Carctéristiques fondamentales de la feuillaison d’une espèce ligneuse sahélienne

Dans les écosystèmes sahéliens, l’eau est le facteur limitant des productions végétales ; elle constitue la contrainte principale du milieu (Cornet, 1981). L’eau détermine la distribution et la diversité des espèces animales et/ou végétales. Toute perturbation du milieu d’origines édapho-climatiques et/ou topographiques voire zoo-anthropiques agit sur la disponibilité de la ressource (baisse de la réserve en eau du sol, baisse de l’humidité relative de l’air) à laquelle les arbres doivent s’adapter. Le sol peut ainsi compenser ou aggraver l’aridité climatique (Cornet, 1981 ; Koechlin, 1989). En zone semi-aride, les formes géomorphologiques et types de sols, qui participent à la redistribution des eaux dans le milieu, jouent un rôle important sur la physionomie et le fonctionnement du peuplement végétal (Floret & Pontanier, 1984). Au Ferlo (Nord-Sénégal), le paysage est formé par des dunes de sables, de faibles amplitudes, non orientées, délimitant de petites dépressions fermées. Ce relief joue pourtant un rôle déterminant dans la répartition des sols et des groupements végétaux. Au cours des périodes de sécheresse, Cornet (1981) a rapporté une concentration des arbres vers les points bas à bilan hydrique plus favorable. Cela laisse supposer que le comportement est différent selon la situation dans la toposéquence. La variabilité du fonctionnement du peuplement traduit non seulement les capacités adaptatives de l’espèce au regard des variations topographiques mais aussi elle suggère des potentialités fourragères différentes.

La valeur fourragère des feuilles, fleurs et fruits de nombreuses espèces ligneuses est assez bien connue pour l’alimentation des animaux (Boudet, 1975 ; Le Houérou, 1980 ; Fall-Touré, 1993 ; Wiegand et al., 1999). Dans la réserve sylvo-pastorale du Ferlo, l’élevage est traditionnel, de type extensif ; l’alimentation du bétail repose exclusivement sur la végétation naturelle. En saison des pluies, le pâturage herbacé constitue l’essentiel de l’aliment alors qu’en saison sèche, la contribution du fourrage aérien est souvent supérieure à 20% (Le Houérou, 1980).

LA STATION DE SOUILENE AU FERLO 

L’étude est menée dans la forêt classée de Sogobé au Ferlo (Nord-Sénégal) qui correspond au Sahel sénégalais à environ 20 km au sud de Dagana, 125 km de la mer et à 400 km de Dakar (Figure 1). Ce site est à proximité d’un village maure du nom de Souilène ou Keur Mor Ibra entre 16° 20’N et 15° 25’ W (Sharman, 1982 ; Fournier, 1995).

L’année climatique dans le Ferlo 

Le Ferlo appartient au domaine sahélien. Les populations Peuls du Ferlo sénégalais ont établi un calendrier dans lequel elles reconnaissent 5 saisons basées sur la température, la disponibilité en eau et la phénologie des arbres et de l’herbage (Naegelé, 1971). Ces saisons sont les suivantes :
– dabundé pour désigner la saison sèche fraîche ;
– tchiedio ou saison sèche chaude ;
– setsellé correspondant à la saison pré-pluvieuse ;
– ndunggu correspondant à la saison des pluies ;
– kaulé ou saison post-pluvieuse.
Cependant on distingue deux grandes saisons du point de vue climatique :
– la saison pluvieuse ;
– la saison sèche.

Saison pluvieuse
La saison pluvieuse concerne les mois de juillet, août et septembre. Le régime pluviométrique dépend essentiellement du front intertropical issu de l’interaction des deux masses d’air :
– l’air tropical continental ou Harmattan qui est une masse d’air chaude et sèche venant de l’Est et du Nord-Est ;
– l’air tropical maritime ou Mousson fortement influencé par l’anticyclone de Sainte Hélène et d’orientation Sud-Ouest/Nord-Est. Le climat est sahélien. La température moyenne annuelle s’établit à 28,6°C tandis que les températures moyennes mensuelles minimale et maximale sont respectivement de 14°1 C (janvier) et 40°4 C (mai). La pluviométrie moyenne de la station de référence (Dagana, 1918-1990) est de 282 mm, avec un coefficient de variation de 37% (Akpo, 1993) et de 206 mm pour la période 1990-1998 (Diouf et al., 2002). A l’instar des valeurs rapportées par l’UICN (1989) pour d’autres zones sahéliennes, Dagana se caractérise par un déficit pluviométrique persistant qui a commencé en 1970 (Akpo, 1993). Les pluies s’étendent de juillet à septembre. Ainsi dans l’année, on distingue classiquement deux périodes : une période sèche de 9 mois (octobre à juin) et une saison des pluies de 3 mois. L’évapotranspiration potentielle journalière décroît avec la saison des pluies, par rapport aux valeurs affichées pendant la saison sèche chaude, pour rejoindre des valeurs de 5 à 7 mm.j-1 (Do et al., 1998). L’humidité atmosphérique passe par un maximum (73 %) en septembre. Au niveau du Ferlo sableux, il n’existe pas de réseau hydrographique organisé ; l’eau des pluies qui alimente les mares temporaires peut y rester durant 5 mois environ pour constituer des points d’abreuvement. Pendant la pleine saison des pluies coïncidant avec le mois d’août, l’eau peut couvrir plus de 5 % de la surface totale du Ferlo (Barral et al., 1983).

Saison sèche
La saison sèche s’étend d’octobre à juin et se caractérise en plus des fluctuations de température, par un tapis herbacé inexistant exception faite de la période qui suit immédiatement la saison pluvieuse. La saison sèche fraîche va de novembre à février. Les températures les plus basses de l’année sont notées pendant les mois de décembre et janvier. Ces dernières présentent une moyenne annuelle comprise entre 19°C et 21°C. La moyenne minimale du mois le plus froid (janvier) ne va pas en dessous de 13°C-15°C (Le Houérou, 1989). L’évapotranspiration potentielle se situe entre 4 et 6 mm.j-1 (Do et al., 1998). La saison sèche chaude concerne la période allant de mars à juin et se caractérise par des températures élevées. La moyenne annuelle maximale varie entre 35°C et 38°C. La moyenne mensuelle maximale croît de 38 à 44°C du mois de mai au mois de juin (Le Houérou, 1989). L’évapotranspiration potentielle y atteint ses maxima avec 7 à 9 mm.j-1 (Do et al., 1998). Pour la saison sèche de façon générale, l’insolation journalière moyenne est de 8 à 11 h.j-1 c’est à dire 70 à 90 % du potentiel astronomique. Le minimum d’humidité relative journalière se situe entre 10 et 20 % (Cornet et Poupon, 1978). A Souilène, la réserve hydrique de surface est épuisée environ deux mois après l’arrêt des pluies (Do et al., 1998).

Les conditions géo-édaphiques 

Géologie

La région d’étude appartient au bassin sénégalo-mauritanien qui a connu au cours de son histoire géologique deux transgressions marines séparées par deux épisodes continentaux.

La première transgression est d’âge paléozoïque et va du Cambrien au Gotlandien, elle est à l’origine de larges dépôts spécialement localisés à l’Ouest. Toutefois, il n’y aurait pas de dépôt au niveau du Paléozoïque supérieur et du Mésozoïque inférieur. Le premier épisode continental est caractérisé par des dépôts continentaux d’âge Mésozoïque moyen, il s’agit du continental intercalaire. La seconde transgression marine est d’âge crétacé supérieur et va du Cénomanien au Danien. Elle est suivie par la transgression d’âge Paléogène. Enfin la dernière phase est caractérisée par des dépôts continentaux. Ce dernier épisode continental va de l’Oligocène à l’Eocène et est désigné communément sous le nom de Continental Terminal (Furon, 1950). Sur ce dernier vont se déposer des formations ferrugineuses compactes de 1 à 2 m d’épaisseur, le tout recouvert de dépôts fluvio-lacustres de 5 à 40 m d’épaisseur, plus ou moins désagrégés en latérite / ferralite (Le Houérou, 1989).

