Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
L’annonce
Les patientes interviewées ont vécu différentes annonces.
Certaines ont été contactées par courrier. Des courriers divers ont été envoyés, sans autre prise de contact, un par mail, le reste par voie postale. Un stipulait simplement « étude anatomopathologique.
Madame, les résultats de cette analyse sont adressés à votre médecin ». Un autre contenait uniquement les résultats anatomo-pathologiques détaillés. D’autres étaient adressés par le professionnel de santé ayant réalisé le frottis et contenaient une brève description de l’examen cervico-vaginal tel que « quelques altérations ». Ils les invitaient à prendre rendezvous pour une colposcopie, citant une à deux adresses. Pour quatre de ces patientes, les résultats anatomo-pathologiques étaient joints. Pour les trois autres non, mais elles pouvaient les récupérer au laboratoire.
D’autres ont été contactées par téléphone. Une par la secrétaire du service, le reste par le professionnel de santé ayant réalisé le frottis. Trois ont été averties par un message sur leur répondeur téléphonique. Quatre étaient invitées à prendre directement rendez-vous en consultation de colposcopie, certaines étaient prévenues de l’envoi d’un courrier guidant la prise de ce rendez-vous. Trois étaient convoquées en consultation.
Avis des patientes
Pour nombre de femmes interviewées, cet évènement a été brutal, source d’anxiété. Des pleurs et un sentiment de tristesse ont été rapportés, certaines décrivaient un état de stupeur initial. Les annonces étaient souvent décrites comme insuffisantes, le discours parfois déshumanisé. Leur contenu pourrait être divisé en trois idées principales. Les résultats anatomopathologiques, majoritairement jugés incompréhensibles, bien qu’instructifs. L’invitation à réaliser des examens complémentaires, le plus souvent une colposcopie. Partiellement voire totalement inconnus des patientes, ils étaient vus comme obligatoires et comme une potentielle source d’informations. Enfin la réorientation médicale des patientes, notamment afin de réaliser ces examens. Ce changement de praticien et de lieu de soin était imposé et les obligeait à réorganiser leur quotidien afin de prendre rendez-vous. Elles devaient parfois insister pour obtenir ces rendez-vous [tableau 2].
Caractéristiques personnelles influençant l’annonce
Les patientes ne savaient pas pourquoi elles réalisaient leur FCV. Elles le faisaient par obligation, Mme I : « On le fait parce qu’on nous dit de le faire, et qu’il faut le faire ». C’est un examen de routine, régulier, réalisé notamment lors d’un bilan de grossesse ou d’une prescription de contraception, alors qu’elles sont asymptomatiques.
Le vécu médical des patientes influençait également leur manière de réagir. Un FCV normal récent leur permettait de minimiser le stade des lésions. Celles aux antécédents de FCV pathologiques dont les explorations avaient été rassurantes semblaient mieux vivre la seconde annonce. De lourds antécédents médicaux anciens ou récents amenaient à relativiser, en comparant à d’autres faits de santé négatifs passés. Au contraire les patientes aux antécédents gynéco-obstétriques appréhendaient d’avantage un nouvel évènement de cet appareil.
Conséquences de l’annonce
Réactions dans un second temps
Beaucoup exprimaient du stress, de la peur, parfois un état d’irritabilité ou des insomnies. Une grande majorité ne pouvait s’empêcher de dramatiser, les plus extrêmes se décrivaient hermétique à toute rassurance. Une part importante arrivait par la suite à relativiser, voire quelques-unes à faire preuve d’optimisme. Plus ponctuellement un sentiment de culpabilité a été exprimé : notamment à l’égard du tabac et de relations sexuelles non protégées. Une patiente vaccinée contre le HPV s’est dit déçue, se pensant protégée. L’incompréhension suivant l’annonce donne lieu à de nombreux questionnements que les patientes ont tendance à ressasser, Mme L : « Je voulais me calmer […], mais en même temps le petit vélo dans la tête ».
Questionnements
De façon générale, il apparait difficile d’obtenir les informations souhaitées. Des freins supplémentaires ont été évoqués : la barrière de la langue, des problèmes de mémoire, des difficultés de représentation de l’anatomie de l’appareil génital et de leurs lésions, voire une gêne vis-à-vis des sujets gynécologiques. Plus souvent des connaissances médicales insuffisantes étaient décrites, empêchant d’accéder aux informations mais aussi de comprendre celles fournies, comme pour Mme 6 : « On n’a pas fait d’étude médicale, donc on ne peut pas comprendre tous ces mots qui sont des codes pour nous ».
