De nos jours, les besoins en énergie sont de plus en plus croissants dans un monde industrialisé qui ne cesse de réaliser des progrès technologiques énergivores et face à une population mondiale qui a dépassé depuis 2012 le seuil de 7 milliards individus contre 2,5 milliards d’individus en 1950. D’après les dernières prévisions, il y aurait 9,3 milliards d’individus sur la planète en 2050 [1]. Cette croissance démographique importante va certainement s’accompagner d’une augmentation de la consommation énergétique notamment celles d’origine fossile tels que le pétrole, le gaz et le charbon qui constituent la source principale de la production d’énergie, notamment l’énergie électrique (Figure 1) [2]. Néanmoins, les réserves fossiles sont limitées et vont s’épuiser en quelques dizaines d’années. De plus, la consommation des combustibles fossiles induit une pollution atmosphérique et la production de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone, les oxydes d’azote et les hydrocarbures halogénés qui sont à l’origine d’un inquiétant réchauffement climatique.
Les cellules de première génération sont des dispositifs à base de silicium cristallin (mono ou poly cristallin). Elles sont les plus utilisées à l’échelle industrielle et représentent 80 % à 90 % du marché des équipements solaires [4]. Ces cellules permettent d’atteindre des efficacités énergétiques de 25,6% (27,6% sous concentration) avec le silicium monocristallin (Voir figure 3). Cependant, leur coût de fabrication reste élevé du fait de la nécessité d’utiliser du silicium de grande pureté et cristallinité ce qui limite leur développement. La deuxième génération de cellules est basée sur l’utilisation des couches minces qui ont permis d’abaisser relativement le coût de production et d’utiliser de nouveaux matériaux tels que le CdTe ou le silicium amorphe. Le meilleur rendement actuel en laboratoire est de 23,3% avec une couche de CIGS (Couche composée de cuivre, d’indium, de gallium et de sélénium). L’avantage majeur de cette technologie est de pouvoir réaliser des cellules flexibles. La troisième génération des cellules photovoltaïques est constituée de plusieurs technologies :
– Les multijonctions qui regroupent plusieurs jonctions p-n afin d’absorber au maximum le rayonnement solaire. Cette technologie a fourni le record mondial de rendement de cellules solaires actuel qui est de 46% (Figure 3) [5]. La complexité d’élaboration de ces dispositifs et leur coût élevé limite son domaine d’application.
– Les cellules organiques (OPV) constituées de molécules organiques et qui donnent des rendements faibles qui ne dépassent pas 11,5%. Elles sont aussi caractérisées par une durée de vie faible.
– Les cellules hybrides qui regroupent les cellules pérovskites qui permettent d’accéder à une efficacité énergétique de 22,1%, les cellules quantum dots qui ne dépassent pas actuellement un rendement de 11,6%, les cellules inorganiques avec un rendement solaire de 12,6% et les cellules solaires à colorant ou les DSSCs (Dye-Sensitized Solar Cells) qui fournissent une efficacité photovoltaïque d’environ 12%. Ces technologies émergentes sont conçues pour diminuer le coût de production de l’électricité tout en améliorant l’efficacité énergétique des cellules photovoltaïques [6].
Il est notable que les cellules pérovskites sont plus performantes que les autres cellules hybrides. Néanmoins, un nouveau concept de cellules solaires à colorant bijonctions est apparu récemment. Il s’agit de cellules tandem à colorant qui réunissent un semi-conducteur de type n et un semi-conducteur de type p et qui permettent d’accéder à une efficacité énergétique théorique au-dessus de 40% [7] [8].
Depuis 1991, date de l’apparition de la première cellule solaire à colorant [10], de nombreux travaux ont été menés sur l’optimisation des cellules solaires de type n en variant les colorants, les semi-conducteurs, les électrolytes etc… Cependant, la performance photovoltaïque de ce type de cellules a stagné depuis des années et un nouveau type de cellule à colorant de type p a commencé à attirer l’attention des chercheurs dans l’objectif de fabriquer la cellule tandem. Les rendements des DSSCs de type p sont actuellement très faibles si on les compare à ceux obtenus avec les DSSCs de type n. Il est donc nécessaire d’optimiser la performance de ce type de cellules.
Les semi-conducteurs de type p pour cellules photovoltaïques à colorant
Le projet ANR POSITIF s’inscrit dans le cadre du Programme de Production Renouvelable et de Gestion de l’Electricité (PROGELEC) qui aide à promouvoir la recherche française dans le domaine des énergies renouvelables, du stockage et de la gestion de l’électricité. Le projet POSITIF (P-type Oxide senSITIzation For tandem dye sensitized solar cells : DSSCs) a notamment pour objectif d’obtenir des semi-conducteurs de type p performants pour les photocathodes de cellules solaires à colorant de type p (p-DSSCs). Ce travail a été réalisé en collaboration avec le laboratoire CEISAM et le laboratoire IMN de l’université de Nantes qui nous ont fourni les colorants adaptés aux DSSCs de type p. Le montage de la plupart des cellules solaires de type p a été réalisé au laboratoire CEISAM.
Les DSSCs de type p (p-DSSCs), apparus dès 1999,[1] ont un mode de fonctionnement inverse de celui de la cellule de Grӓtzel classique (cellule à colorant de type n basée sur l’injection des électrons dans la bande de conduction du semi conducteur) [2] [3]. Dans celles-ci, ce sont les trous qui sont injectés depuis le colorant photoexcité vers le semiconducteur de type p. Les rendements des p DSSCs sont faibles si on les compare à ceux obtenus dans le cas des n-DSSCs. Cependant, beaucoup de travaux de recherche se sont focalisés récemment sur les semi-conducteurs de type p dans l’objectif d’obtenir des photocathodes performantes et utilisables dans la cellule bijonction « tandem » [4] [5] ce qui permettrait d’accéder à des efficacités énergétiques élevées .
La cellule tandem a apparu avec He et al. en 2000 [5]. Elle combine une photoanode constituée d’un semi-conducteur de type n (TiO2, ZnO,…etc) sensibilisée par un colorant adéquat et une photocathode formée d’un semi-conducteur de type p (NiO, delafossite de cuivre,…etc) sensibilisé par un autre colorant approprié. Chaque colorant doit avoir une plage d’absorption adaptée au type du semi-conducteur et si possible complémentaire d’un point de vue spectral (Figure 1). Dans ce type de cellules, le potentiel de circuit ouvert n’est plus limité par le niveau d’énergie du médiateur rédox mais plutôt par l’écart entre la bande de conduction du semi conducteur de type n et la bande de valence du semi-conducteur de type p. Les performances photovoltaïques (PV) de ces dispositifs peuvent atteindre théoriquement environ 43% tout en utilisant une technologie à bas coût [5].
La tension de circuit ouvert est définie comme la différence de potentiel, sous éclairement, entre le quasi-niveau de Fermi dans le semi-conducteur (proche de la bande de valence) et le potentiel imposé par l’électrolyte qui correspond au potentiel d’oxydoréduction du médiateur rédox .
Cellules solaires à colorant de type p (p-DSSC)
Principe de fonctionnement des DSSCs de type p
La p-DSSC est composée d’une photocathode constituée d’un semi-conducteur de type p (typiquement NiO) déposé sur le verre conducteur (classiquement une couche conductrice transparente d’oxyde d’étain dopé au fluor, FTO) sensibilisé par un colorant, d’une contreélectrode (classiquement en platine) qui joue le rôle d’anode et d’un électrolyte organique contenant un couple redox qui sépare ces deux électrodes. Les photons d’énergie suffisante sont absorbés du côté de la photocathode par le colorant. Celui-ci passe d’un état fondamental S à un état excité S* par absorption d’un photon. Il y a ensuite injection du trou photogénéré vers le semi-conducteur p (S*→S- ). Le trou injecté diffuse alors à travers le semi conducteur, et atteint le circuit externe puis la contre-électrode. En parallèle, le colorant est régénéré et retrouve donc son état fondamental S par la réduction du médiateur rédox. A la contre-électrode, le trou participe à la régénération du médiateur rédox. Le transfert du trou va, de cette manière, générer un courant ainsi qu’une tension électrique.
Facteurs limitant les rendements solaires des p-DSSCs
Des réactions parasites peuvent avoir lieu dans la cellule solaire à colorant de type p. Ces réactions influent énormément sur le photocourant débité par la cellule et limitent ainsi son rendement solaire. Odobel et al. [7] ont résumé ces réactions comme suit :
– Réaction de recombinaison de charges entre le trou injecté dans la bande de valence du semi-conducteur de type p et la forme réduite du colorant en créant une paire électron-trou à l’interface S.C/colorant. Ainsi le trou n’est pas transféré dans le circuit extérieur et le colorant retrouve son état fondamental. Cette réaction est très fréquente dans les p-DSSCs. En effet, l’injection du trou dans le semiconducteur, qui ne nécessite que 0,2-2 picosecondes pour une couche de NiO sensibilisée par le colorant Coumarin 343 (C343), est toujours contrariée par la réaction de recombinaison du trou injecté avec le colorant qui se produit en 20 picosecondes [7].
– Réaction d’interception du trou par la forme réduite du médiateur rédox. Cette réaction conduit à l’apparition d’un courant inverse au photocourant.
La tension de circuit ouvert (Voc) faible par rapport à celle de la DSSC de type n est aussi l’un des facteurs qui limite le développement de la DSSC de type p. Il est donc indispensable de bien choisir le semi-conducteur de type p et la navette rédox afin de rendre la différence entre le niveau de Fermi du S.C et le potentiel d’oxydoréduction du médiateur rédox la plus grande possible.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Les semi-conducteurs de type p pour cellules photovoltaïques à colorant
I. Introduction
II. Cellules solaires à colorant de type p (p-DSSC)
1. Principe de fonctionnement des DSSCs de type p
2. Facteurs limitant les rendements solaires des p-DSSCs
3. Efficacité énergétique des DSSCs de type p
III. Semi-conducteurs de type p
1. Théorie des bandes
2. Cahier des charges du semi-conducteur de type p pour les p-DSSCs
3. Quels semi-conducteurs pour les DSSCs de type p ?
IV. Oxyde de nickel : le matériau actuellement le plus efficace pour les photocathodes de p-DSSCs
1. Structure et propriétés
a. L’oxyde de nickel
b. Les hydroxydes de nickel
c. Oxy-hydroxide de nickel (NiOOH)
2. Stabilité et effet de la température de recuit
3. Méthodes de synthèse
a. Méthode Sol-gel
b. Sérigraphie
c. Electrodépôt
4. Electrodépôt de films d’hydroxyde/oxyde de nickel
a. En milieux aqueux
b. Electrodépôt de NiO en milieu anhydre
c. Electrodépôt en présence d’agents structurants
5. Synthèse d’hybrides organique/inorganique
6. Applications de l’oxyde de nickel
a. Batteries
b. Supercondensateurs
c. Matériaux électrochromes
d. Cellules photovoltaïques organiques et à pérovskites hybrides
V. Oxydes semi-conducteurs de type p à base de cuivre
1. Cu2O : Premier oxyde semi-conducteur connu
2. Delafossites de cuivre
VI. Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre II : NiO électrodéposé en milieu aqueux pour les p-DSSCs
I. Introduction
II. Méthodes et réactions électrochimiques
1. Etapes d’une réaction électrochimique
2. Méthodes électrochimiques
a. Voltampérométrie cyclique
b. Chronoampérométrie
3. Dispositif expérimental
III. Electrodépôt cathodique d’oxyde de nickel en milieu aqueux
1. Mécanisme réactionnel
2. Etude de système par voltampérométrie cyclique
a. Courbes de réduction en absence et en présence et d’ions nickel à différentes températures
b. Effet de la concentration en nitrates à 80°C
c. Effet du nombre de cycles
3. Electrodépôt en régime pulsé
4. Caractérisation des couches de NiO électrodéposées par réduction cathodique pulsée en milieu aqueux
a. Mesures optiques
b. Microscopie électronique à balayage (MEB)
c. Microscopie électronique à Transmission (MET)
d. Spectroscopie Raman
e. Caractérisation électrochimique
IV. Electrodépôt anodique d’oxyde de nickel en milieu aqueux
1. Etude de système par voltampérométrie cyclique
a. Effet de la température du bain
b. Effet de la présence du nickel sur la courbe d’oxydation
c. Effet de la concentration du précurseur de nickel
2. Conditions expérimentales
V. Résultats de cellules solaires
1. NiO obtenu par réduction en milieu aqueux
2. NiO obtenu par oxydation en milieu aqueux
VI. Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre III : Préparation électrochimique d’oxyde de nickel en milieu anhydre
I. Introduction
II. Utilisation du milieu DMSO en chronoaméprométrie
1. Etude de l’utilisation de DSMO comme solvant
2. Préparation électrochimique et caractérisation des couches de NiO en milieu DMSO
a. Préparation électrochimique
b. Analyses des propriétés des couches
3. Mécanisme réactionnel de l’électrodépôt en milieu DMSO
4. Résultats de cellules solaires
III. Utilisation du milieu éthanol en chronopotentiométrie
1. Etude du système nitrate de nickel/éthanol
2. Préparation électrochimique des couches de NiO en milieu éthanol
IV. Nanostructuration des couches
1. Préparation de l’agent structurant
2. Electrodépôt de NiO en milieu DMSO et en milieu éthanol
V. Conclusion
Références bibliographiques
Conclusion générale