Les lithosphères continentales déformées en contexte de convergence peuvent présenter des styles de déformation variables en fonction de leur rhéologie. Dans le cas de lithosphères résistantes, la déformation est localisée dans des chevauchements majeurs recoupant toute la croûte voir la lithosphère. Le prisme orogénique y est alors plutôt étroit, caractérisé par un empilement de nappes de socle et la formation d’une racine orogénique. Dans le cas de lithosphères peu résistantes, la déformation apparait comme plus distribuée, sans développement de chevauchement d’échelle lithosphérique. Cette déformation distribuée, homogène à l’échelle de la chaîne, conduit à la formation d’orogènes plus larges dans lesquels l’épaississement crustal est modéré. Ce dernier style de déformation est supposé être caractéristique d’orogènes anciens (précambriens) décrits comme « chauds », par opposition au premier, observé dans les orogènes récents (phanérozoïques) et plutôt « froids ». La déformation au sein des orogènes chauds se caractérise souvent par un partitionnement de la déformation entre la croûte supérieure résistante et le reste de la lithosphère sous-jacente peu résistante. Dans ce cas, la croûte supérieure a tendance à s’épaissir en développant des structures verticales tandis que le reste de la lithosphère est affectée par un fluage latéral (horizontal) pouvant être associé à une exhumation locale de la croûte ductile sous la forme de dômes. La transition entre ces deux dynamiques radicalement différentes est alors accommodée par une zone tampon appelée « attachement ». Cependant, ce type de partitionnement pourrait également affecter des orogènes plus récents, telles que des chaînes de montagnes ayant développées un plateau orogénique ainsi que des chaînes de collision, thermiquement « mâtures » après leur épaississement.
Déformation des lithosphères en convergence
Définitions et concepts
La lithosphère continentale :
La théorie de la tectonique des plaques (Mc Kenzie and Parker, 1967; Le Pichon, 1968) a introduit la notion de plaques lithosphériques, la lithosphère formant la partie la plus superficielle de la Terre. Elle est constituée, de haut en bas, par la croûte continentale et d’une partie du manteau supérieur, pour une épaisseur moyenne de 120km (Fig. 1-1). La composition de la croûte est hétérogène, allant de roches sédimentaires en surface à des roches métamorphiques granulitiques en profondeur (Fig. 1-1). Le manteau supérieur est quant à lui constitué de péridotites lherzolitiques. La limite croûte-manteau, appelée « discontinuité de Mohorovicic » ou « Moho » correspond donc à un changement de composition minéralogique, à l’opposé de la limite manteau lithosphérique-manteau asthénosphérique qui correspond à une limite thermique et mécanique liée à l’augmentation de la pression et de la température avec la profondeur.
En raison de la dynamique interne de la Terre, les lithosphères continentales sont segmentées en divers plaques lithosphériques, continuellement en mouvement les unes par rapport aux autres. Lors de ces mouvements, ces plaques vont se déformer pour accommoder les contraintes qui leur sont exercées. Cette déformation va pouvoir s’exprimer de manière différente selon les caractéristiques mécaniques propre à chacune des plaques. Ces caractéristiques mécaniques, ou propriétés rhéologiques, sont partiellement liées à la nature lithologique de la lithosphère. Ainsi, de par son hétérogénéité compositionnelle verticale (Fig. 1-1), il faut tenir compte du fait que le comportement mécanique de la lithosphère (sa rhéologie) va varier en fonction de la profondeur. A ces variations rhéologiques liées à la caractéristique intrinsèque de la roche, il est nécessaire de prendre compte les variations de paramètres externes tels que la pression et la température, ces derniers étant ici reliés à la profondeur à laquelle est déformée la roche.
De nombreuses études expérimentales ont permis de mettre en évidence que les roches se déforment selon deux modes différents (Byerlee, 1978; Kirby, 1985; Evans and Kohlstedt, 1995; Kohlstedt et al., 1995). Le premier s’applique à des roches déformées à basses pressions et basses températures et correspond à un comportement rhéologique dit « fragile » (ou cassant, frictionnel). Les roches cassantes sont caractérisées par une rupture précoce au-delà d’un certain seuil de contraintes appliquées, ce qui conduit à leur fracturation. Pour des conditions de pressions et de températures plus élevées (équivalent à des profondeurs plus importantes), les roches adoptent un comportement de type plastique. Les tectoniciens utilisent le terme de comportement ductile par opposition au comportement fragile, pour décrire les roches qui présentent une déformation plastique relativement importante avant une éventuelle rupture. La déformation plastique implique une réorganisation interne des roches selon divers mécanismes comme le fluage-dislocation en intracristallin, la réorientation ou la recristallisation des minéraux (Evans and Kohlstedt, 1995; Ranalli, 1995).
Profil rhéologique d’une lithosphère continentale :
Dans le but de mieux comprendre comment se déforme la lithosphère à grande échelle et d’identifier les zones de découplage préférentielles, la représentation par profils rhéologiques a été développée. Ces profils représentent les variations de la résistance supposées de la lithosphère en fonction de la profondeur, en admettant i) que chaque couche qui la compose et pris en compte dans le profil est homogène, ii) que la vitesse de déformation est constante, iii) que la lithosphère est à l’équilibre et iv) que le gradient géothermique est uniforme. La construction d’un profil rhéologique consiste à calculer la résistance fragile des matériaux qui caractérisent la lithosphère, puis d’utiliser les lois de puissance reflétant de comportement ductile des roches pour un gradient géothermique et une vitesse de déformation donnés. En tenant compte d’une composition idéale granodioritique, le comportement rhéologique de la croûte est assimilé à celui du quartz tandis que celui du manteau est matérialisé par celui de l’olivine, principal minéral qui le compose. L’intersection entre la droite de résistance fragile et la loi de puissance du matériau choisi définie alors la transition entre les deux comportements (Fig. 1-2)
La loi rhéologique caractérisant la déformation plastique a souligné la dépendance de la résistance des roches à la température et au taux de déformation. L’importance de la température peut être illustrée en calculant un profil rhéologique, pour une même roche et pour une même vitesse de déformation, via l’utilisation de gradients géothermiques différents (Davy, 1986). Ainsi, dans le cas de gradients froids (Fig. 1 2a), le profil rhéologique se présente sous la forme de quatre couches aux comportements mécaniques distincts. La première couche correspond à la croûte supérieure fragile, suivie d’une croûte inférieure ductile, d’une première couche de manteau fragile (au niveau du Moho) et finalement d’un manteau ductile. Dans le cas d’un gradient géothermique élevé (Fig. 1-2b), la lithosphère n’est formée que de trois couches, une croûte supérieure fragile, une croûte moyenne-inférieure ductile et un manteau ductile. Ainsi, par une simple hausse de température, la lithosphère devient beaucoup moins résistante, allant jusqu’à voir disparaitre du profil la couche la plus résistante de la lithosphère qu’est le manteau supérieur fragile.
Déformation de la lithosphère en contexte orogénique
Un orogène (du grec « orós » qui signifie montagne et « genés » formation), tel que défini initialement par Gilbert (1890) correspond à une zone où se forment des montagnes. Leur formation résulte de la convergence de deux plaques lithosphériques et ces montagnes se retrouvent aujourd’hui dispersées sur chacune des plaques continentales qui composent la Terre (Fig. 1-4). Ces chaînes de montagnes sont depuis longtemps des cibles d’étude de choix afin de comprendre le comportement mécanique de la lithosphère. Depuis la fin du XXème siècle, les nombreuses études expérimentales et numériques ont permis de montrer que, au premier ordre, ce qui contrôle la forme globale de l’orogène reste le profil rhéologique de la lithosphère qui est comprimée et donc par extension sa composition et surtout son gradient géothermique (Davy, 1986; Davy et al., 1990; Davy and Cobbold, 1991; Brun, 2002; Jackson, 2002; Burov and Yamato, 2008; Burov, 2011). La classification des orogènes en fonction de leur modèle génétique a été élaborée (Windley, 1992), différentiant les chaînes d’accrétion (subduction d’une lithosphère océanique sous une lithosphère continentale) des chaînes de collision (collision entre deux lithosphères continentales après subduction océanique) et chaîne intracontinentale (pas de subduction océanique). Cependant, cette classification ne tient pas compte de la manière dont se déforment ces orogènes et donc de leur rhéologie. Ainsi, une autre classification des orogènes a été proposée, cette fois basée sur le style de déformation qui les caractérise et opposant orogènes froids et (ultra-)chauds (Chardon et al., 2009).
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME