Contexte du véhicule électrique
Les émissions croissantes de gaz à effet de serre sont à l’origine de changements climatiques importants à l’échelle mondiale tels que la montée du niveau de la mer et la fonte des glaciers. Pour pallier à ces problématiques majeures, les gouvernements mettent en place des mesures pour limiter ces émissions. Le secteur du transport est responsable d’une part importante d’émissions de gaz carboniques. Dans cette optique, les véhicules électriques (VE) et hybrides (VH) représentent une alternative intéressante aux modes de transports actuels. Depuis ces dernières années, la popularité de ces véhicules est en constante évolution.
Ces ventes importantes montrent l’intérêt grandissant des automobilistes pour ces types de véhicules. Pour accélérer cette transition dans le secteur du transport, les gouvernements mettent en place des politiques d’incitations pour augmenter la part de VE. Ces incitations listées dans [3] se traduisent généralement par des subventions allouées à l’achat de véhicule.
Malgré ces subventions, le nombre de VE reste inférieur au nombre de véhicules thermiques. Les principaux freins à l’évolution du VE restent l’autonomie et le temps de charge de la batterie. La technologie de la batterie est donc déterminante pour l’avenir du véhicule électrique. Le temps de charge, quant à lui, est dépendant des puissances de bornes de recharge et de la capacité de la batterie. Les types d’infrastructures de recharge et leur nombre représentent également des points critiques pour le développement de ces véhicules. [4] Pour lever ces freins, l’autonomie de la batterie peut être améliorée en augmentant sa taille. Cependant, si le volume de la batterie est plus important, le volume des autres équipements du véhicule doit être minimisé pour ne pas impacter la taille et le coût du véhicule. Dans la course à l’autonomie, les points critiques d’améliorations se répercutent donc sur tous les autres équipements de la voiture. Parmi les différents équipements du véhicule se trouve le chargeur. Il se situe dans le véhicule et permet de convertir l’énergie fournie par le réseau à destination de la batterie. Pour réduire son impact au niveau du véhicule électrique, il est nécessaire de concevoir ce convertisseur dans un volume réduit sans dégrader ses performances. C’est dans ce contexte que le sujet de la thèse a été proposé. Le but de cette thèse est donc de concevoir un chargeur de véhicule électrique le plus compact possible à puissance de fonctionnement élevée.
Objectif de la densité de puissance
Éléments critiques
Pour comprendre les clés de la densité de puissance, il faut d’abord identifier les éléments critiques en termes de volume dans les convertisseurs de l’électronique de puissance. Ces différents éléments au sein des convertisseurs sont les systèmes de refroidissement et les éléments de la conversion d’énergie et du filtrage.
Les systèmes de refroidissement sont généralement composés de radiateurs pour mieux dissiper les pertes d’un composant et d’un fluide permettant d’évacuer la chaleur dissipée par ce composant. L’air, l’eau et l’huile sont des exemples de fluides couramment utilisés. En cas de convection forcée (eau, huile, air…), le système de puissance est couplé thermiquement à un circuit de refroidissement comprenant selon le fluide utilisé une pompe ou un ventilateur. Ces systèmes représentent un encombrement supplémentaire. Les différents composants qui nécessitent un système de refroidissement à cause des pertes induites sont généralement les transistors et les composants passifs tels que les inductances et les transformateurs.
De manière idéale, l’augmentation d’un facteur k de la fréquence permettrait de réduire de ce même facteur la valeur des éléments passifs donc leur volume. Cependant la fréquence influe également sur les pertes au sein du convertisseur. Les composants de puissance actifs et passifs sont responsables de pertes qui tendent à croître avec la fréquence. Ces éléments nécessitent donc des systèmes de refroidissement adaptés aux pertes. Si l’augmentation de la fréquence implique un surdimensionnement au niveau du système de refroidissement, le gain en volume des éléments passifs ne permet pas d’augmenter la densité de puissance. L’augmentation des pertes influence également les performances du convertisseur. Or le cahier des charges du chargeur requiert un fort rendement pour le chargeur. Il y a donc une fréquence limite au-delà de laquelle les performances du convertisseur sont réduites et l’augmentation de la densité de puissance n’est plus garantie. Cette valeur limite de fréquence dépend des pertes au sein du convertisseur. Pour fonctionner à la fréquence la plus élevée, il faut minimiser ces pertes. En ce qui concerne les transistors, les plus intéressants sont les semi-conducteurs aptes à fonctionner à fréquence élevée. Il faut donc que la topologie s’adapte à ces transistors en vue de minimiser les pertes.
