Causes de psychoses d’origine organique retrouvées dans la littérature chez le patient âgé de 15 à 30 ans
Etiologies auto-immunes
Syndrome des anti-phospholipides
La bibliographie réalisée a permis d’inclure quatre articles. Il s’agit de deux cas cliniques (Cardinal et al., 2009; Kurtz & Müller, 1994), d’une revue de la littérature (Graf, 2017), et d’une méta-analyse (Hallab et al., 2018). Dans la littérature neuf cas de psychose induite par un syndrome des anti-phospholipides chez des patients âgés de 15 à 30 ans sont retrouvés. Il s’agit uniquement de femmes.
Le syndrome des anti-phospholipides est un trouble systémique auto-immun associé à des auto-anticorps circulants dirigés contre les phospholipides, pouvant être primaire ou secondaire (47%) à une autre maladie. Dans ce second cas, il s’agit le plus souvent d’un lupus érythémato-systémique.
Le diagnostic repose sur l’association :
– D’une manifestation clinique (au moins) :
o Thrombose vasculaire (artérielle, veineuse ou de petits vaisseaux)
o Evènements durant la grossesse (au moins un décès inexpliqué d’un fœtus morphologiquement normal ou au-delà de dix semaines de gestation, au moins une naissance prématurée d’un nouveau-né morphologiquement normal en raison d’une éclampsie ou d’une prééclampsie sévère, trois avortements spontanés consécutifs inexpliqués avant la dixième semaine)
– D’un ou plusieurs anticorps anti-phospholipides sur la prise de sang (anticorps anti-cardiolipine, anticoagulant circulant, antiB2GP1). Ces anticorps doivent être positifs au moins à deux reprises, et à au moins trois mois d’intervalle.
La principale manifestation clinique est donc la thrombose, pouvant être artérielle, veineuse ou les deux. De nombreuses symptomatologies sont possibles : neurologiques (accident vasculaire cérébral, épilepsie, chorée), cardiaques (valvulopathies, infarctus), dermatologiques (livedo), rénales (insuffisance rénale par occlusion des petites artères rénales), pulmonaires (embolie pulmonaire), hématologiques (thrombopénie, anémie hémolytique). Très rarement, une symptomatologie psychiatrique (trouble de l’humeur, symptômes psychotiques) est possible.
La symptomatologie positive psychotique se caractérise par des idées délirantes (60%) et/ou des hallucinations (50%) (Hallab et al., 2018). Les hallucinations peuvent être auditives et/ou visuelles. Cette symptomatologie psychotique peut précéder de plusieurs années l’apparition des symptômes organiques (Kurtz & Müller, 1994). Elle peut être contrôlée avec des médicaments antipsychotiques. Toutefois, les traitements de ce syndrome, comme la warfarine, peuvent seuls améliorer les symptômes psychotiques chez ces patients. Les patients présentent une rémission complète de l’épisode psychotique une fois le syndrome des anti-phospholipides traité.
Plusieurs hypothèses explorent l’étiologie de la psychose associée à un syndrome des anti-phospholipides, impliquant l’impact direct d’évènements thromboemboliques ainsi que le rôle biochimique des anticorps anti-phospholipides. L’étude d’Hallab et al (Hallab et al., 2018) retrace l’utilisation de différents examens complémentaires, comme le scanner cérébral, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), l’EEG ainsi que le dosage des anticorps anti-phospholipides pour orienter le diagnostic. Le scanner cérébral est généralement normal, mais peut montrer des anomalies non spécifiques (atrophie, ou hémorragie). Des lésions aspécifiques de la substance blanche, parfois associées à un évènement thrombotique, sont souvent identifiées à l’IRM (Graf, 2017). Les EEG réalisés dans la tranche d’âge 15-30 ans sont retrouvés normaux.
Dans sa méta-analyse sur 23 patients (Hallab et al., 2018) présentant une symptomatologie psychotique induite par un syndrome des anti-phospholipides, Hallab et son équipe mettent en évidence des indicateurs tels que le sexe féminin, l’âge d’apparition plus tardif (>35 ans), la symptomatologie neurologique accompagnée ou non de symptômes généraux (crises d’épilepsie, dyskinésies, suspicion d’AVC, fièvre, thrombocytopénie, arthrite, anémie…), une thrombose visible en imagerie cérébrale, une symptomatologie psychotique d’apparition aiguë. Ces indicateurs doivent conduire à la prescription d’un dosage des anticorps anti phospholipides. La connaissance de ces indicateurs est importante car une prise en charge rapide peut diminuer la morbidité de la maladie et prévenir de graves événements thromboemboliques, d’où l’importance pour le psychiatre de rechercher ces signes d’appel.
Encéphalite auto-immune
Les encéphalites auto-immunes sont un groupe de maladies auto immunes à symptomatologie neurologique qui sont induites par des auto-anticorps ciblant des antigènes qui peuvent être de surface cellulaire (NMDA-R, CASPR2, LGI1, AMPA-R, GABAA/B R, DPPX, mglur5, glyciner), ou intracellulaire (Hu, Ri, Yo, CV2/CRMP5, Ma1, Ma2/Ta, amphiphysin, Tr, PCA-2, ANNA-3, SOX1.GAD65) (Endres et al., 2020; Steiner et al., 2020). Il y a aussi des encéphalites médiées par les auto-anticorps systémiques, tels que les anticorps anti-nucléaires ou les anticorps dirigés contre la thyroïde. Ces encéphalites seront abordées dans le cadre de leur maladie spécifique.
L’incidence est de deux cas par million d’habitants par an. Cependant selon certains auteurs cette incidence serait sous-évaluée en raison de la découverte récente de cette pathologie. Elle approcherait l’incidence des encéphalites virales d’un cas pour 250 000 habitants (Brenton & Goodkin, 2016). Les symptômes neurologiques et psychiatriques apparaissent le plus souvent de façon subaiguë et peuvent être précédés de prodromes infectieux. Ils peuvent être des troubles du comportement, une symptomatologie psychiatrique, de l’épilepsie, des dyskinésies, une dysautonomie ou encore des troubles cognitifs, tels que la perte de mémoire à court terme. La diversité des encéphalites auto-immunes sur le plan clinique rend nécessaire l’étude de chacune d’entre elles.
Encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM)
Deux patients d’une revue de la littérature (Nasr et al., 2000) ont été identifiés. L’ADEM est une affection auto-immunitaire démyélinisante et inflammatoire multifocale atteignant la moelle épinière et le cerveau. Elle se déroule comme les encéphalites auto-immunes le plus souvent après des infections, ou des vaccinations, faisant supposer un mécanisme d’action commun par action des auto-anticorps. Dans l’article identifié, les auto anticorps n’ont pas été recherchés. Une décompensation aiguë se manifeste par des céphalées, une fièvre, une nuque raide, une confusion et parfois des signes focaux neurologiques. Aucune présentation psychotique typique n’a été identifiée dans cet article, toutefois plusieurs cas de psychose tout âge confondu ont été identifiés. L’EEG est souvent anormal, avec une augmentation modérée à importante du voltage de manière diffuse. L’analyse du LCR retrouve des anomalies non spécifiques : pléocytose, protéinorachie modérée. A l’IRM, des anomalies peuvent être détectées précocement, surtout en séquence T2. Des hypersignaux dans différentes zones du cerveau peuvent être identifiés, correspondant aux symptômes focaux du patient. Il n’a pas été identifié d’indicateur spécifique lors d’un premier épisode psychotique.
Astrocytopathie auto-immune GFAP (protéine acide fibrillaire gliale)
Dans cette bibliographie, trois articles ont été inclus : un cas clinique (H.-X. Yin et al., 2020), une revue de la littérature (Kunchok et al., 2019), et une étude de cohorte (Long et al., 2018).
Ainsi, un patient présentant les critères d’inclusion a été identifié. Aucun patient respectant les critères d’inclusion n’a pu être formellement identifié au cours de l’étude de cohorte, en raison d’absence d’individualisation des résultats. L’astrocytopathie auto-immune GFAP est une maladie auto-immune du système nerveux central qui peut affecter toutes les régions cérébrales de l’encéphale, et atteindre le nerf optique ainsi que la moelle épinière. Toutefois l’atteinte méningo-encéphalique est la forme prédominante. Sur le plan épidémiologique, la prévalence a été calculée autour de 0,6/100 000. La médiane d’âge se situe entre 44 et 50 ans et une prédominance féminine existe.
L’atteinte méningo-encéphalique est la seule forme clinique qui peut présenter une symptomatologie psychotique (30% des cas) (Kunchok et al., 2019). La description des symptômes psychotiques n’est pas précisée en dehors de leur caractère intermittent (H.- X. Yin et al., 2020). D’autres symptômes peuvent être présents tels que des crises convulsives (pour 20% des cas), d’autres signes psychiatriques (30%) (agitation, troubles du comportements), céphalées/vomissements/raideurs de nuque (30%), une vision trouble (30%), ou des tremblements (40%).
Le traitement est la corticothérapie. L’évolution de cette maladie semble monophasique. Cependant une personne sur cinq connaitra une rechute. Le diagnostic est réalisé grâce à la recherche d’anticorps IgG-GFAP dans le LCR. Bien qu’une cause paranéoplasique (25%) soit diagnostiquée chez certains patients (75% des causes paranéoplasiques sont liées à un tératome) d’autres causes sont mises en évidence, comme des causes infectieuses telles que l’herpès simplex de type 1. Une forte coexistence avec d’autres auto-anticoprs tels que les IgG anti NMDAr est retrouvée (cf A. Auto-immun 2. Encéphalite auto immune). L’analyse du LCR retrouve une pléocytose présente dans 90 à 100% des cas (Kunchok et al., 2019; Long et al., 2018) de prédominance lymphocytaire, une protéinorachie élevée dans 80% des cas, et des bandes oligoclonales chez 50% des patients. L’IRM retrouve chez 50% des patients des anomalies sur la séquence pondérée T2, bien que celles-ci soient limitées en taille. Si l’examen est réalisé tardivement, les images ressembleraient à une leucodystrophie (Kunchok et al., 2019; Long et al., 2018).
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Table des matières
Introduction
I. Méthodologie de recherche de la bibliographie
A. Collecte de données
B. Diagramme de flux
II. Causes de psychoses d’origine organique retrouvées dans la littérature chez le patient âgé de 15 à 30 ans
A. Etiologies auto-immunes
1. Syndrome des anti-phospholipides
2. Encéphalite auto-immune
1. Encéphalite induite par des anticorps anti-récepteur N-méthyl-D-aspartate (Ac anti-NMDAr)
2. Encéphalite induite par des anticorps dirigés contre les récepteurs de l’acide alpha-amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazolepropionic (AMPAr)
3. Encéphalite induite par des anticorps dirigés contre les canaux calciques voltage-dépendant (VGKC)
4. Encéphalite induite par des anticorps dirigés contre les récepteurs glutamatergiques métabotropiques n°5 (Ac anti-mGluR5) : Syndrome d’Ophélie
5. Encéphalite induite par des anticorps dirigés contre les récepteurs de l’acide glutamique décarboxylase (GAD)
6. Recommandations et préconisations autour de la recherche du diagnostic d’encéphalite auto-immune lors d’un premier épisode psychotique
3. Encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM)