Face à cette incompréhension les femmes se renseignaient par leurs propres moyens. La première source d’information était en ligne, avec des images parfois explicites, des articles, des forums de témoignages, des sites dont l’officialité pouvait apparaitre douteuse. Un reportage télévisuel a été évoqué. Lors des recherches à propos des sujets incompris, elles étaient confrontées à d’autres informations non souhaitées (à propos de cancer, d’infections sexuellement transmissibles, et d’infertilité). La navigation internet était décrite comme prudente, parfois évitée ou regrettée. Les patientes recevant une lettre au domicile, se rendait sur internet immédiatement après l’annonce. Cet outil était décrit comme disponible et contenant une multiplicité d’informations, avec une sélection difficile voire une mésinformation, Mme K : « Parfois, on a un rhume, et quand on cherche sur internet, on a l’impression d’avoir un cancer ». Ces recherches permettaient de rassurer certaines personnes, mais pour une majorité, elles participaient à la dramatisation.
L’autre source majeure de renseignements était l’entourage des patientes, leur famille et leurs amis. Les résultats anatomopathologiques étaient plus souvent abordés auprès des proches de profession médicale et para médicale. Les échanges avec l’entourage consistaient en un partage d’expériences, à propos du déroulement de la colposcopie et de l’origine des lésions. Parfois leur véracité étaient mise en doute du fait de l’absence de compétence médicale de l’entourage, ou ils les décevaient du fait d’un état des lésions plus avancées chez elles.
Éléments anxiogènes
Pour les femmes ayant une expérience dans le milieu médical, une demande d’examen complémentaire était synonyme de confirmation histologique de cancer. Une grossesse concomitante ajoutait une inquiétude vis-à-vis de sa viabilité.
A la suite de l’annonce, ces femmes le plus souvent asymptomatiques vivaient désagréablement la rupture avec un état antérieur sain, l’entrée dans un parcours de soin (réorientation médicale, examens complémentaires), et l’attente des résultats des examens et des rendez-vous. Les examens étaient perçus invasifs, longs et associés à une certaine gravité.
Les recherches internet participaient à cet état d’anxiété, particulièrement sur les forums de témoignages.
Des caractéristiques de l’anomalie inquiétaient les patientes : son incompréhension, associée à un caractère « précancéreux » difficile à interpréter, son degré de gravité inconnu, des adjectifs quantitatifs majorant, ou plus spécifiquement certains types HPV reconnus oncogènes. La principale peur des patientes était le cancer. Evoqué dès l’annonce il apparait lors des recherches internet, notamment relié à la colposcopie et à l’HPV, Mme I « la première chose à laquelle j’ai pensé et qui m’a angoissé c’est le cancer ». Une patiente a avoué avoir pensé rapidement à la mort. Touchant à l’appareil gynécologique, les femmes sont effrayées par une potentielle infertilité, une atteinte de leur intégrité féminine par un traumatisme corporel lors des examens, voire des traitements gynécologiques. Elles appréhendaient le risque de transmission au conjoint, le lien avec infidélité, et l’annonce à celui-ci. Les plus inquiètes, envisageant un décès, exprimait une inquiétude pour leurs enfants.
Modalités souhaitées
Il ressort globalement des entretiens, une volonté que les résultats soient envoyés au médecin, puis que celui-ci recontacte la patiente par téléphone. Les femmes souhaitent que le médecin s’enquière de ne pas les déranger et leur propose de les rappeler dans un moment plus opportun si nécessaire, qu’il ne fasse pas d’annonce la veille ou lors d’un jour férié ou un week-end, ni par message sur le répondeur téléphonique. Elles attendent qu’il leur annonce les résultats en les expliquant, et leur propose un rendez-vous en consultation pour un complément d’information si elles le souhaitent, mais que le temps nécessaire soit pris. Elles veulent être réorientées avec des noms et adresses clairs de structures de soins adaptées aux examens complémentaires demandés. Il est important de ne pas presser la re convocation [tableau 3].
Qualités attendues de l’annonceur
Les femmes interviewées privilégiaient des échanges avec un praticien en qui elles avaient confiance, un professionnel qualifié capable de répondre à leurs questions, de s’adapter à chacune d’entre elles et leurs résultats. Elles veulent être rassurées, qu’il soit franc et doux à la fois, mais surtout disponible, et que leur cas ne soit pas banalisé. Ces qualités passaient par l’attitude du praticien.
Explications, informations à donner lors de l’annonce
Les patientes souhaitaient que l’information passe en premier lieu par la parole, mais aussi par des schémas à propos de l’anatomie féminine, des lésions et de leur évolution. Elles attendaient des explications claires, adaptées, et détaillées, afin de décrypter ces termes scientifiques. Elles étaient aidées par des reformulations voire des métaphores ou le développement d’acronyme tel qu’ASCUS. Les sujets à aborder étaient : les résultats des examens, le papillomavirus, le déroulement de la colposcopie, le parcours de soin qui suivrait l’annonce, et enfin l’origine de l’anomalie, notion essentielle mais inconnue [tableau 4].
Éléments rassurants
Les patientes étaient rassurées par leur âge jeune, une prévalence élevée des anomalies du FCV, l’éloignement du caractère cancéreux, des adjectifs quantitatifs diminutifs, et une éventuelle guérison spontanée. Elles se disaient soulagées par une description lors de l’examen gynécologique par le praticien, et une explication des examens complémentaires lorsqu’ils étaient indiqués. A la suite de l’annonce, elles étaient rassurées par le sentiment d’accompagnement, la décision de surveillance simple et la précocité du traitement lorsqu’il était nécessaire.
Satisfaction
La plupart des femmes (73,1%) étaient satisfaites de leur annonce (40,4% plutôt satisfaites et 32,7% satisfaites), alors que 27% d’entre elles ne l’étaient pas (13,5% de insatisfaites et 13,5% plutôt insatisfaites).
Ces proportions de satisfaction n’ont pas différé significativement en fonction des différentes données démographiques et du délai de réception des résultats.
Il existe une différence en fonction du mode de réponse au questionnaire. Les femmes ayant répondu en ligne sont plus insatisfaites de leur annonce : 50% d’insatisfaction, contre 23,3% chez les femmes ayant répondu par la voie papier (p<0,01).
Modalités de réception des résultats
L’annonce par téléphone était préférée par 69,2% des femmes. Parmi elles, 91,5% voulaient être contactées par le médecin ayant réalisé le frottis. Moins d’un quart (22,5%) acceptaient de recevoir un message sur leur répondeur téléphonique. Lors de l’appel téléphonique, 52,8% souhaitaient une annonce des résultats, l’autre moitié qu’on les re convoque en consultation, 69,7% voulaient dès lors des explications, et 32,6% qu’on les oriente vers un confrère pour des examens complémentaires.
La réception d’un courrier était voulue par 22,3% des femmes, avec en proportion égale un courrier postal ou un courriel (41,2 % pour chaque modalité), et un SMS pour une minorité (17,6%). Concernant son contenu, 45,9% souhaitaient être invitées à recontacter le médecin en question, 42,9% un nouveau rendez-vous et 25,7% recevoir directement l’information du caractère pathologique. 7,1% préféreraient qu’il émane du médecin ayant réalisé le frottis plutôt que du laboratoire d’anatomopathologie, et moins d’un tiers (31,4%) que les résultats anatomopathologiques soient joints.
Influence de l’âge sur la volonté d’annonce
Une analyse univariée a recherché l’influence de certains facteurs sur les préférences des femmes.
Une majorité souhaiterait qu’on leur annonce leur résultat de FCV par téléphone. Parmi elle, les plus jeunes (entre 18 et 44 ans) étaient plus nombreuses à souhaiter un appel téléphonique que les plus âgées (à partir de 45 ans) (p<0,05). Les femmes dans les tranches d’âges les plus extrêmes (18-24 ans et plus de 60 ans), étaient moins renseignées sur la colposcopie (p<0,05), et souhaitaient moins recevoir d’information à son propos. Ces résultats sont à pondérer du fait d’un faible effectif de femmes âgées de moins de 24 ans et de plus de 60 ans.
|
Table des matières
I. Introduction
II. Méthode
A. Enquête qualitative
B. Enquête quantitative
III. Résultats
A. Résultats de l’enquête qualitative (annexe 3)
1. L’annonce
a. Avis des patientes
b. Caractéristiques personnelles influençant l’annonce
2. Conséquences de l’annonce
a. Réactions dans un second temps
b. Questionnements
c. Éléments anxiogènes
3. Modalités souhaitées
a. Qualités attendues de l’annonceur
b. Explications, informations à donner lors de l’annonce
c. Éléments rassurants
B. Résultats de l’enquête quantitative
1. Satisfaction
2. Modalités de réception des résultats
3. Informations concernant la colposcopie
4. Influence de l’âge sur la volonté d’annonce
IV. Discussion
V. Conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet