Le sol, bien que ce soit le support physique de toutes choses, constitue une ressource essentielle pour l’Agriculture et l’humanité (FAO, 2015b) et offre plusieurs services éco-systémiques (Cardona, 2012). Le sol est un élément important dans la lutte contre l’insécurité alimentaire du fait que la productivité dépend aussi de la fertilité des sols. Il en est de même, la lutte contre le changement climatique grâce à son action à travers la séquestration du Carbone tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (Lal, 2004 ; Lagacherie et al., 2013 ; Fang et al., 2014 ; FAO, 2015a). Dans tous cela, tous les propriétés des sols : physique, chimique et biologique demeurent importantes. En tant que propriété chimique, le Carbone (C) des sols joue un rôle important dans le fonctionnement global du sol, qui a des conséquences majeures sur la matière organiques des sols. (Soco, 2009 ; Borvon, 2013). Quant à l’azote (N) et le phosphore (P), bien que peu abondant par rapport au carbone, prennent aussi de grande part dans la fertilité des sols (Duguet, 2005).
Il est donc reconnu que le sol occupe une place majeure dans le fonctionnement de la vie. Ainsi, pour pouvoir l’exploiter et l’améliorer dans son utilisation, il est nécessaire de connaître le sol et ses composants. Il est alors indispensable de disposer des outils et des bases de données permettant de mieux le connaître. Avec l’évolution des technologies de recherche, plusieurs outils, rapide et peu couteuses, ont été élaborés et appliqués dans les études pédologiques comme la cartographie numérique des sols (CNS) proposée par McBratney et al. (2003). La CNS, étant un outil d’aide à la décision (Poidevin et Bondue, 1999), a connu un essor dans les recherches scientifiques depuis, et a fait l’objet de plusieurs ouvrages et d’articles scientifiques. Pour Madagascar, avec des sols prédominés par les types ferralitiques soit 46% des sols malgaches (Chaminade, 1949), la CNS reste encore minoritaire à l’échelle nationale alors que c’est un pays à vocation agricole où l’agriculture nécessite une importante valorisation des sols. En effet, Grinand et al. (2009) ainsi que Ramifehiarivo et al. (2016) ont élaboré des représentations cartographiques des sols malgaches mais se porte principalement sur le C. Les représentations cartographiques des autres propriétés des sols comme le N et le P n’ont pas encore été réalisés alors que ces deux éléments jouent aussi un rôle important dans la production agricole (Khasawneh et al., 1980 ; Spiertz, 2009). Ainsi que la répartition spatiale des stocks de C au niveau régionale n’a pas encore été déterminée dans la zone. Dans notre cas, l’étude consiste à élaborer une représentation cartographique des propriétés des sols de la zone Moramanga-Brickaville suivant leurs stocks en Carbone, en Azote et en Phosphore. Les stocks de ces éléments sont calculés pour les 30 premiers centimètres des sols qui sont la zone d’influence biologique (Nihorimbe et al., 2011). La zone Moramanga-Brickaville présente une énorme potentialité en ressources naturelles, avec plus de 100000 ha de réserves naturelles, plus de 300000 ha de parcs nationaux, et des ressources hydriques et édaphiques considérables (INSTAT, 2004), nécessitant aussi une grande valorisation des sols.
Présentation de la zone d’étude : Moramanga-Brickaville
Localisation de la zone
L’étude a été réalisée dans la partie Moyen-Est et Est de Madagascar du côté de Moramanga et Brickaville, dans la province de Toamasina (carte 1). Elle se trouve entre la latitude 18.18400° et 19.10270° Sud et la longitude 48.211988° et 49.37827° Est, avec les mêmes limites que la carte pédologique de reconnaissances d’Hervieu en 1960 (Annexe 1). Concernant le choix de la zone, la partie Est de Madagascar possède une grande variabilité des types de sols, de la végétation, du relief et de l’occupation des sols (Zone forestière, zone agroforestière, agricole et aussi minière). Mais plus important, la zone Moramanga-Brickaville possède une carte pédologique de reconnaissance à 1/200000, et où le stock d’azote et du phosphore ne sont pas encore représentés en cartographie .
Milieu physique
Climat
La partie Est de Madagascar possède un climat tropical humide. En effet, les précipitations de la zone sont importantes surtout en allant vers le littoral Est. Même lors des mois les plus secs, les averses persistent encore. La température moyenne est de 23.9 °C. Chaque année, les précipitations sont en moyenne de 2864 mm.
Végétation
La partie Est présente une grande diversité de végétation (MEEF, 2006) dont :
– La forêt dense humide qui est localisée entre 800 et 2000 m d’altitude. Elle est caractérisée par une strate supérieure arborée, a canopée fermée. La strate herbacée est relativement dense avec une abondance de fougères et d’espèces à larges feuilles.
– Les savoka ou brousse de tavy qui est la résultante des cultures sur brulis.
– Le pseudo steppe, constituée d’une végétation herbeuse
– Les sols nus issus de dégradations importantes des végétations herbeuses .
Les points de prélèvement
Le choix des transects des points de prélèvement tient compte des aspects morpho pédologique et de la végétation du milieu. Quant au choix des sites, pré-localisés (Annexe 2), les critères se basent sur une bonne répartition des points dans la zone et l’accessibilité. Les prélèvements ont été réalisés sur 27 points (carte 3) dont 7 points dans la zone de Toamasina II à Fanandrana, 8 points localisés à Brickaville, et 12 points localisés dans la zone Moramanga à Ampasipotsy et Amboasary.
Mode de prélèvement
La localisation des points de prélèvement se fait à l’aide d’un GPS. La sélection des points se base sur le type de sol, le relief, l’occupation du sol et la couverture du sol. Les travaux de terrain consistent à faire une fosse pédologique de 100 cm x 100 cm x 100 cm pour la description pédologique du sol et effectuer des prélèvements de sol au cylindre creux de 8 cm de diamètre et 10 cm de hauteur sur 5 profondeurs (0-10 cm, 10-20 cm, 20-30 cm, 50-60 cm, et 80-90 cm). Chaque échantillon sur ces profondeurs seront mises dans un sachet hermétique pour les conserver jusqu’à l’analyse aux laboratoires. Des prélèvements de sol à la tarière sur les trois sommets d’un triangle équilatérale dont la fosse pédologique est le centre avec un rayon de 10 m sur les couches de 0-10 cm, 10-20 cm et 20-30 cm seront effectués pour servir d’échantillon composite pour chaque profondeur. Les points de prélèvements des échantillons de sol étaient au centre (dans la fosse) et sur trois points de la circonférence (T1, T2, T3) faisant chacun un angle de 120° .
Analyse des propriétés physico-chimiques des échantillons de sols
Préparation des échantillons
Les échantillons sont séchés pendant 15 jours dans une serre (Photo 1) avant d’être broyés et tamisés à 2 mm puis à 0,2 mm (Photo 2). Les échantillons broyés à 0,2 mm sont utilisés pour les analyses des propriétés chimiques c’est-à-dire les déterminations des teneurs en C, N et P. Pendant le broyage, les refus (matériaux outre que le sol ; cailloux, résidus de racines, concrétion) sont triés puis mise à part puis pesés. Ces derniers sont utilisés dans les calculs de stock de C, N et P.
Détermination de la densité apparente
C’est le rapport entre le poids total sec et le volume de l’échantillon, exprimé en g/cm3 . Les échantillons issues du cylindre, provenant des 5 profondeurs, ont été pesées humides sur terrain. Afin de calculer l’humidité relative, des échantillons humides ont été prélevé sur les 5 profondeurs (Annexe 4). Ces échantillons seront pesées à l’état humide (Photo 3), passées à l’étuve à 105°C pendant 24h, puis pesées à sec afin d’obtenir le taux d’humidité relative.
Analyse spectrale des échantillons
Les échantillons broyés à 0,2 mm sont passés au SMIR (Spectrométrie Moyen Infra Rouge) avec un spectromètre portatif nommé « the agilent 4100 Exoscan FTIR » (Photo 4). Après l’analyse au SMIR, les spectres sont prétraités sur un logiciel nommé ASAP utilities avant leur traitement avec le logiciel Unscrambler. Ce dernier est utilisé pour identifier les échantillons représentatifs, au nombre de 41, utilisées pour la prédiction des teneurs en C et N des échantillons restants. Les teneurs en C et N de ces 41 échantillons seront dosées conventionnellement, les teneurs obtenues seront utilisées pour la prédiction. Pour le P, la teneur des 27 points sont dosées conventionnellement sur les 30 premiers centimètres du sol.
Dosage conventionnelle du phosphore total
La teneur en P des échantillons de sol a été déterminée par la méthode de colorimétrie au bleu de Jackson (1958) (Annexe 6). L’acide perchlorique attaque et libère le P dans l’échantillon. Pour le dosage colorimétrique, deux réactifs ont été utilisés. Les échantillons sont passés sur un bloc chauffant, refroidies puis laisser se reposer avant la colorimétrie (photo 6). Le dosage colorimétrique est réalisé avec la méthode de Murphy et Riley en utilisant un spectrophotomètre avec la bande de lecture à 882 nm. Les échantillons témoins subissent les mêmes traitements que tous les échantillons.
Dosage de l’azote
La méthode de dosage utilisée est la minéralisation Kjeldahl modifiée (2001) en dosant les NH4+ par la réaction de Berthelot en utilisant de l’acide sulfurique concentré (Annexe 7). Les échantillons sont pesés, portés à ébullition pour la minéralisation (figure 5), laissés décanter puis titrés. Le titrage est effectué par l’appareil de titrage automatique CRISON.
Dosage par prédiction : SMIR et utilisation des modèles de prédiction du C et N La prédiction des teneurs en C et N des sols a été effectuée en utilisant un modèle issu de la régression PLS ou régression Partial Least Square en utilisant le logiciel The Unscrambler. La prédiction consiste à élaborer un modèle linéaire à partir des teneurs de C et N issues des dosages conventionnels à partir des spectres obtenues. Les modèles ont subi un prétraitement smoothing ou lissage. Cela consiste à réduire les bruits dans les données sans réduire le nombre des variables.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. MATERIELS ET METHODES
1.1. Présentation de la zone d’étude : Moramanga-Brickaville
1.1.1. Localisation de la zone
1.1.2. Milieu physique
1.2. Les points de prélèvement
1.3. Mode de prélèvement
1.4. Analyse des propriétés physico-chimiques des échantillons de sols
1.4.1. Préparation des échantillons
1.4.2. Détermination de la densité apparente
1.4.3. Analyse spectrale des échantillons
1.4.4. Détermination de la teneur en C-N-P
1.4.5. Calcul des stocks du C, N et P
1.5. La cartographie numérique des sols (CNS)
1.5.1. Principe général
1.5.2. Les données spatiales sur les sols
1.5.3. Elaboration des modèles spatiaux
1.5.4. Prédiction et représentation cartographique des propriétés des sols
2. RESULTATS
2.1. Modélisation de la teneur en Carbone, azote
2.2. Statistiques descriptives des composantes des stocks
2.2.1. Densité apparente
2.2.2. Refus
2.2.3. Teneurs en Carbone, Azote et Phosphore
2.2.4. Stock de C, N et P des sols
2.2.5. Caractéristiques des modèles spatiaux
2.2.6. Répartition spatiale des stocks des propriétés des sols
3. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATION
3.1. Discussions
3.1.1. Sur la méthodologie de cartographie numérique des sols
3.1.2. Concernant la modélisation spatial
3.1.3. Discussion sur les résultats
3.2. Recommandations
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES