le flux que les électrons peuvent transporter balistiquement est supposé limité par trois paramètres : la quantité d’énergie maximale transportable par électrons, approximée par l’énergie de Fermi EF, la vitesse à laquelle les électrons balistiques se déplacent (la vitesse de Fermi vF) et la densité d’électrons disponibles pour ce transport. Pour un métal, on suppose que tous les électrons participant à la conduction électrique sont impliqués, soit une densité d’électrons balistiques égale à la densité d’électrons libres ne. Le flux limite transportable par les électrons balistiques QNT est exprimé par la relation (1.3).

QNT = EFvFne (1.3)

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Table des matières

Introduction
1 Étude de la WDM : sources laser femtosecondes, spectroscopie XANES et simulations numériques
1.1 Chauffage d’un solide par un rayonnement laser femtoseconde
1.1.1 Absorption du rayonnement par la matière
1.1.2 Transport balistique par les électrons
1.1.3 Diffusion thermique électronique et modèle à deux températures (TTM)
1.1.4 Détente hydrodynamique et transition de phase
1.2 Spectroscopie d’absorption X près des seuils (XANES)
1.2.1 Absorption des rayons X par la matière
1.2.2 Effet de l’environnement atomique : XANES et EXAFS
1.2.3 La spectroscopie XANES expérimentale
1.2.4 Sources de rayonnement X
1.3 Simulation ab initio de la WDM
1.3.1 Introduction
1.3.2 Théorie de la Fonctionnelle de la Densité
1.3.3 Approximation du « cœur gelé » et pseudopotentiels
1.3.4 Dynamique Moléculaire : simulation des déplacements atomiques
1.3.5 Sections efficaces d’absorption et densités d’états dans le formalisme PAW
1.4 Le cuivre et le molybdène dans le régime WDM : études expérimentales et théoriques
1.4.1 Le cuivre
1.4.2 Le molybdène
2 Étude du transport de l’énergie électronique dans le cuivre dense et tiède chauffé par laser à l’échelle femtoseconde
2.1 Contexte et principe de l’expérience
2.1.1 Objectif et contexte scientifique
2.1.2 Principe de l’étude
2.2 Dispositif expérimental
2.2.1 Faisceau de chauffage et échantillons de cuivre
2.2.2 Rayonnement X bétatron en tant que sonde femtoseconde
2.2.3 Superposition spatiale et synchronisation temporelle des impulsions
2.3 Acquisition, traitement et analyse des données
2.3.1 Système d’acquisition automatisé
2.3.2 Traitements numériques systématiques
2.3.3 Analyse des données
2.4 Résultats
2.4.1 Mesure de la dynamique de la température électronique dans le cuivre dense et tiède
2.4.2 Comparaison avec des simulations hydrodynamiques et le modèle à deux températures
2.5 Discussions et ouvertures Adrïan Grolleau, Thèse de doctorat vii ED n◦ 209, Univ. Bordeaux, CEA, CELIA
2.6 Conclusions
3 Simulations ab initio des spectres XANES au flanc L3 du molybdène
3.1 Approximations, modèles utilisés et calculs préliminaires
3.1.1 Boîte de simulation et critère de convergence
3.1.2 Choix du pseudopotentiel dans le formalisme PAW
3.1.3 Critères de convergence
3.1.4 Procédure des simulations ab initio pour la spectroscopie XANES
3.2 Le molybdène solide à 300 K
3.2.1 Structure atomique du cristal de molybdène
3.2.2 Densité d’états électroniques du molybdène autour du potentiel chimique
3.2.3 Spectre XANES au seuil L3 du molybdène à 300 K
3.3 Effets de la densité et de la température sur les structures électronique et atomique du molybdène
3.3.1 Choix des conditions thermodynamiques de travail
3.3.2 Relaxation de l’orbitale 2p avec la densité et la température
3.3.3 Cas hors-équilibre thermique Te > Ti = 300 K
3.3.4 Cas à l’équilibre thermique Te = Ti
3.3.5 Cas à faible densité ρ < ρ0
3.4 Bilan des modifications du spectre XANES du molybdène WDM
3.4.1 Amplitude de la white line
3.4.2 Décalage en énergie de la white line
3.4.3 Épaulement pré-white line
3.4.4 Structures et flanc post-white line
3.5 Cartographie des simulations réalisées
3.6 Conclusions et perspectives
4 Expérience de spectroscopie XANES sur du molybdène dense et tiède au CELIA
4.1 Contexte, objectifs et principes de l’expérience
4.1.1 Contexte scientifique et objectifs
4.1.2 Principe de l’expérience
4.2 Dimensionnement des échantillons de molybdène
4.2.1 Substrat de plastique
4.2.2 Estimation des incertitudes et optimisation des épaisseurs de travail
4.2.3 Estimation des conditions thermodynamiques accessibles
4.2.4 Choix des épaisseurs de travail
4.3 Dispositif expérimental
4.3.1 Laser ECLIPSE et station XANES
4.3.2 Impulsions de chauffage et cibles de molybdène
4.3.3 Sonde de rayonnement X et spectromètre
4.3.4 Superposition spatiale et synchronisation temporelle des impulsions
4.4 Mesures d’absorption laser du molybdène
4.4.1 Dispositif expérimental
4.4.2 Mesures des transmissions froides des échantillons
4.4.3 Réflectivité du molybdène en fonction de la fluence de chauffage
4.5 Spectroscopie XANES de résolution picoseconde sur le molybdène dense et tiède
4.5.1 Routine d’acquisition
4.5.2 Traitements numériques
4.5.3 Analyse des données
4.5.4 Résultats
4.6 Discussions, interprétations et perspectives
4.6.1 Effet du chauffage sur le spectre XANES du molybdène
4.6.2 Sensibilité au bruit
4.6.3 Perspectives de travail
4.7 Conclusion
Conclusions

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