Changement climatique et CO2
Lโaugmentation de la tempรฉrature, la perturbation des saisons et lโintensification des catastrophes naturelles comme les cyclones, les inondations et la sรจcheresse observรฉes ces derniers temps attestent que le changement climatique est bien rรฉel (GIEC, 2011). Ces problรจmes rรฉsultent de lโaugmentation de la quantitรฉ des GES accumulรฉs dans lโatmosphรจre qui sont surtout le CO2, le mรฉthane (CH4), lโoxyde nitreux (N2O), lโhydrofluorocarbone (HFC), le perfluorocarbone (PFC) et lโhexafluorure de soufre (SF6) (CEA, 2006). Le CO2 en est le principal car sa durรฉe de vie dโenviron 100 ans et sa part รฉgale ร 80% des GES font de lui le plus persistant et le plus abondant parmi eux (GIEC, 2007). Lโaugmentation de la proportion de CO2 dans lโair est essentiellement due aux รฉmissions anthropiques. 3/4 du CO2 รฉmis dans lโatmosphรจre serait dรป ร la combustion des รฉnergies fossiles, le 1/4 รฉtant attribuรฉ au changement dโusage des terres, particuliรจrement au dรฉboisement (IPCC, 2007). Face ร ce constat et aux impacts prรฉsents et potentiels du changement climatique, deux approches complรฉmentaires se sont avรฉrรฉes indispensables. Lโune relรจve de lโadaptation aux impacts de ce phรฉnomรจne, lโautre consiste ร lโattรฉnuer en maรฎtrisant lโaccroissement des GES dans lโatmosphรจre. Ceci revient ร rรฉduire les รฉmissions de GES par les sources et ร augmenter le stock dans les puits. Le carbone (C) est en effet contenu, sous diffรฉrentes formes, dans divers compartiments de lโenvironnement terrestre. Les plus importants en termes de quantitรฉ de C stockรฉ sont les ocรฉans et le sol (UE, 2011). Les ocรฉans, avec 39 200 gigatonnes de C (GtC), reprรฉsentent prรจs de 93% du stock mondial, principalement sous forme de carbonates. Le sol, lโatmosphรจre et la biomasse terrestre se partagent les 7% restants, รฉquivalent ร 2940 GtC (GIEC, 2007). Le sol jusquโร un (1) m de profondeur, dispose de prรจs de la moitiรฉ de ce stock soit 1580 GtC. Dans ce tonnage, la part des sols forestiers est de 40% (GIEC, 2007). Lโatmosphรจre a un stock de 750 GtC. La biomasse terrestre reprรฉsente 610 GtC dont 80% est attribuรฉe ร la biomasse forestiรจre (GIEC, 2007).
Rรดles des รฉcosystรจmes forestiers dans la lutte contre le changement climatique
Au total, les รฉcosystรจmes forestiers reprรฉsentent plus de la moitiรฉ du stock de C des terres รฉmergรฉes avec un stock de 1120 Gt dont 632 Gt dans le sol et 488 Gt dans la biomasse. Ils apparaissent donc comme รฉtant une composante importante dans le processus de sรฉquestration du C. En effet, les forรชts stockent du C dans la biomasse, via la photosynthรจse, et dans les sols ร travers la matiรจre organique issue des rรฉsidus vรฉgรฉtaux et animaux ainsi que des microorganismes telluriques. La MOS est un compartiment essentiel, de par sa taille, mais elle constitue une forme trรจs instable en perpรฉtuelle รฉvolution. ร lโissue de la dรฉcomposition de celle ci, le C organique quโelle contient finit par retourner ร lโรฉtat de CO2 atmosphรฉrique aprรจs un temps de rรฉsidence extrรชmement variable allant dโune annรฉe, pour la MO fraรฎche, ร plus dโun millรฉnaire pour lโhumus stable (PARTON et al., 1993; BALESDENT, 1996 In QUENEA, 2004). Comparรฉ au temps de rรฉsidence du C dans des compartiments plus stables, comme les roches carbonatรฉes qui le stockent pendant des millions dโannรฉes (RETALLACK, 1990 In ARAGNO et al., 2010), celui de la MOS reste en moyenne court.
