Les géopolymères seraient l’une des technologies antiques perdues et « redécouvertes » récemment. Des études y voient la technique utilisée pour la fabrication des blocs constitutifs de monuments de l’antiquité dont les pyramides égyptiennes [1], [2]. Ces théories ont été – et sont toujours – débattues avec ferveur dans les milieux archéologiques [3].
Le premier à avoir émis cette hypothèse, le professeur français Joseph Davidovits, est également le premier à avoir mis en place le mot géopolymère, dans les années 1970. Il l’utilise pour distinguer une classe de matériaux fabriqués en utilisant une solution alcaline et une source aluminosilicate [4], [5]. Ils ont été développés comme une alternative aux polymères organiques classiques, afin de mieux résister au feu et éviter les dangers associés aux incendies et aux fumées toxiques. Cependant, les géopolymères ont vite suscité l’intérêt en tant que liants alternatifs au ciment pour les matériaux de construction. Au début, les géopolymères étaient trop coûteux pour une telle application, nécessitant des matériaux de choix et une procédure de fabrication soignée. Il y a eu un changement après les travaux de Wastiels et al. qui ont démontré la possibilité d’obtenir des matériaux performants à partir de l’activation alcaline des cendres volantes, un déchet des centrales thermiques [6]. Ceci a eu pour effet de donner un nouvel élan aux géopolymères, les rendant économiquement et écologiquement attractifs.
Pendant une longue période, les connaissances globales sur les géopolymères ont progressé lentement. Et pour cause, la majorité des informations présentes étaient sous la forme de brevets [7]. Les premiers travaux fondateurs sur les géopolymères au métakaolin ont été publiés dans les années 90 [8]–[11]. Ces études ont permis d’établir une base de connaissances autour de la chimie des géopolymères et de leurs processus réactionnels. Par la suite, la recherche sur les géopolymères s’est localisée dans quelques pays : la Nouvelle Zélande [12], [13], l’Australie [14]–[16], l’Espagne [17]–[19] et la France [20]–[22].
L’activation alcaline d’aluminosilicates comme alternative au ciment Portland usuel pour fabriquer des matériaux de construction n’est néanmoins pas récente. Les études se fondant principalement sur les laitiers à forte teneur en calcium remontent jusqu’à 1940 avec le travail de Purdon [23]. L’utilisation de tels matériaux était répandue en ex-URSS, et certains ouvrages réalisés avec du laitier à activation alcaline existent encore de nos jours en Ukraine et Russie [24]. Cette utilisation fait principalement suite aux travaux de Glukhovsky qui a donné à cette famille de matériaux le nom de « soil-silicate cements » [25]. L’activation alcaline a depuis fait le sujet de plusieurs études [26]–[28] et suscite un grand intérêt car cette technologie ouvre la porte à l’exploitation de produits secondaires silico-alumineux pour l’obtention de matériaux hautement résistants et durables à moindre coût. Cependant, une différence chimique majeure permet de distinguer les géopolymères des laitiers alcali-activés. Ceux-ci sont principalement composés d’un gel de silicate de calcium hydraté (CSH) avec des atomes Si en chaînes 1D [29], [30], des substitutions du silicium par l’aluminium et une intégration du magnésium avec le calcium [31]. Les géopolymères sont un réseau tridimensionnel d’aluminosilicate alcalin, présentant un caractère de gel amorphe [32]. La limite entre les géopolymères et les matériaux alcali-activés (AAM) est encore difficile à déterminer, mais elle est principalement fondée sur le taux de calcium dans le mélange et le rôle qu’il y joue. Un critère usuel est de parler de liants à fort taux de calcium (et donc d’AAM) lorsque le rapport Ca/(Si+Al) est supérieur ou égal à 1 [33].
L’application industrielle de notre étude est le développement de solutions alternatives au ciment qui remplissent un cahier de charges prédéfini. Cette approche orientée objectif implique de ne pas écarter a priori l’une des options disponibles. Ainsi, bien que le focus principal soit le géopolymère comme défini par Davidovits, les matériaux alcali activés ont aussi été étudiés. Cette décision a été prise afin de pouvoir exploiter leurs propriétés très intéressantes et d’obtenir un degré de liberté supplémentaire pour concilier les objectifs de coût et de performances rhéologiques, mécaniques et la durabilité. Par conséquent, cette bibliographie couvre les différents mécanismes de formation des géopolymères, mais porte également de l’intérêt aux matériaux alcali-activés, et plus particulièrement au laitier alcaliactivé. L’un des plus grands défis du développement des géopolymères est celui de la nomenclature. Encore en 2015, la première conférence internationale sur les géopolymères a connu, lors de son ouverture par Davidovits un débat soutenu sur ce que l’on peut qualifier de « géopolymère ». Alors que le mot géopolymère est de plus en plus courant dans le milieu scientifique, il n’y a pas encore de consensus sur les limites de son utilisation. Celui-ci est réservé par les pionniers du domaine aux matériaux dont la phase liante est formée d’un réseau tridimensionnel tétraédrique d’aluminium et silicium, amorphe et stable dans l’eau [34]. Néanmoins, étant simple d’utilisation, ce terme est parfois utilisé par abus pour qualifier des matériaux ne remplissant pas ces conditions, notamment des AAM à base de laitier ou de cendres volantes calciques, qui contiennent des CSH comme phase principale. Cependant, les géopolymères ne sont qu’une petite classe au sein des AAM [28], qui englobent d’autres types de matériaux (à base de sulfates, carbonates, …) .
BIBLIOGRAPHIE
Mécanismes de réaction
Géopolymérisation
Quand Davidovits a, pour la première fois, parlé de « géopolymère », le processus concerné était celui de l’activation du métakaolin par un hydroxyde alcalin et/ou silicate alcalin [5], [7], [36]. Ce processus a été étendu ensuite pour couvrir des matériaux produits à partir d’autres aluminosilicates comme les cendres volantes. Le géopolymère au métakaolin demeure en effet, jusqu’à aujourd’hui, un système modèle, permettant de comprendre les mécanismes de formation de ces matériaux, et de les transposer ensuite vers des aluminosilicates plus complexes.
L’utilisation du métakaolin pour former des matériaux aluminosilicates solides date de bien avant les « géopolymères ». Barrer et Mainwaring [37], [38] ont publié en 1972 une étude détaillée sur les « soil minerals », qui traite en partie de la transformation du métakaolin dans des milieux alcalins sous hautes températures. Ces processus forment différents types de zéolite, en fonction des conditions de la réaction. Un brevet pour la fabrication de zéolite à base de métakaolin et d’hydroxyde de sodium a même été déposé dès 1961 [39]. Mais, depuis l’étude de Palomo et Glasser [8], les travaux se sont intensifiés afin de mieux caractériser le déroulement de la géopolymérisation.
Provis et al. [40] ont résumé les étapes de la géopolymérisation comme suit :
1) Les aluminates et silicates du métakaolin sont libérés dans la solution, suite à l’attaque alcaline. L’aluminium de coordinence V et VI est alors converti en Al(IV) [41]. La dissolution de l’aluminium a lieu avant celle du silicium, ses liaisons étant les premières à être cassées [42]. Ceci est confirmé par la présence de particules de métakaolin résiduelles à plus faible teneur en aluminium [43].
2) Formation d’oligomères aluminosilicates à partir des espèces dissoutes et des silicates présentes dans la solution d’activation.
3) Lorsque la concentration en aluminates est suffisante pour déstabiliser la solution de silicates, un gel commence à se former par précipitation. En parallèle, la dissolution se poursuit, causant ainsi une concurrence entre les deux processus.
4) Au bout d’un certain temps, le mélange se solidifie suite à l’augmentation de concentration en gel. La durée de la prise dépend de la température, de la composition, ainsi que de la présence d’impuretés. Les réactions peuvent se poursuivre au-delà de la prise, avec un éventuel gain en résistance et le développement de cristaux de zéolite dans certains cas [44].
Le résultat de ce processus est ce que Davidovits appelle une structure géopolymère. Pour la décrire, il a utilisé des modèles basés sur les zéolites, qui dépendent du ratio Si/Al du mélange et du type d’alcalin utilisé [5]. Rahier et al. [9]–[11] utilisent la terminologie des polymères en parlant de « verre polymère inorganique à basse température ». D’autres chercheurs ont parlé d’«hydrocéramiques » pour les géopolymères au métakaolin à hautes températures [45], [46]. Barbosa et al. [47] ont proposé un modèle basé sur celui de Davidovits , qui situe l’eau et l’alcalin au sein du réseau. Ce modèle a été amélioré par Rowles et al. [48] grâce à des études RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) du 29Si, de l’27Al, de l’1H et du 23Na, en essayant de détailler encore plus la position du sodium et son rôle dans le réseau.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1 CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DES REACTIFS ET PRODUITS
1.1 BIBLIOGRAPHIE
1.1.1 Mécanismes de réaction
1.1.2 Matières premières et intérêt écologique
1.2 PRINCIPES DE FORMULATION
1.2.1 Système d’équations
1.2.2 Limites de formulation
1.3 MATERIAUX
1.3.1 Solution de silicate alcaline
1.3.2 Précurseurs
1.3.3 Programme expérimental
1.3.4 Méthodes d’observation
1.4 RESULTATS DE LA CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE
1.4.1 Constituants
1.4.2 Produits
1.5 CINETIQUE DE REACTION ET STABILITE VOLUMIQUE
1.5.1 Méthodologie
1.5.2 Influence du précurseur sur la cinétique de réaction
1.5.3 Stabilité volumique des géopolymères
1.5.4 Influence du précurseur sur les modules élastiques
1.6 BILAN
RÉFÉRENCES
2 FORMULATION ET RHEOLOGIE
2.1 COULIS D’INJECTION ET CAHIER DES CHARGES
2.2 BIBLIOGRAPHIE : LEVIERS POUR LA FORMULATION
2.2.1 Rhéologie et prise
2.2.2 Contrôle de la stabilité
2.2.3 Résistance mécanique
2.2.4 Adjuvantation des géopolymères
2.3 PROGRAMME EXPERIMENTAL ET METHODES
2.3.1 Programme expérimental
2.3.2 Essais relatifs au cahier des charges
2.3.3 Caractérisation rhéologique
2.4 RESULTATS ET DISCUSSION
2.4.1 Résultats préliminaires
2.4.2 Etude des coulis binaires
2.5 BILAN
RÉFÉRENCES
3 ETUDE MICROMECANIQUE ET HOMOGENEISATION
3.1 MICROSTRUCTURE DES GEOPOLYMERES ET AAM : DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES
3.1.1 Particularités de la microstructure
3.1.2 Effet de la porosité sur les propriétés mécaniques
3.2 PREVISION DES PROPRIETES ELASTIQUES PAR HOMOGENEISATION MULTI-ECHELLES
3.2.1 Principes de la méthode
3.2.2 Applications aux matériaux cimentaires
3.2.3 Quelques résultats sur les géopolymères
3.3 STRATEGIE ET METHODES
3.3.1 Stratégie et programme expérimental
3.3.2 Méthodes de caractérisation microstructurale
3.4 RESULTATS ET DISCUSSION
3.4.1 Répartition des phases dans la microstructure
3.4.2 Caractérisation micromécanique
3.4.3 Modélisation analytique et numérique
3.5 BILAN
RÉFÉRENCES
4 SENSIBILITE AU SECHAGE ET A LA LIXIVIATION
4.1 BIBLIOGRAPHIE : DURABILITE DES GEOPOLYMERES ET AAM
4.1.1 Retrait
4.1.2 Autres actions environnementales
4.1.3 Lixiviation et attaques acides
4.1.4 Dégradation endogène (RAG)
4.2 PROGRAMME EXPERIMENTAL
4.2.1 Formulations
4.2.2 Méthodes expérimentales
4.3 RETRAIT DE SECHAGE
4.4 LIXIVIATION ACIDE
4.5 BILAN
RÉFÉRENCES
CONCLUSION