Chanson française : un étayage à la compréhension de texte et à l’acquisition de vocabulaire ?

Un enjeu d’état : la lecture-compréhension

     Tous les pays dont la politique d’éducation est primordiale semblent s’être mis d’accord : la lecture et la compréhension de l’écrit sont des enjeux majeurs. Les programmes de 2016 de l’Education Nationale indiquent que : « Affirmer que la réussite scolaire dépend en grande partie de la capacité à lire et à comprendre divers types de textes dans des contextes variés (sciences, mathématiques, histoire et géographie etc.) peut s’apparenter à une tautologie. C’est une compétence fondamentale pour la réussite scolaire, toutes matières confondues ; en effet les chercheurs s’accordent sur le fait que la maitrise de la langue est un indicateur de la réussite à l’école, « le fondement de l’apprentissage dans toutes les disciplines au primaire comme au secondaire », comme expliqué par France Dubé et Chantal Ouellet (p.5). Au-delà, et « selon l’OCDE, la littératie constitue l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités (…) » (F. Dubé et C. Ouellet p.5). Les professeurs, qui en sont très conscients, s’impliquent et cherchent, appliquent, et différencient les apprentissages afin que leurs élèves soient le plus possible en capacité de lire et de comprendre ce qu’ils lisent. Des études internationales portant sur la lecture et la compréhension proposent d’évaluer les élèves, pays par pays. Je me suis intéressé à l’étude PIRLS, qui évalue justement les élèves de 9- 10 ans, autrement dit une population correspondant à celle que j’ai eu l’occasion de connaitre lors de cette année d’enseignement dans une classe de CM1. Cette étude, comme l’étude PISA, pose des questions ouvertes pour lesquelles l’élève doit élaborer sa réponse, et ne se contente pas de proposer des questions à choix multiples (« L’évaluation de la lecture-compréhension dans les enquêtes internationales : enjeux et perspectives », p.10), permettant ainsi d’approcher au plus près le niveau réel de compréhension de l’élève évalué. Dans ma recherche, j’ai posé des questions ouvertes afin d’évaluer la compréhension implicite, fine et globale. En amont de tout autre propos, il semble important de déterminer les mécanismes de la lecture. En effet, depuis environ 15 années, les sciences cognitives se sont attachées à comprendre les mécanismes de la lecture, l’action de lire étant le fait de « passer de la version écrite d’un message à sa signification » (Jean Marc Braibant, p.174). Selon Fodor, cité dans l’article de J-MBraibant, « la lecture est une habilité mentale complexe. Ce n’est pas une compétence unique mais plutôt la résultante de plusieurs composantes distinctes, quoique complémentaires, mettant en jeu aussi bien les habilités spécifiques au domaine particulier du traitement de l’information écrite que des compétences cognitives beaucoup plus générales qui interviennent dans bien d’autres activités. » (p.175). Dans cette recherche, je mets en avant l’importance de la compréhension de lecture, en cohérence avec la volonté de l’Education Nationale d’une part et avec le projet de l’école dans laquelle je l’ai menée, d’autre part. Attachons-nous à présent à comprendre et définir la compréhension orale ; en effet, celle-ci sera aussi en jeu dans l’écoute d’une chanson à texte, même si les deux groupes d’élèves disposaient du texte écrit durant l’expérience.

Les résultats d’ensemble sur le critère du réinvestissement du vocabulaire

    Dans la situation test numéro 1 (l’expérimentation avec le texte parlé) le taux de réussite global s’élève à 68%. 10 élèves sur 15 ont eu un taux de réussite de 75% et plus, soit 66% de l’effectif dont on considère qu’ils ont la compétence acquise. 2 élèves sur 15 ont eu un taux de réussite compris entre 50% et 75%, soit 13% de l’effectif dont on considère qu’ils ont une compétence en cours d’acquisition. 3 élèves sur 15 ont eu un taux de réussite inférieur à 50%, soit 20% de l’effectif dont on considère qu’ils n’ont pas la compétence acquise. Dans la situation test numéro 2 (l’expérimentation avec le texte chanté), le taux de réussite globale s’élève à 65%. 9 élèves sur 15 ont eu un taux de réussite de 75% et plus, soit 60% de l’effectif dont on considère qu’ils ont la compétence acquise. 2 élèves sur 15 ont eu un taux de réussite compris entre 50% et 75%, soit 13% de l’effectif dont on considère qu’ils ont une compétence en cours d’acquisition. 4 élèves sur 15 ont eu un taux de réussite inférieur à 50%, soit 26% de l’effectif dont on considère qu’ils n’ont pas la compétence acquise.
Constat : L’utilisation du texte chanté n’a pas permis d’améliorer le taux de réussite de réinvestissement du vocabulaire avec le texte parlé. Le taux de réussite a baissé de 3%, passant de 68% à 65%. Il s’agit toutefois de résultats assez similaires. Dans les deux cas, les élèves sont très proches du niveau de la compétence acquise (70%). Les proportions d’élèves en réussite ou en difficultés sont quasiment identiques.

Comparaison des différents groupes dans les deux situations test (1 et 2)

Situation test numéro 1, texte parlé : Dans le groupe 1, il y avait 7 élèves dans l’expérimentation du texte parlé, et nous constatons que :
– 6 élèves sur 7, soit 85%, ont eu un taux de réussite global inférieur à ce qu’ils avaient réalisé lors de l’évaluation du projet d’école. 3 élèves ont un taux de réussite inférieur à 50%, ce qui signifie qu’ils sont passés d’une compétence acquise à une compétence non acquise.
– 1 élève sur 7 a eu un taux de réussite global identique à ce qu’il avait réussi lors de l’évaluation du projet d’école. Il s’est maintenu à 80%.
Dans le groupe 2, il y avait 1 élève dans l’expérimentation du texte parlé, et nous constatons que son taux de réussite global a baissé, passant de 60% à 50%. Dans le groupe 3, il y avait 7 élèves dans l’expérimentation du texte parlé, et nous constatons que :
– 3 élèves sur 7, soit 42%, ont eu un taux de réussite global supérieur à ce qu’ils avaient réalisé lors de l’évaluation du projet d’école. 2 élèves ont eu un taux de réussite compris entre 50% et 70%, ce qui signifie qu’ils sont passé d’une compétence non acquise à une compétence en cours d’acquisition. 1 élève a eu un taux de réussite augmenté mais restant à un niveau de compétence non acquise.
– 4 élèves sur 7, soit 58%, ont eu un taux de réussite global inférieur ou égal à ce qu’ils avaient réalisé lors de l’évaluation du projet d’école. Les baisses de ces taux de réussite sont dans des proportions faibles (10%).
Constat : L’utilisation d’un texte parlé n’a pas permis d’amélioration notable des taux de réussite du niveau de compréhension, quel que soit le groupe d’élèves. Le groupe des élèves les plus à l’aise avec la lecture compréhension ont eu le plus de difficultés avec l’écoute d’un texte lu. Dans le groupe des élèves ayant le plus de difficultés, un peu moins de 50% d’entre eux ont progressé, ce qui n’apparait pas réellement significatif. Le groupe 2, avec un élève, n’est pas un échantillon pouvant être analysé.
Situation test numéro 2, texte chanté : Dans le groupe 1, il y avait 2 élèves dans l’expérimentation du texte chanté, et nous constatons que 1 élève a eu un taux de réussite global supérieur et l’autre élève a eu un taux de réussite identique à ce qu’ils avaient réalisé lors de l’évaluation du projet d’école. Ces deux élèves se sont maintenus à un niveau de compétence acquise. Dans le groupe 2, il y avait 5 élèves dans l’expérimentation du texte chanté, et nous constatons que 100% des élèves ont eu un taux de réussite supérieur à ce qu’ils avaient réalisé lors de l’évaluation du projet d’école. Leurs taux de réussite augmentent en moyenne de 30%. Dans le groupe 3, il y avait 8 élèves dans l’expérimentation du texte chanté, et nous constatons que :
– 7 élèves sur 8, soit 87%, ont eu un taux de réussite global supérieur à ce qu’ils avaient réalisé lors de l’évaluation du projet d’école. Leurs taux de réussite augmentent en moyenne de 35%. 3 élèves ont eu un taux de réussite supérieur à 70%, ce qui signifie qu’ils sont passés d’une compétence non acquise à une compétence acquise. 4 élèves ont un taux de réussite compris entre 50% et 70%, passant d’une compétence non acquise à une compétence en cours d’acquisition.
– 1 élève a eu un taux de réussite identique (20%) à ce qu’il avait réalisé lors de l’évaluation du projet d’école.
Constat : L’utilisation d’un texte chanté a permis des améliorations notables des taux de réussite du niveau de compréhension, quel que soit le groupe d’élèves. Il semblerait que l’utilisation d’un texte chanté est particulièrement bénéficiée aux élèves ayant des difficultés et/ou n’ayant pas de facilités. 93,5% de ces 13 élèves ont eu des résultats meilleurs que lors de l’évaluation du projet d’école, et dans des proportions significatives (+35%). En somme, l’aspect le plus intéressant de cette enquête à analyser semble être les différences de résultats entre les élèves placés en situation test numéro 1 et ceux en situation test numéro 2. Nous pouvons constater qu’il y a une réelle amélioration du niveau de compréhension d’un texte narratif, lorsque celui-ci est écouté en chanson. Cette amélioration est particulièrement prégnante à l’endroit des élèves les plus en difficultés habituellement sur ce type d’exercice. Les taux de réussite sur la compétence de réinvestissement de vocabulaire sont sensiblement identiques, que ce soit en chanson ou non, et ce critère ne sera pas développé davantage dans ce dossier. L’hypothèse de départ qui prévoyait une amélioration de la compréhension et de l’acquisition de vocabulaire réinvesti en contexte est partiellement confirmée. Je m’interroge aujourd’hui sur l’aspect le plus important de l’écoute de la chanson qui a favorisé l’amélioration des taux de réussite de compréhension. Est-ce dû à la musique, la mélodie, au sens instrumental ? Est-ce dû à la musicalité de la voix du chanteur ? Est-ce dû aux variations d’intensités, de timbres, d’intonations, de fréquences dans la voix du chanteur ? L’émotion transmise dans la voix permet-elle une meilleure compréhension du message ?

