Caractéristiques géotechniques et physico-chimiques des sols
Origine des sols
Les sols naturels rencontrés en géotechnique sont des matériaux d’origine détritique dont les particules n’ont pas subi de diagénèse, ce qui les différencie des roches sédimentaires. Cependant, certains de ces sols ont pu subir une cimentation. La composition d’un sol naturel dépend de son histoire et son origine géologique. Les particules solides (ex. quartz, feldspath, minéraux argileux, carbonates) proviennent essentiellement de l’érosion de roches existantes. La nature, la taille et la forme des grains solides dépendent de la nature de la roche mère, du mode d’érosion et du type de transport des particules. Ces sols naturels peuvent, par exemple, être des argiles, des limons (ex. mélange de sable et d’argile) ou des sables (i.e. composés principalement de grains de quartz).
Un sol peut être décrit par de nombreux paramètres mesurables par des essais normalisés très utilisés en géotechnique. Ces paramètres sont bien souvent des critères permettant de classer les sols et de définir les conditions d’utilisation de ces sols dans le domaine des terrassements. Parmi des paramètres, beaucoup d’entre eux sont régis par la connaissance de la teneur en eau massique et de la masse volumique sèche du sol. Le pourcentage et le type d’argiles contenus dans un sol contrôlent en partie ses propriétés mécaniques. Cela pourrait s’expliquer par l’arrangement microstructural des particules argileuses dans le sol et par les interactions entre l’eau et ces particules.
Présentation des argiles
Un sol a été défini précédemment comme étant constitué de trois phases (solide, liquide et gazeuse). En fait, la phase solide des sols peut être divisée en deux fractions distinctes : les particules « inertes » (par exemple, le quartz et les carbonates) et les particules argileuses. Les particules « inertes » sont définies par leurs interactions négligeables avec l’eau par rapport aux minéraux argileux. Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux minéraux argileux qui présentent des structures minéralogiques et des compositions chimiques très variées, à l’origine de la diversité de leurs propriétés physico-chimiques.
Définition et structure des minéraux argileux
Les minéraux argileux sont des phyllosilicates. On les compare à des colloïdes car ils sont capables de fixer facilement de grandes quantités de phase liquide continue (Caillière et al., 1982). Ils proviennent le plus souvent de l’altération d’horizons préexistants et sont abondants dans les sols, les sédiments et les roches. Ils se présentent sous la forme d’empilement de feuillets élémentaires. Chaque feuillet élémentaire est constitué d’un arrangement d’une couche ionique élémentaire constituée d’un arrangement d’atomes d’oxygènes (O2-) et/ou d’hydroxyles (OH- ). La superposition de couches ioniques élémentaires conduit à l’individualisation des couches qui peuvent être soit tétraédriques, soit octaédriques. La couche tétraédrique (couches T de [Si4 O10 (OH)2] 6-) est formée par des associations de silice tétraédrique (SiO4), dans lesquelles un atome de silicium (Si4+) est entouré de quatre atomes d’oxygène (O2-). Chaque tétraèdre partage trois de leurs oxygènes avec les tétraèdres voisins. L’assemblage des tétraèdres constitue un réseau plan hexagonal qui forme la base de la couche (fig. 1.6). Le bilan des charges positives et négatives de la structure n’est pas neutre mais présente un excès de charges négatives. La couche tétraédrique a une épaisseur de 4,63Å.
Les couches octaédriques (couches O à base d’octaèdres de brucite Mg(OH)2 ou de gibbsite Al(OH)3) sont basées sur l’association d’octaèdres où l’ion central est hexacoordonné par rapport à des groupements hydroxyles (OH- ). Dans la plupart des cas, l’ion central est Al3+, mais d’autres ions comme Mg2+, Fe2+, Fe3+ se substituent aux ions Al3+. Les octaèdres sont reliés entre eux par des anions communs et forment une couche plane (fig. 1.6). Le bilan des charges donne un ensemble chargé positivement, si l’on prend l’exemple de l’ion central Al3+. La couche octaédrique a une épaisseur de 5,05Å.
Ces empilements de couches anioniques font apparaître deux types de cavité :
– des vides inter-couches dans les structures tétraédriques ou octaédriques ;
– des vides intra-couches de forme hexagonale et de plus grande dimension dans la couche d’oxygènes des structures tétraédriques.
Dans la réalité, cette configuration est généralement modifiée par des substitutions de cations Si4+ et Al3+ par des cations de nature différente. On les appelle « substitutions isomorphiques » (Grim, 1953 ; Millot, 1964; Tessier, 1984 ; Caillère et al., 1982). Des substitutions isomorphiques peuvent se produire au niveau des couches tétraédriques et octaédriques. Ainsi, certains atomes de silicium Si4+ des couches tétraédriques peuvent être remplacés par des atomes d’aluminium Al3+. De même, dans la couche octaédrique, les cations trivalents peuvent être partiellement substitués par des ions bivalents. Ces substitutions par des cations de plus faible charge positive conduisent à un déficit de charge dans les couches tétraédriques et octaédriques. Ces déficits de charges positives sont compensés localement par l’adsorption de cations (Ca2+, Mg2+, H+ , K+ , Na+ ) à la surface des particules argileuses provenant de l’équilibre électrochimique entre les particules et l’eau interstitielle. Ces cations adsorbés, assurant l’électroneutralité des particules argileuses, sont appelés « cations échangeables » (Tessier, 1984).
Les principales familles de minéraux argileux
La classification des minéraux argileux est basée sur leurs structures caractérisées par la superposition de feuillets de couches tétraédriques T et de couches octaédriques O communes à tous les minéraux argileux. Les feuillets peuvent être de type TO ou TOT. Parmi les minéraux argileux, on peut donc distinguer deux familles principales de minéraux argileux : les argiles 1/1 constituées d’empilements de feuillets TO et les argiles 2/1 constituées d’empilements de feuillets TOT .
Parmi les minéraux argileux le plus couramment rencontrés, on peut citer :
– la kaolinite, de type TO. Ce type de minéral présente peu de substitutions isomorphiques et un faible déficit de charge.
– l’illite, de type TOT, où le déficit de charge est compensé par des ions potassium K+. L’espace inter-foliaire de la kaolinite et de l’illite est inaccessible car les feuillets sont fortement liés. L’illite se différencie de la kaolinite par la structure des feuillets élémentaires et par la présence d’ions potassium entre les feuillets, logés dans les cavités hexagonales de la couche tétraédrique. Pourtant, les particules élémentaires de kaolinite et d’illite, appelées cristallites, sont assez semblables par leur morphologie. Elles résultent en effet de l’empilement régulier et fixe de feuillets, où l’espace entre feuillets est inaccessible à l’eau.
– le groupe des smectites, dont la montmorillonite est la plus commune, de type TOT. Contrairement à la kaolinite et à l’illite, l’espace inter-foliaire des smectites est accessible car les forces d’attractions entre les feuillets sont faibles. L’état d’hydratation variant en fonction de la taille et de la charge du cation présent dans l’espace inter-foliaire influence directement la taille de la structure du minéral (Tessier, 1984). Ceci entraine l’utilisation du terme argile « gonflante » pour qualifier les sols composés d’une quantité significative de smectites. Le terme de bentonite, souvent utilisé, désigne un matériau contenant une forte proportion de smectites. Remarquons aussi que la capacité d’échange cationique des minéraux argileux varie d’un ordre de grandeur entre la kaolinite et les smectites, ce qui s’explique essentiellement par la différence de déficit de charge du feuillet élémentaire (Tableau 1.III).
– la chlorite, de type TOT mais dont l’espace inter-foliaire est constitué par une couche octaédrique O supplémentaire.
Il existe d’autres familles d’argiles telles que la sépiolite, la palygorskite ou l’attapulgite (Grim, 1953) dont la structure et la présence dans les sols sont plus marginales.
Notion de surface spécifique des minéraux argileux
La surface spécifique des argiles est nettement supérieure à celle des autres constituants d’un sol et peut atteindre plusieurs centaines de mètres carré par gramme. Cela est dû à leur structure en feuillet. Si l’espace inter-foliaire est inaccessible, comme dans le cas de la kaolinite ou de l’illite, la surface spécifique diminue significativement puisque les surfaces des feuillets élémentaires ne contribuent plus à la surface totale accessible. De plus, plus la surface spécifique est élevée, plus la quantité d’eau pouvant être adsorbée par les particules est importante.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : PRÉSENTATION D’UN SOL COMPACTÉ EN GÉOTECHNIQUE
I. Introduction
II. Caractéristiques géotechniques et physico-chimiques des sols
II.1 Origine des sols
II.2 Définition volumique d’un sol
II.3 Définition des principaux paramètres physiques d’un sol
II.3.1 Densités du sol
II.3.2 Porosité – Indice des vides – Indice d’air eair
II.3.3 Teneur en eau – Degré de saturation
II.4 La granulométrie d’un sol
II.5 L’identification géotechnique des sols fins
II.5.1 Limites d’Atterberg
II.5.2 La limite de retrait
II.5.3 La surface spécifique
II.5.4 Valeur de bleu de méthylène (NF P 94-068)
II.5.5 La capacité d’échange cationique (NF X 31-130)
II.5.6 Les courbes de compactage des sols
II.6 La classification géotechnique des sols GTR
II.7 Conclusion
III. Présentation des argiles
III.1 Définition et structure des minéraux argileux
III.2 Les principales familles de minéraux argileux
III.3 Notion de surface spécifique des minéraux argileux
IV. Microstructure des sols fins
IV.1 Notions de particules élémentaires et d’agrégats
IV.2 Volumes de vide inter- et intra-agrégats
IV.3 Localisation de l’eau dans un sol argileux
IV.4 Conclusion
V. Conclusion du chapitre
CHAPITRE II : PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES ET DIÉLECTRIQUES D’UN SOL
I. Généralités
II. La résistivité électrique en courant continu
II.1 Facteurs influençant la résistivité électrique
II.1.1 Conductivité du fluide poral
II.1.1.1 Salinité du fluide interstitiel
II.1.1.2 Température
II.1.1.3 Etat hydrique
II.1.2 Etat de compactage
II.1.3 Nature minéralogique
II.1.4 Taille des grains
II.1.5 Anisotropie du sol
II.2 Modèles de résistivité
II.2.1 Lois empiriques et semi-empiriques
II.2.2 Modèles de mélanges
III. La permittivité diélectrique
III.1 Paramètres d’influence sur la permittivité
III.1.1 Etat hydrique du sol
III.1.2 Type d’eau
III.1.3 Compactage
III.1.4 Nature minéralogique
III.1.5 Granulométrie
III.1.6 Anisotropie
III.1.7 Salinité de l’eau porale
III.1.8 Fréquence de l’onde électromagnétique
III.1.9 Température
III.2 Modèles de permittivité
III.2.1 Relations empiriques
III.2.2 Relations phénoménologiques
III.2.2.1 Relations analytiques
III.2.2.2 Circuits électriques équivalents
III.2.3 Modèles de mélanges volumiques
III.2.3.1 Modèle de mélange de type « alpha »
III.2.3.2 Modèle de sphère composite
III.2.3.3 Modèles ou approche des milieux effectifs
IV. Conclusion du chapitre
CHAPITRE III : MÉTHODES ÉLECTROMAGNÉTIQUES UTILISÉES : PRINCIPES FONDAMENTAUX
I. Phénomènes électriques dans un sol
I.1 La conduction électrique
I.2 La polarisation diélectrique
I.3 Notion de permittivité et de conductivité
II. Rappels théoriques d’électromagnétisme
II.1 Equations (dites) de Maxwell
II.2 Relations constitutives
II.3 Conditions aux frontières entre milieux
II.4 Equation de propagation d’un champ électromagnétique
II.5 Atténuation des champs électromagnétiques et régimes de fonctionnement
II.6 Cas du courant continu : régime statique
III. Les méthodes électromagnétiques utilisées : observables et principes de mise en œuvre
III.1 Les méthodes électromagnétiques existantes
III.2 Méthodes électromagnétiques à basses et à très basses fréquences
III.2.1 Prospection électrique à courant continu
III.2.2 Méthode inductive à basse fréquence et source dipolaire proche
III.3 Méthodes électromagnétiques à hautes fréquences
III.3.1 Radar géologique
III.3.2 Réflectométrie dans le domaine temporel
IV. Conclusion du chapitre
CONCLUSION