Les cardiomyopathies dilatées sont des pathologies caractérisées par une atteinte directe du muscle cardiaque à l’origine d’une dilatation et d’une altération de la contraction du ventricule gauche ou des deux ventricules [1,2] en l’absence d’atteinte primitive péricardique, valvulaire, ischémique (réseau coronaire normal), ou congénitale [3]. Elles entrent dans le cadre général des Cardiomyopathies qui sont définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1995 comme une maladie du myocarde associée à un dysfonctionnement cardiaque [4].Elle les classe en cardiomyopathies :
➤ dilatées (DCM) ;
➤ hypertrophiques (HCM) ;
➤ restrictives (GRC) ;
➤ arythmogène ventriculaire droit (ARVC) ;
➤ ou non classifiées.
Dans la classification américaine des cardiomyopathies (Americain Heart Association 2006), les cardiomyopathies peuvent être héréditaires, acquises, ou mixtes, les CMD sont classées dans la catégorie ‘ mixte’ témoignant de la variété des étiologies des CMD . La Société Européenne de Cardiologie a proposé en 2008 une classification des CMD en formes familiales et en formes non familiales [6]. Les formes familiales sont la conséquence d’une atteinte monogénique, les formes non familiales quant à elles, sont d’origine multifactorielle pouvant inclure des facteurs génétiques. Ces formes non familiales incluent les CMD secondaires à une cause toxique, inflammatoire, infectieuse, nutritionnelle, en l’absence de cause on parle de cardiomyopathie idiopathique [6]. La prévalence de la CMD, la plus fréquente des cardiomyopathies (58%) [7, 8]. Chez les enfants est de 2,6 pour 100 000[9], son incidence est faible chez les enfants par rapport aux adultes [8,10] est de moins 2 pour 100 000 enfants [8, 11, 12]. En Egypte dans l’étude de Bakeet et al, la DCM représentait 76% [13]. La prédominance est masculine dans les études de Lipshultz SE et al et In a nationwide finnish study [8,14], féminine dans d’autres études [15,16]. Les noirs semblent plus exposés que les blancs [8,17]. La DCM est une cause assez fréquente d’insuffisance cardiaque chez les enfants et l’indication de transplantation cardiaque la plus courante chez les enfants de plus d’un an [7]. Son diagnostic implique le plus souvent des moyens non invasifs dont l’échographie cardiaque qui permet en outre de déterminer le degré de dysfonctionnement du muscle cardiaque et constitue un moyen de suivi essentiel. Le pronostic de la cardiomyopathie dilatée dépend de l’étiologie et le taux de décès reste élevé 13,6% selon Lipshultz [8], 5 à 15% dans l’étude de Schannwell [18], dans celles de Towbin [14] et Bakeet [13] respectivement 50% et 10%. Il existe peu d’études publiées sur les cardiomyopathies pédiatriques en Afrique et aucune au Sénégal d’où le présent travail mené dans deux services de pédiatrie: le CHU d’Albert Royer de Fann et l’hôpital pour enfants de diamniadio.
DEFINITION
Il s’agit d’un syndrome de dilatation ventriculaire gauche avec augmentation de la masse ventriculaire gauche, dysfonction systolique et/ou diastolique en l’absence d’atteinte primitive péricardique, valvulaire, ischémique (réseau coronaire normal), ou congénital [3].
PHYSIOLOGIE CARDIAQUE
Révolution cardiaque
Rappel anatomique
Le cœur est un organe musculaire composé de 2 oreillettes, de 2 ventricules,(figure 2) et de 4 valves(figure 6). Les cavités cardiaques gauches (oreillette et ventricule : OG et VG)sont séparées par la valve mitrale(figure 5-6). Les cavités cardiaques droites (OD et VD) sont séparées par la valve tricuspide (figure 4). Les organes utilisent de l’oxygène (O2) pour fonctionner (métabolisme aérobie). Il leur arrive par la circulation artérielle. Après cette utilisation, le sang appauvri en O2 est drainé par le système veineux jusqu’aux veines caves supérieure et inférieure(figure 2-3) (VCS draine les organes de la moitié supérieure du corps et VCI draine le sang veineux des membres inférieurs et organes intraabdominaux) qui se jettent dans le cœur droit au niveau de l’OD. Le sang veineux passe de l’OD dans le VD à travers la valve tricuspide, puis est éjecté du VD dans le tronc de l’artère pulmonaire (AP) via la valve pulmonaire (figure 2) (petite circulation figure 11). Le sang arrive ainsi jusqu’aux poumons pour y être oxygéné de nouveau et utilisable par les organes(figure 11). Le sang oxygéné arrive dans l’OG via les veines pulmonaires, passe dans le VG à travers la valve mitrale, puis est éjecté dans l’aorte à travers la valve aortique (figure 6) le sang artériel sera ensuite distribué à tous les organes, et ainsi de suite(figure 11). Le myocarde se situe entre l’endocarde tunique interne du cœur, elle tapisse le muscle cardiaque et les valves, et le péricarde tunique externe composé de deux feuillets viscéral et pariétal (figure 7). Le muscle cardiaque est composé de cellules pouvant se contracter appelées cardiomyocytes. La vascularisation est assurée par le réseau coronaire (figure 8).L’innervation est intrinsèque géré par le système cardionecteur (figure 9) et celle extrinsèque par les systèmes sympathique et parasympathique (figure 10).