Conclusion

    « Pour percevoir, il faut de la volonté. Celle qui opère immédiatement, apportant un changement aussi bien dans notre attitude mentale que dans notre posture physique. Tendre l’oreille c’est tendre le corps comme c’est inviter tout le système nerveux à entrer dans cette dynamique particulièrement active, agissante, mobilisant et notre corps et notre pensée ! le sujet offre son oreille, corps et système nerveux au message musical ou verbal qu’il veut intégrer. » Avec cette citation de A. Tomatis de son ouvrage « L’oreille et la voix » (p.123) nous voyons qu’il a compris ce que d’autres ont démontré : la motivation à l’apprentissage est un facteur important de la compréhension ; certains d’entre nous ont certainement des facilités à mobiliser leur attention lorsque que le canal de l’ouïe est mobilisé. Pourquoi n’irions-nous pas dans le sens de cet auteur encore davantage ? Serait-il intéressant d’appliquer en cycle 3 dans une école d’une commune non catégorisée comme violente, ce que d’autres en zone REP/REP+ exploitent depuis un certain temps, à savoir l’utilisation de chansons choisies par les élèves, fruits du travail d’artistes qu’ils apprécient et reconnaissent ? Pourquoi ne pas chercher à évaluer l’impact de la motivation (et donc du choix de la chanson) avec une méthode similaire à celle présentée dans ce travail ? Et enfin, profitons de la liberté pédagogique qui nous est donnée depuis maintenant de nombreuses années pour penser et démontrer l’intérêt d’autres dispositifs sur la lecture compréhension des élèves.

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Table des matières

Introduction
1. Apports théoriques
1.1 Un enjeu d’état : la lecture-compréhension
1.2 La compréhension orale
1.3 La différenciation pédagogique
2. Une expérimentation terrain
2.1 Objet de recherche
2.1.1 Le contexte
2.1.2 Le projet
2.2 Méthodologie de recherche
3. Analyse des résultats
3.1 Les résultats d’ensemble sur le critère du réinvestissement du vocabulaire
3.2 Les résultats d’ensemble sur le critère de la compréhension du texte
3.3 Les résultats de la compréhension du texte, parlé et chanté, par groupe d’élèves
3.4 Comparaison des différents groupes dans les deux situations test (1 et 2)
3.5 Les biais
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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