Voie oxalate-carbonate
En 1999, des chercheurs suisses ont trouvรฉ que lโIroko (Milicia excelsa), un arbre africain de la famille des MORACEAE, peut fabriquer du calcaire avec lโaide de certains microorganismes du sol. Cette biominรฉralisation du calcaire chez lโIroko, dรฉjร รฉtudiรฉe en 1932 puis en 1967 (MATTEO, 2011), rรฉsulte dโun processus complexe appelรฉ ยซ voie oxalate-carbonate ยป . Le phรฉnomรจne dรฉbute par la fixation de CO2 atmosphรฉrique par lโarbre, pendant la photosynthรจse, pour ensuite produire de lโacide oxalique. Cet acide sโassocie avec le calcium (Ca) dans les tissus vรฉgรฉtaux pour former lโoxalate de calcium qui, en รฉtant pratiquement insoluble, va sโy accumuler sous forme de cristaux. Lorsque lโarbre perd ses feuilles, les champignons saprophytes de la litiรจre vont libรฉrer les cristaux dโoxalate dans les vรฉgรฉtaux. Ces cristaux dโoxalate de calcium arrivent donc au sol oรน ils pourront รชtre solubilisรฉs par des bactรฉries oxalotrophes aรฉrobies, dont les streptomycรจtes et les protรฉobacteries (BRAISSANT, 2005). La consommation de lโoxalate par ces bactรฉries oxalotrophes va en effet mener ร lโoxydation du carbone de lโoxalate en carbonate. Cette oxydation est accompagnรฉe de la libรฉration d’une molรฉcule de CO2 et dโions hydroxyde qui vont rendre le milieu alcalin. Le CO2 va finalement rรฉagir avec le Ca, prรฉalablement libรฉrรฉ par les bactรฉries lors de la consommation de l’oxalate de calcium, pour aboutir ร la prรฉcipitation de carbonate de calcium (CaCO3) (ARAGNO et al., 2010).
A ce processus sโajoute la contribution des exsudats racinaires et des champignons producteurs dโoxalate qui approvisionneraient les bactรฉries oxalotrophes en ce sel organique. En outre, les racines de lโarbre seraient aussi ร lโorigine de lโaccumulation de CaCO3 observรฉes dans certaines plantes (BRAISSANT, 2005). Ce serait par le pompage dโune partie du CaCO3 en solution dans le sol que les racines permettraient au CaCO3 de passer dans les vaisseaux de la plante oรน il peut reprรฉcipiter grรขce ร des phรฉnomรจnes de capillaritรฉ (BRAISSANT, 2005).
Le CaCO3 รฉtant capable de stocker le C pendant des millions dโannรฉes (ARAGNO et al., 2010), la voie-oxalate-carbonate est donc un processus naturel efficient qui permet de lutter contre lโeffet de serre et dโattรฉnuer le changement climatique. Mais pour que la biominรฉralisation du calcaire puisse agir comme un puits net de C, il est primordial que le Ca utilisรฉ dans ce processus provienne de source non calcaire (GUGGIARI, 2011). Pour cette raison, la voie oxalate-carbonate a รฉtรฉ observรฉe en particulier dans des sols tropicaux acides initialement dรฉpourvus de calcaire comme les sols ferrallitiques (ARAGNO et al., 2010). Dans ces sols acides, la voie oxalate-carbonate contribue รฉgalement ร lโamรฉlioration de la fertilitรฉ du sol par correction de lโaciditรฉ via lโoxydation de lโoxalate (ARAGNO et al., 2010). Lโaugmentation du pH engendre en effet lโamรฉlioration de la capacitรฉ dโรฉchange dโรฉlรฉments nutritifs pour les plantes, la stabilisation de la matiรจre organique et lโinsolubilisation des รฉlรฉments toxiques comme lโaluminium (GOLAY et DIETRICH, 2012).
Enfin, la voie oxalate-carbonate serait plus associรฉe ร un pรฉdoclimat sec (TOUSSAINT, 2012) et ร certaines espรจces dโarbre (ARAGNO et al., 2010). En Afrique, lโIroko est la plus connue parmi elles, mais dโautres arbres comme Bombax costatum (BOMBACACEAE) et Afzelia africana (CAESALPINACEAE) ont aussi ce potentiel. En Bolivie, les arbres biominรฉralisateurs sont : Pentaplaris davidsmithii (TILIACEAE), Ceiba speciosa, (BOMBACACEAE), Terminalia amazonica (COMBRETACEAE) et Myroxolon balsamum (CAESALPINACEAE) (ARAGNO et al., 2010).
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Table des matiรจres
PARTIE 1 :INTRODUCTION
PARTIE 2 : METHODOLOGIE
1. CONTEXTE
1.1. Changement climatique et CO2
1.2. Rรดles des รฉcosystรจmes forestiers dans la lutte contre le changement climatique
1.3. Voie oxalate-carbonate
2. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
3. MATERIELS ET METHODES
3.1. Zone dโรฉtude
3.2. Mรฉthodes
3.2.1. Phase prรฉparatoire
3.2.2. Phase de terrain
3.2.3. Etude pรฉdologique
3.2.4. Analyses en laboratoire
3.2.5. Traitement et analyses des donnรฉes
3.3. Cadre opรฉratoire
PARTIE 3 : RESULTATS
Chapitre 1 : ESPECES OXALOGENES DES REGIONS MERIDIONALE ET OCCIDENTALE DE MADAGASCAR
1.1. Espรจces oxalogรจnes existant ร Madagascar
1.2. Espรจces, prรฉsumรฉes oxalogรจnes, explorรฉes dans la zone dโรฉtude
1.2.1. Espรจces prรฉsentant le potentiel dโoxalate de calcium
1.2.2. Espรจces ne prรฉsentant pas le potentiel dโoxalate de calcium
1.3. pH eau
1.4. Aspects phytosociologiques
1.4.1. Structure floristique
1.4.2. Espรจces accompagnatrices
1.4.3. Structure spatiale
Chapitre 2 : DIFFERENTS FACTEURS SUSCEPTIBLES DโINFLUENCER LA VOIE OXALATECARBONATE
2.1. Type de sols rencontrรฉs
2.1.1. Sols ferrugineux jaune-rouges
2.1.2. Sols ferrugineux lessivรฉs
2.1.3. Sols ferrugineux lessivรฉs ร tendance podzolique
2.1.4. Sols ferrugineux rouges
2.1.5. Sols hydromorphes
2.1.6. Sols hydromorphes ร caractรจre vertique
2.2. Compartiment sol
2.2.1. Caractรฉristiques gรฉnรฉraux des propriรฉtรฉs des sols รฉtudiรฉs
2.2.2. Profil des teneurs en CaCO3, en C et des Da au niveau des espรจces oxalogรจnes
2.2.3. Teneur en CaCO3 des sols suivant diffรฉrents facteurs
2.2.4. Stocks de C et de CaCO3
2.2.5. Corrรฉlation entre les diffรฉrentes variables รฉtudiรฉes
2.3. Compartiment biomasse
2.3.1. Teneur en CaCO3
2.3.2. Teneur en C
PARTIE 4 : DISCUSSIONS
1. Discussion sur la mรฉthodologie
1.1. Atouts
1.2. Contraintes et limites
2. Discussion sur les rรฉsultats et les hypothรจses
3. Recommandations
Axe dโorientation 1 : Mener des recherches complรฉmentaires ร la prรฉsente exploration
Axe dโorientation 2 : Valoriser les acquis de la prรฉsente รฉtude
PARTIE 5 : CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES