Types de salissures
Quatre types de salissures sont à l’origine de l’encrassement progressif des bâtiments et vont être détaillés à présent.
Salissures d’origine anthropiques ou animales Ce sont les salissures involontaires d’origine anthropiques, comme les tâches d’huile, de peinture, de bitume, etc…, survenant lors de la construction ou volontaires comme les graffitis. Ce type de salissures peut être évité moyennant une prise de conscience individuelle. Les salissures dues à des fientes de pigeons ou des animaux de compagnie sont également souvent rencontrées.
Salissures d’origine interne Parmi les salissures d’origine interne, on retrouve les efflorescences et les tâches de corrosion. Les efflorescences désignent un dépôt de sel, observé à la surface de divers matériaux de construction (ciment, béton, brique…) (Ritchie 1961). Apparaissant comme des dépôts blanchâtres en couche mince ou même en croûte épaisse, les efflorescences causent des hétérogénéités de teinte d’autant plus perceptibles que la surface du matériau est sombre. Les sels, constituant ce dépôt, présentent des compositions chimiques variées, comme des sulfates ou carbonates de sodium, de potassium et de calcium et plus rarement des sulfates de magnésium ou d’autres sels dont le dépôt est généralement dû à des conditions particulières liées à l’exposition (nitrates) (Ritchie 1961, Brocken et Nijland 2004). La formation d’efflorescence dépend de l’environnement (température, humidité relative) et des paramètres physico-chimiques des matériaux (Brocken et Nijland 2004). Les tâches de corrosion sont reconnaissables par leur couleur « rouille » caractéristique. Elles sont dues soit à l’oxydation de la pyrite (ou d’autre composé métallique) présente dans les granulats, soit à la corrosion des armatures du béton armé. Le processus de corrosion dépend de la teneur en eau, en chlorure, de la température, de la carbonatation du béton et de l’épaisseur de la couche de béton recouvrant l’armature.
Salissures résultant de la pollution atmosphérique Les activités domestiques et industrielles fournissent des quantités importantes de particules en suspension dans l’air (usines, cheminées de chauffage, trafic routier, etc…) (Perrin 1995). A proximité d’une façade, ces particules sont soumises à différentes forces d’attraction (forces de gravité, de capillarité ou d’attraction électrostatique) et se déposent sur la surface (Verhoef 1986). Ce dépôt peut être facilité par le vent ou l’humidité. Dans un second temps, lors des périodes pluvieuses, les particules déposées sont entraînées par l’eau. Les gouttes qui ruissellent sur la façade se chargent de particules, « lavant » ainsi la façade, jusqu’à ce qu’elles n’aient plus la capacité de se charger. Elles peuvent alors redéposer les poussières. Les traces dues au dépôt de poussières minérales sont en général noirâtres, et sont plus concentrées dans les zones les plus polluées, c’est à dire les zones urbaines et industrielles.
Salissures d’origine biologique Contrairement aux salissures résultant de la pollution atmosphérique, les salissures d’origine biologique se retrouvent sur n’importe quel bâtiment, qu’il soit situé en zone polluée ou non. De nombreux micro-organismes sont transportés dans l’air et viennent coloniser l’enveloppe des bâtiments. Les micro-organismes mis en cause sont des bactéries, des algues et des moisissures (champignons) (Deruelle 1991). A plus long terme, des lichens et des mousses peuvent venir supplanter ces premiers colonisateurs. Leur développement conduit à l’apparition de salissures dites « biologiques », aux couleurs variées (noires, vertes, rouges).
Bactéries
Ce sont des micro-organismes unicellulaires procaryotes (cellules sans noyau véritable) de taille variant de 0,5 à 1,5 µm. Elles peuvent être autotrophes ou hétérotrophes. Une bactérie autotrophe est capable d’utiliser le carbone d’origine minérale pour synthétiser ces constituants cellulaires. En revanche, une bactérie hétérotrophe ne peut qu’utiliser des molécules organiques comme source de carbone. D’une façon générale, dès la construction d’un mur ou dès la pose d’une toiture, s’installe une population bactérienne indifférenciée assurant la colonisation du support. Cette population est dans un second temps l’objet d’une sélection liée à l’inadaptation de certaines espèces et à la compétition entre les différentes bactéries. Le support est, dès le début, envahi par des bactéries ammonifiantes, ensuite des bactéries nitreuses et enfin des bactéries nitriques. En quelques mois se succèdent donc sur tous les supports vierges, quelle que soit leur nature, trois populations de bactéries se nourrissant les unes à partir des autres. Parallèlement au cycle de l’azote, en présence de composés soufrés, s’amorce le cycle du soufre caractérisé par la succession de bactéries sulfo-oxydantes et sulfato-réductrices (Deruelle 1991). Les bactéries produisent, de part leur métabolisme, des acides intervenant dans la dégradation des matériaux. Elles peuvent ainsi entraîner une perte de cohésion du matériau par dissolution d’éléments calcaires, par apparition de fissures suite à la transformation de composés cimentaires, par corrosion des armatures présentes dans le béton et par alvéolisation des pierres (Perrichet 1991, Loutz & Dinne 2000). Par ailleurs, si les colonies bactériennes sont invisibles à l’œil nu, ces microorganismes favorisent, de part leur développement et la création de biofilms, la bioréceptivité des revêtements de façade et favorisent ainsi l’établissement d’autres organismes.
Le climat
Trois facteurs climatiques ont une influence sur les salissures de façade.
a-La pluie et l’humidité : La quantité d’eau disponible est le facteur le plus important qui conditionne la présence d’organismes capables de coloniser la surface des façades. En plus d’être essentielle au fonctionnement des organismes, l’eau joue également un rôle dans le transport de gaz, d’éléments nutritifs et de déchets. Une façade souvent humide favorise la croissance des algues et des plantes supérieures (Ariño et Saiz-Jimenez 1996, Loh 2002). Le transfert d’humidité aux matériaux de façade est un processus complexe, notamment parce que l’apport d’eau a de nombreuses origines : la pluie, l’humidité du sol, la condensation de l’air humide sur une surface froide, etc… Le risque d’encrassement des façades est d’autant plus élevé que la région est pluvieuse. Young (1997) a constaté une croissance d’algues importante sur des roches pendant les mois de fortes précipitations pluvieuses. De plus, les bâtiments situés en région côtières sont particulièrement touchés par les salissures biologiques.
b-Le vent : Une façade est salie d’autant plus rapidement qu’elle est exposée aux vents dominants. Le vent est un vecteur des salissures. Il peut également s’associer à la pluie pour créer une pluie battante. Cette concomitance vent/pluie peut considérablement accélérer l’encrassement d’une façade.
c-La température : La température est un des facteurs les plus importants qui agissent sur la croissance des microorganismes. La température optimale de la plupart des microorganismes se situe entre 15 et 35°C. Toutefois, certains d’entre eux peuvent résister à des températures proches de 0°C et supérieures ou égales à 70°C. En général, l’humidité, la température et le vent agissent ensemble sur l’environnement des micro-organismes. En effet, la température régit les échanges d’eau en échauffant le support et donc en favorisant l’évaporation. De même, le souffle du vent génère un effet de dessiccation. La variation de température journalière sur une façade est moins importante sur un mur située à l’ombre ou orienté au nord que sur un mur ensoleillé. Les mesures de température d’échantillons en grès exposés sur plusieurs sites en Ecosse montrent qu’à midi, en été, la température des échantillons orientés au sud est de 3 à 4°C supérieure à celle des échantillons exposés au nord (Young 1997). Elles montrent également que le matin (6h) ou l’après midi (18h) il n’y a presque pas de différence. Le mur ensoleillé absorbe beaucoup de chaleur dont une partie est utilisée pour évaporer l’humidité. Le mur ensoleillé est confronté à des extrêmes de température, d’éclairage et d’humidité plus élevés que le mur situé à l’ombre. Une température douce, associée à une humidité relative élevée, favorise fortement le développement des micro-organismes. Ainsi, certaines régions, comme le Sud de la Bretagne par exemple, réunissent les conditions environnementales décrites précédemment, et les façades des bâtiments sont très sensibles à la biodétérioration par les algues.
Changement de morphologie cellulaire suivant l’âge de culture
Dans les cultures discontinues, les largeurs et longueurs moyennes des cellules changent au cours du temps. La moyenne de la largeur fluctue de quelques dixièmes de micromètre (de 6,38 à 6,73 µm) alors que la moyenne de la longueur varie de quelques micromètres (de 9,6 à 14 µm). Pendant les premières semaines, une nette diminution de la longueur des cellules est observée, probablement influencée par une division cellulaire intensive. Cependant, après trois à cinq semaines (en fonction de l’origine des souches), les cellules se rallongent. Il est intéressant de préciser que la fragmentation des filaments correspond au moment où la longueur moyenne des cellules est la plus petite (Škaloud 2006). La longueur des filaments est fortement liée à la longueur cellulaire et à la désintégration des filaments en fragments. Donc, elle varie également selon l’âge de la population (de quelques micromètres à quelques millimètres). Après environ six semaines d’incubation, les filaments présentant des symptômes de vieillissement (grains d’amidon distincts couvrant le pyrénoïde, désintégration du chloroplaste, production de cellules en forme anormale) prédominent (Škaloud 2006).
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE 1 SALISSURES DE FAÇADE
1.1 MATERIAUX DE FAÇADE
1.2 LES SALISSURES DE FAÇADE
1.2.1 Types de salissures
1.2.2 Méthodologie de diagnostic et de maintenance
1.3 MICRO-ORGANISMES COLONISANT LES FAÇADES
1.3.1 Bactéries
1.3.2 Algues vertes
1.3.3 Cyanobactéries
1.3.4 Champignons
1.3.5 Lichens
1.3.6 Mousses
1.3.7 Interaction entre les micro-organismes
1.4 FACTEURS INFLUENÇANT LES SALISSURES D’ORIGINE BIOLOGIQUE
1.4.1 Facteurs environnementaux
1.4.2 La conception du bâtiment
1.5 INTERACTION ORGANISMES-MATERIAUX
1.6 METHODES D’EVALUATION DES SALISSURES BIOLOGIQUES SUR LES FAÇADES
1.6.1 Méthodes non-destructives
1.6.2 Méthodes destructives
1.7 ETUDES ANTERIEURES SUR LE DEVELOPPEMENT D’ALGUES SUR DES MATERIAUX DE FAÇADE
1.7.1 Essais en laboratoire
1.7.2 Essais in situ
CHAPITRE 2 LES ALGUES
2.1 PPRINCIPALES CARACTERISTIQUES DES ALGUES
2.2 CLASSIFICATION DES ALGUES
2.3 L’INFLUENCE DE L’ENVIRONNEMENT SUR LA CROISSANCE BIOLOGIQUE
2.3.1 Les solutés et l’activité de l’eau
2.3.2 La lumière
2.3.3 Le pH
2.3.4 La température
2.4 ALGUE DE L’ETUDE : KLEBSORMIDIUM FLACCIDUM
2.4.1 Présentation
2.4.2 Identification
2.4.3 Morphologie
2.4.4 Reproduction
2.4.5 Changement de morphologie cellulaire suivant l’âge de culture
2.4.6 Variabilité de morphologie cellulaire suivant le pH du milieu de culture
CHAPITRE 3 LE MORTIER
3.1 CIMENT
3.1.1 Ciment Portland
3.1.2 Hydratation du ciment
3.2 FILLER CALCAIRE
3.3 ETHERS DE CELLULOSE
3.4 CARBONATATION DES MATERIAUX CIMENTAIRES
3.4.1 Dioxyde de carbone en solution aqueuse
3.4.2 Carbonatation de la portlandite Ca(OH)2
3.4.3 Carbonatation des silicates de calcium hydratés C-S-H
3.4.4 Carbonatation des autres constituants des matériaux cimentaires
3.4.5 Aspects morphologiques, cristallographiques et chimiques des carbonates de calcium formés
3.4.6 Effet de la carbonatation sur la microstructure
3.4.7 Paramètres influençant la carbonatation
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1
DEMARCHE EXPERIMENTALE
CHAPITRE 4 MATERIELS ET METHODES
4.1 TECHNIQUES MICROBIOLOGIQUES
4.1.1 Conditions de culture des algues
4.1.2 Suivi de la croissance des algues
4.2 LE MORTIER
4.2.1 Composition du mortier
4.2.2 Confection et conservation des éprouvettes
4.2.3 Modifications des caractéristiques physico-chimiques du mortier
4.2.4 Caractérisation de la porosité
4.2.5 Caractérisation de la rugosité
4.2.6 Caractérisation de la carbonatation
4.2.7 Comportement du mortier vis-à-vis de l’eau
4.2.8 Quantification de la portlandite et du carbonate de calcium des éprouvettes
4.2.9 Diffractométrie des rayons X (DRX)
4.3 ESSAI D’ENCRASSEMENT BIOLOGIQUE
4.3.1 Dispositif expérimental de laboratoire
4.3.2 Dispositif expérimental in situ
4.3.3 Critère d’évaluation de l’encrassement biologique
CHAPITRE 5 CARACTERISATIONS DES MATERIAUX DE L’ETUDE
5.1 SUIVI DE LA CROISSANCE DES CULTURES D’ALGUES
5.1.1 Détermination de la concentration des algues par mesure de la densité optique à 760 nm
5.1.2 Détermination de la concentration des algues par mesure de la masse sèche
5.1.3 Comptage des cellules par la cellule de Malassez
5.1.4 Suivi de la composition du milieu de culture
5.1.5 Suivi du pH de la suspension d’algues
5.1.6 Intensité de fluorescence
5.1.7 Relation entre la densité optique et la masse sèche
5.2 CARACTERISATION DES MORTIERS
5.2.1 Caractérisation des matières premières
5.2.2 Mesure de la porosité
5.2.3 Mesure de la rugosité
5.2.4 Mesure du pH de surface
5.2.5 Comportement des mortiers vis-à-vis de l’eau
5.2.6 Composition des mortiers
5.2.7 Diffraction de rayon X (DRX)
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 2
INFLUENCE DES CARACTERISTIQUES INTRINSEQUES DU MORTIER SUR SON ENCRASSEMENT BIOLOGIQUE
CHAPITRE 6 RESULTATS EXPERIMENTAUX
6.1 ESSAIS ACCELERES EN LABORATOIRE
6.1.1 Remarques d’ordre général
6.1.2 Influence de la porosité
6.1.3 Influence de la rugosité
6.1.4 Influence de la carbonatation
6.2 ESSAI IN SITU
6.2.1 Influence de la porosité
6.2.2 Influence de la rugosité
6.2.3 Influence de la carbonatation
6.2.4 Différence entre l’essai accéléré en laboratoire et l’essai in situ
CHAPITRE 7 MODELISATION
7.1 MODELE DE KOLMOGOROV, JOHNSON, MEHL ET AVRAMI (KJMA)
7.2 APPLICATION DE LA LOI D’AVRAMI
7.2.1 Accrochage
7.2.2 Croissance des germes
7.2.3 Evolution de la surface colonisée dans les premiers instants
7.2.4 Evolution de la surface colonisée dans les stades ultérieurs
7.3 SIMULATION NUMERIQUE DE LA COLONISATION PAR LES ALGUES DES MORTIERS ETUDIES DANS LES ESSAIS ACCELERES
7.3.1 Matériaux carbonatés
7.3.2 Matériaux non carbonatés
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 3
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
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