« C’est la première fois que je suis heureuse d’être médecin » : les facteurs multiples de l’épanouissement personnel au centre de santé 

« Le droit il s’applique là comme ailleurs » : une trajectoire de solidarité interne

Enfin, une dernière trajectoire, celle de Denis, infirmier, se démarque des autres et semble être guidée, bien que solidaire, non pas pour un combat externe, au sens de Vermeersch , mais interne. Sa trajectoire est effectivement mue par un engagement fort pour les droits de l’Homme et par extension le droit du travailleur, dont Denis se sait à la fois acteur mais aussi destinataire.
D : Moi j’ai une formation, d’abord j’ai été formé très jeune aux droits de l’Homme, puisqu’à 17 ans, je faisais partie d’un parti politique et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Donc moi j’ai une formation Droits de l’Homme. (…) Et après le bac j’ai fait une année de droit qui ne sait pas… mal terminée (RIRE), donc j’ai arrêté le droit au bout d’une année et après j’ai bossé, j’ai continué mon engagement à la LDH pendant plusieurs années mon engagement politique aussi et après j’ai fait une formation d’infirmier.
Il va de soi que c’est, ici aussi, une trajectoire très politisée, mais qui se distingue de celles de Sophie et Corinne par le caractère interne de l’idéologie politique de Denis, qui se confirme d’ailleurs par son choix d’avoir été objecteur de conscience.
D : Et à l’issue de ma formation infirmière de trois ans, j’ai été objecteur de conscience, ce qui n’était pas rien, ce qui était un vrai engagement.
Un premier geste de refus, au nom de principes idéologiques que l’on retrouvera tout au long de sa trajectoire. Pour autant, Denis s’est également engagé dans des formes de solidarité externe, secouriste pour la Croix Rouge à 17 ans par exemple. Ayant la volonté d’inscrire son parcours dans un contexte plus international, il eut le projet, une fois infirmier et objecteur de conscience, de partir en Colombie avec une ONG, non sans lien avec son arrivée au Comede.
D : Au dernier moment j’ai pas pu partir (en Colombie) parce que l’armée est venue virer toutes les ONG, donc je ne suis pas parti, donc j’avais la frustration de ne pas être parti et donc quelque part, de ne pas être parti c’était aussi… enfin l’engagement à l’auberge de jeunesse était aussi très très fort, c’était très internationaliste les auberges de jeunesse.
Puis le Comede était aussi une ONG, une ONG qui soignait des étrangers que j’aurais pu rencontrer l’année d’avant en Colombie. (…) C’était aussi quelques part un moyen de se retrouver dans un milieu de gens le plus en difficulté.
On comprend donc que Denis a choisi le Comede, rappelons-le pendant ses deux années d’objection de conscience, à la fois pour sa dimension internationale et pour être en contact avec des populations en grande difficulté, ce qui en soi ne relève pas de la solidarité interne. Un choix qui n’a pourtant pas été exempt de toute considération politique :
D : bah c’est plutôt une petite ONG qui n’a pas d’infirmier plutôt qu’une mairie qui me propose de faire une truc très intéressant mais voilà… une mairie quoi (RIRE).
Au cours de son parcours professionnel, cette lutte politique interne se matérialisera à plusieurs reprises, à commencer lorsqu’à mi-temps dans une clinique psychiatrique pour adolescents, il co créa un syndicat et y resta engagé quatre ans. Il importera ensuite ce combat pour le droit des travailleurs dans l’enceinte du Comede, une fois employé à plein temps, à travers son engagement en tant que délégué du personnel (DP).
D : En sachant aussi, que pendant 20 ans j’ai été le délégué du personnel même si … plus depuis un mois (RIRE) (…) D’accord c’est une structure qui se veut particulière mais bon on a 30 ans d’existence, 35 ans d’existence voilà le droit il s’applique là comme ailleurs. Donc c’est… y a une certaine cohérence dans le…
M : oui, dans ton parcours…
D : Oui c’est ça dans mon parcours. C’est de dire oui c’est pas parce qu’on s’appelle le C qu’on ne pas de droit au travail. (…) Donc le coté défendre leur droit en tant que DP, c’est de dire c’est aussi un job comme un autre, on n’est pas là par hasard mais c’est aussi un job comme un autre.

Diversité des regards sur l’action du Comede

Afin de poursuivre notre interrogation quant aux dynamiques individuelles qui fondent l’action collective du Comede, il est nécessaire de comprendre la perception que chacun.e se fait de la cause qu’il/elle défend à travers son activité professionnelle.
Pour cela, il s’agira de montrer d’abord que malgré les divergences de trajectoires, toutes et tous partagent une même sensibilité pour les combats du Comede et une perception similaire du contexte dans lequel ils/elles s’inscrivent. Mais cet accord de fond n’exclut en revanche pas des divergences quant au regard qu’ils/elles portent sur les réponses du Comede dans la lutte pour l’accès aux soins des migrants.

« Un contexte permanent de délégitimation de la place de l’étranger » : des perceptions convergentes du contexte d’action du Comede

A la question « Te sens-tu en accord avec les luttes du Comede ? », beaucoup ont répondu par l’affirmative. Pour ainsi dire, seulement Denis n’a pas répondu à la question. « En adéquation » pour certain.e.s, « complétement d’accord » pour d’autres, il semble clair, et logique, que les salarié.e.s interrogé.e.s soient en accord avec les luttes et les objectifs de l’association. Sophie le dit d’ailleurs, « le jour où je serai vraiment en désaccord avec le projet de l’association, je partirai ». Mais plus globalement, tou.te.s sont sensibles à la question de l’accès aux soins des migrants, ce qui se constate entre autres par une perception convergente du contexte de l’accueil des migrants en France.
En effet, la « vision du monde » des salarié.e.s semble se rejoindre sur leur perception de l’accueil des migrants en France. En prenant le recul des 27 années passées au Comede, Denis parle d’un « contexte permanent de délégitimation de la place de l’étranger », avec l’impression de vivre « un moment de repli de la société française ». Pauline confirme que, selon elle, « on va dans une politique de plus en plus renfermée, de plus en plus restrictive, de plus en plus contrôlée ». Lionel déplore l’absence d’évolution, avec « toujours le même problème du rejet des gens précaires et notamment des migrants avec un climat de xénophobie ». Patricia est plus catégorique encore face à un système « absolument pas accueillant ». Selon elle, « les étrangers ne sont pas les bienvenus (…) avec toujours une suspicion de fraude derrière, très forte ». Dans des discours plus mesurés, Sophie et Audrey reconnaissent « des problèmes récurrents d’hospitalité » qui s’expliqueraient par « une politique actuelle en France qui est de plus en plus compliquée si tu n’es pas Français ».
Aussi, bien qu’ayant des trajectoires tout à fait différentes, les salarié.e.s du Comede s’accordent à penser que le contexte d’accueil des migrants en France est mauvais.
Mais il est difficile de dire si cette convergence de perception n’est finalement pas le fruit d’une homogénéisation des représentations par le simple fait que tou.te.s travaillent dans un même cadre. Lionel précise d’ailleurs qu’ils/elles ont « une vision un peu déformée de la situation globale des migrants » puisque que le Comede ne reçoit que les « gens en grande vulnérabilité » et pas « la majorité des migrants qui ont un accès dans le droit commun beaucoup plus facilement ». Sans pouvoir répondre à cette interrogation, il semblait néanmoins nécessaire de la souligner.
Quoi qu’il en soit, l’ensemble des salarié.e.s interrogé.e.s partage une même sensibilité à la question de l’accès aux soins des migrants, se positionnant évidemment contre un système qu’ils/elles considèrent peu accueillant pour les populations étrangères. En revanche, la manière dont le Comede organise ses réponses face à ce contexte est davantage source de débats, voire de polémiques.
• « Revenons-en aux fondamentaux du Comede » : regards divergents sur les réponses apportées par le Comede
En 2013, le Comede, alors Comité médical pour la santé des exilés, changeait de nom et devenait Comité pour la santé des exilés. Ainsi à « médical » a été préféré « pour la santé », en référence à la définition donnée par l’OMS: « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »
Il n’est ainsi plus question au Comede de n’offrir aux migrants qu’un accès à des soins médicaux, physiques, à proprementparler mais également de favoriser le bien-être mental et social, à travers le service desanté mentale et le service social et juridique.Ce changement de nom, qui ne fait que confirmer une évolution des pratiques bienantérieure à 2013, et surtout son application dans les réponses apportées par leComede, ne sont pourtant pas sans poser de problèmes. Denis, dans une expression assez illustrative, se veut prévenant : « ne nous perdons pas dans les sables de la santé ». Pour lui, comme pour Lionel, dont on sait qu’ils ont respectivement 27 et 16 ans d’ancienneté au Comede, les conséquences de cette évolution entraineraient une certaine «dérive » des actions du Comede. S’ils admettent que l’aspect médical « est un peu limitatif » et que « ça fait longtemps (que le Comede) ne fait pas que du médical », il est nécessaire selon eux de se recentrer sur les fondamentaux du centre de santé :C. « Et moi tu m’as entendu ? » : Militantisme et activité professionnelle Evoluant dans des trajectoires très diverses, on se rend compte, à travers l’ensemble des entretiens, que chacun.e perçoit son action différemment, pourtant toutes et tous exerçant dans un même cadre associatif, professionnel et institutionnel.
Cette diversité de perception s’exprime spécifiquement lorsqu’il a été demandé aux salarié.e.s de définir si, selon eux, leur action au Comede est, ou non, une action militante.
On s’aperçoit dans un premier temps que toutes et tous font, à divers niveaux de précision, une différence entre un militantisme que l’on pourrait appeler individuel et un militantisme collectif ou institutionnel. À travers ses interrogations, Pauline illustre cette dichotomie.
Pe : Mais je sais pas trop quelle différence je fais entre militant et engagement. Estce qu’il y a un engagement et ensuite le niveau de militantisme… après c’est le militantisme, c’est-à-dire porter quelque chose à l’extérieur dont on a été témoin, donc (…) représenter le Comede à l’extérieur, devant d’autres personnes et pas seulement d’un militantisme personnel, du coup on parlerait d’engagement dans ce cas là.
Il vrai que la frontière entre engagement et militantisme individuel semble maigre. E. Agrikoliansky ne fait d’ailleurs pas de distinction lorsqu’il définit le « militantisme moral » comme une « l’engagement dans des luttes politiques sectorielles de ceux qui ne sont pas directement concernés par ces causes » . Pourtant, les réponses des salarié.e.s nous poussent à distinguer deux niveaux de militantisme : l’un, individuel, relevant de l’engagement pour une cause ; l’autre, institutionnel, relevant de l’action au nom et à travers les activités du Comede. Aussi, en mettant en lumière comment chacun.e se positionne par rapport à ces deux niveaux, on comprendra plus finement le sens que donnent les salarié.e.s à leurs actions au sein du centre de santé.
C’est la première fois que je suis heureuse d’être médecin » : les facteurs multiples de l’épanouissement personnel au centre de santé « Le monde associatif est familier du mot engagement, cependant celui-ci ne renvoie pas à la question de la « motivation » dans le travail mais à celle du comportement à l’égard d’une cause devant laquelle, à la limite, l’individu s’efface ou se sacrifie. (…) En ce sens, l’engagement suppose d’abandonner au seuil de l’association ses enjeux personnels au profit d’autrui et l’activité laborieuse ne doit pas être le cheval de Troie de leur résurgence. »
A travers cette citation de Ughetto et Combes, on comprend combien le milieu associatif s’associe à l’image d’un engagement sacrificiel. Mais considérer le secteur associatif comme un monde du travail, ce que propose Hély, c’est accepter de considérer les dynamiques individuelles qui s’imposent au sein d’une lutte collective. Vermeersch s’est ainsi intéressée à l’équilibre nouveau entre un « don de soi », désintéressé, et la nécessité « du plaisir personnel éprouvé dans et par l’action » . De la sorte, on pose les bases du paradoxe dit d’Olson, qui « vise à montrer que l’action collective n’est pas compréhensible en terme d’intérêt commun d’un groupe à agir. (…) Ce sont les bénéfices « privés » qui dérivent de la participation directe à un mouvement collectif qui sont vus comme autant d’incitations sélectives à l’engagement. »
Et on retrouve, au Comede, les termes de ce paradoxe. Audrey, infirmière au Comede, le dit justement : « on reste parce quelque part on y trouve notre compte ».
Une question ainsi se pose dans le cas du salariat associatif du Comede : que retirent les salarié.e.s du centre de santé de leur action collective pour la promotion de la santé des exilé.e.s ?
Nous allons voir que travailler pour une cause ne semble ainsi plus si sacrificiel, comme cela a souvent été pensé, et que des considérations matérielles entrent en jeu dans la recherche d’épanouissement personnel. Il s’agira de montrer que si l’engagement individuel pour la cause est source de satisfaction chez les salarié.e.s, l’environnement de travail l’est tout autant. Mais plutôt que d’affaiblir leur implication, cet épanouissement, fruit d’un environnement riche et d’un engagement moral, favorise l’investissement du personnel au travail.

Comment l’engagement participe à l’épanouissement de chacun

Dire que participer à la défense d’une cause n’est pas l’unique source d’épanouissement personnel ne signifie pour autant pas que cela n’y participe pas. On peut en effet comprendre, à travers les entretiens, que les salarié.e.s, en fonction de leur degré d’engagement, trouvent satisfaction à travailler pour une association compétente qui milite pour la promotion de la santé des exilé.e.s. Et en reprenant la théorie notamment défendue par l’économiste Matthieu Narcy de la motivation intrinsèque des salarié.e.s associatifs , on montrera d’ailleurs que l’engagement pour la cause peut dans certains cas prévaloir sur des considérations matérielles, les salaires par exemple.
• « Proposer un asile dans le bon sens du terme » : la satisfaction de lutter pour une cause au sein d’une structure compétente
L’engagement pour la cause est une chose, et nous avons pu voir comment chacun au Comede l’inscrivait dans l’action globale de l’association. Mais il faut aussi prendre en compte le plaisir que cet engagement procure. Le plaisir de se rendre utile. Duchesne dit d’ailleurs à ce sujet qu’« il faut prendre au sérieux ce désir d’être utile, et s’interroger sur cet univers de représentations – somme toutes étrange – qui fait de l’acte de donner la source d’un bénéfice personnel : la joie que procure le fait d’avoir rendu service. »
Au cours des entretiens, plusieurs salarié.e.s ont évoqué ce plaisir de se rendre utile, de rendre un service, qui est une première explication des bénéfices qu’il est possible de retirer d’un engagement dans une lutte collective, Denis en parle.

« C’est la paye faramineuse ! » : engagement et considérations pécuniaires

Nous défendons dans ce mémoire l’hypothèse que l’environnement de travail est, conjointement à l’engagement pour une cause, source d’épanouissement personnel. Pour autant, appliquée aux salarié.e.s du Comede, la théorie du don, que Narcy reprend de Preston, affirme tout de même l’importance de l’engagement. Cette théorie veut que « certains individus vont avoir une préférence relative plus élevée pour l’intérêt général que pour les salaires et choisiront de travailler pour le secteur associatif. »
Cette préférence pour l’intérêt général, Narcy l’exprime à travers la motivation intrinsèque des salarié.e.s, qui s’oppose à une motivation extrinsèque. La première est guidée par des considérations monétaires et matérielles, dites externes, la seconde, par la nature du travail qu’ils effectuent, des motivations internes donc. À l’instar de l’engagement bénévole, il peut ainsi exister, nous dit Narcy, un engagement salarié au sein du secteur associatif.
Nous avons déjà montré l’existence d’un comportement altruiste pour un bon nombre de salarié.e.s du Comede interrogé.e.s mais à travers le discours de certain.e.s, on comprend effectivement mieux l’équilibre entre motivation intrinsèque et motivation extrinsèque qui anime leur profession. Aucune question n’a été posée précisément sur le salaire, de fait plus bas en milieu associatif que s’ils/elles avaient été en profession libérale. Pourtant, on retrouve des allusions, plus ou moins explicites, qui dévoilent cet équilibre.
Sophie, lorsqu’il lui est demandé les raisons qui la poussent à poursuivre au Comede s’exclame : « C’est la paye faramineuse (RIRE) ! ». Face à l’engagement dont elle fait preuve pour la cause de la protection des migrants, on perçoit facilement le second degré d’une telle exclamation. Et si on la confronte à son choix, réfléchi, d’exercer au Comede, qu’elle décrit comme un retour à « ses premières amours professionnelles », on comprend aisément que la nature de son travail prime sur des considérations pécuniaires. En d’autres termes, elle sait qu’elle pourrait être mieux payée mais ce n’est pas ce qu’elle recherche en exerçant au Comede. On la comprend ainsi intrinsèquement motivée, si l’on reprend la terminologie de Narcy.

L’importance de l’environnement de travail

On pensait jusqu’à récemment encore le milieu associatif comme un monde du « don de soi » et du sacrifice, au nom du collectif et de l’intérêt général. Mais en le considérant comme un lieu où l’on travaille, et plus encore comme un secteur qui embauche aujourd’hui près de deux millions de salarié.e.s, d’autres dynamiques doivent être prises en compte pour comprendre ce que recherchent et retirent ses acteurs dans leur travail.
Certes, « intrinsèquement motivé.e.s », ces travailleurs accordent souvent une grande importance, nous l’avons vu dans le cas du Comede, à la cause qu’ils/elles défendent à travers leur profession. Pour autant, nous allons voir l’importance de l’environnement de travail – indépendamment de toute cause altruiste – source également majeure d’épanouissement personnel au travail.
Dans le cadre du centre de santé du Comede, il sera d’abord éclairant de comprendre en quoi la diversité des tâches accomplies par les salarié.e.s est cruciale dans leur épanouissement. Ensuite, nous verrons que beaucoup se réjouissent de la spécificité du Comede dans ses méthodes de travail, qui relève certes de l’éthique professionnelle mais qui pour autant se distingue de la cause même, soutenue par l’association. Importance du cadre de travail que l’on comprend enfin à travers les critiques qu’ils/elles peuvent faire des conditions dans lesquels les salarié.e.s du Comede exercent leur profession, preuve d’un engagement conditionnel et non plus sacrificiel.

« Réfléchir ensemble, je trouve ça vraiment chouette » : la spécificité de la pratique clinique au Comede

Dans le discours des salarié.e.s, beaucoup se réfèrent à la spécificité du Comede quant à sa pratique clinique. On le disait plus haut, il est certes en partie question de choix éthiques, et donc d’engagement à promouvoir un suivi clinique respectueux du patient et englobant. Pour autant, on distingue cet engagement de celui en jeu pour la cause de promotion de la santé des exilés et on la rapprochera ainsi davantage de l’environnement de travail. Deux spécificités sont souvent relevées parmi les salarié.e.s : la richesse d’un travail au sein équipe pluridisciplinaire et la richesse des consultations, souvent due à un public qui soulève des problématiques intéressantes à traiter.
Les cliniciens font en effet souvent référence à la pluridisciplinarité du centre de santé et à ce qu’ils/elles en retirent. Patricia par exemple explique qu’elle a choisi le Comede aussi pour la médecine qu’il proposait, au contraire d’un cabinet en ville, à savoir « travailler dans un centre de santé avec des professions différentes ».
P : Travailler avec des gens qui ne sont pas que des médecins. Avoir une approche des psychologues, de l’assistant social sur une même personne, c’est génial et que ce soit sur le même lieu. (…) Réfléchir ensemble, je trouve ça vraiment chouette.
Plus encore, Corinne se sent en complète adéquation avec « le véritable engagement » que l’on trouve au sein de l’équipe, qui permet « une sorte de solidarité envers les patients, entre les différents membres de l’équipe ». Et d’ajouter : « face à une situation compliquée et complexe, tu sais que tu vas pouvoir t’appuyer les uns sur les autres ». Et « c’est très agréable » conclut-elle.

« On ne peut pas sauver le monde entier » : les freins à l’épanouissement

Lutter pour la cause, avec ou sans engagement, tou.te.s le font à travers leur activité professionnelle, mais pas à n’importe quel prix. C’est ce que l’on comprend à travers les discours les salarié.e.s. Un travail éprouvant, un fonctionnement parfois lourd, les freins à l’épanouissement personnel au travail existent et ils/elles n’hésitent pas à les souligner, revendiquant de la sorte un certain confort, peu envisageable si l’on avait conservé une conception sacrificielle de l’engagement.
A l’exemple d’Audrey, et malgré l’enthousiasme de chacun.e à participer à une équipe pluridisciplinaire, le travail d’équipe n’est pour autant pas dépourvu de tensions, qu’elle attribue aussi aux situations complexes et souvent dures que tou.te.s sont amené.e.s à gérer.

Implication au travail : fruit de l’engagement et de l’épanouissement de chacun

C’est ainsi la somme d’un engagement pour la cause et d’un environnement de travail enrichissant qui, aujourd’hui, explique en grande partie l’épanouissement des salarié.e.s du Comede. Des entités qui se complètent plutôt que l’inverse, pour un engagement conditionnel et donc non sacrificiel. On aurait pu croire que, l’engagement ainsi altéré par des considérations étrangères à la cause de l’association, l’implication des salarié.e.s n’en serait que plus fragile. Or, on se rend compte que nombre d’entre eux/elles se montrent investi.e.s dans leur travail. Cette implication se manifeste, au cours des entretiens, de deux façons : un investissement, par la réflexion, pour faire évoluer les luttes du Comede ; un investissement en temps, pour mieux répondre aux besoins.
Dans le premier cas d’investissement, Patricia explique en quoi elle se sent à même d’influencer les priorités du Comede.

Conclusion

« Je me suis toujours demandée, qu’est-ce qui fait qu’on a envie de se sentir utile, qu’on a besoin d’être auprès de ces patients en grande vulnérabilité ? Je sens que c’est quelque chose qui touche à mon intime. »
Ces questions, amenées par Pauline à la toute fin de notre entretien, sont finalement celles qui ont animées ce mémoire. En interrogeant l’engagement des salarié.e.s du centre de santé du Comede pour la cause de l’accès aux soins des exilés, on a inéluctablement touché du doigt une intimité, par définition individuelle, que l’on perçoit souvent difficilement, cachée derrière l’action collective. Les trajectoires personnelles, elles-mêmes animées par une multitude de motivations, mettent en lumière des engagements fondés sur des dynamiques individuelles et éclairent ainsi une action collective homogène dans ses objectifs mais disparate dans ses fondements.
En tentant de comprendre ces dynamiques individuelles, nous espérons avoir contribué, à notre très modeste mesure, à repenser le regard que l’on porte sur l’engagement associatif, et plus précisément l’engagement salarié ; à renouveler la conception sacrificielle à laquelle il a souvent été associé. Et à travers l’analyse des facteurs de l’épanouissement personnel des salarié.e.s du Comede, il devient à présent difficile de penser leur engagement comme le simple fruit d’un désintéressement aveugle, où don de soi serait synonyme d’abnégation et d’abandon son individualité.
Engagé.e.s mais critiques, ils/elles expriment le besoin d’exercer leur profession dans un environnement qui leur convient, indépendamment de la cause qu’ils/elles défendent.
Il aurait par ailleurs été intéressant, si le temps et les moyens n’avaient pas manqué, de prolonger l’interrogation, ici, simplement évoquée, de la spécificité de l’engagement salarié, en comparaison à l’engagement bénévole. La richesse de l’équipe du Comede ne pouvait que nous y inciter. Et bien sûr, cette étude aurait aussi été plus riche et plus complète si nous avions pu prendre en compte l’ensemble des services, intégrant ainsi à notre approche le regard des travailleurs sociaux, des technicien.e.s d’accueil ou des ostéopathes. Nous aurions peut-être alors pu mieux éclairer en quoi la complémentarité des actions autour d’une cause commune, peut être un facteur de renforcement de l’engagement individuel.

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Table des matières
Remerciements 
Point sur le Comede
Table des matières 
Introduction 
Méthode
PARTIE I – Une cause unique, des engagements multiples
A. Des trajectoires diverses, révélatrices de la multitude de formes d’engagement présente au Comede
B. Diversité des regards sur l’action du Comede
C. « Et moi tu m’as entendu ? » : Militantisme et activité professionnelle
PARTIE II – « C’est la première fois que je suis heureuse d’être médecin » : les facteurs multiples de l’épanouissement personnel au centre de santé 
A. Comment l’engagement participe à l’épanouissement de chacun
B. L’importance de l’environnement de travail
C. Implication au travail : fruit de l’engagement et de l’épanouissement de chacun
Conclusion 
Bibliographie
Annexes
· Annexe 1 – Grille d’entretien
· Annexe 2 – Exemple d’entretien retranscrit

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