Cellules germinales : La naissance d’une lignée

LA CELLULE GERMINALE

La cellule germinale (CG) est l’entité biologique à l’origine des gamètes d’un organisme. D’un point de vue évolutif, les CG sont les cellules chargées de transmettre l’information génétique à la descendance, maintenant ainsi la continuité d’une espèce donnée (Guo et al., 2015). Elle peut être considérée comme la seule cellule « immortelle » d’un organisme puisqu’elle se transmet de génération en génération. 

Cellules germinales : La naissance d’une lignée

Chez les mammifères, les CG sont formées très tôt au cours du développement embryonnaire. Elles suivent différentes étapes de différenciation et maturation effectuées sur des périodes plus ou moins longues (en fonction des espèces et du sexe) afin de former des cellules hautement spécialisées : les gamètes (spermatozoïdes chez les mâles et les ovocytes chez les femelles). La caractéristique principale des gamètes est l’haploïdie. En effet, à un stade précis de leur développement, les CG initient la division méiotique qui permet la réduction de moitié de leur matériel génétique. La fusion d’un spermatozoïde et d’un ovocyte produit un zygote diploïde génétiquement différent de ses parents.

Suite à la fécondation, les zygotes de mammifères initient une série de clivages au bout desquels se forme un blastocyste composé d’un ensemble de cellules pluripotentes appelées «cellules de la masse interne » (Fig. 2). Ces dernières se différencient par la suite pour former l’épiblaste préimplantatoire et l’endoderme primitif. L’épiblaste sera à l’origine du futur embryon tandis que l’endoderme primitif donnera naissance aux tissus extraembryonnaires (Tang et al., 2016).

Spécification de la lignée germinale

Les cellules germinales primordiales (CGP) sont les précurseurs des CG. L’induction de la lignée germinale débute au moment de la gastrulation, aux alentours de 6,25 jpc (jours postconception) chez la souris (Irie, Tang and Surani, 2014) et de 3 semaine de grossesse (SG) chez l’humain (Tang et al., 2016) (Fig. 2). Aux alentours de 6,75 jpc chez la souris (Yamaji et al., 2008) et 4 SG chez l’humain embryonnaires (Tang et al., 2016), une quarantaine de cellules de l’épiblaste du mésoderme extra-embryonnaire se mettent à exprimer le facteur BMP4 (bone morphogenetic protein). Ce dernier induit l’expression de Blimp1 (B-lymphocyte induced maturation protein 1) aussi connu sous le nom de Prdm1 (Pr domain containing protein 1) qui active à son tour l’expression du gène Tfap2c (Transcription factor AP-2 gamma). Tfap2c code pour la protéine AP2γ (activating enhancer-binding protein 2γ) spécifique de la lignée germinale (Ohinata et al., 2005). Ces cellules représentent donc les précurseurs de la lignée germinale. Blimp1 induit également l’expression de Prdm14 (PR domain zinc-finger protein 14; Strome and Updike, 2015). Ce dernier joue un rôle clé dans la réacquisition du potentiel de pluripotence ainsi que dans la reprogrammation épigénétique globale des CGP. Ensemble, ces facteurs forment les régulateurs transcriptionnels majeurs orchestrant la spécification de la lignée germinale en réprimant d’une part le programme somatique et en induisant le programme germinal d’autre part (Tang et al., 2016). Chez l’Homme, l’expression de Blimp1 est également sous contrôle du gène Sox17 (SRY-Box 17; Irie et al., 2015).

Migration des cellules germinales primordiales vers les crêtes génitales

Une fois spécifiées, les CGP rassemblées à la base de l’allantoïde migrent en direction de l’endoderme intestinal à partir de 7,75 jpc chez la souris et 4 SG chez l’Homme. Cette première vague de migration est due aux mouvements morphogénétiques de l’embryon (Irie, Tang and Surani, 2014). Vers 9,5 jpc dans l’embryon murin, les CGP en migration émettent des protrusions cytoplasmiques de type filipodes. Elles se déplacent à travers l’intestin postérieur nouvellement formé, remontent le mésentère dorsal puis colonisent les crêtes génitales (StarzGaiano and Lehmann, 2001). Aux alentours de 10,5 jpc/6 SG, toutes les CGP auront atteint les futures ébauches gonadiques .

Prolifération des cellules germinales

Tout au long de leur migration, les CGP prolifèrent activement par divisions mitotiques. Une fois arrivées dans les crêtes génitales, la phase proliférative se poursuit. Le nombre de CGP augmente alors de manière exponentielle et passe d’environ 900 à 10,5 jpc à près 6000 cellules à 13,5 jpc dans les gonades murines (Pepling and Spradling, 2001). Cette phase de prolifération est plus longue chez l’Homme mais présente également une augmentation exponentielle du nombre de cellules germinales (Tang et al., 2016). De manière intéressante, les cellules-filles obtenues après chaque cycle de division mitotique restent rattachées l’une à l’autre par des ponts cytoplasmiques ce qui forme des structures en « cystes » appelées les « nids ovigères » (Wang et al. 2017). Au cours de cette phase proliférative, différents remodelages génétiques et épigénétiques sont mis en place afin d’assurer une bonne différenciation des CG.

Différenciation germinale 

Différenciation gonadique

Peu après la colonisation des ébauches gonadiques par les CGP (11,5 jpc chez la souris et 6 SG chez l’Homme), la différenciation gonadique est entamée. Jusqu’alors identiques dans les fœtus mâles et femelles, les gonades « bipotentielles » débutent une phase de différenciation dans l’optique de former deux testicules chez les individus XY, notamment par le biais du gène Sry (Sex determining Region of Y chromosome), ou deux ovaires chez les individus XX qui en sont dépourvus (Spiller, Koopman and Bowles, 2017). Ce n’est qu’à partir de 12,5 jpc chez la souris et 6,5 SG chez l’Homme, que les cordons séminifères formés par les cellules de Sertoli deviennent bien visibles autour des cellules germinales (appelées gonocytes à ce stade) dans les testicules. Les ovaires quant à eux sont dépourvus de cordons et contiennent des cystes d’ovogonies éparpillés entre les cellules somatiques ovariennes.

Génétique de la cellule germinale

Gènes de pluripotence

Nanog (Nanog homeobox) est exprimé dans les CGP depuis le moment de leur spécification et ce tout au long de la phase migratoire. Cette expression est maintenue après la colonisation des crêtes génitales jusqu’à l’initiation méiotique dans les embryons femelles et jusqu’à l’arrêt mitotique dans les embryons mâles (Yamaguchi et al., 2005). Ainsi, la protéine NANOG n’est exprimée que dans les cellules germinales en prolifération. Par ailleurs, NANOG est essentiel à l’induction de l’expression de Blimp1 et Prdm14. Il joue ainsi un rôle primordial dans la spécification de la lignée germinale (Murakami et al., 2016). Dès le moment de leur spécification, jusqu’à la phase de différenciation, les CGP expriment des marqueurs de pluripotence leur permettant d’être maintenues à l’état souche. Parmi ces marqueurs figure le facteur de transcription AP2γ (TFAP2C) qui induit l’expression du gène Pou5f1 (POU class 5 homeobox 1) (Chen et al., 2018). Ce dernier code pour la protéine OCT3/4 (octamer-binding transcription factor 4), un facteur de transcription exprimé par les cellules souches (Lengner et al., 2007). On la retrouve dans les CGP au moment de la spécification et ce jusqu’au moment de la différenciation sexuelle dans les gonades. Ce facteur est nécessaire à la spécification des CGP mais aussi au maintien de leur état de pluripotence (Pastor et al., 2018).

De plus, les CGP expriment des marqueurs membranaires de cellules pluripotentes tels que SSEA-1 (Stage Specific Embryo Antigen 1) et c-KIT dont l’expression favorise la reconnaissance des cellules de lignée germinale et l’établissement de « niches » (Hoyer et al., 2005; Hamidabadi et al., 2015). Les CGP expriment également SOX2 chez la souris (Irie et al., 2014) et SOX17 chez l’homme (Irie et al., 2015). Comme toutes les cellules souches pluripotentes, les CGP possèdent une activité « phosphatase alcaline » importante. La phosphatase alcaline est une enzyme membranaire existant sous différentes isoformes dans les divers tissus, dont par exemple la TNAP (Tissue non-specific alkaline phosphatase) exprimée dans les CGP de souris (MacGregor et al, 1995) et GCAP (Germ cell alkaline phosphatase) exprimée dans les CGP humaines (Stefkova et al, 2015). Le rôle principal de la signalisation phosphatase alcaline est d’assurer une signalisation correcte au sein des cellules souches. Cependant, celle-ci n’est pas indispensable à l’établissement ni à la migration de la lignée germinale (Stefkova et al, 2015). Son expression débute dès le stade blastocyste et persiste jusqu’au moment de la différenciation des CG (MacGregor et al, 1995; Stefkova et al, 2015).

Différenciation germinale

Au moment de la colonisation de la gonade, les CG expriment de nouveaux facteurs nécessaires à la différenciation germinale (Sarraj and Drummond, 2012). Au même moment, une déméthylation globale de l’ADN effectuée au sein des CG (voir partie III) active la transcription de gènes spécifiquement germinaux tels que Ddx4 (DEAD box polypeptide 4, aussi connu sous le nom de mouse vasa homolog Mvh) ainsi que Dazl (deleted in azoospermia-like) (Spiller, Koopman and Bowles, 2017). Alors que les protéines SSEA1, OCT4 et TNAP ne sont pas des facteurs spécifiquement germinaux, mais plutôt des marqueurs de cellules souches, l’expression de DDX4 et DAZL est strictement limitée aux cellules germinales après leur arrivée au sein des ébauches gonadiques (Toyooka et al., 2000).
❖ DDX4 est une hélicase de l’ARN appartenant à la famille DEAD-box et dont l’activité est dépendante de l’ATP (Yajima and Wessel, 2011). Conservée des invertébrés à l’espèce humaine, elle est localisée dans le cytoplasme des cellules germinales fœtales et adultes. Son rôle principal est d’assurer le « contrôle qualité » des ARN messagers (ARNm) avant leur traduction en protéines (Yajima and Wessel, 2011). Il a été montré que DDX4 n’était pas essentiel à la fertilité féminine puisque les souris femelles déficientes pour Ddx4 sont complètement fertiles. Au contraire, les souris mâles Ddx4-/- sont stériles ce qui suggère un dimorphisme sexuel concernant l’activité et la fonction de cette protéine (Tanaka et al., 2000; KuramochiMiyagawa et al., 2010). Plus récemment, une équipe américaine a montré que DDX4 est impliqué dans la répression des rétrotransposons dans les CG mâles spécifiquement, ce qui pourrait expliquer ce dimorphisme (Kuramochi-Miyagawa et al., 2010).
❖ DAZL est une protéine de liaison aux ARN exprimée à la fois dans les cellules germinales mâles et femelles (Saunders et al., 2003 ; Gill et al., 2011). Elle est essentielle à l’acquisition de la « compétence méiotique » , c’est-à-dire la capacité d’une cellule à initier la prophase I de méiose (Gill et al., 2011). En effet, les souris invalidées pour le gène Dazl sont totalement stériles. De plus, les cellules germinales issues de fœtus murins Dazl-/- restent dans un état souche indifférencié et sont donc incapables d’initier et de progresser en prophase I de méiose (Soh et al., 2015). Le rôle principal de DAZL est de se fixer aux ARNm de gènes méiotiques et de stabiliser leur expression afin de pouvoir permettre aux cellules d’avancer en méiose (Rosario et al., 2017).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE UN : LA CELLULE GERMINALE
I- Cellules germinales : La naissance d’une lignée
II- Différenciation germinale
III- Reprogrammation épigénétique des cellules germinales
CHAPITRE DEUX : LA MEIOSE
I- Généralités
II- Initiation de la méiose femelle
III- Prophase I de méiose
IV- Maturation ovocytaire et reprise de méiose
CHAPITRE TROIS : LE STRESS OXYDANT
I- Généralités
II- Biologie des ROS
III- Dommages oxydatifs de l’ADN et réparation
IV- Stress oxydant et reproduction
CHAPITRE QUATRE : TOXICOLOGIE ET REPRODUCTION
I- Perturbation endocrine et environnement
II- Perturbateurs endocriniens et reproduction
III- Bisphénol A analogues structuraux
OBJECTIFS
RÉSULTATS
Partie 1
Partie 2
DISCUSSION
CONCLUSIONS
REFERENCES

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