DEFINITION
La césarienne est une intervention chirurgicale qui permet l’extraction du fœtus hors de l’utérus maternel après incision de celui-ci, habituellement par voie d’abord abdominale transpéritonéale ou plus rarement rétro péritonéale, exceptionnellement par voie vaginale.
HISTORIQUE
La césarienne est l’un des actes chirurgicaux les plus anciens. Elle a bénéficié des progrès médicaux et scientifiques et est étroitement liée à l’histoire de l’humanité et à l’évolution de la pensée scientifique en général mais aussi aux mythes originels. L’histoire de l’opération césarienne peut être divisée en quatre périodes : de l’antiquité au moyen-âge (césarienne post-mortem), du XVIe siècle au XIXe siècle (césarienne sur femmes vivantes), du XIXe siècle et au début du XXe siècle (l’ère moderne, cent ans de progrès) et la période de la césarienne à l’ère de l’évaluation.
Césariennes post mortem
Il existe un véritable mythe autour de la césarienne. Elle est décrite en premier dans le plus ancien manuscrit de l’Inde antique, le Rig Veda, qui relate la naissance d’Indra dieu suprême par le flanc droit de sa mère. Les Hébreux, les Romains et les Grecs connaissaient la césarienne post mortem qui a été codifiée en Rome par Numa Pompilius, roi de Rome dans la Lex Regia qui oblige à délivrer toute femme décédée avant qu’elle ne soit enterrée [3]. Plus tard vers le XIVème siècle, l’église catholique recommanda la césarienne post-mortem pour ne pas faire perdre les bienfaits du baptême à un enfant sur le point de naître [3].
Césariennes sur femmes vivantes
Le moyen-âge fut une période de stagnation dans l’évolution de la césarienne. C’est avec la Renaissance que le mot Césarine est entériné pour désigner cette opération et qu’apparaissent les premières césariennes sur des femmes vivantes. La toute première opération césarienne réalisée sur femme vivante serait celle pratiquée en 1500 par Jacob Nufer en Suisse, sur sa propre femme [11]. La description de l’intervention laisse à penser qu’il devait s’agir d’une grossesse abdominale libérée sans incision utérine. En 1581 François Rousset publie le premier véritable traité d’obstétrique humaine consacré exclusivement à cette intervention : ‹‹Traité nouveau sur l’hystérectomie ou enfantement césarin››. Il y rapporte une technique opératoire avec incision paramédiane mais il ne suturait pas les plans musculaire (exception faite de l’hystérotomie) et cutané. Cependant, il avait minimisé les deux principales complications responsables d’une mortalité maternelle très élevée : l’hémorragie et l’infection [3]. Mauriceau en 1721 condamne la césarienne sur femme vivante : « cette pernicieuse pratique empreinte d’humanité, de cruauté et de barbarie ». L’obstétrique est alors dominée jusqu’à la fin du XIXème siècle par la version et la grande extraction. Toutefois, Baudelocque la pratiquait «faute de mieux » dans les grands rétrécissements pelviens. Eduardo Porro en 1876, reconnaissant la responsabilité de la péritonite dans la plupart des décès, extériorisait l’utérus gravide et pratiquait l’hystérectomie en bloc après la césarienne réduisant ainsi la mortalité maternelle [50].
L’ère moderne
Elle correspond à l’avènement de l’asepsie, la césarienne étant alors pratiquée depuis déjà deux millénaires. Kehrer et Sanger, deux auteurs allemands, en 1882 préconisaient une bonne suture utérine systématique et une hystérectomie segmentaire verticale. Cette intervention permit d’abaisser la mortalité jusqu’à un taux de 10%. La césarienne fut alors réservée aux cas purs et décidée en fin de grossesse. La seule indication de césarienne devint la dystocie mécanique insurmontable, prévisible avant l’accouchement.
En 1907, Franck, préconisait de réaliser l’incision utérine au niveau du segment inférieur et de péritoniser ensuite la cicatrice d’hystérotomie à l’aide du péritoine préalablement décollé. La césarienne segmentaire « une des plus belles acquisitions de l’obstétrique moderne » permet désormais d’opérer après la rupture des membranes sur une femme en travail et rend ainsi possible l’épreuve du travail. A partir de ce moment il y eut une diversification de l’abord cutané, par Pfannensteil en 1908 avec l’incision transversale. Stark de l’hôpital Misgav Ladach en 1994. Ce dernier publie une technique qui permet de diminuer les attritions tissulaires et de simplifier considérablement les étapes opératoires [50].
La césarienne à l’ère de l’évaluation
Les connaissances sur la vitalité du fœtus in utéro se sont considérablement améliorées. Le diagnostic d’une éventuelle souffrance fœtale aigüe ou chronique au cours de la grossesse et sa prévention de plus en plus stricte par la césarienne ont conduit à une augmentation considérable du nombre des césariennes permettant lorsque le fœtus est menacé, des extractions fœtales de plus en plus précoces grâce au progrès de la néonatologie.
EPIDEMIOLOGIE DE LA CESARIENNE AU SENEGAL
Dès 1986, avec l’initiative pour une maternité sans risque, l’Organisation Mondiale de la Santé préconisait que la surveillance du travail et la détection précoce des dystocies soient retenues comme l’une des approches les plus importantes pour réduire la mortalité maternelle [15]. Au Sénégal, un taux minimal de 3% de césariennes obligatoires (relatives aux dystocies majeures) est retenu comme l’objectif à atteindre pour une réduction de la mortalité maternelle. En plus des indicateurs de couverture, actuellement il est nécessaire de considérer les indicateurs de processus pour l’évaluation des programmes de santé maternelle. A cet effet, la césarienne peut être utilisée comme un traceur pour évaluer la qualité des soins et services obstétricaux . La césarienne de qualité peut être définie comme une intervention qui profite à toutes les patientes qui en ont réellement besoin, avec un risque minimum pour le devenir du couple mère-enfant et un coût abordable pour la patiente et le système de santé [15]. Une étude rétrospective sur « L’origine géographique des dystocies obstétricales traitées par césarienne en 1988 au Sénégal » a montré que le taux de césariennes par naissances attendues était de 0,5% pour l’ensemble du pays, mais avec des disparités selon les régions. Durant la même période le taux de césarienne était de 1,7% dans la région de Dakar. En 1992, le taux de césariennes de 0,66% pour l’ensemble du pays et 1,24% pour la région de Dakar avait été jugé faible et insuffisant pour assurer la prise en charge des causes évitables chirurgicalement de mortalité et de morbidité maternelles. A la clinique gynécologique et obstétricale du CHU Aristide Le Dantec, entre 1988 et 2001, on a observé une augmentation progressive du nombre de césariennes qui a triplé alors que pendant la même période le nombre total d’accouchements n’a pas beaucoup varié, tournant autour de 5000 par an. Ce taux est ainsi passé de 12% en 1992 à 17,5% en 1996 et à 25,2% en 2001 [18]. Nous assistons donc, à l’instar des autres centres universitaires africains, une augmentation considérable des taux de césariennes dans un souci de réduire la mortalité maternelle et périnatale.
POLITIQUE D’ACCES AUX SOINS AU SENEGAL
Au Sénégal, les conditions de santé maternelle se sont améliorées au cours de la dernière décennie comme en atteste la baisse du ratio de mortalité maternelle. Ce taux est passé de 510 décès pour 100.000 naissances vivantes (NV) en 1992, à 401 décès pour 100.000 NV en 2005 et 392 pour 100.000 NV dans la dernière enquête démographique de 2010-2011 [2]. Cette tendance favorable est en grande partie due aux efforts menés en faveur du renforcement et de la décentralisation de l’offre et de la qualité des services de santé maternelles qui se sont traduits par un relèvement de la proportion d’accouchements assistés par un personnel qualifié et des consultations prénatales. L’augmentation du nombre d’accouchements assistés par un personnel qualifié et le renforcement de l’accès aux soins obstétricaux d’urgence permettait de réduire le taux de mortalité maternelle jusqu’à 75%. Partant de ce constat, le Sénégal a mis en place plusieurs politiques dans ce sens dont la décentralisation des césariennes au niveau des centres de santé de Dakar, la stratégie de délégation des compétences en Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence (SONU), la gratuité de la césarienne dans certaines structures et la confection de kits (accouchement, césarienne, épisiotomie). La décentralisation a débuté par la création de formations sanitaires aptes à offrir des césariennes permettant de passer de 12 maternités chirurgicales en 1992 en dehors de Dakar à 17 structures en 2001. Cette politique a été accompagnée par une amélioration de la distribution des médecins compétents en chirurgie dont l’effectif est passé de 15 en dehors de Dakar en 1996 à 34 en 2001 [30]. Les Soins Obstétricaux et néonataux d’urgence (SONU) ont été mis en place en 2000. Ils sont réservés aux gestantes, aux parturientes, aux accouchés et aux nouveau-nés présentant des maladies ou complications de la grossesse et de l’accouchement nécessitant un traitement immédiat sans délai. Ils sont fournis 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ; ils sont basés sur 2 évidences :
– 50% des décès maternels surviennent durant l’accouchement ou dans les 24 premières heures du post partum,
– la plupart des complications de la grossesse et de l’accouchement ne sont ni prévisibles ni évitables, mais elles peuvent être traitées.
La délégation des compétences en chirurgie obstétricale à une équipe généraliste a un effet bénéfique immédiat sur l’amélioration de l’accès aux interventions obstétricales majeures et contribue de cette façon à réduire la mortalité maternelle.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. DEFINITION
II. HISTORIQUE
II.1. Césariennes post mortem
II.2. Césariennes sur femmes vivantes
II.3. L’ère moderne
II.4. La césarienne à l’ère de l’évaluation
III.EPIDEMIOLOGIE DE LA CESARIENNE AU SENEGAL
IV.POLITIQUE D’ACCES AUX SOINS AU SENEGAL
V. RAPPELS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
V.1. Utérus gravide
V.2. Vascularisation de l’utérus gravide
VI.CESARIENNES
VI.1. Classification des indications
VI.2. Technique opératoire
VI.3. Complications
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. CADRE D’ETUDE
I.1. Situation géographique
I.2. Infrastructures
I.3. Personnel du service de Gynécologie-Obstétrique
I.4. Activités
II. MATERIEL ET METHODE
II.1. Type et population d’étude
II.2. Critères de sélection des patientes
II.3. Collecte des données
II.4. Analyse des données
III.RESULTATS
III.1. Epidémiologie
III.2. Indications de césariennes
III.3. Déroulement de l’intervention
III.4. Pronostic
III.5. Le coût de la césarienne
IV.DISCUSSION
IV.1. Epidémiologie
IV.2. Mode d’admission
IV.3. Césarienne
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFRERENCES
ANNEXE