Le secteur du transport, en forte progression depuis plus de deux décennies, représente désormais près de 70% de la consommation de produits pétroliers en France (CGDD, octobre 2010 et septembre 2012) et 41% de ses émissions de CO2 (CGDD, 2011). Assurant environ 80% des déplacements des ménages français, les voitures particulières sont à elles seules responsables de plus de la moitié des émissions du secteur des transports (CGDD et al., 2011). La France s’étant engagée, dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, une amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules, ainsi que des changements dans les comportements de mobilité des Français sont nécessaires afin que le secteur des transports participe à cet objectif.
Les analyses menées sur la consommation d’énergie des automobiles mettent en évidence qu’elle est déterminée par la croissance économique, le prix des carburants ou encore l’adoption de nouvelles technologies. La tendance à la baisse des immatriculations des particuliers observée depuis plus d’une dizaine d’années sur le marché automobile et dernièrement enrayée par des mesures de subvention (prime à la casse), ainsi que l’apparition de nouveaux services de mobilité automobile concurrents à la possession automobile, conduisent à s’interroger sur la tendance globale du marché automobile et les changements qu’il est possible d’envisager et éventuellement d’accélérer grâce à des mesures de politique incitative, en terme d’équipement d’une part, et de choix de moyen de déplacement et de mode d’usage de la voiture d’autre part.
Ainsi, si la voiture particulière est aujourd’hui largement privilégiée par les ménages pour se déplacer, elle est à l’origine de multiples externalités négatives (pollution, bruit, congestion, etc.) qui engendrent une remise en question de son utilisation massive. En outre, la croissance des coûts liés à l’automobile tend à remettre en cause l’idée même de la possession chez les citadins et les jeunes générations notamment. En effet, si la voiture demeure souvent une nécessité dans les milieux ruraux, on observe une baisse de l’équipement des jeunes générations à Paris. De plus, les citadins utilisent davantage les transports en commun. Enfin, les nouveaux modes de mobilité comme le covoiturage ou l’autopartage sont plébiscités. Ces derniers pourraient même être vecteurs de changement dans les comportements d’usage et de détention automobile.
Vers un nouveau rapport à l’automobile plus économique et écologique ?
Il s’agit donc dans un premier temps de retracer l’évolution globale de l’usage et de l’équipement automobile des ménages français. Pour cela nous mobilisons différents indicateurs statistiques révélateurs des comportements, différentes enquêtes réalisées auprès des ménages et rendant compte de leurs opinions et aspirations, ainsi que l’état des lieux des principales références traitant des déterminants de l’usage et de l’équipement automobile. Nous nous concentrons ensuite sur le vecteur principal de ces changements de comportement afin d’en définir les manifestations et convoquons la méthode du calcul économique notamment pour en évaluer les potentiels de développement objectifs. Enfin, nous mobilisons différents concepts et cadres théoriques liés à l’analyse des consommations d’énergie afin de discuter de l’impact environnemental de ces vecteurs.
La prépondérance automobile remise en question
La voiture comme mode de transport principal des Français : les choix modaux et leurs déterminants
La mobilité des Français a beaucoup augmenté au cours des cinquante dernières années. La voiture s’est rapidement imposée comme le mode de déplacement principal des ménages. Différents facteurs socio-économiques ont favorisé son essor, participant ainsi au phénomène de dépendance automobile.
La mobilité : définitions
La mobilité est définie par Edgar Quinet (1998) comme le nombre de déplacements effectués sur une journée. Dans l’Enquête National des Transports et Déplacements (CGDD, SOeS, 2010) un déplacement correspond au « mouvement d’une personne d’un lieu de départ vers un lieu d’arrivée. Il se caractérise par un motif et un seul. » (page 87). On distingue la mobilité locale et la mobilité régulière. Ainsi, d’après les définitions employées par l’Enquête Nationale Transport et Déplacement (ENTD), la mobilité locale correspond aux déplacements des personnes de 6 ans ou plus, faits à l’occasion d’activités situées dans un rayon de 80 km autour du domicile et sur le territoire national. La période de temps observée est de 24 heures. La mobilité régulière quant à elle correspond aux déplacements des personnes de 6 ans ou plus, entre le domicile et le lieu de travail, d’études ou de garde. Enfin, les déplacements longue distance se définissent comme les déplacements des personnes de 6 ans ou plus, réalisés à l’occasion d’activités situées dans un rayon de plus de 80 km à vol d’oiseau autour du domicile. La destination est située soit sur le territoire national, soit à l’étranger. La mobilité des personnes correspond à la demande de transport des personnes et se mesure en voyageurs-kilomètres (transport d’un voyageur sur un kilomètre). Pour un même déplacement, plusieurs modes de transport peuvent être disponibles. On parle alors de multimodalité : deux villes peuvent être reliées entre elles, soit par une autoroute, soit par une ligne de chemin de fer. L’intermodalité quant à elle correspond à la combinaison de plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement.
La mobilité : modes et motifs de déplacement
La mobilité est un besoin intermédiaire nécessaire à la satisfaction d’un autre besoin : se rendre sur son lieu de travail ou encore faire ses courses. Ainsi, il est possible de distinguer différents motifs de déplacement dont les fréquences, ainsi que les modes associés sont observés à travers différentes enquêtes comme l’ENTD ou encore Les comptes des Transports (CGDD/SOeS, juillet 2013).
Les motifs de déplacements
Les motifs de déplacements correspondent aux raisons du déplacement. Ils peuvent être professionnels ou privés. On distingue généralement les motifs suivants : déplacement vers le lieu de travail ou d’études, pour accompagnement, achat, démarches administratives ou soins, ou encore loisirs et visites. La répartition de ces motifs de déplacement est mesurée dans l’ENTD. Ainsi, entre 1981 et 2008, la répartition des motifs de déplacement a peu évolué . Les Français se déplacent principalement pour se rendre sur leur lieu de travail ou de loisirs, ainsi que pour faire des achats. Entre 1981 et 2008, on observe essentiellement une baisse des déplacements vers les lieux de travail et d’étude au profit des déplacements pour loisirs et achat. Les politiques successives de réduction du temps de travail constituent la principale raison de cette évolution.
Les modes de déplacements
De manière générale, les transports de voyageurs s’effectuent selon différents modes. Le mode de transport principal est « le mode le plus lourd » parmi ceux utilisés au cours du déplacement (CGDD, SOeS, 2010, page 68). L’évolution de la part de chacun de ces modes montre une prépondérance de la voiture particulière depuis 1980. En effet, elle est employée pour environ 80% des transports de voyageurs (mesurés en voyageurs-kilomètres). On observe cependant une légère décroissance de sa contribution depuis le début des années 2000 .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : VERS UN NOUVEAU RAPPORT A L’AUTOMOBILE PLUS ECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE ?
CHAPITRE 1 – LA PREPONDERANCE AUTOMOBILE REMISE EN QUESTION
1. LA VOITURE COMME MODE DE TRANSPORT PRINCIPAL DES FRANÇAIS : LES CHOIX MODAUX ET LEURS DETERMINANTS
2. LA GENERALISATION DE LA MOTORISATION DES MENAGES : L’EQUIPEMENT AUTOMOBILE ET SES DETERMINANTS
3. LA REMISE EN CAUSE DE LA VOITURE PARTICULIERE ET LES FACTEURS DE RUPTURE
4. LA RATIONALISATION DE L’USAGE AUTOMOBILE ET L’INTERET POUR LES NOUVEAUX SERVICES DE MOBILITE (NSM)
5. CONCLUSION
CHAPITRE 2 – LES NOUVEAUX SERVICES DE MOBILITE AUTOMOBILE : QUELS POTENTIELS ?
1. LES NOUVEAUX SERVICES DE MOBILITE AUTOMOBILE : DEFINITIONS ET STATISTIQUES DESCRIPTIVES
2. LES NOUVEAUX SERVICES DE MOBILITE AUTOMOBILE : PROFILS D’UTILISATEURS
3. LE POTENTIEL DE DIFFUSION DE LA VOITURE PARTAGEE
4. CONCLUSION
CHAPITRE 3 – LES NOUVEAUX SERVICES DE MOBILITE AUTOMOBILE : QUELS IMPACTS ENERGETIQUES ?
1. UN EXEMPLE D’APPLICATION DE L’ECONOMIE DE LA FONCTIONNALITE
2. UNE EVALUATION DES CONDITIONS D’ECONOMIES D’ENERGIE PAR UNE METHODOLOGIE D’APPROCHE GLOBALE DE LA MOBILITE
3. DISCUSSION
4. CONCLUSION
CONCLUSION PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : QUELS CHOIX MODAUX POUR LES MENAGES FRANÇAIS EN 2020 ?
CHAPITRE 4 – MOBILITE ET USAGE AUTOMOBILE : UNE ANALYSE APPROFONDIE DES DETERMINANTS DES CHOIX MODAUX SELON UNE APPROCHE STATISTIQUE
1. LES BESOINS DE MOBILITE
2. LES PROFILS DES USAGERS DES DIFFERENTS MODES DE TRANSPORT
3. ANALYSE DES CORRESPONDANCES MULTIPLES (ACM)
4. CONCLUSION
CHAPITRE 5 – VOITURE PERSONNELLE OU MODES ALTERNATIFS ? PREDIRE DE POTENTIELS TRANSFERTS MODAUX A L’AIDE D’UNE APPROCHE ECONOMETRIQUE
1. REVUE DE LITTERATURE
2. METHODE ET DONNEES
3. RESULTATS
4. PREVISIONS A HORIZON 2020 ET INTERVALLES DE PREDICTIONS BOOTSTRAP
5. DISCUSSION
6. CONCLUSION
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE
TROISIEME PARTIE : QUELS NIVEAUX DE MOTORISATION DES MENAGES FRANÇAIS EN 2020 ?
CHAPITRE 6 – MOBILITE ET EQUIPEMENT AUTOMOBILE, UNE ANALYSE GENERATIONNELLE RETROSPECTIVE
1. REVUE DE LITTERATURE
2. ETUDE RETROSPECTIVE
3. CONCLUSION
CHAPITRE 7 – VERS UNE DECROISSANCE DES NIVEAUX DE MOTORISATION DES MENAGES FRANÇAIS ? L’APPORT DE LA MODELISATION EN DONNEES DE PANEL
1. REVUE DE LITTERATURE
2. LA METHODE
3. LES DONNEES
4. LA SPECIFICATION DU MODELE D’EQUIPEMENT AUTOMOBILE
5. LES RESULTATS EMPIRIQUES
6. LES PREDICTIONS A L’HORIZON 2020
7. DISCUSSION
8. CONCLUSION
CONCLUSION TROISIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES