Changements climatiques et fonctionnement de l’écosystème

Changements climatiques et fonctionnement de l’écosystème

Il existe un consensus scientifique sur le fait que les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique sont et vont être responsables de changements considérables dans le climat mondial au cours de ce siècle (Houghton et al. 2001). Une augmentation de la précipitation annuelle totale est ainsi prévue dans de nombreuses régions du monde (Dai et al. 1997), tandis que pour les régions méditerranéennes, on attend une diminution de l’ordre de 10 à 30% de la précipitation totale dans les 100 prochaines années (Giorgi and Lionello 2008), accompagnée d’une augmentation des événements extrêmes de précipitation (Alpert et al. 2002; Gao et al. 2006). Selon Weltzin and McPherson (2003), les changements de régimes de précipitation, surtout dans les milieux arides et semi-arides, peuvent avoir un impact encore plus important que les effets, singuliers ou combinés, de la hausse des émissions de CO2 et de la température sur la dynamique des écosystèmes (IPCC 2013).

Ces changements régionaux des régimes des précipitations modifient la disponibilité en eau pour les communautés biologiques. En effet, l’humidité du sol est un facteur de contrôle majeur des processus biologiques en général, et des communauté végétales (Weltzin and McPherson 2003) et microbiennes du sol en particulier (Berg and Steinberger 2008; Clark et al. 2009). Il est probable que toute modification du régime des précipitations aura des conséquences sur la répartition, la structure, la composition et la diversité des communautés biologiques du sol et le fonctionnement des écosystèmes (Weltzin and McPherson 2003). La modification spatiale et temporelle de la disponibilité en eau peut affecter des processus tels que la décomposition de la litière, le recyclage des nutriments, la productivité primaire, et, en retour, la biodiversité (Robinson et al. 1998; Sternberg et al. 1999; Chapin et al. 2000).  Le bassin méditerranéen est considéré comme un hotspot de biodiversité à l’échelle mondiale (Myers et al. 2000). Malgré sa petite superficie (moins de 3 % des écosystèmes terrestres selon le Millennium Ecosystem Assessment (2005), le bassin méditerranéen compte environ 25000 espèces de plantes vasculaires dont la moitié est endémique (Cowling et al. 1996). Ces espèces pourraient être en danger d’extinction avec les changements climatiques prédits par les modèles. Les écosystèmes méditerranéens subissent une forte pression humaine, soit directement sous les effets combinés d’un des taux de croissance démographique parmi les plus élevés d’Europe et de la pression des activités touristiques, soit indirectement via le changement climatique, avec une diminution sensible des précipitations et une augmentation des températures estivales prévues par les modèles climatiques dans les décennies à venir. Ces pressions pourraient se traduire par des pertes importantes de biodiversité (Sala et al. 2000) avec des conséquences sur les processus écosystémiques et les services associés. Cependant, ces conséquences sont en général mal appréhendées pour la zone méditerranéenne, et en particulier pour les communautés biologiques des sols et les processus qu’elles portent. Il est donc urgent de comprendre comment les changements de régimes de précipitation prévus par les modèles climatiques vont affecter la biodiversité des communautés biologiques du sol et les processus qu’elles portent, afin de disposer d’une base scientifique solide pour la prise de décision dans le contexte des changements climatiques et l’augmentation de la demande de terres.

Particularités biologiques des écosystèmes méditerranéens

La garrigues méditerranéenne 

La végétation de la garrigue méditerranéenne est composée essentiellement d’arbrisseaux et d’arbustes qui se développent sur les sols calcaires, comme le Quercus spp., Cistus spp., Juniperus spp., Thymus spp., Rosmarinus officinalis, Ulex spp., Artemisia spp. et Lavandula spp., entre lesquels de nombreuses espèces graminées et herbacées, annuelles ou pérennes, sont fréquentes. Les feuilles des plantes sont souvent petites, charnues et odorantes en adaptation à une sécheresse estivale importante. En plus de la sécheresse estivale, la garrigue méditerranéenne est typiquement exposée à des incendies périodiques et est souvent surpâturée. Les végétaux méditerranéens sont bien adaptés au retour périodique des incendies. Ce caractère pyrophile de la végétation méditerranéenne est le résultat d’une longue évolution qui remonte au moins au Néolithique. Les principaux mécanismes de régénération des plantes méditerranéennes après le feu sont le « resprouting » et la regermination des graines (Keeley and Zedler 1978). La stratégie de « resprouter » se traduit par la résistance de la souche au feu et la forte capacité de remettre des rejets après un incendie (Canadell et al. 1991).

Une phénologie adaptée pour éviter la sécheresse 

La plupart des organismes méditerranéens évitent la sécheresse en concentrant leurs activités pendant les périodes de l’année où l’eau est disponible et où la température est clémente, c’està-dire au printemps et à l’automne. L’été est donc généralement marqué par une phase d’activité réduite : les plantes limitent leur assimilation/transpiration, et souvent leur surface foliaire (van der Molen et al. 2011). L’activité microbienne durant cette période est également diminuée (de Dato et al. 2010). Les plantes qui gardent leur feuillage pendant l’été présentent typiquement des adaptations morphologiques et physiologiques leur permettant de résister à la sécheresse (sclérophyllie, pubescence, présence de composés aromatiques, aphyllie,…). Ces adaptations se traduisent de manière générale par une litière plus résistante à la décomposition (Gallardo and Merino 1993; Pérez-Harguindeguy et al. 2000).

Les communautés microbiennes dominées par les champignons

Contrairement à la plupart des bactéries, les champignons et les actinomycètes ont la capacité de rester actifs dans des sols à très faible disponibilité en eau (Salamanca et al. 2003). De plus, les champignons possèdent des enzymes adaptées à la dégradation des substrats complexes, tels que les litières produites par les plantes méditerranéennes qui sont souvent récalcitrantes. Par conséquent, les champignons occupent une place importante dans les communautés microbiennes des écosystèmes méditerranéens (Wilkinson et al. 2002) et y jouent un rôle fonctionnel prépondérant (Collins et al. 2008).

Stratégies des plantes pour survivre à la sécheresse

Même si les espèces méditerranéennes sont adaptées à de longues périodes de sécheresse estivale et peuvent faire face à un déficit hydrique saisonnier (Peñuelas 1996; Peñuelas et al. 2001; Micco and Aronne 2012), ces espèces peuvent se retrouver dans une phase critique de survie en cas d’évènements de sécheresse particulièrement intenses ou fréquents (Prévosto et al. 2011; Benigno et al. 2014; Louhaichi et al. 2015). Les seuils critiques de survie varient au sein des espèces co-occurrentes selon leur capacité à survivre à la sécheresse, capacité qui est associée à des traits morphologiques et physiologiques spécifiques (Grime 2001; Gallé and Feller 2007; Hernandez et al. 2010). Alors que les stratégies de ‘résistance à la sécheresse’ contribuant à maintenir une activité physiologique sous stress hydrique modérée ont été décrites pour la plupart des espèces (Levitt 1972; Ludlow 1989), il n’existe pas de cadre théorique unifié décrivant les stratégies de ‘survie à la sécheresse’ pour toutes les espèces végétales. Pour les espèces ligneuses, de nombreux travaux ont montré que les traits hydrauliques associés à la résistance à la cavitation étaient très corrélés à la mortalité inter-spécifique des arbres (Choat et al. 2012; Anderegg et al. 2016). Pour les espèces herbacées, des résultats récents montrent également une forte variabilité du seuil de cavitation, associée au niveau d’aridité des sites des espèces et suggérant que leur vulnérabilité à l’embolisme n’est pas inférieure à celle des ligneux (Lens et al. 2016). Néanmoins, le cadre des stratégies végétales décrites de manière globale pour la ‘résistance à la sécheresse’ reste utile bien qu’imparfait lorsque différents groupes fonctionnels (ligneux/ herbacées) sont directement comparés.

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Table des matières

Introduction générale
1. Changements climatiques et fonctionnement de l’écosystème
2. Particularités biologiques des écosystèmes méditerranéens
2.a. La garrigues méditerranéenne
2.b. Une phénologie adaptée pour éviter la sécheresse
2.c. Les communautés microbiennes dominées par les champignons
3. Stratégies des plantes pour survivre à la sécheresse
4. Nécessité de prendre en compte la réponse souterraine
4.a. Sécheresse et croissance racinaire
4.b. Sécheresse et activité microbiennes de sol
5. Traits fonctionnels
5.a. Impact des traits fonctionnels des plantes sur la communauté microbienne
5.a.1. Effet des traits des litières sur la communauté microbienne
5.a.2. Effet des traits racinaires sur la communauté microbienne
5.a.3. Stratégie écologique des plantes et communauté microbienne du sol
5.b. Traits fonctionnels des racines et réponse à la sécheresse
6. Le rôle relatif de la complémentarité et de la compétition
7. Objectifs de la thèse et questions de recherche
Liste de références
Chapter I: Neighbor effects on growth and survival of Mediterranean plants under severe drought
Abstract
1. Introduction
2. Material and Methods
3. Results
4. Discussion
List of References
Chapter II: Belowground responses of three Mediterranean plant species to severe drought
Abstract
1. Introduction
2. Material and Methods
3. Results
4. Discussion
List of References
Chapter III: Changes in soil microbial substrate utilization in response to altered litter diversity and precipitation in a Mediterranean shrubland
Abstract
1. Introduction
2. Material and Methods
3. Results
4. Discussion
List of References
Chapter IV: General discussion
General discussion
1. Experimental approaches
1.1. Rhizotron approach
1.2. Field approach
2. Main results
3. Perspectives
List of References
Conclusion générale

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