Catastrophe, société et Etat

Un certain nombre de tremblements de terre de forte magnitude se sont produits partout dans le monde au cours de la dernière décennie. Ainsi, le tremblement de terre et le tsunami qui s‟est produit dans l‟Océan Indien en 2004, ont été suivis en 2010 par des phénomènes identiques en Haïti et au Chili et les deux pays ont dû faire face aux catastrophes qui y étaient associées. Finalement, en 2011, le Japon a été affecté par l‟action conjointe d‟un tremblement de terre de magnitude 9 et d‟un raz-de-marée, généralement considéré comme le plus puissant que ce pays ait connu au XXème siècle. Le hasard a voulu que tous ces événements occupent une place importante dans les classifications sismiques mondiales. Le séisme du Chili, par exemple, vient au sixième rang parmi les dix tremblements de terre les plus forts du XXème siècle, celui du Japon au quatrième rang et celui de Sumatra au troisième. Partout dans le monde, les catastrophes provoquées par ces phénomènes ont sensibilisé l‟opinion publique et les gens se sont demandé si la survenue de tremblements de terre aussi dévastateurs répondait à une activité sismique inhabituelle sur la Terre. La réponse des scientifiques a été claire et nette, à savoir qu‟elle niait cette croyance . Sur la base d‟une information statistique couvrant tout le XXème siècle, les scientifiques soutenaient que la moyenne annuelle mondiale des grands tremblements de terre s‟élevait à seize, tous étant d‟une magnitude supérieure à sept degrés (celui-ci étant pris comme référence pour classifier les séismes extrêmement destructeurs), mais il faut remarquer qu‟ils se caractérisaient par une grande variabilité annuelle, car leur nombre oscillait entre six et quarante deux. Par conséquent, l‟information statistique a démenti la croyance populaire.

Cependant, même si les sismologues ont démenti la prétendue augmentation inhabituelle du nombre des séismes, il n‟en reste pas moins que, dans le cas du Pérou, la population qui était en interaction directe avec les mass médias (moyens de communication de masse), a interprété cette série d‟événements catastrophiques de dimension mondiale comme une véritable augmentation du nombre des séismes. On en trouve une possible explication dans le fait que la population du Pérou se trouve très sensibilisée aux événements de ce genre, étant donné qu‟elle a été affectée en août 2007 par un grand tremblement de terre qui a détruit des dizaines de localités sur une partie de la côte centrale du Pérou.

Nous sommes donc confrontés à deux réalités en conflit, c‟est-à-dire la solidité de l‟information statistique face aux impressions de la population. Les communautés humaines manifestent leur peur à l‟encontre des manifestations sismiques ; à la différence d‟autres phénomènes naturels, le séisme génère un sentiment particulier d‟incertitude et de vulnérabilité. Le fait qu‟il survienne à l‟improviste et surprenne les gens et que le sol sur lequel nous reposons nos deux pieds vibre, sont autant de manifestations qui renforcent l‟incertitude. L‟information statistique concernant les séismes est un produit moderne développé par des institutions scientifiques, destiné à évaluer la tendance des manifestations sismiques et dans ce cas en particulier, à réfuter un préjugé populaire. Dans le passé, la Science a également eu à combattre les croyances populaires associées aux séismes et, pour ce faire, elle a entrepris des observations destinées à en établir la cause principale et, en général, à confronter celle-ci avec les préceptes de la Foi. Il existe donc un contraste entre les observations et les affirmations essentielles à la Science et la faiblesse des impressions que la population voulait utiliser pour comprendre une manifestation naturelle. La mise en place de vases communicants entre ces deux réalités devrait constituer une perspective permettant de surmonter la crédulité populaire et peut être l‟école assumerait-elle ce rôle, grâce à la diffusion de contenus s‟appuyant sur la Science, et la presse aussi en rendant ces contenus accessibles au grand public, car sa contribution à l‟information est insuffisante. Il en résulte un individu mal informé sur une manifestation naturelle qui peut l‟affecter à n‟importe quel moment et dans n‟importe quelles circonstances.

La sismicité est une manifestation naturelle mondiale qui se prête à l‟impact médiatique. Dans le cas particulier du Pérou, on observe un conflit entre les observations effectuées par la sismologie et l‟information sismique généralement déformée par un secteur de la presse. En tant que pays hautement sismique situé sur la Ceinture de Feu du Pacifique où se concentrent 70% de l‟activité sismique mondiale, le Pérou représente un cas significatif dans la comparaison de la distance entre la sérieuse observation sismologique et la perception déformée d‟un phénomène par une population influencée par l‟information donnée par les moyens de communication écrits. C‟est pourquoi, nous pensons que la recherche portant sur les manifestations sismiques du passé, contribue à donner à long terme, une image très complète du phénomène, ce qui permet aux sismologues et aux secteurs informés de la population de relativiser leur propre perception sismique directe en la comparant avec ce qui s‟était passé au niveau historique. Telle a été notre intention en élaborant deux catalogues sismiques qui passent en revue l‟activité sismique enregistrée au Pérou entre le XVème et le XIXème siècles.

Cependant, la collecte des enregistrements grâce auxquels les catalogues ont été établis, a négligé une dimension précieuse. Après la catastrophe qui a suivi la secousse sismique, il restait encore à connaître la façon dont la population se rétablirait, affronterait la destruction et réorganiserait sa vie, la conservant telle qu‟elle était ou y incorporant des nouveautés, ce qu‟on retrouve résumé dans l‟expression employée par Christian Pfister, « Le jour d’après ». En bref, il s‟agit d‟essayer de pénétrer dans l‟histoire sociale des désastres où les conflits sous-jacents à la société apparaissent très exacerbés dans le cadre d‟une catastrophe.

Le présent travail d‟investigation se propose d‟étudier la double réponse de l‟Etat et d‟un secteur de la population du Sud du Pérou face à la catastrophe provoquée par le tremblement de terre du 13 août 1868 dans les départements du Sud du Pérou. Sur la base d‟une mémoire sismique très profondément enracinée dans cette zone émanant du souvenir des grands tremblements de terre survenus au cours des trois siècles précédents, ce phénomène sismique a été perçu par les contemporains comme étant le plus violent de toute l‟histoire régionale de la côte sud du Pérou. Actuellement, les sismologues le reconnaissent également comme ayant eu la magnitude et l‟intensité la plus forte qui se soient produites non seulement dans cette zone mais aussi sur tout le territoire péruvien au cours des cinq derniers siècles. D‟autre part, se trouvaient dans la zone affectée des centaines de centres urbains d‟importance très diverse, depuis des grandes villes comme Arequipa jusqu‟à de petits villages indigènes de quelques centaines d‟habitants, tous situés dans les zones d‟altitude de la Sierra. Par conséquent, la catastrophe de 1868 résulte de l‟interaction initiale de deux facteurs, un événement géologique fréquent dans la zone qui a directement affecté une structure urbaine variée, sensible à l‟action d‟un phénomène naturel de cette envergure.

Nous avons choisi comme titre de notre travail de recherche « Catastrophe, Société et Etat : le tremblement de terre de 1868 et la reconstruction des départements de la côte sud du Pérou, 1868-1878 ». A travers le titre choisi, j‟ai voulu souligner l‟ensemble des éléments qui y étaient impliqués. D‟une part, on trouve une situation (la catastrophe) impliquant deux acteurs (la Société et l‟Etat), directement accélérée par un événement naturel (le tremblement de terre) qui survient dans une zone particulière (les départements de la côte sud du Pérou), et d‟autre part se déroule un processus (la reconstruction) qui s‟étend sur une décennie (1868- 1878).

La période analysée dans le présent travail de recherche s‟étend sur toute la décennie comprise entre 1868 et 1878, ce qui n‟exclut pas d‟évaluer des processus qui se sont déroulés au Pérou avant 1868, comme on pourra tout particulièrement l‟observer dans les deux premiers chapitres. Nous focalisons notre travail sur la période 1868-1878, car celle-ci inclut la catastrophe depuis son début en août 1868 jusqu‟en 1878 ; en effet, à partir de 1879, un ensemble complexe de circonstances va influer de façon décisive sur l‟évolution du Sud du Pérou. En avril 1879, commence effectivement, une guerre externe qui se déroule justement dans la zone affectée par la catastrophe, marquant ainsi le début d‟une période caractérisée par une forte instabilité politique et une crise économique non seulement dans la zone mentionnée mais aussi dans une grande partie du pays. Avec la mise en place logistique des campagnes militaires, se produit une intense activation des multiples secours destinés à l‟organisation de la défense du Pérou, ce qui n‟a pas permis à la reconstruction urbaine de progresser. A partir de 1879, les aides disponibles ne sont plus canalisées pour la reconstruction, mais sont destinées aux dépenses urgentes exigées par les actions militaires. Par conséquent, pour examiner le degré réellement atteint par la reconstruction après le séisme, il nous suffirait de délimiter une période qui s‟étendrait jusqu‟en 1878.

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Table des matières

Introduction
Première Partie
Scénario et protagoniste: Arequipa, la côte sud du Pérou et l‟institutionnalisation
de l‟Etat péruvien en 1868
Chapitre 1 : Le théâtre de la catastrophe: la côte sud du Pérou
1.1 Les tremblements de terre sur la côte sud du Pérou
1.2 La topographie de la côte sud du Pérou : le littoral et la Cordillère
1.3 Eaux et terres
1.4 Les villes
1.4.1. La hiérarchie urbaine régionale
1.4.2. Apogée et décadence d‟une ville: Moquegua
1.4.3. Le dynamisme de l‟activité commerciale: Tacna et Arica
1.5 Le rythme de l‟économie et la population sur la côte sud du Pérou:
un regard comparatif
Chapitre 2 : La faiblesse institutionnelle de l‟Etat Péruvien (1821-1868)
2.1 La période de transition institutionnelle entre le Vice-royaume
et la République
2.2 La structure initiale de l‟Etat péruvien
2.3 Les luttes politiques dans le nouvel Etat péruvien: Caudillos militaires
et hommes politiques civils
2.3.1 Le mouvement des idées entre les libéraux et les conservateurs
2.4 La présence de l‟Etat sur la côte sud du Pérou
2.5 L‟extrême sud occidental du territoire péruvien en 1868:
évolution et délimitation
2.6 La construction d‟une image géographique: cartes et Etat national
sur la côte sud du Pérou
Deuxième Partie
Les dimensions de la catastrophe: l‟événement, la réaction de l‟État
face au séisme de 1868 et l‟internationalisation de l‟information
Chapitre 3 : L‟événement. L‟ampleur spatiale du phénomène de 1868:
échelles et dimensions
3.1 La magnitude des manifestations physiques
3.1.1. L‟échelle locale du tremblement de terre de 1868
3.1.2. Les échelles régionale et internationale
3.1.3. La dimension océanique
3.2 L‟évolution du discours sismologique: la compréhension de la
dynamique sismique en 1868
3.2.1 Le discours sismologique classique à l‟époque du Vice-royaume
aux XVIème et XVIIème siècles
3.2.2 Nouveaux discours de la période coloniale : le XVIIIème siècle
3.2.3 L‟avancée de la Science au XIXème siècle
3.3 La conséquence sociale: Catastrophe matérielle ou démographique?
Chapitre 4: La réhabilitation de la côte sud et la réaction de l‟Etat péruvien
4.1 L‟urgence
4.1.1 La phase critique de l‟urgence et la réaction locale
des autorités: le renforcement de l‟autorité
4.1.2 La consolidation des mesures visant au rétablissement
de la normalité
4.1.3 L‟efficacité du pouvoir central: l‟intervention de la Marine
4.2 La réhabilitation
4.2.1 Les mesures de promotion prises par le pouvoir central
4.2.2 L‟interaction entre la capitale et la province:
pouvoir central et pouvoirs locaux
4.2.3 L‟Etat central in situ : la Commission du Sud
4.2.4 L‟indispensable réhabilitation urbaine
Conclusion

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