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Critères d’inclusion
Toutes les patientes ayant été césarisées en urgence code rouge, en cours ou en dehors du travail, entre janvier 2017 et décembre 2019 dans ces services ont été incluses dans l’étude, quelle que soit l’issue maternelle ou pédiatrique.
Définition et protocole des césariennes en code rouge
La césarienne est dite en urgence « code rouge » lorsqu’il existe une menace pour le pronostic vital maternel ou foetal ; ainsi le délai entre la décision de césarienne et la naissance de l’enfant doit être inférieur à 15 minutes (8).
Le protocole de naissance par césarienne « code rouge » utilisé dans les maternités de l’Hôpital Nord et de la Conception est inspiré de celui décrit par Dupuis et al (8). Il a été rédigé et validé par les médecins des deux services, diffusé sur le serveur intranet, et accessible à tous en salle de naissance.
Les indications des césariennes « code rouge » différent légèrement entre les deux sites. Cinq indications sont communes aux deux services : la bradycardie foetale d’au moins dix minutes sans récupération, la suspicion de rupture utérine, la suspicion d’hématome rétroplacentaire, la procidence du cordon (9) et l’échec d’extraction instrumentale pour anomalie du rythme cardiaque foetal. Sur l’Hôpital Nord, une indication de naissance par césarienne en extrême urgence est précisée dans le protocole et non retrouvée sur La Conception : la survenue d’une hémorragie maternelle importante sur placenta prævia. De la même façon, deux indications sont retrouvées uniquement dans le protocole de la maternité de La Conception : la suspicion d’hémorragie de Benckiser (10), et l’acidose métabolique foetale (pH au scalp inférieur à 7,15). Les deux protocoles sont joints à cette étude (Annexes 1 et 2).
Afin d’homogénéiser les résultats de la revue de pertinence des dossiers inclus, les experts ont établi un consensus avant le début de celle-ci sur les indications retenues comme pertinentes (Tableau 1).
Données recueillies
L’identification des dossiers « code rouge » était réalisée à partir des cahiers d’accouchement des deux maternités. Les données nécessaires ont été recueillies par l’analyse des dossiers médicaux.
Concernant les patientes, les données recueillies étaient : l’âge de la patiente, les antécédents obstétricaux, les caractéristiques de la grossesse en cours (grossesse monofoetale ou multiple, existence d’une pathologie, grossesse suivie ou non, grossesse à risque), les caractéristiques du travail (patiente en travail ou césarienne en dehors du travail, mise en travail spontanée ou déclenchement du travail, utilisation d’ocytocine pendant le travail, réalisation d’une rupture artificielle des membranes, âge gestationnel au moment de la césarienne), l’état maternel en suites de couches évalué sur la durée de séjour en suites de couches et la survenue de complications du post partum.
La grossesse était considérée comme suivie lorsque la patiente avait eu au moins 8 consultations durant sa grossesse, ainsi que les trois échographies obligatoirement proposées.
Une grossesse était dite à risque lorsqu’il existait une pathologie maternelle ou de la grossesse, en cas de grossesse mal ou non suivie ou lorsqu’il existait un antécédent de césarienne.
Etaient également recueillies : l’indication de la césarienne code rouge, les données organisationnelles (heure de décision de césarienne, de transfert au bloc opératoire, d’incision et de naissance de l’enfant), le mode d’anesthésie (anesthésie péridurale, rachianesthésie, anesthésie générale d’emblée ou après échec de réinjection d’anesthésie péridurale).
Concernant les nouveau-nés, les données collectées étaient : le poids de naissance, le score d’Apgar à 5 minutes, la valeur de la gazométrie artérielle à la naissance, la couleur du liquide amniotique, l’existence d’inhalation méconiale, l’existence d’une détresse respiratoire, la réalisation de manoeuvres de réanimation néonatale, la survenue d’une encéphalopathie néonatale, d’un décès néonatal, le service d’hospitalisation du nouveau-né.
La détresse respiratoire était définie en accord avec les néonatologues du site par la nécessité d’une aide respiratoire à la naissance, même transitoire.
La sévérité de l’encéphalopathie néonatale était évaluée par les néonatalogues selon le score de Sarnat (11).
Le détail des données recueillies est présenté en Annexe 3.
Critères de jugement
Le critère de jugement principal de l’étude était la pertinence du code rouge déclenché, définie par l’adéquation entre l’indication de chaque césarienne et le protocole de la maternité. La revue de pertinence a été menée par deux experts gynécologues-obstétriciens seniors issus des 2 maternités. Chaque expert évaluait la pertinence des indications des césariennes « code rouge » de l’autre maternité (revue de pertinence « croisée »). Pour les dossiers présentant un doute sur la notion de « pertinence/non pertinence », un consensus des deux experts était requis.
Chaque expert disposait du protocole des naissances en extrême urgence utilisé dans les deux maternités et de l’indication précise de la césarienne pour chaque patiente, et a ainsi évalué l’indication du code rouge comme « pertinente », « non pertinente » ou « non pertinente mais justifiée » (Annexe 3).
Les critères de jugement secondaires étaient la morbidité maternelle et néonatale. L’indicateur « morbidité maternelle » était un critère composite comprenant les complications maternelles hémorragiques (hémorragie du post partum) et les autres complications survenant durant le séjour en maternité (infectieuses, décompensations de pathologies).
L’évaluation de l’état néonatal reposait sur l’association de plusieurs critères validés avec les néonatologues (pH à la naissance, Apgar à 5 minutes, existence d’une détresse respiratoire, nécessité de manoeuvres de réanimation, encéphalopathie, survenue d’un décès et lieu d’hospitalisation de l’enfant) (Annexe 3).
Analyse multivariée
L’analyse multivariée a permis d’identifier l’âge gestationnel comme seul facteur significativement lié à la pertinence du « code rouge ». Les codes rouges déclenchés lorsque les enfants sont nés à terme ont un risque de non pertinence augmenté de 4.7 (OR = 4.7 [1.7 ; 11.9]).
Les résultats montrent que chez les nouveau-nés de moins de 37 semaines d’aménorrhée, 55 (91,7%) césariennes sur 60 étaient justifiées.
Discussion
Cette étude suggère que la majorité des césariennes réalisées en extrême urgence « code rouge » dans notre maternité sont pertinentes (54,7%). Une partie des indications non pertinentes des césariennes en code rouge reste néanmoins justifiée, et ce du fait du contexte (présence d’une pathologie obstétricale, maternelle, âge gestationnel). Sur les 285 dossiers étudiés, 49 césariennes ont été jugées comme justifiées par les experts malgré une indication non pertinente selon notre protocole de service. Dans ces situations, le déclenchement du « code rouge » est une aide à la mobilisation rapide des équipes. Nous souhaitons que les équipes soient présentes en salle d’accouchement devant l’urgence de la situation ; ce n’est donc pas l’indication de la césarienne qui justifie le déclenchement du « code rouge » mais la nécessité de mobilisation de toute l’équipe de garde auprès de la patiente (sage-femme, gynécologue, anesthésiste, pédiatre). C’est pourquoi, nous remarquons que dans le protocole de déclenchement du « code rouge » de la maternité de La Conception (Annexe 1), la dystocie des épaules à la naissance justifie un appel « code rouge » ; il s’agit là d’un appel à la mobilisation de l’équipe de garde et non pas le déclenchement d’une césarienne en extrême urgence.
Parmi les 80 césariennes non pertinentes non justifiées, la majorité des indications concernaient un ralentissement prolongé profond du rythme cardiaque foetal d’une durée inférieure à 10 minutes. La bradycardie foetale, indication reconnue de césarienne « code rouge », est définie par le Collège National des Gynécologues Obstétriciens français comme un ralentissement du rythme cardiaque foetal inférieur à 110 battements par minute d’une durée supérieure ou égale à 10 minutes (12). Cette définition doit être rappelée aux équipes de garde afin d’éviter la réalisation de césariennes en extrême urgence non pertinentes.
Notre étude s’intéressait également à la morbidité maternelle et néonatale induite par les césariennes réalisées en extrême urgence.
Concernant la morbidité maternelle, notre étude retrouvait un taux de complications de 24,6 %, ce qui est proche des données de la littérature (13).
Concernant la morbidité néonatale, nous avons voulu évaluer de façon la plus précise possible l’état du nouveau-né après la césarienne. Pour cela, nous avons relevé plusieurs critères que sont le pH au cordon, le score d’Apgar, l’existence d’une détresse respiratoire, la réalisation de manoeuvres de réanimation, la présence d’une encéphalopathie anoxoischémique, la survenue d’un décès et le service d’hospitalisation de l’enfant. Le recueil de l’ensemble de ces critères avait pour but d’avoir une idée précise de l’état de santé du nouveau-né après la césarienne, mais présentait une limite dans l’interprétation de ces résultats. En effet, notre étude a été réalisée dans des centres hospitalo-universitaires de niveau III et donc comptait parmi sa population de nouveau-nés des prématurés. Or, un nouveau-né prématuré a une immaturité pulmonaire indépendante des circonstances de sa naissance, et nécessite de ce fait une prise en charge médicale pour aide à la ventilation. Nous pouvons ainsi craindre une représentation faussement élevée des détresses respiratoires ou de la nécessité de prise en charge médicale des enfants nés par césariennes « code rouge ».
Notre étude a montré que l’état des enfants nés par césarienne dont l’indication du code rouge était jugée pertinente ou justifiée nécessitait plus souvent une hospitalisation en service de médecine néonatale (84,4%) que pour les enfants nés lors d’une césarienne « code rouge » non pertinente (15,6%). Ces résultats confortent le jugement des experts concernant la non- pertinence de ces indications de codes rouges, et peuvent nous amener à discuter avec les équipes des indications retrouvées non pertinentes qui s’accompagnent d’un risque de complications maternelles (complication chirurgicale, anesthésie générale, complications post opératoires). Cependant, nous pouvons aller plus loin dans notre réflexion en nous demandant si la meilleure adaptation néonatale de ces enfants ne devrait pas nous faire rediscuter des indications des césariennes en extrême urgence afin de diminuer le taux de complications et de mauvaise adaptation néonatales.
De plus, nous avons détaillé les 18 décès néonataux survenus durant la période d’inclusion (Annexe 6). Parmi ces dossiers, quatre patientes étaient suivies au centre de diagnostic prénatal pour malformations foetales : suspicion d’atrésie de l’oesophage, valve de l’urètre postérieur, retour veineux pulmonaire anormal total, et kyste compressif de la poche de Blake avec communication interventriculaire. Dans ces cas, nous pouvons nous poser la question de la justification d’une césarienne en urgence pour sauvetage foetal en connaissant la morbidité maternelle entrainée par une césarienne, d’autant plus en urgence (14,15). Parmi ces quatre patientes, le premier dossier de suspicion d’atrésie de l’oesophage était rassurant en anténatal avec des examens prénataux réalisés par le couple normaux, et l’absence d’autre anomalie décelée à l’échographie. Cependant, à la naissance, l’enfant était porteur d’un retard de croissance intra-utérin sévère et d’une séquence de Pierre Robin. En ce qui concerne les trois autres dossiers, aux pronostics plus défavorables en anténatal, les couples avaient tous exprimé leur souhait d’une prise en charge active des nouveau-nés. De ce fait, même si le pronostic reste très péjoratif, il semble compliqué d’un point de vue éthique de ne pas réaliser la césarienne pour sauvetage foetal.
Dans un objectif d’évaluation de nos pratiques, nous avons calculé les délais décision d’extraction-naissance des césariennes en « code rouge ». Dans une grande majorité des cas (90,8%) ce délai était inférieur à 15 minutes, durée retenue comme limite acceptable dans notre protocole selon les données de la littérature (8). Pour atteindre cet objectif, il est parfois décidé en accord avec l’équipe d’anesthésie de réaliser une anesthésie générale plutôt qu’une rachianesthésie chez une patiente sans anesthésie péridurale en place. Dans notre article, 91 patientes (31,9%) ont été anesthésiées de façon générale d’emblée afin de pratiquer la césarienne rapidement. Ceci permet en effet une naissance de l’enfant plus rapide, mais au prix d’une anesthésie générale chez la mère, avec les risques qu’on lui connait (difficulté d’intubation, inhalation, troubles de la ventilation) (16, 17) et chez l’enfant dont les produits passent la barrière foetoplacentaire. Il est donc licite de se demander si un allongement modéré du délai décision d’extraction-naissance de l’enfant par la réalisation d’une rachianesthésie dans ces situations d’extrême urgence ne serait pas néanmoins bénéfique avec des risques anesthésiques moindres pour la mère et l’enfant, en comparaison à une anesthésie générale. Une étude évaluant les méthodes d’anesthésie pour les césariennes « code rouge » est en cours de réalisation dans notre centre.
Conclusion
Au total, 285 césariennes en extrême urgence ont été réalisées et incluses dans notre étudesur les trois années de recueil : 80 césariennes en 2017, 97 en 2018 et 108 en 2019. La majorité de ces césariennes sont justifiées et pertinentes.
Les « codes rouges » jugés pertinents ou justifiés sont associés à des profils maternels et néonataux plus graves.
Toutes les césariennes réalisées en extrême urgence s’accompagnent d’une morbidité maternelle et néonatale non négligeable. En poursuivant les formations du personnel et en améliorant la transmission du protocole des césariennes « code rouge » auprès des équipes, nous pourrons espérer diminuer le taux de césariennes non pertinentes, et ainsi diminuer cette morbidité.
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Table des matières
Introduction
Matériel et Méthodes
Critères d’inclusion
Définition et protocole des césariennes en code rouge
Données recueillies
Critères de jugement
Analyse statistique
Aspects règlementaires
Résultats
Analyse multivariée
Discussion
Conclusion
Références
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