Caractéristiques liées au déroulement de l’hospitalisation
Diagnostic positif des IUN
La clinique
Sur les 32 patients présentant une IUN, seulement 11 ont été symptomatiques soit 34,37%. La symptomatologie a été dominée par le syndrome irritatif urinaire et les urines troubles (figure 10). Chez ces patients symptomatiques, il s’agissait d’une cystite aigue chez 10 cas et 1 cas de pyélonéphrite aigue compliquée.
La bactériologie
L’étude cytobactériologique des urines
Le diagnostic biologique de l’IUN a été retenu dans 100% des cas sur les données de l’ECBU. Aucune hémoculture n’a été demandée. Le nombre de cas d’IUN était de 32. La culture des urines était mono bactérienne dans 100% des cas et le germe responsable de l’IUN le plus rencontré était l’Escherichia Coli, isolé dans 34,38% des cas. Les BGN représentaient plus de 90% des germes isolés, les coccis à gram positif 6,25% et les levures 3,13% (Tableau XI).
En plus de ces 32 cas d’IUN avérées, on a noté 6 cas de leucocyturie sans germe isolé à l’étude bactériologique des urines. Les 6 cas concernaient des patients porteurs d’une sonde urinaire.
Résultats de l’antibiogramme
Les résistances à la Pénicilline étaient estimées à plus de 80% pour l’ensemble des souches isolées. Les C3G étaient actives sur 90% des E. Coli et plus de 60% des k. pneumoniae et enterobacters alors que seulement 20% des P. aeruginosa étaient sensibles à la ceftriaxone.
Concernant les fluoroquinolones, leur spectre de sensibilité se limitait à 20% des E. Coli et moins de 40% des autres bactéries à l’exception de la souche d’Entorococcus faecalis isolée qui était sensible à la ciproflaxacine et la norflaoxacine. Par ailleurs, la classe antibiotique pour laquelle quasiment toutes les souches isolées étaient sensibles est la carbapenème, avec un taux de sensibilité supérieur à 98% (tableau XII).
Concernant les bacilles à gram négatif, la sensibilité des souches d’E. coli au cotrimoxazole, l’amoxicilline, la céfalotine et l’amoxicilline/acide clavulanique était inférieure à 10%, et plus de 80% étaient sensibles aux ceftriaxone et à l’amikacine (figure 11). Les souches de k. pneumoniae étaient sensibles dans plus de 60% des cas aux ceftriaxone et à la pipéracilline, tandis que l’amoxicilline était inactive (figure 12). Concernant les souches de P. aeruginosa, ils étaient sensibles à l’amikacine et l’imipenème dans 80% des cas alors que l’amoxicilline, la céfalotine et le co-trimoxazole étaient inactifs sur toutes les souches isolées (figure 13). Les Enterobacters étaient tous résistants à la gentamycine, l’amoxicilline et la céfalotine tandis que plus du tiers étaient sensibles aux autres molécules (figure 14). La seule souche de P. mirabillis isolée était résistante à l’amoxiciline, l’amoxicilline/ac clavulanique et la céfalotine et sensible aux autres molécules testées (figure15) et la souche isolée d’Acinetobacter baumani était résistante à toutes les molécules testées sauf à l’imipenème (figure 16).
Pour les coccis à gram positif, la souche isolée de Staphylococcus saprophyticus était résistante à plus des deux tiers des antibiotiques testés (figure 17) et la souche d’Enterococcus faecalis était sensible à la ceftriaxone, ciprofloxacine, amikacine et l’imipinème (figure 18).
Motif d’hospitalisation
Plus de la moitié (58,33%) des patients hospitalisés pour adénome de la prostate ont présenté une IUN contre 31,64% chez les patients ne présentant pas ce motif. Cependant l’analyse du test de khi-2 a montré que cette liaison n’est pas significative (p=0,615). 44,44% des patients hospitalisés pour sténose de l’urètre ont présenté une IUN alors que chez les autres patients ce taux était de 30,76%. Selon le test de khi-2 la liaison n’est pas statistiquement significative (p=0,401). Par ailleurs, aucun motif d’hospitalisation n’est ressorti comme facteur de risque de survenue d’IUN dans le service.
DISCUSSION
Rappels
Infection nosocomiale
Définition étymologique
Selon la définition retenue par le Conseil international de la langue française et la société française de terminologie [6], l’infection nosocomiale est :
Une réaction pathologique, causée par des microorganismes, dont l’origine est hospitalière. Elle peut concerner les personnes séjournant, visitant, ou travaillant à l’hôpital.
Note 1 : l’infection nosocomiale « exogène » est la conséquence d’un microorganisme provenant de l’environnement hospitalier : soit d’infections croisées, transmises d’un malade à l’autre par les mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical; soit d’infections provoquées par les microorganismes portés par le personnel ou finalement d’infections liées à la contamination de l’environnement hospitalier ( eau, air, matériel, alimentation).
Note 2 : l’infection nosocomiale « endogène » est la conséquence d’un acte réalisé à l’hôpital.
Dans ce cas, le germe en cause est d’origine dite « communautaire », le malade s’infecte avec ses propres microorganismes, à la faveur d’un acte invasif et/ou en raison d’une fragilité particulière.
Note 3: l’infection nosocomiale qui atteint un professionnel travaillant à l’hôpital est dite «Professionnel».
Définition épidémiologique
Les infections nosocomiales sont les infections qui sont contractées dans un établissement de soins. Une infection est considérée comme telle lorsqu’elle était absente au moment de l’admission du patient. Lorsque l’état infectieux du patient à l’admission est inconnu, l’infection est généralement considérée comme nosocomiale si elle apparaît après un délai de 48 heures d’hospitalisation (ou un délai supérieur à la période d’incubation lorsque celle-ci est connue), de ce fait ce délai est assez artificiel et ne doit pas être appliqué sans réflexion.
Infection urinaire nosocomiale
Les définitions du Center for Disease Control d’Atalanta (CDC) modifiées et simplifiées en 1992 par le conseil supérieur d’hygiène publique français servent de référence actuellement au niveau national en France [8,9].
L’intérêt de ces définitions est avant tout thérapeutique. Elles permettent de distinguer les IUN à traiter (symptomatiques) des IUN et colonisations bactériennes (asymptomatiques) qui ne doivent pas être traitées [5,9]. Cependant, ces définitions sont parfois difficiles à appliquer en pratique courante. Par convention et pour des raisons statistiques, plusieurs auteurs définissent une IUN par une bactériurie ≥ 105 UFC/ml et des chiffres inférieurs comme témoins d’une colonisation qui ne doit pas être prise en compte que dans le cadre d’études épidémiologiques [10]. La dernière actualisation de ces définitions date de 2009 (cf Matériel et méthodes), le CDC a retiré la bactériurie asymptomatique de la définition et du plan de surveillance et simplifier les critères d’IUN mais peu de structures de soins appliquent ces nouvelles définitions [5].
Bactériurie asymptomatique
L’arbre urinaire est normalement stérile à l’exception de la partie distale de l’urètre. Une colonisation correspond à la présence d’un (ou de plusieurs micro-organismes) dans l’arbre urinaire sans qu’il ne génère par lui-même de manifestations cliniques [1]. Puisque le CDC a retiré les bactériuries asymptomatiques des critères de l’IUN, de nouvelles définitions ont été proposées pour la bactériurie asymptomatique et sont résumées ci-dessous [11] :
? Chez le patient non sondé : 2 échantillons d’urines consécutives avec l’isolement de la même souche bactérienne en compte quantitative ≥ 105 UFC/mL.
? Chez le patient sondé : Un seul échantillon d’urine, avec une Bactériurie ≥ 102 UFC / mL et une seule souche bactérienne isolée.
Physiopathologie des IUN
Moyens de défense de l’hôte
L’arbre urinaire est normalement stérile, à l’exception de la flore de l’urètre distal qui est diverse et reflète à la fois la flore digestive (entérobactéries, streptocoques, anaérobies), la flore cutanée (staphylocoques à coagulase négative) et la flore génitale (lactobacilles chez la femme). Physiologiquement l’hôte est doté de moyens de défense évitant le développement d’une infection ascendante [12,13].
D’une longueur de 3 à 4 cm chez la femme et de 16 à 20 cm chez l’homme, l’urètre est nettement plus court chez la femme, de ce fait le sexe féminin est plus disposé à développer des infections urinaires par voie ascendante, d’autant plus que la distance anus-méat urétral est courte chez la femme facilitant la colonisation de la région péri-urétrale [12]. La longueur de l’urètre intervient à l’évidence, protégeant l’homme beaucoup mieux que la femme. Si cet obstacle se trouve franchit, les caractéristiques physico-chimiques de l’urine normale (osmolarité, pH, teneur en acides organiques) rendent difficile la croissance de la plupart des germes colonisant l’urètre [13,14]. Si une pullulation parvient toutefois à se produire, la miction suivante permet d’éliminer 99,9% de la population bactérienne [12,14]. Toute fois, en fin de miction, il persiste physiologiquement à la surface de la vessie un fin film d’urines. En cas de colonisation bactérienne, trois facteurs concourent à éviter l’invasion de la muqueuse [12,13] :
? La présence d’inhibiteurs de l’adhésion bactérienne à la surface de l’urothélium (protéine de Tamm-Horsfall, mucopolysaccharides).
? L’existence d’un effet bactéricide local de mécanisme inconnu, mais indépendant de la réponse inflammatoire et immunitaire.
? Le processus d’exfoliation des cellules urothéliales infectées si nécessaire.
Quant aux reins, ils sont protégés de l’invasion bactérienne par le sphincter vésicourétéral et le flux permanent de l’urine pyélique, tandis qu’un effet antibactérien des sécrétions prostatiques a été démontré [13].
Mécanisme d’acquisition des IUN sur sonde
Généralités
Les IUN sur sondes sont le type le plus représentatif des infections nosocomiales.
L’introduction de la sonde permet la colonisation de sites normalement stériles, endommage la muqueuse facilitant la liaison d’adhésines bactériennes et entraîne la distension de la vessie et une miction incomplète [15]. Les adhésines bactériennes reconnaissent les récepteurs cellulaires situés sur la surface des cellules hôtes ou du cathéter et une fois fermement attachées, débute le processus de formation du biofilm. Par ailleurs, dans les infections urinaires communautaires, il existe une corrélation étroite entre la gravité des tableaux cliniques et les facteurs de virulence bactérienne. Cette corrélation est moins évidente dans les IUN et il semble que les souches responsables d’infections urinaires sur sonde sont moins virulentes que celles isolées dans les infections communautaires [10]. Cependant Watts et al. dans une étude très récente ont comparé les propriétés de virulence d’une collection d’E. coli isolée responsable de bactériuries asymptomatiques sur sonde avec une collection d’E. coli isolée responsable de bactériurie asymptomatique chez un patient non sondé et ont conclu que toutes les deux ont un profil similaire de virulence, ce qui pourra remettre en question cette hypothèse [17].
Concernant les modes d’acquisition des IUN sur sonde, quatre modes ont été décrits pouvant s’associer chez un même patient avec deux modes nettement prééminents : la voie endoluminale et la voie extraluminale péri-urétrale [13] (figure19).
Acquisition lors de la mise en place de la sonde
La colonisation du méat reste fréquente, même lorsque les mesures d’asepsie sont strictement respectées. Les bactéries colonisant le périnée et l’urètre peuvent être entrainées par la surface externe de la sonde et s’introduire directement dans la vessie, cette voie est dite « extraluminale précoce ». La fréquence de l’établissement d’une infection par cette voie est variable selon le terrain, puisque l’incidence des bactériuries observées après un simple sondag « en aller-retour » a été évaluée à moins de 1% chez les sujets sains et à 20% chez des personnes âgées hospitalisées [13,14].
Acquisition par voie endoluminale
La voie endoluminale était jadis dominante avec « le système ouvert », mis au point par Foley dans les années vingt. Différents « systèmes clos » ont été ensuite développés dans les années 1950 et 1960 avec pour finalité d’éviter tout contact entre les urines drainées et l’environnement [13].
Si les systèmes clos ont apporté une diminution drastique des infections d’origine endoluminale, celles-ci restent évidemment possible en particulier en cas de faute d’asepsie ; déconnexion du système clos ou en cas de reflux des urines collectées vers la vessie au moment de la mobilisation du patient. Au total, il s’agit donc d’une transmission croisée de microorganismes d’origine exogène, véhiculés par les professionnels de santé (manuportage) et pouvant diffuser selon un mode épidémique [15].
Acquisition par voie extraluminale
C’est la voie « extraluminale tardive par action capillaire ». Ce mode implique des bactéries d’origine digestive, qui colonisent le méat puis migrent progressivement vers l’urètre et la vessie par capillarité dans le fin film muqueux contigu à la surface externe de la sonde.
Dans les années 1970 et 1980, plusieurs études prospectives comparant régulièrement la flore urétrale et les urines du cathéter ont permis de confirmer l’importance de cette voie. Deux études menées chez des patients sondés après chirurgie urologique ont montré que dans cette situation le germe responsable de la bactériurie préexistait dans la flore urétrale dans environ 75% des cas. A souligner que depuis l’instauration de systèmes clos, cette voie de contamination est largement dominante [14].
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Table des matières
Introduction
Matériel et méthodes
Résultats
I- Etude descriptive
1-Caractéristiques épidémiologiques
2-Caractéristiques liées au déroulement de l’hospitalisation
3-Diagnostic positif des IUN
II- Etude analytique des facteurs de risque
1- Evaluation des facteurs de risque intrinsèques de l’IUN
2- Evaluation des facteurs de risque extrinsèques de l’IUN
Discussion
I-Rappels
1- Définitions
2- Physiopathologie des IUN
3-Outils du diagnostic biologique des IUN
4-Principes thérapeutiques des IUN
II-Discussion
1-Epidémiologie des IUN
2-Les facteurs de risque intrinsèques
2-1-Age
2-2-Sexe
2-3-Antécédents médicaux
2-4Motifs d’hospitalisation
3-Les facteurs de risque extrinsèques
3-1-Durée de séjour préopératoire
3-2-Sondage vésical
3-3-Autres manoeuvres urologiques et IUN
3-4-Antibioprophylaxie
4-Diagnostic des IUN
4-1-Critères cliniques
4-2-Types d’IUN
4-3-Intérêt de l’ECBU systématique
4-4-Données de l’ECBU
5-Conséquences des IUN
5-1-Morbi-mortalité
5-2- Coût
6-Responsabilités médicolégales des IUN
6-1-Le changement des modalités de rémunérations aux Etats-Unis
6-2-Evolution de la prise en charge médicolégale en France
7-Prévention
7-1-Cathétérisme urétral et mesures liées au personnel soignant
7-2-Les autres alternatives de drainage vésical
7-3-Les nouveaux revêtements des cathéters
7-4-Les perspectives d’avenir
7-5-Particularités de la prévention en urologie
8-Retour à domicile d’un patient porteur d’une sonde vésical/JJ
Conclusion
Résumés
Références bibliographiques
Annexes
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