Transistors grand gap
Pour réaliser la conversion d’énergie, le chargeur utilise des composants actifs et passifs de l’électronique de puissance. Les MOSFET (Metal Oxide Semiconductor Field Effect Transistor) Silicium et les IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor), en tant que composants actifs, sont classiquement utilisés dans les chargeurs de VE. Cependant depuis quelques années, les interrupteurs de puissance grand gap tels que les transistors en GaN (Nitrure de Gallium) [5] et en SiC (Carbure de Silicium) [6] sont développés et leur technologie devient mature pour l’industrie [7][8].
Les composants de puissance classiques se divisent en deux catégories : les composants à jonction bipolaire et les composants à effet de champ. Les composants à jonction bipolaire comme l’IGBT sont caractérisés par des pertes conductives faibles avec une tension de claquage élevée. La tension de claquage correspond à la tension maximale que peut supporter un composant. Par contre, la physique de ces composants implique un stockage de charge. Pour changer d’état (passant ou bloqué), ces charges doivent être déstockées. Le stockage et déstockage de ces charges augmentent le temps de transition durant les commutations. Cette propriété limite leur utilisation en haute fréquence (HF).
La deuxième catégorie de composants, les composants à effet de champ comme les transistors MOSFET ne stockent pas de charges. Ils sont performants sur le plan dynamique et peuvent commuter à des fréquences plus élevées. Par contre, les pertes par conduction et les tensions de claquage sont dégradées par rapport aux composants précédents.
Pour résumer, les composants à jonction bipolaire, comme les IGBT, peuvent fonctionner avec des puissances élevées tout en assurant un rendement élevé mais ils sont limités en fréquence de commutation. À l’inverse, les composants à effet de champs sont moins limités en fréquence de découpage, ils le sont, par contre, en terme de pertes en conduction et de rendement limitant leur puissance de fonctionnement. Les composants grand gap (CGG) affichent de meilleures performances sur les pertes par conduction et les pertes par commutation. La montée en fréquence dans des applications de plus haute puissance devient possible ouvrant la voie à des convertisseurs à forte densité de puissance notamment dans les chargeurs de VE. [9]
Fonctionnement des composants GaN
La structure la plus utilisée au sein des transistors GaN est la structure HEMT (High Electron Mobility Transistors). Cette structure entraine la formation d’un gaz 2D d’électrons (2DEG) entre les couches AlGaN et GaN permettant une faible résistance de conduction (RDSon faible) et une commutation rapide.
Le comportement est normalement passant (N-on) ou « Depletion mode » (D-mode), c’est-à-dire que le transistor est intrinsèquement passant sans commande. Or en électronique de puissance, un transistor N-on n’est pas sécuritaire. Lors d’une défaillance de la commande, le transistor se mettra naturellement à conduire engendrant des court-circuits. De plus, les transistors D-mode se commandent via une tension de grille négative, ce qui nécessite la conception d’une électronique de commande non standard.
Pour rendre cette structure normalement bloquée (N-off ) ou « Enhancement mode » (E-mode), trois grandes solutions ont récemment été développées pour l’électronique de puissance. [10][11]
En fonctionnement normal, lorsque la tension de commande dépasse la tension de seuil notée Vth, le composant reçoit l’ordre de se fermer et inversement à l’ouverture. Si ce seuil est faible, une légère variation parasite aux bornes de la grille peut provoquer une ouverture ou fermeture non désirée du transistor. Dans cette structure, le comportement N-off est assuré mais la tension de seuil résultante est très faible. Ce composant peut donc induire des ouvertures et fermetures intempestives.
La solution MISFET est plus robuste face aux surtensions de la grille. La tension de grille maximale Vgsmax applicable est potentiellement plus élevée que dans la solution « p-GaN FET » où les tensions de grille en conditions normales sont de seulement 6-7V . Pour commander les transistors de type « p-Gan » de nouveaux drivers doivent être dimensionnés car ces valeurs de tension de l’ordre de 6-7V ne sont pas classiques dans les électroniques de commande des transistors. [13] [14] .