Hémodynamique cardiaque
Le myocarde est soumis à des contractions rythmiques régulières dans le temps qui assurent la propulsion du sang dans l’organisme. Chaque révolution cardiaque est constituée d’une systole (phase de contraction du muscle cardiaque) et d’une diastole (phase de relaxation). Le cœur se remplit tout d’abord passivement au cours de la diastole ventriculaire grâce au retour veineux. Les valves atrio-venticulaires sont ouvertes. La systole auriculaire achève le remplissage des ventricules. Le ventricule se trouve alors au maximum de son remplissage. La systole ventriculaire débute par la mise en tension du ventricule. La pression ventriculaire augmente ce qui entraîne la fermeture des valves atrio-ventriculaires. La contraction est dite « isovolumétrique ». Ces phénomènes sont à l’origine du premier bruit cardiaque B1, « BOUM ».
L’augmentation de pression se poursuit et provoque l’ouverture des valves sigmoïdes et l’éjection du sang dans les troncs artériels. La fin de la systole ventriculaire est marquée par la fermeture des valves artérielles ce qui provoque le 2ème bruit cardiaque B2, « TA ». Une nouvelle diastole ventriculaire débute. Il reste toujours une quantité de sang résiduelle dans les ventricules que l’on appelle volume télé systolique ou résidu post systolique.
Activité électrique du cœur
Les contractions du cœur résultent de l’activité électrique d’un réseau intrinsèque ou tissu nodal. Tout mouvement cardiaque est précédé d’un phénomène électrique. Les cellules cardiaques sont capables de se dépolariser spontanément et rythmiquement. Le nœud sinusal(ou nœud de Keith et Flack) donne le rythme de dépolarisation à l’ensemble du cœur. C’est le « pacemaker » du cœur. Sa dépolarisation entraîne la contraction des atriums. Puis il transmet cette activité au nœud atrio-ventriculaire, au faisceau de His et au réseau de Purkinje ce qui induit la contraction des ventricules [22](figure 13). Cette activité cardiaque est mesurable par l’électrocardiographie. On pose à la surface du corps du patient des électrodes, au niveau des racines des membres (épaules droite et gauche, cuisses gauche et droite). On obtient un tracé (figure16). L’onde P correspond à la dépolarisation des atriums. Le segment PR isoélectrique est la transmission de l’influx électrique de la contraction, des atriums aux ventricules. Le complexe QRS marque la dépolarisation des ventricules .
Mécanismes de régulation de la fonction cardiaque
La fonction cardiaque a pour rôle d’assurer la perfusion des différents tissus en fonction des besoins de l’organisme. Pour cela, la pression artérielle et le débit doivent être maintenus à un niveau suffisant, constant et adapté à chaque situation. Le débit cardiaque est variable et s’adapte aux changements des besoins tissulaires. Il existe différents systèmes de régulation de cette pression artérielle et du débit : nerveux et hormonaux.
Nerveux
Le cœur participe au maintien de la pression artérielle en adaptant le débit cardiaque. Celui-ci dépend lui-même de la fréquence cardiaque. La fréquence cardiaque résulte de la fréquence sinusale sous la dépendance d’un tonus modérateur et d’un tonus accélérateur. La fréquence cardiaque est sous le contrôle de deux systèmes : cardiomodérateur et cardioaccélarateur. Le cœur est innervé par le nerf vague. La partie parasympathique du nerf vague est responsable du système cardiomodérateur (stimulation vagale) qui entraîne une diminution de la fréquence cardiaque lors de sa stimulation. La partie sympathique du nerf vague constitue le système cardioaccélérateur et provoque une augmentation de la fréquence cardiaque lors de sa stimulation [22](figure 17). Il existe dans la crosse de l’aorte et dans les carotides des barorécepteurs(sinus aortiques et carotidiens)sensibles aux variations de la pression artérielle. Ils sont reliés au centre cardiomodérateur se trouvant dans le bulbe par les nerfs frénateurs du cœur. Si la pression artérielle augmente, les barorécepteurs sont stimulés induisant une activation du système cardiomodérateur et donc une augmentation du tonus vagal. La fréquence cardiaque baisse ce qui tend à réduire la pression artérielle. Si la pression artérielle chute, un mécanisme inverse se met en place .
Hormonaux
La noradrénaline et l’adrénaline
Elles augmentent la pression artérielle en agissant sur les récepteurs du système orthosympathique. Il existe plusieurs types de récepteurs dans le système orthosympathique ayant chacun une fonction différente. Les récepteurs α1, présynaptiques, entraînent une vasoconstriction au niveau des reins, de la peau et de l’intestin. Les récepteurs α2, postsynaptiques, exercent une vasodilatation. Les récepteurs β1 se situent dans le myocarde. Il sont une action chronotrope, inotrope, dromotrope et bathmotrope positive.
Les récepteurs β2, présynoptiques, assurent la vasodilatation des vaisseaux coronaires et cérébraux. Ils ont également une action bronchodilatatrice. L’adrénaline et la noradrénaline n’agissent pas sur les mêmes récepteurs. L’adrénaline est plus spécifique des récepteurs β1 et possède une action sur les récepteurs α1 et β2. Une libération d’adrénaline provoque la stimulation des récepteurs β1 myocardiques et donc une augmentation de la fréquence cardiaque et de la contractilité des fibres musculaires cardiaques. Le débit sanguin alors s’accroît. La noradrénaline est plus spécifique des récepteurs α1. Elle n’a aucune action sur les récepteurs β2 et une action modérée sur les β1 (figure19). La stimulation de ces récepteurs induit une vasoconstriction veineuse et artérielle non homogène : le cœur et le cerveau sont peu concernés alors que la peau, le tube digestif et les reins subissent une vasoconstriction important.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITION
2. CLASSIFICATION
3. PHYSIOLOGIE CARDIAQUE
3.1. Révolution cardiaque
3.1.1. Rappel anatomique
3.1.2. Hémodynamique cardiaque
3.1.3. Activité électrique du cœur
3.2. Mécanismes de régulation de la fonction cardiaque
3.2.1. Nerveux
3.2.2. Hormonaux
3.2.2.1. La noradrénaline et l’adrénaline
3.2.2.2. La vasopressine ou ADH
3.2.2.3. Le système rénine-angiotensine
3.2.2.4. Le facteur auriculaire natriurétique (NAF)
3.3. Conséquences physiopathologiques
3.3.1. Défaillances systolique et diastolique
3.3.1.1. Défaillance systolique
3.3.1.2. Défaillance diastolique
3.3.2. Insuffisance cardiaque
3.3.2.1. Mécanismes physiopathologiques et compensatoires
3.3.2.2. Insuffisances cardiaques gauche, droite et globale
3.4. Physiopathologie
3.4.1. Dilatation et diminution d’inotropisme
3.4.2. Mécanisme neuro-hormonaux
3.5. Anatomopathologie
4. EPIDEMIOLOGIE
5. SIGNES
5.1. TDD: Myocardite aigue virale du nourrisson
5.1.1. Clinique
5.1.2. Examens paracliniques
5.1.2.1. Examen radiologique
5.1.2.2. Electrocardiogramme
5.1.2.3. Echocardiographie et Doppler
5.1.2.3.1.L’échocardiographie bidimensionnelle et TM
5.1.2.3.2.Doppler cardiaque
5.1.2.4. IRM cardiaque
5.1.2.5. Les scintigraphies myocardique et cavitaire
5.1.2.6. La biopsie myocardique
5.1.2.7. Coronarographie
5.1.2.8. Le cathétérisme cardiaque
5.1.2.9. Signes biologiques
5.1.3. Evolution et complications
5.2. Formes cliniques
6. DIAGNOSTIC
6.1. Diagnostic positif
6.2. Diagnostic différentiel
6.3. Diagnostic étiologique
6.3.1. Les causes de myocardites
6.3.2. Causes cardiomyopathies dilatées d’origine génétique
7. TRAITEMENT
7.1. Traitements médicamenteux
7.1.1. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion IEC
7.1.2. Les bêtabloquants
7.1.3. Diurétiques
7.1.4. Digoxine
7.1.5. Les antagonistes des récepteurs à l’aldostérone (ARA II)
7.1.6. Les dérivés nitrés
7.1.7. Anticoagulants
7.1.8. Les inotropes positifs
7.1.9. Les inhibiteurs calciques
7.1.10. La supplémentation potassique
7.1.11. Traitement immunosuppresseur
7.2. Le traitement non médicamenteux
7.2.1. La stimulation multisite
7.2.2. Le défibrillateur automatique implantable (DAI)
7.2.3. Les thérapeutiques innovantes de l’insuffisance cardiaque
7.2.3.1. La thérapie génique
7.2.3.2. La thérapie cellulaire
7.3. Le traitement chirurgical
7.3.1. Chirurgie de la valve mitrale
7.3.2. Transplantation cardiaque : Assistance ventriculaire
7.4. Traitement adjuvants
7.4.1. Mesures hygiéno-diététiques
7.4.2. Oxygénothérapie
8. PRONOSTIC
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
1. MATERIEL ET METHODES
1.1. Cadres d’étude
1.1.1. Centre Hospitalier National d’Enfants Albert Royer (C.H.N.E.A.R.)
1.1.2. L’Hôpital pour Enfants de Diamniadio
1.2. Méthodologie
1.2.1. Type et période d’étude
1.2.2. Population d’étude
7.2.2.1. Critères d’inclusion
7.2.2.2. Critères de non inclusion
1.2.3. Recueil des données
1.2.4. Analyse des données
2. RESULTATS
3. DISCUSSION
3.1. Aspects sociodémographiques
3.2. Aspects cliniques
3.3. Etiologies
3.4. Traitement
3.5. Evolution
3.6. Facteurs pronostics
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES