Changements climatiques observés et prévus
Les changements climatiques ne sont plus sujets à débat dans la communauté scientifique. On peut déjà observer des changements climatiques par rapport aux décennies précédentes. En effet, pour la période 2000-2010, la surface de la Terre était plus chaude de 0,8°C alors que l’écart atteignait 0,9°C pour l’hémisphère nord comparativement à la période 1961-1990 (WMO, 2013). Les extrêmes climatiques ont aussi augmenté de façon considérable depuis la période 1951-1980. Ainsi, durant cette période environ 1% de la surface terrestre était touchée par des évènements extrêmes de chaleur alors que la période 1981-2010 a vu ce pourcentage monter à 10% (Hansen et al., 2012). Dans le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), différents scénarios climatiques prévoient que les augmentations d’émissions de carbone futures entraineront une augmentation globale de la température pouvant aller jusqu’à 4,8°C (GIEC, 2014; Figure 1.1).
La fréquence et la durée des vagues de chaleur en été devraient également augmenter. Des hausses de précipitations sont aussi prévues de façon générale aux hautes latitudes, mais des baisses sont plutôt attendues aux latitudes moyennes selon le scénario RCP8,5 (GIEC, 2014; Figure 1.1). La même tendance se maintient à l’échelle québécoise alors que l’augmentation moyenne des températures annuelles se fera sentir sur l’ensemble du territoire, allant de 4 à 7°C pour l’horizon 2071-2100, et où les plus grandes différences se feront sentir à mesure que l’on monte en latitude (Ouranos, 2015). Les précipitations totales annuelles devraient augmenter pour l’ensemble des régions, passant d’augmentations de 5 à 15% (sud) à 30 à 45% (nord) pour l’horizon 2081-2100 comparativement à 1981-2000. En été et en automne, et donc pendant une partie de la saison de croissance des arbres, elles devraient également augmenter pour le centre et le nord du Québec. Cependant, les modèles ne s’entendent pas dans leurs prédictions pour les régions du sud prédisant soit de faibles diminutions ou augmentations des précipitations pour cette même période. Les régions méridionales du Québec devraient également voir leurs jours consécutifs sans précipitations s’allonger pour les mois de juin, juillet et août, y causant possiblement des périodes de sècheresse durant la saison de croissance pour l’horizon 2081-2100 (Ouranos, 2015). De plus, ces changements climatiques seront également accompagnés d’autres facteurs engendrant des pressions supplémentaires sur les écosystèmes forestiers, comme l’éclatement d’épidémies d’insectes ou des feux de forêt (Allard et al., 2010).
Il semble donc évident que les essences forestières boréales, telles que l’épinette blanche, auront des défis importants à affronter quant à leur capacité d’adaptation aux changements climatiques. Bien que les augmentations des températures annuelles et du carbone atmosphérique pourraient être avantageuses pour la production forestière, elles ne le seraient pas nécessairement selon les régions si non couplées avec une augmentation des précipitations durant la saison de croissance. Ainsi, des stress hydriques importants pourraient potentiellement limiter les gains de croissance en certains endroits (Price et al., 2013; Girardin et al., 2016). De plus, les génotypes d’essences forestières sont généralement adaptés à leur climat local et donc, la vitesse des changements climatiques pourrait occasionner d’importants délais d’adaptations (Beaulieu et Rainville, 2005).
Adaptation et différenciation des populations
Historiquement, les espèces forestières ont su s’adapter aux changements de climat et se sont distribuées le long de gradients environnementaux. Ceci a permis aux populations d’une même espèce de développer des adaptations dites locales qui leur ont permis de se différencier d’autres populations de la même espèce le long de leur aire de distribution (Savolainen et al., 2013). Cette différenciation se manifeste par des différences de caractère en réponse à l’environnement. On peut penser, par exemple, aux différences de débourrement et d’aoûtement des bourgeons qui permettent aux populations ayant une plus longue saison de croissance, généralement celles du sud, d’avoir une croissance annuelle en hauteur supérieure (Li et al., 1993; Li et al., 1997; Beaulieu et al., 2004). De leur côté, les populations du nord développent des traits leur permettant de résister à des périodes de gel tardif au printemps et hâtif à l’automne, ce que les populations du sud ne développent pas nécessairement (Loehle, 1998). Ces adaptations locales permettent aux populations d’être les mieux adaptées à leur environnement local et ces dernières devraient donc y performer de manière optimale (Soolanayakanahally et al. 2009; Momayyezi et Guy, 2017).
Les populations ont su migrer pour s’adapter aux variations climatiques au cours des derniers siècles (Davis et Shaw, 2001). Cependant, le rythme des changements climatiques actuels est sans précédent. Ces changements rapides occasionneront un déplacement des niches climatiques du sud vers le nord ou en plus haute altitude à une vitesse qui dépasse largement le rythme naturel de migration des espèces forestières (Davis et Shaw, 2001; Iverson et al., 2004; Aitken et al., 2008). En effet, l’espérance de vie élevée des arbres ainsi que leur lente dispersion pourrait empêcher une migration adéquate en plus d’abaisser considérablement les capacités d’adaptation génétique, entrainant ainsi des mésadaptations (Figure 1.2). Ces mésadaptations pourraient engendrer une baisse de la production forestière et même, à plus long terme, nuire à la survie de certaines populations. Certains auteurs évoquent tout de même la possibilité d’un effet bénéfique à court terme (2046-2065) des changements climatiques sur la production forestière de certaines espèces boréales, notamment l’épinette noire et l’épinette blanche (Rainville et al., 2014). D’ailleurs, des observations en ce sens ont déjà été rapportées pour les espèces nordiques (territoire entre 45° et 70° de latitude) (Myneni et al., 1997). Cependant, même dans le cas d’un effet positif des changements climatiques, des périodes durant lesquelles la production forestière serait en baisse à cause des mésadaptations ne pourraient être évitées (Etterson et Shaw, 2001; Beaulieu et Rainville, 2005) en raison du nombre de générations nécessaires aux populations pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. De plus, ces périodes durant lesquelles les plants sont moins bien adaptés occasionnent des stress biotiques et abiotiques qui accentuent leur vulnérabilité aux maladies et aux attaques d’insectes (Ayres et Lombardero, 2000; Williamson et al., 2009).
Migration assistée
La migration assistée, également appelée colonisation assistée, délocalisation gérée ou encore relocalisation aménagée, consiste à déplacer une espèce, ou une population, vers un territoire où le climat prévu lui serait favorable, tout en respectant les conditions environnementales auxquelles cette espèce, ou population, est présentement adaptée (Ledig et Kitzmiller, 1992; Mueller et Hellmann, 2008). Il existe trois types majeurs de migration assistée, ceux-ci étant plus ou moins risqués selon l’importance du déplacement effectué (Winder et al., 2011; Figure 1.3). Ainsi, le premier type correspond au déplacement d’une population à l’intérieur de l’aire de distribution de son espèce. Il s’agit du niveau le moins risqué puisque le déplacement est fait dans un territoire déjà occupé par l’espèce. Le second type, qui entraîne un niveau de risque intermédiaire, est dit de l’expansion assistée. Dans ce cas-ci, le déplacement de la population est effectué tout juste à l’extérieur de l’aire de distribution de son espèce, comme elle aurait pu le faire naturellement. Finalement, le troisième type correspond à un déplacement sur de longues distances vers un environnement qu’une espèce ne pourrait coloniser naturellement. En plus de ces trois niveaux d’interventions, la migration assistée peut viser deux buts distincts, soit la conservation des ressources génétiques ou encore la préservation ou l’augmentation de la production forestière (Loss et al., 2011; Pedlar et al., 2012; Figure 1.3). La migration assistée visant la conservation est généralement utilisée pour protéger une espèce végétale ou animale en voie de disparition ou en danger. Le fait de travailler sur une espèce étiquetée comme étant déjà « à risque » pour sa survie entraine généralement l’utilisation de plans de migration assistée sur de longues distances afin d’éloigner l’espèce d’un environnement qui lui est défavorable. La migration assistée pour maintenir ou augmenter la productivité de son côté est théoriquement beaucoup moins risquée puisqu’elle s’applique sur de plus petites échelles et généralement dans l’aire de distribution de l’espèce ou tout juste en dehors.
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Table des matières
Résumé
Abstract
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Remerciements
Avant-propos
Introduction générale
Objectifs et hypothèses de recherche
Objectifs
Hypothèses
Références
Chapitre 1- Revue de littérature
1.1 Introduction
1.1.1 Changements climatiques observés et prévus
1.1.2 Adaptation et différenciation des populations
1.2 Migration assistée
1.2.1 Définitions
1.2.2 Débat éthique
1.2.3 Risques de déplacement
1.2.4 Connaissances requises
1.2.5 Élaboration de plans de migration assistée
1.2.6 L’étude des transferts de semences
1.2.7 Exemples d’application de migration assistée au Canada
1.3 La migration assistée au Québec
1.3.1 Essences du Québec
1.3.2 L’épinette blanche
1.3.4 L’avenir de la migration assistée au Québec
1.4 Conclusion
1.5 Références
Chapitre 2 – Ecophysiology and growth of white spruce seedlings from various seed sources along a climatic gradient support the need for assisted migration
Résumé
Abstract
2.1 Introduction
2.2 Material and Methods
2.2.1 Vegetative material
2.2.2 Planting sites
2.2.3 Climatic data
2.2.4 Characterization of the soil on the planting sites
2.2.5 Initial characterization of white spruce seedlings
2.2.6 Growth, root morphology and allocation of biomass
2.2.7 Mineral nutrition and carbon allocation
2.2.8 Gas exchange
2.2.9 Specific leaf area, nutrient use efficiency (NUE) and water use efficiency (WUE)
2.2.10 Statistical analyses
2.3 Results
2.3.1 Soil characterization
2.3.2 Growth characteristics of progeny from white spruce seed orchards four years after planting
2.3.3 Mineral nutrition and evolution in nutrient status
2.3.4 Photosynthetic traits before budbreak
2.4 Discussion
contrasted environmental conditions
2.4.2 Carbon allocation and nutritional status of seedlings
2.4.3 Photosynthetic traits before bud break
2.5 Conclusions and implications for assisted migration
2.6 Acknowledgement
2.7 Références
Chapitre 3 – Conclusion générale
3.1 Sommaire des résultats
3.2 Portée opérationnelle
3.3 Limites de l’étude
3.4 Perspectives de recherche
3.5 Références
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
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