Le composant bénéficie de la technologie GaN D-mode évoluée sans la contrainte N-Off et d’un circuit de contrôle dédié au MOSFET car le contrôle de la grille est directement réalisé sur le MOSFET et non sur le transistor GaN. Les circuits de contrôle de ces composants sont robustes et ont été largement étudiés et développés. Par contre, l’ajout d’un composant supplémentaire augmente la complexité du boitier du composant, donc son coût. Les éléments parasites des deux composants s’ajoutent limitant ainsi la dynamique globale du composant. Cette solution est celle choisie par le constructeur Transphorm.
Comportement des composants GaN sur le marché
Les composants à grand gap sont composés des transistors SiC et GaN. Précédemment, nous avons détaillé le fonctionnement des composants GaN car ce sont les composants utilisés dans le cadre de la thèse. Pour comprendre les différences de performances entre les transistors à grand gap et la technologie Silicium classique, une comparaison est réalisée. Les composants comparés sont les transistors SiC, les transistors GaN et les composants à super jonction (SJ) Silicium. Pour établir une comparaison cohérente, les transistors étudiés possèdent la même tenue en tension de 650V notée VDS et présentent des valeurs de résistance à l’état passant RDSon équivalentes.
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Table des matières
Introduction
1 Chargeur de véhicule électrique et densité de puissance
1.1 Introduction
1.1.1 Contexte du véhicule électrique
1.1.2 Objectif de la densité de puissance
1.2 Transistors grand gap
1.2.1 Principe
1.2.2 Fonctionnement des composants GaN
1.2.3 Comportement des composants GaN sur le marché
1.2.4 Transistors GaN et commutations douces
1.3 Chargeurs de véhicule électrique
1.3.1 Généralités et fonctionnement
1.3.2 Premier étage : Correcteur de facteur de puissance
1.3.3 Second étage : DC-DC isolé
1.4 Les chargeurs de l’état de l’art avec des transistors grand gap
1.5 Intégration des composants GaN et augmentation de la densité de puissance
1.5.1 Cahier des charges
1.5.2 Cas du correcteur de facteur de puissance
1.5.3 Cas du DC-DC isolé
1.6 Nouvelle structure pour l’amélioration de la densité de puissance
2 Étude de l’étage DC-DC isolé
2.1 Paramètres de comparaison
2.2 DAB
2.2.1 Équations du système dans un cas classique
2.2.2 Équations pour notre application
2.3 Convertisseur à résonance série
2.3.1 Fonctionnement en hyper résonance avec commutations ZVS
2.3.2 Fonctionnement à la fréquence de résonance
2.4 LLC
2.4.1 Principes de fonctionnement
2.4.2 Fonctionnement à la fréquence de résonance
2.5 Comparaison
2.5.1 Explication du tableau
2.5.2 Bidirectionnalité
2.6 Topologie finale
3 Dimensionnement et test du transformateur
3.1 Généralités sur les transformateurs
3.1.1 Principe des transformateurs
3.1.2 Différentes technologies
3.1.3 Modélisation d’un transformateur
3.2 Principes généraux de dimensionnement
3.3 Caractéristiques fixes
3.3.1 Matériaux magnétiques
3.3.2 Types de noyau magnétique
3.3.3 Bobinage
3.3.4 Stratégie d’entrelacement
3.3.5 Refroidissement
3.4 Paramètres variables
3.4.1 Dimensions de noyau planar
3.4.2 Puissances de fonctionnement
3.4.3 Fréquence du convertisseur
3.4.4 Épaisseurs d’isolation
3.5 Simulation du transformateur
3.5.1 Grandeurs de comparaison
3.5.2 Modélisation sous FEMM
3.6 Résultats
3.6.1 Analyse des résultats
3.6.2 Modèle thermique simplifié du transformateur
3.6.3 Premier choix de dimensionnement
3.7 Vérification expérimentale
3.8 Points d’amélioration du dimensionnement
3.8.1 Capacité parasite inter-enroulements
3.8.2 Inductance de fuite
3.9 Ajout de deux inductances supplémentaires
3.9.1 Inductance résonnante
3.9.2 Inductance de filtrage de mode commun
3.10 Choix final
Conclusion
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