Changement social et mobilités résidentielles en milieu périurbain et rural

De la périurbanisation à l’analyse du changement social dans l’espace

A partir des années 1960, et surtout à partir des années 1970, un mouvement intense de redistribution des populations dites urbaines vers les espaces périphériques des villes se produit. Les ménages partent résider dans les espaces ruraux et périurbains tout en continuant à travailler dans un pôle urbain proche (Berger, 2004). Il s’agit du processus de périurbanisation, concept qui s’est imposé au cours des années 1980. Si la périurbanisation a longtemps été vue comme le processus produit par les migrations résidentielles des classes moyennes (Jaillet, 2004), les recherches en sciences sociales des quinze dernières années, particulièrement en géographie et en sociologie, ont montré la complexification de ce processus (Rougé, 2005 ; Desponds, 2004 ; Sencébé et Lepicier, 2007). En effet, la redistribution des populations concerne, à des degrés divers, différents groupes socioprofessionnels et démographiques. La périurbanisation participe donc à une redistribution plus ou moins intense des populations dans l’espace. De plus, tous les espaces périurbains et ruraux ne sont pas concernés de la même manière (dans l’intensité et les temporalités de ce processus par exemple) ni dans l’accueil de ménages aux caractéristiques sociodémographiques et culturelle homogènes. L’augmentation des mobilités des individus, et par là-même, l’arrivée de nouvelles populations dans des espaces, tend à bouleverser les compositions de ces derniers de manière hétérogène. Des logiques de spécialisations sociales et/ou démographiques, mais aussi de relégations de certains groupes sociaux peuvent se renforcer ou apparaître. Ces recompositions soulèvent de nombreux enjeux, politiques, économiques, sociaux, entre autres. Notre objet d’étude est ainsi les changements sociaux et leurs spatialisation, ou autrement dit les recompositions sociodémographiques, liées à l’arrivée de populations différentes – socialement, culturellement, etc. – qu’on peut repérer par des indicateurs (CSP, âge, revenus, etc.). De plus, nous rechercherons un des facteurs de ces mutations, dans le rôle des politiques locales et de ces acteurs.

L’étude de ces mutations dans ces espaces est un moyen, une porte d’entrée pour observer les transformations au sein de la société. L’enjeu de cette recherche est de mettre en lumière les différences voire les inégalités dans le recrutement des ménages, qui appartiennent à différents groupes sociaux. En outre, l’arrivée de populations aux caractéristiques sociodémographiques et culturelles tend à transformer les profils des espaces d’accueil. Nous partons de l’hypothèse que les espaces d’accueil n’attirent pas les mêmes ménages : il y a des espaces valorisés, des espaces dévalorisés. Il y a des spécialisations socio-spatiales des espaces, des filtrages sociodémographiques qui jouent dans les différenciations des mobilités sociales et sur les évolutions des profils des espaces d’accueil. En d’autres termes, les mobilités résidentielles tendraient à renforcer ou à créer de nouveaux clivages sociaux au sein des espaces où elles s’effectuent. Ces mutations mettent en exergue des processus d’inégalité socioéconomique au sein de la société. L’un des objets premiers de cette recherche est donc d’étudier les évolutions sociodémographiques des vingt dernières années d’un espace, à partir de l’exemple du département de la Manche, via un travail quantitatif sur les données de l’INSEE et les données PERVAL. La combinaison de deux bases de données est une démarche exploratoire. Il s’agit de mesurer les mutations et divisions sociodémographiques dans l’espace produites par les mobilités résidentielles. L’intérêt d’une telle approche est son aspect objectivant, avec des résultats mesurables, avec une perspective diachronique tout en permettant une approche multiscalaire nécessaire. Cette approche quantitative de la division sociale de l’espace est une voie peu explorée, ce qui fait l’un des intérêts et enjeux de cette recherche (Rhein, 1991 ; Apparicio, 2000 ; Madoré, 2005). L’objectif est donc de cerner les espaces ayant connu des mutations dans leur profil par le truchement de l’arrivée de nouvelles populations, et de cerner les enjeux liés à ces dynamiques.

Questionnements, problématiques, intérêts et enjeux de cette recherche

L’intérêt d’une approche par la géographie sociale pour étudier les recompositions sociales produites par les mobilités résidentielles 

Nous travail de recherche s’inscrit dans la géographie et plus particulièrement dans le courant de la géographie sociale. Nous adhérons avec la vision développée par des chercheurs, formalisées entre autres par V. Veschambres et F. Ripoll, d’une géographie qui, en passant par l’espace, cherche à étudier la société. Il s’agit d’« un regard social dans la construction du fait spatial. Nous pensons, en effet, que l’objet fondamental de la géographie sociale est bien d’accéder à la connaissance des problèmes sociaux (Hérin, 1984/20 ; Chevalier, 2001/12) » selon F. Madoré (2004). De plus, il s’agit d’une science qui se doit de révéler les logiques de production et de reproduction des inégalités par et/ou pour l’espace. Par conséquent, l’espace n’est pas un acteur en soi, mais il est le réceptacle de processus sociaux de domination qui produisent des inégalités, celles-ci pouvant s’observer à travers l’espace. Ainsi, en étudiant une dimension spatiale de la société (Veschambre, 2006) nous tentons d’éclairer des processus d’évolution internes à celle-ci. S’inscrire dans la géographie sociale, c’est s’interroger sur les liens entre les inégalités socioéconomiques et la (re)distribution géographique des populations par le biais des mobilités résidentielles. Si nous considérons que la société est stratifiée et qu’il existe des processus de production et de reproduction des positions de dominations, dans quelle mesure celles-ci se répercutent sur les localisation résidentielles? Quels sont les liens entre les positions et trajectoires spatiales, et les positions et trajectoires sociales ? Il s’agit de répondre à des questions globales telles que : dans quelle mesure l’augmentation des inégalités socioéconomiques tend à renforcer la division sociale de l’espace ? Les divisions sociales de l’espace, mesurables et explicables, proviennent-elles des divisions socioéconomiques de la société ? Le rôle des politiques, d’aménagement et d’urbanisme, à toutes les échelles, favorise-t-il les divisions sociales de l’espace ?

Quels espaces et quels objets d’étude ? 

Le périurbain : histoire et débats d’un objet d’étude

La géographie sociale et la géographie rurale se sont rapidement intéressées à l’objet « périurbain » à partir de la fin des années 1970, notamment avec la sortie de l’ouvrage La rurbanisation ou la ville éparpillée de Bauer et Roux en 1976. En ce qui concerne la sociologie, le périurbain a été aussi au début du processus un objet d’étude. Cependant face à l’augmentation des politiques en faveur de la ville, le périurbain a été un angle mort de la sociologie durant les années 1990 et jusqu’au milieu des années 2000, des « banlieues » (Beaud, 2006). Face aux mutations que connaissaient certaines espaces ruraux, les plus proches des villes, et à la nécessité de dépasser une vision binaire de l’espace où s’oppose villes et campagnes, les chercheurs se sont peu à peu emparés de ce « tiers espace » (Vanier, 2000). La nouveauté du phénomène amène à de nombreux néologismes pour le qualifier : suburbanisation, rurbanisation (Bauer, Roux, 1976 ; Berger, 1980), exurbanisation (Brunet, 1990), contre-urbanisation (Kayser, 1990), etc. Le terme « périurbanisation » s’institutionnalise en 1996 par la création, par l’INSEE du Zonage en Aire Urbaine (ZAU). Le périurbain devient alors une unité spatiale institutionnelle. Puisque désormais la statistique publique crée de la donnée sur cet espace, les chercheurs en tirent profit en utilisant le ZAU comme échelle d’étude (Ph. Julien, 2007).

Cette diversité de vocabulaire renvoie à la diversité des regards disciplinaires, des angles d’étude et des échelles utilisées pour étudier cet espace entre campagne et ville (Rivière, 2009). Cependant, c’est le terme de périurbanisation qui s’impose, au cours des années 1980, dans le vocable scientifique, mais aussi médiatique et politique. La diversité des approches du périurbain, et ce que le concept recouvre, provient des multiples caractéristiques spécifiques (sociales, morphologiques, paysagères, etc.) au périurbain. De la même manière, s’il existe un certain consensus sur les facteurs de la périurbanisation en France au début des années 1970, les recherches ne se centrent pas sur les mêmes aspects .

La multiplicité des approches de cet objet d’étude provient aussi de la complexification, de la diversification de l’origine sociodémographique des habitants mais aussi des formes d’habitats par exemple, des milieux périurbains. Pour cette recherche, nous adhérons à la vision d’espaces périurbains complexes, qui forme un modèle socio-résidentiel aux caractéristiques propres, qui le distingue des modèles urbains ou ruraux. Chaque chercheur définit et développe son acception du « périurbain », par ses aspects sociaux, démographiques, structurels, etc. De plus, derrière cette vision idéale typique d’un espace particulier, il nous semble nécessaire d’étudier ces espaces, et donc de les nommer et les définir, avec une relative souplesse. S’il existe, et c’est notre vision, des espaces périurbains et non pas un espace périurbain, il existe aussi des espaces ruraux complexes et hétérogènes. C’est pour cette raison que lors de notre recherche nous étudions des espaces qui ne sont pas catégorisés comme « périurbains » mais qui connaissent eux aussi des processus de changements sociaux en lien avec l’arrivée de nouvelles populations aux pratiques urbaines (Partie 3). Il est donc nécessaire de clarifier et caractériser chaque type d’espace que nous étudions. De plus, nous nous positionnons dans une définition des espaces périurbains comme d’un fait social avec son pendant spatial, la périurbanisation, c’est-à-dire l’ensemble de l’urbanisation précaire ou durable qui peut se voir au travers des constructions de résidence symbolisées par le pavillon (Lussault, 2003). Les espaces périurbains sont, selon notre vision, des espaces réceptacles de flux de populations hétérogènes par leurs origines sociospatiales, qui accèdent à cet espace lors d’un projet résidentiel et qui perpétuent en partie le processus de périurbanisation. Ces populations continuent d’entretenir un lien plus ou moins fort avec le pôle urbain, notamment par la localisation de leurs emplois dans ce pôle. Les espaces périurbains forment un tout organisé au sein d’un espace plus large, regroupant un ou des pôles urbains ayant des logiques d’interrelations sur ces espaces. Ces interrelations sont produites par le politique – l’aménagement de l’espace passe de plus en plus par des logiques d’intercommunalité, d’échelle plus petite, etc. – et l’économie – symbolisée par les migrations pendulaires en direction des pôles urbains concentrant la majorité des emplois. Enfin, nous inscrivons notre recherche dans une logique de complexification des espaces périurbains et ruraux.

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Table des matières

Introduction : De la périurbanisation à l’analyse du changement social dans l’espace
Chapitre 1 : Questionnements, problématiques, intérêts et enjeux de cette recherche
Chapitre 2 : Objectiver les transformations socio-résidentielles dans le département de la Manche entre 1999 et 2012
Chapitre 3 : PERVAL : une base de données des transactions immobilières pour analyser les flux résidentiels
Chapitre 4 : Rôle des politiques et acteurs locaux dans le changement social
Conclusion générale

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