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Paramètres du transport sédimentaire : qu’est-ce qui fait bouger le sédiment ?
Avec :
– Le transport par charriage (terme anglo-saxon : bedload), à proximité du fond. Les grains se déplacent alors par glissement, par roulement ou par saltation. Leur vitesse de déplacement est très inférieure à la vitesse du fluide. La couche de charriage est supposée avoir une épaisseur de la taille de quelques grains.
Lors d’un transport sélectif (les plus grosses particules ne sont pas en mouvement), la présence de grains immobiles freine le transport des particules en mouvement : ils représentent un obstacle physique à la progression et génèrent des recirculations locales à l’aval qui se traduisent par des figures de sillage caractéristiques (figure 1.6).
– Le transport en suspension, lorsque les particules ne sont plus en contact avec le fond. Pour ce mode de transport, la chute des grains est alors compensée par la diffusion verticale associée à la turbulence de l’écoulement. Il est considéré que les grains en suspension se déplacent à la vitesse du fluide.
Dans la nature, les deux modes de transport peuvent coexister en affectant des populations de particules différentes (figure 1.7). Lorsque la tension de frottement augmente, quelques grains commencent à bouger par charriage. Si elle ne cesse d’augmenter, ce mouvement s’étend ensuite à l’ensemble des sédiments de surface. La mobilité des particules de taille importante nécessite des pentes élevées ou des conditions hydrauliques extrêmes. Simultanément, l’épaisseur de la couche de saltation augmente jusqu’à ce que les grains soient transportés en suspension dans toute la colonne d’eau.
Nous nous sommes intéressés dans ce paragraphe uniquement au transport des particules provenant du lit sédimentaire. De plus, il existe souvent un transport en suspension de grains très fins en provenance du lessivage de zones situées en amont ou d’origines telles que les fleuves ou l’érosion littorale. Ils ne se déposent que très rarement dans le lit (terme anglo-saxon : washload). Leur fraction dans la couverture sédimentaire de surface est très faible.
Remarquons enfin que le transport de sédiment sur fond plat (en l’absence de figures sédimentaires) est, dans le cas de lits sableux, une situation exceptionnelle qui correspond soit à un transport très faible soit à un transport très fort (terme anglo-saxon : sheet flow). Ce dernier correspond à un transport intense dans une couche mince immédiatement au-dessus du fond. Le paragraphe 1.4. s’attachera à décrire les figures sédimentaires générées par le transport solide.
Vers une classification : définition de seuils
Néanmoins, il est courant dans les études de dynamique sédimentaire de définir des seuils pour traduire la mise en mouvement ou la prédominance d’un certain type de transport.
Le seuil de mise en mouvement
Cette difficulté est accentuée par le manque de consensus autour de la définition du début de mouvement. Buffigton et Montgomery (1997) montrent que les valeurs des contraintes seuils trouvées dans la littérature peuvent aller du simple au double. Ces mêmes auteurs présentent les différentes méthodes utilisées pour déterminer le seuil de mise en mouvement expérimentalement. La plus satisfaisante consiste à extrapoler des mesures de flux transportés à zéro (Shields, 1936 dans Van Rijn, 1993) ou à une valeur faible (Yalin, 1972 ; Parker et al., 1982). L’extrapolation à zéro induit une très grande dépendance de la valeur calculée à la technique de mesure de flux. On préférera définir la contrainte seuil comme une contrainte de référence permettant d’obtenir une valeur de débit solide transporté très faible mais bien déterminée.
Dans le cas d’un mélange dont la granulométrie est hétérogène, l’agencement des grains va influencer la contrainte seuil de mise en mouvement. Comme l’illustre la figure 1.8, le mouvement peut être gêné si le grain est masqué, ou favorisé s’il est exposé.
Les plus gros grains du mélange opposeront une surface plus importante à l’écoulement que s’ils étaient les seuls représentés dans le lit. Inversement, les plus petits grains seront abrités par la présence de particules plus grossières. Ce phénomène est connu sous le nom de « masquage–exposition ». Cet effet a donc tendance à contrebalancer la différence de mobilité qui existe entre des grains de taille différente : le transport des gros grains est favorisé alors que celui des grains plus petits est gêné. Ainsi, le transport est rendu moins sélectif. Les expressions quantitatives qui permettent de traduire ce phénomène sont développées aux paragraphes 1.6.3 et 5.4.4.
Selon Van Rijn (1993), la contrainte seuil de mise en mouvement n’est pas trop affectée par la forme lorsque l’on considère des particules de même diamètre nominal (diamètre de la sphère ayant le même volume que le grain). Seuls les grains dont le coefficient de forme SF est important (grains de forme aplatie) nécessitent une contrainte de frottement plus importante pour se mettre en mouvement car ils présentent une surface réduite à l’écoulement. Smith et Cheung (2004) concluent le contraire à partir d’expérimentations en canal sur des sables calcaires de facteur de forme SF = 0,55 : les grains de formes irrégulières ont une mise en mouvement facilitée dans un régime d’écoulement turbulent rugueux car les forces de pression (portance et traînée) dépendent de la surface du grain exposée au fluide. Paphitis et al. (2002) insistent sur la divergence des résultats en fonction de la définition du diamètre représentatif que l’on considère. Ils proposent d’utiliser le diamètre de chute car il intègre la forme, la masse et la densité des particules.
Grass (1970) introduit une approche stochastique pour définir l’initiation du mouvement. La mise en mouvement a lieu lorsque la fonction de probabilité de la contrainte de frottement et celle des forces stabilisatrices du sédiment se chevauchent (figure 1.9). Cette approche, qui a l’avantage de prendre en compte les fluctuations et les disparités des interactions entre fluide et particules, est plus proche du phénomène observé en nature qui n’est pas du « tout ou rien ».
De nombreux auteurs (Kleinhans et Van Rijn, 2002 ; Cheng et Law, 2003 ; Papanicolaou et al., 2004 ; Wu et Yang, 2004 ; Duan et Barkdoll, 2008) ont intégré cette notion de contrainte fluctuante dans leur méthode de prédiction de la mise en mouvement. Au frottement instantané est alors associée une fonction de densité de probabilité de distribution normale, gamma, log-normale ou gaussienne selon les auteurs. Cette méthode trouve tout son intérêt lorsque la contrainte de frottement du fluide est proche de la valeur critique de mise en mouvement des grains. Le transport prédit est alors plus réaliste en termes de volume et de granulométrie. Lorsque l’excès de contrainte (la différence entre la contrainte de frottement et la contrainte seuil) augmente, les résultats des formulations stochastiques convergent vers ceux des formulations déterministes (figure 1.9, cas d).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : L’ETUDE DES PROCESSUS
1. LA DYNAMIQUE DES SEDIMENTS NON COHESIFS
1.1. Caractérisation physique des particules naturelles
1.1.1. Densité des particules
1.1.2. Taille des particules
1.1.3. Forme des particules
1.1.4. Porosité d’un arrangement de particules
1.2. Paramètres du transport sédimentaire : qu’est-ce qui fait bouger le sédiment ?
1.3. Les différents modes de transport sédimentaire
1.3.1. Observations
1.3.2. Vers une classification : définition de seuils
1.3.2.1. Le seuil de mise en mouvement
1.3.2.2. La distinction des modes de transport
1.4. Les différentes figures sédimentaires
1.4.1. Description
1.4.2. Le cas particulier des rides
1.5. Contraintes exercées sur le sédiment
1.5.1. Les différents forçages et leurs interactions
1.5.1.1. Contraintes liées aux courants
1.5.1.2. Contraintes liées aux vagues
1.5.1.3. Contraintes combinées : vagues et courants
1.5.1.4. Contraintes sur un fond ridé
1.5.2. Estimation de la rugosité
1.6. Les formules de transport
1.6.1. Principe général
1.6.2. Particularités du transport solide en granulométrie étendue
1.6.3. Mise en équations du transport par charriage
1.6.4. La distribution des particules en suspension
1.7. Mécanisme de tri des particules dans le lit
1.8. Conclusion
2. EXPERIMENTATIONS EN CANAL
2.1. Introduction
2.2. Expérimentation à l’érodimètre
2.2.1. Matériels et méthodes
2.2.2. Résultats
2.2.2.1. Seuils de mise en mouvement
2.2.2.2. Flux de transport charriés
Echantillons monoclasses
Mélanges bimodaux
2.2.3. Discussion
2.2.3.1. Seuils de mise en mouvement
2.2.3.2. Flux de transport charriés
2.3. Conclusion
3. OBSERVATION ET QUANTIFICATION IN-SITU DE LA DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE MULTICLASSE
3.1. Introduction
3.2. Développement du système Dynamic Sediment Profile Imaging (DySPI)
3.3. Campagne en mer SEDHETE
3.3.1. Objectifs
3.3.2. Déroulement
3.3.3. Instrumentations et mesures
3.3.3.1. Reconnaissance des zones de mouillages potentielles
Sonar à balayage latéral
Prélèvement à la benne Shipeck
Vidéo tractée
3.3.3.2. Mouillage de la structure instrumentée
OBS (Obtical Backscattering Sensor)
Microgranulomètre laser CILAS/IFREMER
ADV (Acoustic Doppler Velocimeter) Fluorimètre
Profileur de courant ADP (Acoustic Dopppler Profiler)
3.3.3.3. Prélèvement d’eau et profil de MES
3.3.3.4. Prélèvements non perturbés de la couverture sédimentaire
3.4. Résultats de la campagne SEDHETE
3.4.1. Caractérisation physique des faciès sédimentaires
3.4.1.1. Station Job
3.4.1.2. Point FlaO
3.4.1.3. Point FlaS
3.4.1.4. Point Jer
3.4.1.5. Synthèse
3.4.2. Estimation des grandeurs hydrodynamiques
3.4.3. Estimation du charriage
3.4.3.1. Observation des processus
Point Job
Point FlaO
Point FlaS
Point Jer
Synthèse
3.4.3.2. Quantification
Analyses et hypothèses
Chaîne de traitement des images
Résultats
Synthèse
3.4.4. Caractérisation des flux en suspension
3.4.4.1. Charge particulaire
Point Job
Point FlaO et Jer
Point FlaS
Synthèse
3.4.4.2. Composition des matières en suspension
3.4.5. Apports des profils de radioéléments
3.4.5.1. Principe du traçage radioactif des particules : application au Cap de la Hague
Introduction
Choix des radioéléments à étudier
Le coefficient de partage
3.4.5.2. Principe de modélisation du traçage des particules fines dans la couverture sédimentaire
Schématisation du comportement des radioéléments du point de
rejet au piégeage dans la couverture sédimentaire
Mise en équations et paramétrisation
3.4.5.3. Validation du modèle numérique
3.4.5.4. Résultats et discussion
3.5. Synthèse des nouvelles données – intérêt pour la modélisation
PARTIE 2 : MODELISATION : APPLICATION A LA MANCHE
4. CARACTERISTIQUES HYDRO-SEDIMENTAIRES DE LA MANCHE
4.1. Les caractéristiques morphologiques
4.1.1. L’évolution morphologique
4.1.2. Les données bathymétriques actuelles
4.2. Les caractéristiques hydrodynamiques
4.2.1. Le forçage de la marée
4.2.2. Le forçage du vent
4.2.3. Le forçage de la houle
4.2.4. La circulation générale
4.2.5. La structure des masses d’eau
4.3. Les caractéristiques sédimentaires
4.3.1. La couverture sédimentaire superficielle
4.3.2. Les matières en suspension
4.4. Synthèse
5. STRATEGIE DE MODELISATION DU TRANSPORT SEDIMENTAIRE MULTICLASSE
5.1. Introduction
5.2. Le modèle hydrodynamique MARS 2DH
5.2.1. Equations
5.2.2. Conditions aux limites
5.2.3. Discrétisation – principe de résolution
5.3. Le modèle de vagues
5.4. Le modèle de transport sédimentaire
5.4.1. Principe général
5.4.2. La discrétisation du sédiment et la notion de couche active
5.4.3. L’équation de conservation de la masse sédimentaire
5.4.4. Estimation du débit solide charrié
5.4.4.1. Principes et choix des formules
5.4.4.2. Wu et al. (2000b)
5.4.4.3. Wilcock et Crowe (2003)
5.4.4.4. Ackers et White (1973)
5.4.4.5. Van Rijn (1984a)
5.4.4.6. Yalin (1963)
5.4.4.7. Modification du transport sous l’effet de la pente du fond
5.4.5. Estimation des échanges avec la colonne d’eau et évaluation de la concentration en PIM
5.4.5.1. Situation à l’équilibre
Estimation de la concentration à partir du débit solide en suspension
Estimation du débit solide en suspension à partir de la concentration
5.4.5.2. Situation hors équilibre
Limitation de l’érosion
Limitation du dépôt
5.4.5.3. Calcul de la vitesse de chute des particules
5.4.6. Détermination des échanges entre la couche active et la couche sous-jacente . . .
5.4.7. Gestion de l’épaisseur des couches
5.4.8. Résolution pas à pas
6. MODELISATION MULTICLASSE EN MANCHE : MISE EN PLACE, VALIDATION ET EXPLOITATION
6.1. Configuration du modèle
6.1.1. Emprises et maillages
6.1.2. Conditions aux limites
6.1.3. Initialisation du fond sédimentaire
6.2. Validation du modèle hydrodynamique
6.2.1. Élévation de la surface libre et hauteur d’eau
6.2.2. Courants
6.2.3. Contrainte de frottement de peau
6.2.4. Synthèse
6.3. Paramétrisation du modèle de transport sédimentaire
6.3.1. Apports des données de la campagne SEDHETE
6.3.1.1. Caractéristiques du charriage
Composition du mélange granulométrique
Seuil de mise en mouvement
Flux charrié
6.3.1.2. Matières en suspension inorganiques
6.3.2. Apport des expérimentations à l’érodimètre
6.3.2.1. Seuil de mise en mouvement
6.3.2.2. Flux charriés
6.3.3. Synthèse – choix d’un jeu de paramètres
6.4. Exploitation du modèle
6.4.1. Prédiction du transport à long terme par charriage
6.4.2. Distribution des matières en suspension inorganiques
6.4.3. Distribution des particules marquées au Cap de la Hague
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES
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