4. Astrocytopathie auto-immune GFAP (protéine acide fibrillaire gliale)
5. Lupus érythémateux disséminé (LED)
6. Syndrome de Sjögren (SS)
7. Sclérodermie systémique
8. Syndrome de Susac
B. Etiologies endocriniennes
1. Maladie d’Addison
2. Syndrome de Cushing
3. Hypoglycémie
4. Hypopituitarisme
5. Hyperthyroïdie
a) Maladie de Basedow/Graves
b) Hyperthyroïdie sub-clinique
c) L’hyperthyroïdie subaiguë
d) Thyroïdite du post-partum
e) Recommandations
6. Hypothyroïdie
7. Encéphalite de Hashimoto
8. La parathyroïde
a) Hyperparathyroïdie
b) Hypoparathyroïdie
9. Tumeurs neuroendocrines : le paragangliome
C. Etiologies gastro-entérologiques
1. Sensibilité au gluten non-cœliaque (SGNC)
D. Etiologies gynéco-obstétricales
1. Psychose menstruelle
2. Pré-éclampsie / éclampsie
E. Etiologies infectieuses
1. Encéphalite virale à Herpès Simplex, Influenca A, à entérovirus ou d’origine virale supposée
2. Encéphalite bactérienne : Mycoplasma pneumoniae
3. Maladie de Lyme – Neuroborréliose
4. Brucellose
5. Dengue
6. Endocardite
7. Leptospirose
8. Maladie de Borna
9. Malaria / Paludisme
a) Episode aiguë
b) Syndrome neurologique post-malaria
10. Méningite et méningo-encéphalite infectieuse
11. Myiase
12. Neurocysticercose
13. Syphilis
14. Typhus
15. Fièvre typhoïde
16. Virus d’immunodéficience humaine (VIH)
17. Panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS)
F. Etiologies inflammatoires
1. Vascularites
a) Maladie de Behçet
2. Neuro-sarcoïdose
G. Etiologies métaboliques
1. Acidémie propionique (déficience congénitale en propionyl-Coa carboxylase)
2. Adrénoleucodystrophie
3. Alpha-mannosidose
4. Amylose familiale liée à la transthyrétine
5. Maladie de Fabry
6. Gangliosidoses à GM2
7. Cycle de l’homocystéine : Hyperhomocystéinémie, Déficit en vitamines B6 B9 et B12 et anomalie de la MTHF Réductase
8. Hyperammoniémie et les anomalies du cycle de l’urée
9. Leucodystrophie métachromatique
10. Troubles mitochondriaux
11. Niemann-Pick de type 2 (NP)
12. Carence en vitamine B1 – Encéphalopathie de Wernicke – Béribéri cérébral
13. Surdosage en vitamine A
14. Restriction alimentaire et anorexie
15. Porphyrie
16. Calcémie
a) Hypercalcémie
b) Hypocalcémie
17. Hypokaliémie et hypomagnésémie
18. Hypernatrémie
19. Hyponatrémie
20. Maladie de Wilson
21. Xanthomatose cérébrotendineuse
H. Etiologies neurologiques
1. Malformations de la fosse postérieure
2. Syndrome de Dyke-Davidoff-Masson (SDDM)
3. Encéphalopathie aiguë nécrosante (EAN)
4. Crise d’épilepsie
a) Epilepsie temporale
b) Epilepsie frontale
c) Indicateurs spécifiques
5. Atteintes des ganglions de la base
a) Syndrome de Fahr ou calcification des ganglions de la base
b) Neurodégénérescence avec surcharge cérébrale en fer : Le Syndrome d’Hallervorden-Spatz
c) Maladie d’Huntington
d) Le syndrome neuroacanthocytaire de McLeod
6. Hydrocéphalie à pression normale (HPN) : Sténose idiopathique de l’aqueduc
7. Hypertension intracrânienne (HTIC)
8. Kystes intracrâniens
9. Septum Pellucidum
10. Lésions cérébrales focales traumatiques ou vasculaires
a) Accident vasculaire cérébral (AVC)
b) Traumatisme crânien
c) Perte d’acuité visuelle et syndrome de Charles-Bonnet (SCB)
d) Perte d’acuité visuelle et surdité et syndrome d’Usher
e) Les tumeurs cérébrales et l’effet de masse
11. Migraines
12. Maladie à prions ou encéphalopathies spongiformes transmissibles
a) Maladie de Creutzfeldt-Jakob
b) L’insomnie fatale familiale
c) Indicateurs
13. Narcolepsie
14. Sclérose en plaques (SEP)
15. La variante comportementale de la démence fronto-temporale (DFT-c)
III. Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes