Définitions
Céphalée est issue du latin cephalaea et du grec kephalaia, « mal de tête ». Nous en retrouvons la première définition dans le traité de médecine antique Definitiones medicae attribué traditionnellement à Claude Galien qui la décrit ainsi : « cephalea morbus capitis dolorem into le rabilem per circuitu redeuntem gignens, ita ut qui sic affecti sunt, tin nire aures sibi putat, oculi eorum rubescunt, eminentio resque apparent extendun turc ijsdem quae in fro te sunt venis, ac facies tota rubet» (« la céphalée est une douleur furieuse dans la tête qui suit les flux organiques, de sorte que ceux qui en sont atteint ont les oreilles et les yeux rubiconds et proéminents jusqu’à ressembler à un turc avec la face entièrement rouge ») (1). La céphalée est un terme générique caractérisant un syndrome subjectif douloureux ressenti au niveau de la tête ou de la boîte crânienne, quels que soient la cause, le mécanisme, l’intensité, le mode d’installation, la temporalité ou le pronostic. L’Organisation Mondiale de la Santé ajoute à cette définition le caractère incapacitant du mal de tête (2). La classification internationale des maladies définit les céphalées comme une douleur de l’extrémité céphalique, lui attribuant le code R51. Le caractère aigu de la céphalée caractérise un mode évolutif rapide, inférieur à quinze jours par mois pendant trois mois selon l’International Headache Society (3). Ce délai arbitrairement défini vise surtout à distinguer céphalées aiguës et céphalées chroniques dont les étiologies et les enjeux de la prise en charge sont très différents. Les céphalées aiguës se divisent globalement en deux grands groupes, les céphalées primaires sans lésion cérébrale qui correspondent à une pathologie propre et indépendante, ce sont les « céphalées maladies » qui s’opposent aux céphalées secondaires, symptomatiques d’une autre maladie qui correspondent aux « céphalées symptômes ».
Aspects épidémiologiques
La précision des analyses épidémiologiques concernant les céphalées aiguës se heurte au caractère très générique de la définition, aux étiologies très variées regroupées derrière ce symptôme et enfin à l’évolution des classifications diagnostiques internationales dont la dernière version date de 2013 (3). Les données épidémiologiques concernant les céphalées aiguës dans leur globalité sont peu nombreuses. On estime que 70% de la population présente sur une année au moins un accès de céphalée aiguë, soit au minimum 5 milliards d’épisodes de céphalées aiguës attendus à l’échelle de la planète actuellement sur une année, ce qui souligne l’extrême fréquence de ce symptôme quels que soient l’âge, l’ethnie ou la région du monde. En prenant en compte l’ensemble des causes de céphalées aiguës, l’incidence est supérieure dans la population féminine par rapport à la population masculine, essentiellement du fait du poids épidémiologique de la migraine, mais cette tendance ne se retrouve pas dans toutes les sous-catégories diagnostiques (4,5). Les céphalées aiguës sont un motif très fréquent de consultation aux urgences pouvant représenter de 2 à 3% du total des motifs de recours selon les études (6,7). Pour la plus grande majorité des consultants aux urgences, il s’agit de céphalées primaires (entre 25 et 55% des cas), dans environ 1/3 des cas il s’agit de céphalées d’accompagnement d’une autre pathologie et dans 1 à 15% des cas, les céphalées vont révéler une lésion intracérébrale (7).
Physiopathologie
La physiopathologie de la migraine est encore entourée de nombreuses inconnues et fait débat. L’aura migraineux semble être, dans la théorie neuronale, la résultante d’une vague de dépression corticale, dite envahissante, s’étendant depuis les régions occipitales vers l’avant à vitesse lente. La théorie vasculaire apporte une autre explication à l’aura migraineux qui serait la conséquence d’une vasoconstriction cérébrale globale. La coexistence des deux phénomènes n’est pas exclue sans qu’un lien physiopathologique réel n’ait pu être identifié. La théorie de l’inflammation neurogène trigémino-vasculaire est celle aujourd’hui la plus admise pour expliquer les céphalées. Les récepteurs nociceptifs cérébraux sont essentiellement situés sur les gros vaisseaux intracrâniens, dont l’innervation est majoritairement assurée par des branches des nerfs trijumeaux, organisation dénommée système trigémino-vasculaire. La céphalée migraineuse serait ainsi dans cette théorie la résultante d’une activation d’origine inconnue du système trigémino-vasculaire qui libèrerait des neuropeptides vasoactifs dont la substance P et le calcitonin gene-related peptide (CGRP) à effets pro-inflammatoires. Cette inflammation serait responsable via la conduction trigéminée d’une activation du noyau spinal du thalamus puis d’une boucle réflexe parasympathique responsable d’une vasodilatation intracrânienne douloureuse. Le primum movens au déclenchement de cette cascade demeure inconnu, mais le rôle d’un générateur du tronc cérébral a été suspecté.
Traitement
Dans la thérapeutique de la migraine, il faut distinguer les traitements de la crise migraineuse des traitements de fond visant à réduire la récurrence des crises. Les traitements de première intention de la crise migraineuse sont représentés par les antiinflammatoires non stéroïdiens, l’aspirine et les antalgiques simples à instaurer dès le début de la crise en respectant leurs contre-indications respectives. La forme intra-veineuse est utile en cas de nausées et vomissements, associée à des antivomitifs, notamment le métoclopramide qui semble avoir des propriétés antimigraineuses intrinsèques. Les antalgiques à base d’opiacés sont à éviter du fait de leurs possibles effets secondaires digestifs. En cas d’échec de ces traitements au bout de trente minutes, il est recommandé d’utiliser des triptans. Ces molécules qui sont des agonistes des récepteurs 5HT 1B/1D ont des propriétés vasoconstrictrices puissantes et sont donc contre-indiquées en cas d’antécédents vasculaires. En cas de migraine avec aura, ils ne peuvent être utilisés qu’à distance de l’aura pour ne pas majorer la vasoconstriction préalablement induite par l’aura et précipiter un infarctus migraineux. Il n’y a pas d’effet classe pour les triptans et l’absence d’efficacité d’une des molécules ne prédit pas l’absence de réponse avec un autre triptan et il faut savoir essayer différentes molécules. Les céphalées migraineuses de plus de 72 heures et résistantes à un traitement bien conduit définissent l’état de mal migraineux, son traitement repose sur l’amitryptiline et les benzodiazépines (13). La maladie migraineuse est éligible à un traitement de fond lorsque les patients présentent plus de trois crises dans le mois, les bénéfices attendus sont la réduction d’au moins 50% des crises migraineuses et la lutte contre l’abus médicamenteux. L’arsenal thérapeutique dans cette indication est important sans être spécifique de la pathologie, bétabloquants, inhibiteurs calciques, certains antiépileptiques et tricycliques, par exemple. L’introduction d’un traitement de fond anti-migraineux est une décision prise en commun avec le patient car elle l’engage à une prise médicamenteuse quotidienne dont l’efficacité est difficile à prévoir et nécessite souvent d’essayer plusieurs molécules avant d’atteindre l’objectif de réduction des crises. A côté des traitements médicamenteux classique d’autre thérapeutiques sont utilisées sur des données empiriques ou sont en cours d’évaluation, la très faible dangerosité de certaines de ces techniques, comme par exemple l’oxygénothérapie, rendent intéressant leur utilisation systématique dans le traitement des migraines.
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Table des matières
1 Introduction
2 Céphalées aiguës : état des connaissances
2.1 Définitions
2.2 Aspects épidémiologiques et économiques
2.2.1 Aspects épidémiologiques
2.2.2 Aspects socio-économiques : exemple de la migraine
2.3 Classification étiologique des céphalées aiguës
2.3.1 Céphalées primaires
2.3.1.1 Migraine
2.3.1.2 Céphalées de tension
2.3.1.3 Algie vasculaire de la face
2.3.2 Céphalées secondaires
2.3.2.1 Hémorragie méningée
2.3.2.2 Méningites infectieuses
2.3.2.3 Dissections des artères cervico-encéphaliques
2.3.2.4 Thrombophlébite cérébrale
2.3.2.5 Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible (SVCR)
2.3.2.6 Céphalées secondaires : Conclusion
2.4 Activités militaires et céphalées
3 Céphalées aiguës aux urgences de l’Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne de Toulon : évaluation de la prise en charge initiale et du suivi par le médecin généraliste
3.1 Introduction
3.2 Matériels et Méthodes
3.3 Résultats
3.3.1 Population (Tableau 1)
3.3.2 Caractéristiques des céphalées et données cliniques (Tableau 2)
3.3.3 Diagnostic
3.3.4 Prise en charge aux Urgences
3.3.5 Devenir
3.3.6 Suivi
3.4 Discussion
3.5 Conclusion
3.6 Références
3.7 Tableaux
3.7.1 Tableau 6: Caractéristiques de la population
3.7.2 Tableau 7: Données cliniques
3.7.3 Tableau 3: Comparaison des caractéristiques de la population initiale par rapport au groupe recontacté à 3 mois
3.8 Figures
3.8.1 Figure 1A: Durée des céphalées (jours) avant consultation aux urgences
3.8.2 Figure 1B : Délai de prise en charge des patients à l’arrivée aux urgences en minutes
3.8.3 Figure 2: Diagnostic retenu à la sortie des urgences
3.8.4 Figure 3 : Répartition des différentes thérapeutiques administrées avant l’admission, aux urgences et à la sortie
4 Conclusions et perspectives
5 Bibliographie
6 Annexes
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