Géomorphologie

Les formations de dunes de sables ou «Séno» en Peul incluent trois unités géomorphologiques. La plus ancienne est «anté-inchirienne» et serait probablement âgée de 50 000 à 60 000 ans BP. Il s’agit d’un erg vieux, uni et nivelé (plateaux) de 1 à 5 m d’épaisseur que les géologues appellent communément «covering sand». Le système ogolien ou «dunes rouges», âgé de 15 000 à 10 000 ans BP, est constitué de rides asymétriques (buttes et versants) ou «Tulle » en Peul. Haut de 10 à 30 m, long de 20 à 50 km et large de 0,5 à 5 km, elles sont distantes les unes des autres de 1 à 5 km. Ces rides sont orientées selon la direction NE–SO, l’orientation des principaux vents continentaux et de l’Harmattan. Les dunes ogoliennes ont été localement remaniées en très petites dunes paraboliques d’orientation NNE-SSO. Aussi appelées dunes transverses, elles sont approximativement âgées de 7 500 ans. La couverture sableuse peut présenter des épaisseurs de 50 m à 100 m. Les rides sont séparées par des dépressions longitudinales argileuses à engorgement temporaire (bas-fonds), qui peuvent occasionnellement devenir calcaires et localement désignées par les Peuls sous le nom de «baldiol». Ces derniers sont des lits dans lesquels peuvent se développer pendant la saison des pluies, des mares d’eau temporaires. La fréquence de ces mares est liée au mode de contact entre les grés cuirassés tabulaires et les ergs qui les recouvraient en partie (Benoît, 1988). L’erg récent présente encore trois unités de reliefs (dépressions ou bas-fonds, versants ou pentes et sommets ou buttes) caractérisées par des types de relevés de végétation (Akpo, 1993).

Sols
La zone d’étude appartient au Ferlo sableux qui couvre une unité naturelle couvrant environ 10 000 km2 (Barral et al., 1983). Elle est constituée de dunes fossiles de l’ère quaternaire, au relief peu accusé. Du fait du caractère sablo-argileux à argilo-sableux, le sol peut compenser ou aggraver l’aridité climatique (Koechlin, 1989). Les sols du Ferlo ont un comportement différent selon que l’on se trouve sur un sommet d’une dune ou en bas de pente. En effet, sur les sommets de dunes, le front d’humectation atteint 150 à 180 cm en septembre. Dès le mois de juillet, il atteint 100 cm en bas de pente et souvent plus (300 cm) en août. Les sols sableux des systèmes dunaires sont neutres à faiblement acides 5,8<pH<7,2. Ils contiennent 90 à 95 % de sable grossier et 3 à 5 % d’argile dans les couches supérieures d’une part et 80 à 90 % de sables, 8 à 10 % d’argile dans les couches inférieures d’autre part (Fournier, 1995). Les basfonds ont un taux d’argile plus important que les deux autres microsites.

Les ressources en eau du sol

L’eau du sol est contenue dans trois nappes aquifères dont la première, constituée par la nappe maestrichienne (la plus profonde), a été découverte en 1938. Celle-ci couvre une surface de plus de 100 000 km2 avec une réserve hydrique évaluée à environ 5.10¹² m3 . La seconde nappe aquifère est non seulement discontinue, mais est de moindre importance. D’une profondeur de 30 à 100 m, elle est localisée à la base des dépôts du Continental Terminal. Un carottage effectue dans un bas-fonds près de la station de Souilène en septembre 1999 indique l’existence d’une nappe à 30,75 m de profondeur (Diouf, 2000). La dernière nappe aquifère est superficielle et est présente à la base du Pléistocène sableux au contact des derniers dépôts fluvio lacustres. Il s’agit d’une nappe phréatique sporadique d’importance minime (Le Houérou, 1989).

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I. LE CADRE GENERAL DE L’ETUDE
CHAPITRE 1. LA STATION DE SOUILENE AU FERLO
1.1.1 L’année climatique dans le Ferlo
1.1.1.1 Saison pluvieuse
1.1.1.2 Saison sèche
1.1.2 Les conditions géo-édaphiques
1.1.2.1 Géologie
1.1.2.2 Géomorphologie
1.1.2.3 Sols
1.1.3 Les ressources en eau du sol
1.1.4 La végétation
1.1.5 La gestion de l’espace (Barral, 1982 ; Barral et al., 1983 ; Benoît, 1988)
1.1.6 Les principales caractéristiques de Acacia tortilis
CHAPITRE 2. LES METHODES D’ETUDE
1.2.1 La collecte des données éco-climatiques
1.2.1.1 Données climatiques
1.2.1.2 Données cartographiques
1.2.2 Observations phénologiques
1.2.3 L’eau dans le sol et la plante
1.2.3.1 L’eau du sol
1.2.3.2 Potentiels hydriques (Ψ) de la plante
1.2.4 Les paramètres de production de la plante
1.2.4.1 De la feuille
1.2.4.2 De la biomasse
1.2.5 Le traitement des données
1.2.5.1 L’analyse en composantes principales (ACP )
1.2.5.2 L’ACP sur variables instrumentales (ACPVI)
CHAPITRE 3. CARACTERISATION DES TOPOSEQUENCES
1.3.1 La description des toposéquences
1.3.2 L’identification de groupes de toposéquences
1.3.3 Le fonctionnement hydrique des toposéquences
1.3.3.1 Variabilité saisonnière de l’humidité du sol
1.3.3.2 Variabilité spatiale de l’humidité du sol
1.3.4 Les arbres dans les groupes de microsites
1.3.4.1 Les microsites des toposéquences du groupe A
1.3.4.2 Les microsites des toposéquences du groupe B
1.3.4.3 Les microsites des toposéquences du groupe C
1.3.5 Les grands évènements de la feuillaison
PARTIE II. LE CYCLE DE LA FEUILLE
CHAPITRE 4. LE DEBOURREMENT OU L’INITIATION ET LA MISE EN PLACE DES FEUILLES
2.4.1 Analyse à l’échelle de la toposéquence
2.4.1 Analyse à l’échelle des microsites
2.5.1. Analyse globale de la variabilité spatiale du débourrement foliaire
CHAPITRE 5. DEVELOPPEMENT ET CROISSANCE DES FEUILLES
2.5.1 Analyse à l’échelle de la toposéquence
2.5.2 Analyse à l’échelle des microsites
2.5.3 Analyse globale de la variabilité spatiale de la maturité des feuilles
CHAPITRE 6. LA CHUTE DES FEUILLES OU LA DEFEUILLAISON
2.6.1 Analyse à l’échelle de la toposéquence
2.6.2 Analyse à l’échelle des microsites
2.6.3 Analyse globale : variabilité inter-microsites
PARTIE III. INTERPRETATIONS ECOLOGIQUES
CHAPITRE 7. LA PRODUCTION DE FEUILLES
3.7.1 Longueur de pétiole et nombre de folioles
3.7.1.1 Longueur de pétiole
3.7.1.2 Nombre de folioles
1.2.2 Production de la biomasse
3.7.2.1 Variation saisonnière
3.7.2.2 Variation spatiale
3.7.3 Surface foliaire
3.7.3.1 Variations saisonnières
3.7.3.2 Variabilité spatiale
CHAPITRE 8. L’ETAT DE L’EAU DANS LA PLANTE
3.8.1 Variation saisonnière du potentiel hydrique
3.8.1.1 Le potentiel de base (Ψb)
3.8.1.2 Le potentiel minimum (Ψm)
3.8.2 Variation spatiale du potentiel hydrique
3.8.2.1 A l’échelle des microsites ou la variabilité inter-microsites
3.8.2.2 A l’échelle des toposéquences
3.8.3 Evolution du delta
3.8.3.1 Variation saisonnière du delta
3.8.3.2 Variation spatiale
3.8.4 Le potentiel de récupération et le gain de potentiel
3.8.4.1 Variation saisonnière du gain de potentiel
3.8.4.2 Variation spatiale du gain de potentiel
3.8.4.3 Variation de la récupération
CHAPITRE 9. LES DETERMINANTS ECOLOGIQUES
3.9.1 Bilan climatique
3.9.1.1 Variations pluviométriques
3.9.1.2 Variations de l’ETP et du dsat
3.9.2 Variation de la réserve hydrique du sol
3.9.3 A la recherche de la co-structure : analyse de co-Inertie
3.9.4 Analyse de la co-structure : importance des variables
3.9.4.1 Relation entre le potentiel hydrique de base et la réserve hydrique du sol
3.9.4.2 Relation entre delta et surface foliaire des arbres (ΔP/Sf)
PARTIE IV. DISCUSSION & CONCLUSIONS GENERALES
4.1 LE DEROULEMENT DU CYCLE DE LA FEUILLE
4.1.1 LE DEBOURREMENT FOLIAIRE
4.1.2 LE DEVELOPPEMENT ET LA CROISSANCE DE LA FEUILLE
4.1.3 LA CHUTE DES FEUILLES
4.2 LE CARACTERISTIQUES ECOPHYSIO-LOGIQUES
4.2.1 LA SURFACE FOLIAIRE
4.2.2 LES POTENTIELS HYDRIQUES FOLIAIRES
4.2.3 LES DETERMINANTS ECOLOGIQUES
4.3 CONCLUSIONS
CONCLUSION
REFERENCES
TABLE DES MATIERES
TABLES DES ULLISTRATIONS
TABLEAUX
ANNEXES

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